Le Soleil brillait sur le pavé de la longue ruelle qu'était le Chemin de Traverse, mais le temps semblait rester aussi froid que si nul rayon ne réchauffait l'atmosphère. En ce mois d'août bien entamé, il y avait bien peu de personnes présentes sur le chemin de traverse. Encore moins de visage souriant. Le peu de sorciers qui s'affairaient dans la grande ruelle restaient groupés, trouvant dans le nombre une sécurité en réalité bien précaire. Le Mage Noir le plus redouté de l'époque était de retour, et l'ambiance qui régnait sur l'Angleterre magique s'en ressentait terriblement. Il n'y avait pas de rire, pas d'enfants courant dans les ruelles, et ceux qui tentaient d'échapper à la surveillance féroce de leur mère s'attiraient de sévères remontrances.
Une silhouette transplana devant Gringotts, puis une seconde, et les passants leur jetèrent un regard méfiant tout en s'écartant comme si les deux hommes étaient susceptibles de leur apporter la dragoncelle. Enfin, deux femmes apparurent à leur tour, la mine aussi contrariée l'une que l'autre. Liliana s'échappa sans douceur de l'étreinte de sa mère, et à l'instar de cette dernière, elle mit la main dans sa poche avant de refermer sa main sur sa baguette magique. C'était parfaitement inutile, la Serpentard le savait, mais elle n'avait guère envie de subir les foudres de Vanloock mère si elle dédaignait les ordres de sécurité que cette dernière lui avait donné. Comme si Vous-Savez-Qui allait venir la trouver ici... Non, elles n'avaient pas assez d'importance, et si par son statut de née moldu mariée à un sang-pur sa mère faisait directement outrage aux idéaux portés par le Seigneur des Ténèbres et ses partisans, les Mangemorts ne se chargeraient pas d'elle, mais cela, elle l'ignorait parfaitement. Liliana s'accrochait à cette conviction aussi fermement que ses doigts s'accrochaient au bouleau sculpté de sa baguette.

« Ne tardons pas. Pas besoin de nous accompagner à l'intérieur, Messieurs. Lança Jane Vanloock à l'adresse des deux hommes vêtus de bleu roi et d'une cape sombre qui s'étaient rangés derrière elles.
- Nous avons été engagé pour vous suivre où que vous alliez, Mrs Vanloock. Rétorqua l'un d'eux.
- Allons, il n'y a pas plus sûr que Gringotts !
- Les sous-sols de Gringotts, oui, mais pas le hall. »

Les deux resteraient catégoriques, et Liliana savait que tous les mots de sa mère n'y changeraient rien. La mère et la fille se jetèrent un regard terne, et toutes deux s'avancèrent avec la même attitude de jeunes femmes fières blessées dans leur orgueil, en direction des marches de la célèbre banque des Sorciers. Si Liliana devrait supporter la surveillance étroite de sa mère à chacun de ses pas ainsi que celle des deux gardes du corps employés par son père qu'il, contrarié de ne pouvoir les accompagner à cause de son travail et inquiet pour leur bien-être, avait jugé bon de leur flanquer, la journée s'annonçait bonne sur un point : aujourd'hui, elle allait enfin ouvrir un compte à son nom. Son job au Financial Times, journal moldu, lui avait rapporté assez pour se faire quelques économies, en plus d'échapper à la tension quotidienne qui régnait à Picadilly Shaftesbury Avenue, dans le loft familial. Bien sûr, ça n'avait pas été l'emploi rêvé par la jeune fille, qui avait en premier lieu placé ses ambitions vers La Gazette du Sorcier, mais par un habile marché, Jane l'avait redirigé vers une maison de presse moldue plutôt que sorcière, prétextant satisfaire ainsi son grand-père moldu mais aussi, Liliana s'en doutait bien, pour éviter de faire trop parler d'eux. Jane comme Vincent Vanloock n'avaient aucune envie d'entendre prononcer leur prénom et celui de leur fille alors que le danger rôdait.

*A cela, peut-être aurait-il fallut y penser avant d'aller à l'inverse de l'idéologie familiale...*

Mais qu'aurait-elle osé faire, elle, à la place de son père ? C'était dans les gènes des Vanloock après tout, de ne pas se laisser écraser par les attentes des autres, de se fier qu'à ses propres valeurs et ses propre jugement. Malgré tout, il y avait une frontière à ne pas dépasser, au risque de sombrer dans les sentiers dévastés de la Folie. Elle, qu'avait-elle déjà fait, par amour ?... Son regard se rembrunit et ses traits se contractèrent, mais ces idées furent bien vite chassées par d'autres soucis purement administratifs. Une demi-heure plus tard, les quatre personnages sortirent de Gringotts et ne s'élancèrent vers les boutiques d'ingrédients et de livres magiques dans le but d'achever leurs courses en préparation de la rentrée scolaire.

