Heeeeeeee ! se mit à crier Lucy Ann en se relevant et en repoussant celui qui était penché sur elle.
Me touche pas! Espèce de sale, de sale… continua-t-elle à pérorer. Pendant qu’elle hésitait entre différentes variantes dans le champ sémantique de « sale pervers » ou de « sale goujat », elle décida qu’assener un vigoureux coup d’oreiller à l'individu serait bien plus expressif que n’importe quelle insulte. Une fois le coup d’oreiller partit, elle ne put en retenir un deuxième avant de se rendre compte d’un léger détail : elle était nue, et si la bas de son corps était toujours couvert par les draps, ce n’était plus le cas de la partie haute…

C’est pourquoi, malgré son envie dévorante de continuer sa déferlante, elle décida de ramener l'oreiller vers elle pour couvrir sa nudité.
Etreignant le coussin contre elle, les poings crispés, ses yeux fusillaient littéralement l’homme se trouvant à ses côtés, et si elle avait été capable de lancer un sort impardonnable rien que par le regard, elle l’aurait fait sans hésiter. Car la demoiselle bouillait littéralement de l’intérieur, elle était furieuse non seulement contre lui, mais aussi contre elle-même, et contre l’univers tout entier.


Retour quelques instants en arrière…
La lumière filtre doucement à travers les rideaux, Lucy Ann entrouvre un œil… Et sent que le bout de son pied touche quelque chose de bizarre, d’inhabituel… Son cerveau encore embrumé par le sommeil mit quelque temps à reconnaître de quoi il s’agissait… Une jambe… Une jambe poilue… Une jambe qui n’était pas donc pas la sienne. Un instant supplémentaire fut nécessaire pour faire le lien entre cette jambe et le reste du corps qui s’y trouvait logiquement rattaché. Il y avait quelqu’un d’autre avec elle dans le lit.

*M******

Elle se retrouva propulsée environ deux ans en arrière, à l’époque où, pour oublier le décès de son frère, elle passait le plus clair de son temps à jouer les piliers de bar, et où il n’était pas rare qu’elle se réveille le matin sans avoir aucune idée de ce qu’elle avait bien pu faire la veille au soir.
Durant cette période, il n’était non plus pas rare qu’elle ne se réveille pas seule dans son lit, voire même qu’elle se réveille dans un lit tout aussi inconnu que son propriétaire. A l’époque, elle ne se formalisait pas de ce genre de détail, et se contentait de ramasser ses affaires et de reprendre le cours de sa vie comme si de rien n’était/ balancer au plus vite l’intrus qui squattait son matelas sur le pallier sans même lui adresser la parole.
Et justement, c’était en partie pour éviter le pathétique de ce style de situations qu’elle avait un jour décidé de reprendre sa vie en main, d’arrêter d’abuser des spiritueux et de reprendre ses études.

Seulement voilà, ce matin, elle se retrouvait à nouveau à côté d’un homme sans avoir la moindre idée de ce qui avait bien pu se passer avant… Elle entrouvrit alors un peu plus son œil, et ne reconnaissant pas la pièce, le referma aussitôt.

*P**** de m*****, je suis même pas chez moi ! Mais qu’est-ce que j’ai bien pu foutre !*

Elle se concentra, essayant de retracer le cours de la journée de la veille : elle s’était levée, avait été en cours, puis avait été manger un morceau à la cafétéria… Et là rien, vide intersidéral, elle ne se souvenait plus de rien.
L’homme à ses côtés se mit à bouger, et dans une enfilade de mouvements plutôt prestes et brusques, il quitta le lit sans pour autant quitter la pièce.

*Génial, maintenant je ne peux même plus tourner la tête pour savoir à quoi il ressemble !*

Elle essaya encore une fois de retrouver les pièces manquantes entre la cafétéria et ce lit, mais en vain.

*C’est pas possible, ça doit être un mauvais rêve, rendort-toi Lucy…*

Elle ferma alors les yeux de toutes ses forces, en répétant cette phrase en boucle… Jusqu’à ce que l’individu remonte sur le lit et se penche sur elle.

Maintenant elle était là, telle une tigresse prête à déchiqueter celui qui avait fait ressortir ses vieux démons, car bien évidemment la faute ne pouvait venir que de lui.

Canaan ?
Elle réalisa alors qu’elle connaissait celui qui se tenait en face d’elle. Il ne pouvait pas s’agir d’un inconnu, non, cela aurait été trop beau, trop facile à effacer de sa vie et de sa mémoire, non, il fallait que ça tombe sur quelqu’un qu’elle connaissait, et plus précisément sur LUI…
Canaan Raven, oubliator de ministère, un espèce de trublion de seconde zone complètement à la masse et incapable de tenir un discours cohérent plus de 5 minutes...
De tous les hommes de la terre, il avait fallu que ça tombe sur le seul capable de se convaincre qu’il était la cible d’un complot international fomenté par les gobelins…

*Tu t’es encore fourrée dans de beaux draps, c’est le cas de le dire…*

Mais qu’est-ce que vous faites-là ? Ou non, encore mieux, dites-moi ce que je fais ici… Et puis non, ne me dites surtout pas ce que j’ai bien pu faire !
Comment ?.. Qui ?.. Que ?.. Quoi ?..

