La semaine au Ministère s'était achevée, au grand soulagement de James. Ce travail de larbin lui déplaisait fortement, et ce dégoût ne s'atténuait pas avec le temps. Le seul avantage de ce boulot était de pouvoir laisser traîner ses oreilles... une bénédiction pour un garçon curieux comme James, a fortiori pour un apprenti Mangemort qui espérait toujours entendre quelque chose d'utile au Seigneur des Ténèbres... Il prenait donc son mal en patience en songeant qu'il pourrait peut-être se rendre utile à son Maître, que ce soit en s'informant ou en gagnant les bonnes grâces des responsables du Ministère. Et il y parvenait à merveille ; poli, discret, James avait en outre l'immense avantage d'être le fils d'un homme apprécié dans la communauté magique, et cela lui attirait les sympathies.
Cela ne rendait pas le travail moins pénible, au contraire. Quand un responsable du Ministère s'adressait à lui avec condescendance, l'appelant "mon garçon" ou même "mon brave" (l'un de ces imbéciles avait même pris l'habitude de l'appeler "mon petit"), le jeune Kirkby bouillait de rage, et il se sentait prêt à tuer. Patience, encore un peu de patience... et dès que le Seigneur des Ténèbres l'ordonnerait, le petit coursier si serviable n'hésiterait pas à tuer pour de bon, et pour de plus nobles raisons que sa seule exaspération.
Cette semaine-là avait été plus longue que les autres ; James avait dû travailler le samedi matin, comme si cinq jours n'étaient pas suffisants. Peu après midi, il avait quitté le Ministère, après avoir rageusement accroché son uniforme dans le réduit réservé aux coursiers, et avait pensé qu'il serait agréable de passer l'après-midi à Pré-au-Lard.
Sentimental ? peut-être... Il avait envie de retrouver l'ambiance du village les samedis après-midis, lorsque les élèves de Poudlard déferlaient dans les ruelles...
Le jeune homme transplana donc, non en direction de Wolf's Den, mais en direction de Pré-au-Lard. Des éclats de rire et des conversations joyeuses lui indiquèrent que le village était bel et bien plein d'élèves, comme il l'avait espéré. Il n'avait jamais connu Pré-au-Lard autrement, et voir le village vide lui aurait semblé étrange...
James serra sa cape autour de ses épaules, et se mit en marche sans savoir vers où. Il n'avait pas vraiment d'idée, ne voulait rien voir en particulier, si ce n'est retrouver l'ambiance de ces samedis après-midis.
Ses pas le menèrent jusqu'à une petite rue sombre, dont il se souvenait pour y avoir livré un duel particulièrement violent lors de sa sixième année. Il s'arrêta à l'entrée de la ruelle, un sourire aux lèvres, et s'aperçut qu'une jeune fille se trouvait là, appuyée au mur d'une maison. Elle semblait reprendre son souffle... James la regarda avec curiosité. Qu'avait-elle fait pour être essoufflée ainsi ? Plus par curiosité que par gentillesse, le jeune homme demanda :

-Ça va ?

Elle était complètement en train de perdre la tête... Il n'y avait absolument aucun autre explication à son comportement... Et puis, pour commencer, qu'est-ce qui lui avait prit ? Cela faisait à peine quelques jours, deux semaines tout au plus, que William et elle se reparlaient depuis "l'incident". Ils reconstruisaient peu à peu une nouvelle amitié, quelque peu bancale, sur les ruines de l'ancienne, et Lynn faisait beaucoup d'efforts. Bizarrement, d'eux deux, William semblait être celui qui avait été le plus blessé et savoir cela lui brisait le coeur. Elle tentait dont de se racheter du mieux qu'elle pouvait. Se rememorant les bons moments qu'ils avaient passés à Pré-au-lard elle avait esperé le trouver lors de la vérification habituelle des autorisations de sorties et lui proposer une petite visite chez Honeydukes. Malheureusement, elle avait du le rater... Alors qu'elle prenait le chemin de Pré-au-Lard, esseulée, elle apperçue une tête rousse qui disparue bientôt de l'autre côté de la colline.
Sans vraiment réfléchir, Lynn se mit à courir pour le rattraper, mais il avait déjà une bonne avance et il disparu dans le village avant même qu'elle soit à portée de voix. Elle parcourut le reste du chemin en courant mais arrivée au coeur de Pré-au-Lard, elle fut forcée de constater qu'aucun rouquin ne se balladait dans les rues. Et elle comprit que non, il n'était pas déjà rentré dans un magasin, mais que oui elle perdait la tête et l'avait simplement imaginé...