Enfin ! Liliana avait enfin put échapper à la vigilance de son étouffante escorte ! Cela avait été particulièrement ardu, et n'ayant pas lambiné sur les moyens à employer (elle avait bien fait, d'ailleurs, de commandé cette poudre du Pérou au nouveau magasin de Farces et Attrapes qui avait ouvert), la jeune fille allait se faire sérieusement remonter les bretelles quand elle allait être retrouvé par tout le petit monde, mais ça n'était qu'un détail. Après tout, avait-elle pour habitude de subir ce genre de pression ? Non. Les temps n'étaient pas à ce genre de comportement insouciant, elle en avait parfaitement conscience, mais elle savait mieux que n'importe qui qu'elle, elle ne risquait pas beaucoup plus qu'un héritier Malefoy, même si une telle comparaison n'était pas pour l'enchanter. Et ça n'était pas pour rien, non plus, qu'elle avait choisit de snober la confortable sécurité que l'on lu avait offert. Premièrement et déjà cité, parce que ça la gonflait, et secondement, parce que Jane Vanloock avait catégoriquement refusé de mettre les pieds dans d'autres boutiques que celles où elles avaient l'obligation d'aller, et Liliana comptait bien s'acheter un hibou, cette année. Or, l'autorité matriarcale n'avait rien voulut savoir. Apparemment, comprendre que sa fille avait besoin d'un moyen afin d'aller quérir de ses nouvelles était un exercice trop compliqué pour elle. Et puis, « elle avait déjà un chat » lui avait sèchement fait remarquer Mrs Vanloock, avant de lui reprocher qu'un oiseau les encombrerait doublement à la gare.
Leur conflit qui avait naquit il y avait déjà de cela un an, était déjà si profondément encré dans les mœurs pour que Jane manque à ce point de clairvoyance ? Imaginait-elle le fait que sa fille puisse s'inquiéter pour comme surréaliste ? Ce genre de questionnements commençaient depuis quelques semaines à chuchoter à ses oreilles, mais la jeune fille les repoussaient avec d'autant plus de violence qu'ils se faisaient insistants. Sa mère était simplement dénuée de toute forme de sensibilité, il n'y avait aucune autre explication.
La jeune fille entra enfin dans la boutique. Eeylops, autrefois, laissait nombre d'admirateurs sur son perron, dont la majorité étaient de jeunes sorciers s'apprêtant à choisir leur premier hibou. Aujourd'hui, le contraste était frappant : si la devanture était parfaitement vide, hormis les hiboux qui somnolaient dans leur cage ou sur leur perchoir, il n'y avait pas un chat non plus à l'intérieur... C'était même à se demander s'il y avait un vendeur, d'ailleurs. Mais ce dernier devait sûrement se trouver derrière son comptoir, lui même caché derrière les masses de cages vides entassées et les hiboux endormis.

« Ouh ouh ! C'est libre service ou quoi ? »

Bah... Autant l'appeler avant que l'autorité parentale ne débarque en l'incendiant...

Hou, hou ? Oui quoi ? Le jeu d'onomatopées n'était pas des plus recherchés, mais n'ayant pas fait attention aux pas derrière les siens, Liliana s'était crut plus ou moins seule – ou du moins, seule avec le vendeur – pour se permettre un clin d'œil plus ou moins minable. Et, quand on s'attendait à entendre d'une minute à une autre le galop enragé de sa mère accompagnée de ses gardes, on était plus axé sur son objectif plutôt que sur ses éventuels traits d'esprit. Toujours fut-il que contre toute attente, nulle réponse ne parvint aux oreilles de la jeune fille. Ou plutôt, si, mais ça ne fut pas celle attendue. Une voix fluette s'éleva derrière son dos, imitant à son tour un hululement pour s'adresser à elle. Liliana se retourna avec vigueur pour se retrouver nez à nez avec un petit gamin chargé comme une mule, qui lui adressait un regard espiègle. Un gamin tout seul. Liliana haussa un sourcil, mais n'eut guère le temps de s'inquiéter de la non-présence de ses parents que déjà le garçonnet avait rendossé son rôle de comique pour lui faire remarquer que son appel ne recevait aucune réponse. Liliana resta interdite alors que le petit partait gambader gaiement dans toute la boutique, plus surprise par le silence du vendeur que les délires d'un petit enfant qui ne se rendait apparemment pas compte du côté inhabituel de la réception (ou plutôt non-réception). Comment le propriétaire pouvait-il ne pas l'avoir entendu, aurait-il laissé sa boutique à l'abandon ? C'était bien surprenant de la part d'un commerçant, et bien plus encore par les temps qui couraient, où l'on ne pouvait avoir confiance en personne si ça n'était en soit même...