Les mots lui manquaient, perdue quelque part entre son désarroi, son étonnement et sa colère. Il avait intérêt à lui fournir des explications !

Elle agrippa le drap, et tout en se relevant du lit, elle se l’enroula autour d’elle afin de masquer ce qui devait l’être.
Et ne vous approchez plus de moi, c’est compris ? lança-t-elle en fixant à demi Canaan, à demi le sol.
*Mais où ont bien pu passer mes vêtements ?...*

Lucy Ann pâlit, son teint devint blanc, très blanc… Puis elle sentit un picotement partir de la base de sa nuque puis remonter vers ses joues – elle devint rouge, très rouge... Elle fut parcourue d’un frisson, puis se mis à mourir de chaud.

Sous le choc, elle se laissa choir sur le lit, tenant toujours le drap autour d’elle de sa main crispée. Il y avait brusquement un trop plein d’informations à analyser pour elle.

Alors comme ça, elle avait passé la nuit avec l’oubliator sous l’effet d’une prétendue potion de charme… Lui, naturellement, n’avait vu aucun inconvénient à cette situation, et avait même prévu de lui faire oublier toute la scène… Et le pire, il lui annonçait ça d’une façon tout à fait naturelle, sur le même ton que « j’ai acheté des pains au chocolat pour le petit déj’ ».
Il y avait décidément quelque chose qui ne tournait pas rond chez ce type.

Mais un impératif lui revint soudain en mémoire : elle était toujours nue, et il y avait visiblement peu de chances pour qu’elle revoie ses affaires de la veille un jour.
Son teint repassa du vermeille au nacre.

Je n’ai plus de vêtements vous dites ? Même pas de… Elle déglutit comme si prononcer ce mot allait lui arracher la gorge sous-vêtements ? Vous avez intérêt à me faire apparaître de quoi m’habiller tout de suite, sinon je retire le drap que j’ai autour de moi pour vous étrangler avec ! Et puis je vous crèverais les yeux avant, afin que vous ne puissiez pas profiter du spectacle avant de mourir !

Elle espérait sincèrement ne pas avoir pris sa baguette avec elle la veille, car dans ce cas il y avait peu de chance qu’elle la retrouve. Avec un peu de chance, elle dormait au chaud chez elle ! Ce n’était pas plus mal, si elle avait eu de quoi lancer un sort à cet instant précis, elle aurait eu de bonnes chances de finir à Azkaban.

Sérieusement dépitée, elle regardait fixement devant elle, des bribes de phrases horriblement gênantes lui revenant à l’esprit
« Vous décidez de vous jeter dans mes bras » *Quoi ? C’est MOI qui me suis jetée sur lui en plus ? Nan, pas possible, il doit mentir, c’est sur* « Votre comportement m'a fort embarrassé » *Ben tiens, il a du être très embarrassé cette nuit, le &#$£µ* « mais vous êtes très douce Lucy » *Mais quelle horreur ! Je crois que je vais vomir* « Je vous sais une étudiante touche tout » *Erk… Stop, on arrête là, ou je vais vraiment finir par être malade*.

Sa tête, comme alourdie par les évènements, se baissa, ses yeux scrutant ses pieds.
*Tiens, mon vernis s’est écaillé*
Soudainement, reprenant le dessus, elle releva la tête et se mit à fixer Canaan.

Comment croire ce qu’il disait ? Son histoire était tout de même un peu tirée par les cheveux… *Evitons d’utiliser ce verbe à l’avenir*.
Elle trouvait déjà assez dégradant de finir dans les bras de n’importe qui après avoir bu, mais elle savait que dans ces cas-là, elle conservait quand même son libre arbitre- aussi déformé par l’alcool soit-il, il était toujours là. Hors, il y avait fort peu de chance que même totalement saoule, elle décide de se jeter sur lui.
Pas à cause de son physique, loin de là, l’homme du ministère était fort bien de sa personne, mais pour tout ce qu’il y avait à l’intérieur : Oubliator du ministère, professeur à Poudlard, et de surcroît doté d’une mémoire de poisson rouge qui aurait pris des substances illicites doublé d’un sens logique lui étant tellement propre qu’on ne comprenait quasiment jamais rien à ce qu’il racontait…
Additionnez le tout, et vous obtenez quelqu’un plus susceptible de vous hérisser le poil que de… Bref, oublions la métaphore.

De deux choses l’une : soit il disait vrai, et l’avait empoisonnée avec une potion, soit il mentait, et il lui faudrait bien finir par avouer la vérité.
A dire vrai, Lucy Ann ne croyait guère aux philtres d’amours et autres mixtures de ce genre, et était persuadée que même la plus corsée des absinthes ne pouvait pas lui faire perdre la tête au point de sauter au cou d’un employé du ministère et de tout oublier par la suite…

Donc vous dites que tout ça est arrivé à cause d’une potion que vous m’auriez fait boire – par mégarde bien sur… Je vais vous dire comment je vois les choses : soit vous dites vrai, et je me contente de vous écharper pour ça, mais dans l’intimité de cette pièce, personne ne saura jamais quel genre de choses vous faites subir aux jeunes femmes, soit vous mentez, et dans ce cas je veux bien alerter tous vos supérieurs un à uns, dussé-je y passer des jours entiers !