Haletante la jeune fille alla s'adosser contre le mur de l'allée la plus proche. Une petite rue sombre, une voie sans issue et sans interêt mais qui ferait l'affaire le temps qu'elle reprenne son souffle, se maudissant intérieurement. Pourquoi diable avait-elle du tout gâcher avec lui...? Elle essayait de ne plus y penser mais parfois, comme aujourd'hui, lorsque son absence se faisait cruellement sentir, elle ne pouvait s'empêcher de se traiter de sombre idiote...
Par chance, si l'on peut dire, elle avait d'autres sujets de préoccupations, au combien plus grave... comme Torin...

Une voix la fit soudain sursauter et elle releva la tête pour aperçevoir un jeune homme aux cheveux noir dont le visage ne lui semblait pas complètement inconnu.
- Vous m'avez fait peur...

Pourquoi avait-elle l'impression désagréable de le connaître...? Elle aurait voulu lui poser la question, lui demander son nom, mais de peur de ne pas apprécier la réponse, elle s'abstint.

- Oui... oui, ça va... répondit-elle, d'une voix méfiante. Je reprenais juste mon souffle...

Mais alors que sa respiration semblait retrouver un rythme normal, son coeur lui recommença à battre plus vite.

- Mes amis m'attendent... dit-elle soudain.

C'était un mensonge, mais il n'avait pas besoin de le savoir. Cela lui servirait simplement d'excuse pour s'en aller...

Le sourire de James se fit plus dur, légèrement plus inquiétant aussi lorsque la jeune fille lui dit qu'il lui avait fait peur. C'est qu'il ne demandait que ça, lui... faire peur... surtout à d'inoffensives jeunes filles... Et dans cette ruelle sombre, personne ne viendrait les déranger. Le jeune homme avait bien l'intention de poursuivre la conversation- si l'on peut appeler ça comme ça- et la mener à sa guise. La brune avait intérêt à répondre correctement, si elle ne voulait pas faire les frais de la mauvaise humeur du coursier. Elle affirma que ses amis l'attendaient, sur un ton peu convaincant. De toute évidence, elle pensait que James comprendrait que par cette phrase, elle lui demandait de s'écarter, pour qu'elle puisse passer... Il avait bien reçu le message, mais ne bougea pas d'un pouce. Il se tenait au beau milieu de la petite allée, comme lors de ce fameux duel, à une différence près. Le jour du duel, il était dos au mur, comme la jeune fille à présent ; et seule la victoire lui avait permis de quitter les lieux. Aujourd'hui, c'était lui qui tenait l'issue... un avantage considérable.
Lentement, sans rien dire, James s'avança vers la jeune fille. Son visage lui disait quelque chose, mais il ne savait pas encore où il l'avait vue. Il ne tarderait pas à s'en souvenir, sa mémoire était assez bonne pour cela. En attendant, il fallait retenir la jeune fille, et pour cela, il savait comment s'y prendre. Esquissant un vrai sourire, un sourire charmeur qui n'avait plus rien d'inquiétant, il murmura avec douceur :

-Au diable vos amis... Vous n'allez pas me priver de votre présence ? j'ai à peine eu le temps d'en profiter... Vos amis vous attendront quelques minutes de plus...

Un discours qui respirait la sincérité... à l'entendre, on aurait vraiment cru qu'il était tombé sous le charme de cette jeune fille- qui n'était d'ailleurs pas mal du tout, il fallait l'avouer. Ces cheveux bruns, ces yeux acier, ces traits fins étaient vaguement familiers au jeune homme ; mais il voyait tant de monde qu'il lui fallait souvent un peu de temps pour resituer correctement les gens.
Le jeune coursier fixa un regard insistant sur la demoiselle. Un regard qui signifiait "si vous partez, vous me briserez le coeur". Si elle ne comprenait pas...