« Tu vas arrêter ce boucan oui ? »
L 'injonction claqua dans l'air avec le mordant d'une langue de cuir, alors que le vacarme assourdissant des cages secouées parvenaient à l'ouïe délicate de la jeune Vanloock. C'est ce moment que choisit une cage pour s'ouvrir, et un majestueux hibou brun s'échappa à toute allure de la prison de fer. Il y eut une envolée de plumes, un choc, et le hibou se retrouva sur l'épaule de la Serpentard. Elle n'aurait pas sut dire si le volatile avait bel et bien foncé dans la tête du gamin, où s'il l'avait seulement frôlé, mais son air goguenard affichait clairement l'image qui s'était gravée sur ses rétines.
« J'espère qu'il t'a crevé un œil, ça t'apprendra un peu à vivre. »
Lança-t-elle sans douceur à l'adresse du garçon, avant d'essayer de chasser la bête de son épaule, ce qui se révéla être peine perdue. Les serres aux griffes tranchantes de l'animal s'étaient agrippées dans le tissu de sa cape et semblaient peu disposées à s'en défaire et faire mine de pousser l'animal n'y changeait absolument rien, hormis de se voir adresser des simulacres de coups de bec. En plus, il ne faisait montre d'aucune sympathie... Super. Résignée, la jeune fille dédaigna le grand duc pour reporter toute son attention sur le fautif. S'il méritait une remontrance pour se comporter aussi mal vis-à-vis des créatures ailées, le ton sec qu'elle employa dissimulait parfaitement l'inquiétude de la Serpentard. Un enfant de tout au plus dix ans se promenant seul à cette époque était intolérable (les parents, franchement, tous les même incompétents !), mais ne voir aucun adulte ici l'était encore plus.
« Tu n'as pas de parents pour te promener tout seul sur le chemin de traverse ? Je serais ta mère, je ferais en sorte que le hibou t'arrache les... »
On ne sut pas ce que Liliana aurait souhaité lui arracher, car un bruit de cages s'entrechoquant résonna à l'autre bout de la boutique, arrêtant net la Vert et Argent dans son élan d'autorité. Instinctivement, elle avait sortit sa baguette de sa poche et la pointait en direction du fond de la boutique. L'air tendu de la jeune fille en disait long sur les probabilités qu'elle s'imaginait quant à l'origine du bruit, ainsi que la méfiance qui s'inscrivait dans l'inflexion de ses pas. La nervosité, depuis quelques semaines, s'était faite sa tendre compagne, et la Serpentard ne cherchait plus à la bannir, tant sa proximité lui était devenue coutumière.
A l'arrière de la caisse, un rideau semblait mener à l'arrière boutique, et après un coup d'œil imposant le silence au jeune garçon, la Serpentard ouvrit brusquement le bout de tissu qui obstruait l'entrée pour se retrouver face à un corps inanimé. Sa baguette tomba sur le sol dans un petit bruit sec. Le vendeur gisait sous les décombres de deux cages qui semblaient avoir basculé d'une étagère en bois à moitié rongé par les termites.
« Oh... Merlin ! »
Elle aurait presque put sentir son visage pâlir, si elle n'avait pas été totalement obnubilée par le corps d'homme à ses pieds. La bouche à demi ouverte, elle avait l'air d'avoir été stupéfixiée.
« Il est... Ih !! »
Un petit cri sortit d'entre ses lèvres sans qu'elle n'ait put avoir le temps de penser à le retenir, et la jeune fille se réanima pour faire un bond en arrière. Le supposé mort avait bougé !

« Rgrmbl... »
Un soupir de soulagement s'échappa d'entre les lèvres crispées de Liliana, et cette dernière finit par se détendre assez pour ramasser avec une vigueur toute humiliée sa baguette.
« Bravo, vous m'avez fait peur. Lança-t-elle, l'air pincé.
- Oui bein, en attendant un peu d'aide serait bienvenu, ces cages sont lourdes ! J'ai crut qu'on me volait, je me suis dépêché et maintenant je suis coincé ! »

Et bientôt, ça allait être de sa faute ! Lui avait-elle demandé de quitter son poste ? Non. Avait-elle demandé à l'autre nain de secouer les cages comme un sauvage ? Négatif. Mais une aubaine s'ouvrait cependant.
En un éclair, Liliana avait recouvré toute sa contenance, et souriait à présent d'un air malicieux au vieil homme qui fulminait, les bras et les jambes coincées par les barres de fers qui s'étaient emmêlées les unes aux autres. Lentement, elle se tourna vers le responsable du vacarme, une lueur brillant dans le regard. Un gamin était-il assez sensé pour la suivre dans son idée ? Elle l'espérait, s'il désirait payer moins cher un des oiseaux qui se trouvaient dans la boutique.

« Dites-moi, vous la faites à combien la bête qu'il y a sur mon épaule ? »