Elle se releva, ajusta son drap, et alla se planter devant Canaan, après tout au diable les convenances vu la situation.

Déjà vous allez trouver de quoi m’habiller, et ensuite vous allez me donner de cette fameuse « potion » que vous dites avoir conservé et un grand verre d’eau- de l’eau, et rien d’autre dedans. Je vais diluer une infime quantité de ce breuvage et en prendre, l’effet devrait être assez fort que je le ressente et assez faible pour que je me contrôle… Et si par le plus grand des hasards vous vous avisiez de reprofiter de la situation, je vous jure que je vous rendrais la vie tellement insupportable que vous regretterez de ne pas pouvoir vous faire oublier jusqu’à votre existence !

Elle avait dit tout cela d’une traite, sans même reprendre son souffle, les yeux menaçants, une main tenant le drap tandis que l’autre pointait un index menaçant vers l’oubliator. Elle s’était même mise sur la pointe des pieds, histoire de paraître plus imposante, ce qui était difficile dans sa situation…

*Non mais je rêve* pensa la jeune sorcière en voyant l’individu disparaître dans un coffre.

Il en ressortit un paquet à la main, qu’il posa sur le lit sans lui donner. En désespoir de cause, et parce qu’au fond elle n’avait guère plus confiance dans le paquet que dans son propriétaire, elle noua solidement le drap autour d’elle, façon « toge romaine », tout en l’écoutant faire son petit discours.

*He beh, il ne se prend vraiment pas pour de la gnognotte, c’est le moins qu’on puisse dire !*

Elle attendit qu’il ait fini avant de prendre la parole, car elle en était sûre, il serait impossible d’en placer une s’il n’avait pas fini de s’exprimer, ce qui aurait été dommage, car l’oubliator n’était pas le seul à avoir des choses à dire.

Si je comprends bien fit-elle avec tout l’aplomb possible lorsqu’on se retrouve quasi-nue devant un homme avec lequel on a passé la nuit sans même s’en souvenir, vous rejetez la faute sur moi ? La potion n’aurait en fait été qu’un « catalyseur » de mes propres fantasmes ?

Lucy Ann sentait la moutarde lui monter au nez. Elle marqua une pause afin de se ressaisir et de ne pas perdre son sang froid, ce qui l’aurait immanquablement amenée à frapper l’homme du ministère, qui aurait à coup sur adoré ça…

*Le chanteur des Bizar Sisters oui… Johnny Depp oui… Mais Canaan Raven… NON !*

En fait vous avez raison Canaan, je rêve de vous tous les soirs, vous hantez toutes mes nuits, je rêve sans cesse de votre corps d’Adonis nu et attaché à mon lit avec des menottes en fourrure rose !
Elle éclata de rire, à la fois à cause de la vision enchanteresse de l’oubliator menotté que par excès de crise de nerf.

Non mais soyons sérieux… Arrêtez de vous faire passer pour un être aussi pur que l’agneau qui vient de naître ! D’accord, vos collègues du ministère n’ont certainement pas que ça à faire d’entendre des inepties pareilles *Et je n’ai surtout pas envie que cette histoire s’ébruite, manquerais plus que ça*, mais je peux vous assurer que vous allez payer très cher ce petit tour de passe passe !

Elle tendit la main pour attraper la prétendue tasse de thé

Nous allons bien voir maintenant qui a raison. Je vais prendre un peu de votre satanée mixture, et nous verrons bien ce qu’il se produit : si la potion agit comme vous le dites et qu’elle révèle mes penchants les plus inavouables, il ne se passera rien, ça je peux vous l’assurer, surtout vu l’état d’énervement dans lequel je me trouve… Mais si je me transforme soudain en abominable groupie en chaleur, je considérerais ça comme de la manipulation pure et simple et je vous arracherais les yeux… Et si jamais vous avez l’audace de profiter de la situation, je vous crèverais les yeux ET je ferais en sorte que vous puissiez chanter chez les sopranos jusqu’à la fin de vos jours… Vu ?

Elle but une gorgée du liquide ambré, et fit la grimace. Le breuvage avait un goût de… De… Un goût très prononcé, très floral… On aurait dit le sent-bon que son père mettait pour parfumer sa voiture. Rose, jasmin, dahlia peut-être…

La tasse posée sur la table de chevet, elle attendit un court instant *Rien… Non, ce n’est pas possible, il ne peut pas avoir raison !!! Mais en même temps, un jeune homme aussi charmant ne pourrait pas mentir de la sorte… Hein ? Quoi ? Qu’est ce que tu racontes ? Tu délires*

De petites étoiles se mirent à clignoter devant ses yeux, elle se laissa tomber sur le bord du lit en se frottant les tempes.

Bon… Ces vêtements c’est pour aujourd’hui ou demain ? *Comme ça vous pourriez m’aider à enlever ce drap affreusement peu seyant* *Roooh, la ferme Donovan !*