Le jeune homme s'approcha d'elle, un sourire charmant sur les lèvres. Bizarrement, elle ne se sentit pas plus en sécurité pour autant. Il n'avait pourtant pas vraiment l'air menaçant. Ses vêtements sombres et les cheveux foncés qui lui cachait légèrement les yeux lui donnait un air inquiétant mais les traits de son visage étaient doux et rassurant.

Malgré tout, Lynn n'était pas à l'aise. Peut-être était-ce dû à son regard qui, malgré la chaleur de son sourire, brillait par sa froideur.
Elle avait l'impression que sa gentillesse était feinte, que son ton était forcé...

Quand il lui demanda finalement de ne pas partir, avec cette voix qui semblait si sincère, Lynn eut un mouvement de recul qui fut tout à fait inutile puisqu'elle était déjà dos au mur. Par chance, il n'était pas encore trop près d'elle, mais quelque chose lui disait qu'il finirait par combler l'espace vide entre eux.

Elle ne pouvait pas partir... qui qu'il soit, pour l'instant, il voulait juste discuter... si elle désobéissait à cet ordre camouflé, il risquait de s'enerver...

- D'accord... dit-elle prudemment. Juste quelques minutes...

Elle se força à sourire et passa machinalement une mèche de ses longs cheveux derrière son oreille, signe qu'elle était nerveuse.

Elle dévisagea son interlocuteur. Son visage lui était familier mais ce souvenir semblait trop lointain pour qu'il corresponde à un élève de Poudlard. Il devait être un peu plus âgé... Elle se trouvait étrangement minuscule et vulnérable face à lui, comme s'il pouvait lire en elle. Comme s'il savait.

- On se connaît ? Demanda-t-elle finalement.

Mieux valait être fixée...

Toujours souriant, James s'approchait, avec la lenteur calculée d'un félin... Cette attitude pouvait passer pour de la douceur, voire pour les gestes précautionneux d'un homme amoureux... En réalité, il s'agissait de l'approche attentive d'un prédateur dont les yeux scrutaient intensément sa proie. Et en se rapprochant davantage, il la reconnut... La fille Bower. Il l'avait vue, plusieurs années auparavant ; mais elle ressemblait tellement à son père, et à son frère aîné qui travaillait au Ministère... Il la regarda avec soin, et tout ce qu'il voyait confirmait cette identité. La forme de la bouche, les yeux, le nez, tout cela était signé Bower. James était parfois allé chez le père de la jeune fille, en compagnie de son propre père ; il n'y avait pas souvent vu la fille, et pour cause. Devin Bower était fier de ses fils, mais sa fille, en revanche, était cachée aux yeux des étrangers. La seule fois où il l'avait vue, elle devait avoir sept ou huit ans ; le jeune Kirkby avait accompagné son père, qui avait des choses importantes à discuter avec Devin Bower. James se tenait immobile sur son siège, muet, tandis que les deux hommes, à quelques pas de là, conversaient à voix basse ; et soudain, une fillette avait surgi en courant dans la pièce, effrayée Dieu sait par quoi, troublant l'ambiance feutrée de la rencontre. Sans perdre son calme, Devin Bower avait alors sorti sa baguette et lancé un sortilège Doloris à l'enfant. Quelques hurlements, puis d'un nouveau coup de baguette magique, la petite avait été catapultée hors de la pièce... James n'avait pas bougé, pas prononcé une parole, de crainte de s'attirer la colère de son père. Thomas Kirkby, lui, avait passé une main dans les cheveux de son fils, et l'adolescent avait compris le message ; les méthodes d'éducation de Devin Bower étaient dignes d'être admirées, et imitées, surtout avec une fille. Le dernier des Kirkby n'avait que treize ou quatorze ans, mais il était déjà fermement persuadé que le sexe faible ne méritait pas mieux, et il répondit d'un signe de tête au message muet de son père. Devin Bower, apparemment flatté de cette approbation, avait murmuré à Thomas Kirkby quelque chose qui les avait fait bien rire...
A dix-neuf ans, James était encore plus convaincu que Devin avait eu raison ; et le souvenir de la fillette folle de douleur fit étinceler son regard d'une étrange lueur, tandis qu'il répondait dans un souffle :

-Mais oui, on se connaît... Comment va monsieur votre père, Miss Bower ?

