Ce soir, c'était le grand soir.
Ce soir, la rébellion se mettait en marche.
Ce soir, ils allaient frapper fort. Faire un exemple. Et d'une pierre deux coups par ailleurs.

Demain, Poudlard se réveillerait différent. Tous sauraient alors que certains oseraient élever la voix. Que certains ne plieraient pas au règne despotique du Crapaud. Et tant qu'à faire, si en plus on pouvait égratigner ses petits toutous au passage, ce ne serait qu'un agréable bonus.

En l'occurrence, les comploteurs étaient fiers de leur idée. Un coup d'éclat à n'en pas douter. Poudlard allait apprendre l'existence des Brigades Rousses. BR, avaient-il décidé d'un commun accord. C'était plus court, mais surtout, cela éviterait aux fauteurs de trouble d'être démasqués trop facilement, et de subir le courroux de la Harpie suprême. Car si ce qu'ils étaient en train de créer n'enfreignait pour l'instant que partiellement le règlement, il y avait fort à parier que presque tous les articles, décrets et arrêtés placardés avec une joie non dissimulée par Rusard allaient être piétinés, violés et foulés aux pieds. Et ceci avec un enthousiasme certain. Mais une discrétion évidente. Car une telle hérésie leur vaudrait à coup sûr un renvoi pur et simple de l'école. Peut-être la dondon rose serait-elle même assez furieuse pour demander à Fudge de faire une dérogation pour qu'ils puissent faire un petit séjour à Azkaban.

*Mouais, non, quand même pas*

L'excitation avait envahi la petite rouquine. Transgresser les interdits. S'élever contre l'oppresseur. Prendre des risques. Tous ses sens étaient en ébullition. Il ne fallait pas se faire prendre. Esquiver la BI. Duper Rusard, et contourner Miss Teigne. Pour sûr, ce n'était pas une mince affaire. Mais le jeu en valait la chandelle.

L'heure approchait. Il était temps d'arrêter de gamberger et de passer à l'action.
Page se glissa silencieusement hors de son lit. Le plan était simple. Tous deux devaient partir à des heures différentes de leurs dortoirs respectifs. Ils devaient emprunter deux itinéraires différents pour ne pas être vus ensemble et s'étaient donné un point de rendez-vous, assorti bien entendu d'une heure.
Page s'habilla rapidement. Elle avait pris la précaution de préparer ses habits de "moldue" pour ne pas qu'on puisse identifier sa maison trop facilement. Elle enroula une grande écharpe sombre autour de ses épaules, la remontant jusqu'à son nez, de sorte à ce que seuls ses yeux n'en dépassent. Elle avait l'impression de se déguiser en vengeur masqué, et quelque part, c'était un peu le cas.
En silence, elle tâtonna sur sa table de nuit. D'une main habile, elle souleva la cage de sa souris blanche et sortit d'en dessous un parchemin, qu'elle s'empressa de rouler autour de son tibia et de recouvrir par sa chaussette, remontée jusqu'au genou. A mission risquée, précautions rigoureuses. Il était vital de ne pas mettre l'objet du délit en évidence en cas d'interception par l'ennemi.

Surtout que Page s'était donné du mal pour qu'on ne puisse pas les identifier. Elle et son complice avaient rédigé ensemble le texte qu'ils voulaient inscrire. Ils avaient même fait faire une photo de leur modèle par Colin Crivey pour l'envoyer avec leur prose à... la soeur de Page. Par hibou, direct, express et sans escale. Page avait négocié l'aide de sa soeur. Cela lui avait coûté cher pour le partage des tartines de nutella dès son retour à la maison, mais cela serait certainement très utile. C'était donc Helen qui avait rédigé le texte sur le beau papier fourni comme modèle, afin que personne ne puisse identifier l'écriture comme appartenant à un élève de Poudlard. Le parchemin était arrivé ce matin au courrier, et voilà qu'ils pouvaient enfin mettre leur plan à exécution.

Elle glissa sans un bruit devant le portrait de la grosse dame et fila, tel un fantôme, dans les couloirs vides du château. Comme convenu, elle atteignit le premier étage par un trajet détourné, et se faufila dans l'une des alcôves accueillant de sévères statues de pierre. Son complice ne devrait plus tarder...

Ce fut avec un certain soulagement que la fillette vit arriver la silhouette de son comparse. Non pas qu'elle eût douté une seule seconde de sa venue, mais sa présence à ses côtés la galvanisait. C'était plus facile lorsqu'on se sentait épaulé.

Au signe de son complice, elle jeta un œil dans le couloir pour vérifier que pas âme n'y traîne, vivante ou pas d'ailleurs. Rassurée, elle posa un genou au sol, abaissa promptement sa chaussette et déroula le parchemin qu'elle plaqua sans perdre une seconde sur le mur. Sous son écharpe, un sourire insolent était en train de naitre.

Avec des gestes précis et rapides, le second conspirateur fixa le parchemin avec les bandes d'adhésif magique.

*Quelle merveille tout de même ce truc !*

La fillette gardait tous ses sens en éveil pendant qu'elle maintenait la feuille au mur. Ils n'avaient pas le droit de se faire prendre !

En quelques instants, l'affaire fut conclue, et échangeant un signe de tête, les comploteurs reculèrent silencieusement pour admirer leur forfait. Au beau milieu de tous les décrets d'éducation et autres arrêtés insupportables trônait maintenant une nouvelle affichette :



N'aurait été ce scotch, le parchemin aurait sincèrement été vraiment convaincant. Ils pouvaient être fiers de leur travail de falsification !

Toujours en silence, les deux ombres se séparèrent. Page adressa un clin d'œil magistral à son acolyte. Ils l'avaient fait !

La fillette imaginait déjà la débâcle que cela allait provoquer dès demain. Les hypothèses irraient sûrement bon train sur l'identité de ces mystérieux "BR". Certainement beaucoup chercheraient-ils à percer la signification de ces deux lettres. Les temps qui allaient venir seraient follement amusant, mais ils ne devraient pas faire d'erreur.