Un détail lui revint, comme pour le conforter dans l'idée que Devin avait eu raison de maltraiter sa fille... Elle avait été envoyée à Gryffondor ; elle et l'un de ses frères avaient brisé toutes les traditions de leur lignage, et Devin devait fort mal prendre la chose. Taquiner un peu sa fille ne l'offenserait probablement pas...

Lynn sentit son sang se glacer alors que son ventre se tordait douloureusement. Il connaissait son père... Il connaissait son père !
Elle le dévisagea, terrorisée.

-Je... je ne me souviens pas de vous....

Pourquoi ne pouvait-elle pas se souvenir de lui ? S'il la connaissait et surtout qu'il connaissait le chef de famille Bower, il était probablement un fils de Mangemort ou un 'ami' de son frère aîné...

Elle secoua la tête lorsqu'il demanda des nouvelles de son père, essayant de garder son calme:

- Je n'en sais rien, vous n'aurez qu'à lui poser la question....

Il s'était encore rapproché et Lynn se tassa contre le mur:

- Qui êtes-vous...?

Elle n'aimait pas ça... elle n'aimait pas ce regard, elle n'aimait pas être là coincée entre cet homme et ce mur dans cette ruelle déserte.
Elle avait simplement voulu voir William... pourquoi ne pouvait-elle pas passer une journée tranquille à pré-au-lard comme la majorité des élèves de Poudlard.

Il était près, bien trop près d'elle... elle pouvait presque sentir son souffle et elle ferma les yeux:

- S'il vous plaît... reculez... demanda-t-elle d'une petite voix.

Comme il fallait s'y attendre, l'allusion à Devin Bower eut un effet immédiat sur la jeune fille dont la mâchoire se crispa, et dont le visage reflétait maintenant une véritable terreur. On était loin de la simple méfiance du début, lorsqu'elle avait pris James pour un rôdeur... A présent qu'elle savait qu'il connaissait son père, son aversion pour le jeune homme avait dû décupler. Il était bien connu que la jeune Bower avait quitté le domicile familial- ou plutôt qu'elle avait omis de le regagner- et chacun s'accordait à dire que Devin était bien bon de laisser une telle misérable en vie. Ce n'était peut-être qu'une question de temps, après tout... il aurait été bien dans les manières de Devin Bower de laisser sa fille se croire tirée d'affaire, pour mieux la châtier ensuite... Quoi qu'il en soit, après ce qu'il avait vu au manoir Bower, James était persuadé que les choses n'en resteraient pas là. On n'élève pas une enfant à coups de Doloris pour la laisser filer sans réagir.
Rencontrer un rôdeur, fût-il aviné, fût-il agressif, aurait peut-être été préférable pour Lynn... car James était parfaitement lucide, mais également bien décidé à tourmenter la jeune fille autant que possible.
Elle ne le reconnaissait pas, disait-elle... Bien sûr, puisqu'elle avait dû le voir trente secondes en tout, plusieurs années auparavant. Mais l'heure n'était pas aux mondanités, aussi James feignit-il de ne pas avoir entendu cette invitation implicite à décliner son identité... De toute façon, c'était lui qui menait les choses comme il l'entendait, quoi qu'elle dise. Sortant lentement sa baguette de sa poche, il murmura, sur un ton lourd de menaces :

-Comment ? Miss Bower... Vous ne savez pas comment va votre père... Je savais que vous étiez une fille indigne, mais je n'aurais pas cru que ce soit au point de ne pas prendre de ses nouvelles.

Elle lui demandait de reculer, mais le jeune Kirkby n'en fit rien. Son visage désormais tout près de celui de la petite Gryffondor, il poursuivit :

-Vous n'avez aucune moralité, Miss Bower. Vous manquez de respect à votre père, vous déshonorez votre famille... Estimez-vous heureuse d'être toujours vivante, vous ne le devez qu'à la bonté de votre père.

Un instant, il eut envie de lui lancer un Doloris, pour revoir ce visage fin ravagé par la douleur. Mais le moment n'était pas encore venu... Pas de précipitation, surtout. Trop de hâte gâche toujours tout, surtout ce genre de petites séances de sadisme gratuit.

L'étranger continuait à s'approcher dangereusement et Lynn avait de plus en plus de mal à ne pas paniquer. Il connaissait son père.. mais aussi son histoire puisqu'il la traitait de fille indigne et de honte de la famille... Il n'y avait que les partisans de Seigneur des Ténèbres pour penser une telle chose...

Elle sourire amer se dessina sur ses lèvres alors qu'il disait qu'elle ne devait avoir la vie sauve qu'à la bonté de son père:

- Je crois que nous ne parlons pas de la même personne... Mon père n'est ni bon, ni respectable et encore moins moral ! Et vous ne devez pas valoir beaucoup mieux pour menacer une élève sans défense...

Elle le regardait dans les yeux, ne voulant pas lui donner la satisfaction de détourner le regard mais elle aperçue néanmoins du coin de l'oeil qu'il sortait sa baguette...

- Laissez-moi partir !

Elle fit un mouvement pour le bousculer mais d'un simple coup d'épaule il la poussa à nouveau contre le mur.

- Reculez... dit-elle en secouant légèrement la tête. Reculez ou je hurle...

Il n'était pas assez bête pour lui faire du mal ici... cette ruelle était pour l'instant déserte, mais le moindre cri ferait accourir des dizaines de curieux... il ne pouvait pas.... c'était bien trop risqué pour lui...

Elle esperait que la menace suffirait à le convaincre de ne pas lever la main sur elle. Cela ne le ferait peut-être pas partir, mais il réfléchirait à deux fois avant de s'en prendre physiquement à elle.

Néanmoins, elle glissa la main dans sa poche et serra fortement sa baguette, prête à s'en servir si cela devenait nécessaire...

Voilà qui devenait intéressant... La jeune Bower essayait de se rebiffer, de résister. Elle répliqua, non sans aplomb, que son père n'était ni bon, ni respectable, et que James ne valait pas mieux... Une demoiselle qui avait assurément sa place à Gryffondor, si l'on pouvait qualifier cette attitude suicidaire de courageuse. L'aspirant Mangemort n'était pas mécontent de tomber sur quelqu'un qui tentait de résister. Cela rendait les choses infiniment plus intéressantes... Avec ceux qui n'étaient bons qu'à pleurnicher et supplier, James s'ennuyait. Alors qu'avec des grands téméraires qui cherchaient à échapper à leur sort, il s'amusait nettement plus.
Elle menaça de hurler, arrachant un sourire au jeune homme. Si elle avait envie de hurler, on pouvait s'arranger... Rien de plus facile... James s'approcha encore et murmura :

-Tu as envie de me montrer ta belle voix, Bower ?... je peux t'aider, si tu veux... et ça te rappellera ton père...

Il leva sa baguette jusqu'au visage de la jeune fille, et la passa doucement sur sa pommette, disant à voix basse :

- Ton père qui t'a élevée avec de si bonnes méthodes... Il aurait mérité que le résultat soit meilleur. Peut-être n'a-t-il pas suffisamment utilisé le sortilège Doloris...

Il avait prononcé ces trois syllabes sur un ton caressant, qui devait être insupportable pour la jeune fille, si souvent victime du terrible sortilège.
D'un seul coup, il cessa de caresser la joue de Lynn avec sa baguette, et demanda très sérieusement :

- Tu as toujours envie de hurler, Bower ?

Bower. Il ne connaissait pas son prénom, et d'ailleurs il trouvait plutôt agréable de lui donner ce nom, le nom de son père qu'elle détestait tant. Bower... un nom qu'elle était indigne de porter.

L'inconnu combla le peu d'espace qu'il restait entre eux, souriant avec sadisme.

Sa menace n'avait pas suffit... pire, il lui proposait d'une voix dégoulinante de fausse bonté de l'aider à crier...

Il était si près qu'elle sentait son souffle sur sa peau. Il évoqua une nouvelle fois son père et elle se raidit davantage. Pourquoi parlait-il tant de lui...? Elle détestait cet homme autant qu'elle pouvait détester le nom qu'il lui donnait.

- Mon nom est Lynn. Déclara-t-elle. Et je n'ai pas besoin de votre aide pour quoi que ce soit ! Laissez-moi passer !

Coincée entre lui et le mur, Lynn hoqueta de surprise et ferma les yeux lorsqu'il glissa sa baguette sur sa joue. Elle ne voulait pas voir ça...

D'une voix qui ressemblait à un murmure, à quelques centimètres de son oreille, il continua à parler de Devin et de ses "méthodes d'éducation".

Lynn tressaillit et ouvrit brusquement les yeux, entre surprise et horreur. Il savait pour le Doloris ! Comment pouvait-il savoir cela ?

Elle sentit les larmes envahir et ses yeux et du faire un ultime effort pour les retenir encore. La colère commençait à remplacer la peur, la rendant téméraire. Elle fixa l'inconnu et s'exclama durement:

- Que mon père soit un monstre ne change rien au fait qu'il n'aime pas qu'on touche à ses affaires... dit-elle, répugnée. Si vous posez la main sur moi sans son autorisation vous le regretterez...

Par chance, cela était la pure vérité. Devin Bower aimait faire souffrir et voir souffrir, mais seulement lorsqu'il l'avait décidé et de la manière dont il l'avait décidé... Niveau torture, il avait depuis longtemps abandonné les doloris en ce qui concernait Lynn... non, il était passé à une torture bien plus abjecte encore... ce qui l'avait poussée à fuir comme elle l'avait fait... Si ce garçon connaissait autant Devin qu'il le prétendait, il comprendrait qu'elle ne bluffait pas...

Lynn essayait de garder un air digne mais elle n'en menait pas large. Lorsqu'il lui demanda si elle voulait toujours crier, quelques larmes se mirent malgré elle à couler sur ses joues.

Elle serra les dents et acquiesça:

- Plus que jamais... Expelliarmus !

Et profitant de la surprise de son attaque, sans prendre le temps de voir s'il était désarmé, elle le bouscula et se mit à courire.

Cette fille était vraiment intéressante... Plus les secondes passaient, plus elle semblait reprendre du poil de la bête. James appréciait vraiment cette compagne de jeu imprévisible et pleine de répondant... Rares étaient les filles possédant assez de sang-froid et d'assurance pour résister ainsi.
Lynn. Elle donna son prénom, avec une certaine fierté- simplement pour se démarquer de son nom de famille, qu'elle ne devait pas beaucoup apprécier. Puisqu'on en était aux politesses, le jeune Kirkby dévoila à son tour son identité- enfin, une partie, une toute petite partie :

-Enchanté. Moi, c'est James.

Ce simple prénom, plutôt banal, lui suffirait-il à resituer le jeune homme ? Très attentif, il scruta le visage de la Gryffondor, cherchant un indice montrant qu'elle l'avait identifié... Mais elle ne montra rien, et à en juger par la façon dont elle lui répondit, il était probable qu'elle ne l'avait pas reconnu.
Bon point pour elle ; elle reconnaissait son immense infériorité, en parlant des "affaires" de son père. Car c'était bien de cela qu'il s'agissait ; elle faisait partie de ses affaires, comme une cape ou une théière. Même Thomas Kirkby avait plus de considération pour ses enfants- qui avaient l'avantage de ne pas être des filles, il faut le dire. Car si une fille était née dans la famille, elle n'aurait probablement pas été mieux traitée que chez les Bower. Un instant, le jeune coursier s'amusa à imaginer la réaction de son père si sa femme lui avait donné une fille... aucun doute, il l'aurait mille fois punie d'être venue au monde.
James en était là de ses réflexions lorsque la demoiselle prit l'initiative. Brandissant sa baguette, elle lui lança un sortilège de Désarmement, avant de prendre la fuite. Le jeune homme eut le temps de contrer le sort et garda sa baguette en main ; mais le temps qu'il le fasse, elle avait tourné le coin de la rue, et il n'avait aucune envie de la poursuivre.
Rangeant posément sa baguette magique dans sa poche, il prit nonchalamment la direction de la poste. Quoi de mieux qu'une petite lettre pour se rappeler au bon souvenir de la jeune Bower ?Une lettre qui tiendrait en deux phrases, lourdes de menaces : "Et qui te dit que je n'ai pas son autorisation ? A ta place, j'apprendrais la prudence."
Ensuite, il rentrerait à Wolf's Den. Sa mauvaise humeur était presque dissipée, à présent.