La voix de Mathias étonna William. Une voix d'homme, déjà, et un accent à couper au couteau... que de choses inhabituelles... William, lui, était en train de muer, une mue interminable qui faisait que sa voix était plutôt incertaine, tantôt enfantine, tantôt virile. Il ne put s'empêcher d'envier son ami, avec sa belle voix grave... Remarque, pour un préfet, ce n'était pas du luxe. Cela permettrait au Serdaigle de se faire entendre plus facilement dans le cadre de ses fonctions... Will n'avait pas ce genre de préoccupations, lui qui n'était qu'un simple citoyen sans badge sur la poitrine.
La voix de Mathias, cependant, ne fut pas ce qui choqua le plus le rouquin. Le plus surprenant, c'était son accent... L'année précédente, le Français parlait un anglais impeccable, à faire pâlir la reine d'Angleterre. Et voilà qu'il se mettait à avoir un accent, chose tout à fait normale, mais à laquelle Will n'était pas habitué. Il avait fini par oublier que Mathias était Français, et qu'il prenait une potion pour parler anglais... Bien sûr, il savait que son ami voulait apprendre l'anglais, et il lui avait même offert un livre pour l'aider... mais il ne s'était pas attendu à entendre cet anglais approximatif. Il se jura d'aider le Serdaigle autant qu'il le pourrait, et il afficha un large sourire:

-Tu te mets à l'anglais? c'est chouette, ça! Tu as commencé quand? Tu parles déjà bien! Mieux que moi le français, en tout cas...

Pendant l'été, les Craig étaient repartis en France, et Will avait pu constater que son français ne s'était guère amélioré. Il avait essayé de se procurer la recette de la potion Polyglotte, mais le mélange était trop complexe à réaliser, et il avait dû se résoudre à ne compter que sur ses propres compétences pour se débrouiller en France... et cela ne l'aurait pas mené loin sans l'aide de sa soeur, beaucoup plus appliquée que lui dans l'étude du français.
Tout joyeux, William ébouriffa les cheveux de son ami, et déclara:

-Je suis drôlement content de te retrouver, tu sais, monsieur le Préfet!

William éclata de rire- un rire de gamin malicieux, satisfait de sa bêtise. Voir Mathias se recoiffer sérieusement était fort réjouissant, et le Gryffondor se jura de le redécoiffer aussi souvent que possible. Pour le moment, cependant, il se tint tranquille, aussi tranquille qu'il pouvait l'être avec toute l'excitation qu'il ressentait. Il se demandait s'il n'allait pas éclater, tellement il se sentait joyeux... Il retournait à Poudlard, il était avec son meilleur ami, et il allait enfin reprendre la vie d'un élève sorcier... sa vie... Un large sourire aux lèvres, il répondit à la première question de son ami:

-Si, tu as un petit accent frenchie, mais ne t'en fais pas... ça va faire craquer toutes les filles... Elles adorent ça!

Lui-même, en France, était devenu la coqueluche de deux adolescentes de son âge, enthousiasmées par son accent "a-do-rable". Nul doute qu'à Poudlard, Mathias aurait son petit succès... entre son allure élégante, sa beauté d'adolescent et son accent, il aurait presque rendu le rouquin jaloux... Heureusement, l'insigne de préfet était là pour faire fuir ces demoiselles, songea William, et son sourire s'élargit. Il sortit de sa poche un stock de bonbons moldus et en tendit un paquet à Mathias tout en poursuivant:

-Les vacances ont été bonnes, merci... Mon père est désolé de mon niveau en français, comme d'habitude... Tu as reçu ma carte? celle de France?

Il avait envoyé une carte postale de Bordeaux à Mathias, mais n'était pas du tout sûr que son ami l'ait reçue, car il avait utilisé la poste moldue. Les Craig avaient passé seulement trois jours à Bordeaux, pas assez pour que William trouve un hibou... Enfin, si le préfet l'avait eue, il devait s'en souvenir, car Will avait essayé de l'écrire en français... un torchon comme ça, ça ne s'oubliait pas. Pour se rattraper, il avait envoyé une autre carte à son ami, de Brighton cette fois, et par hibou. Celle-là était forcément bien arrivée... et comme elle était en anglais, il n'y avait pas trente ratures.

William eut une mimique dubitative en prenant la carte postale que lui tendait Mathias. Pas compris?... comment avait-il pu ne pas comprendre quelque chose d'aussi bien écrit?... Bon, en regardant le dos de la carte, il dut admettre que ce n'était pas si bien écrit que ça. C'était même franchement crade par endroits... mais certains mots français étaient si difficiles à orthographier...
William sourit à son ami pour dissiper sa gêne- il voyait bien qu'il se sentait embarrassé d'avouer qu'il n'avait pas compris- et se pencha sur le chef-d'oeuvre.
"Bordeaux passes des vacances excellents"... Ben quoi? c'était clair, non?.... Non, pas vraiment... D'ailleurs, même en relisant sa phrase plusieurs fois, William ne comprenait pas non plus. Qu'avait-il voulu dire en écrivant ces mots? Il essaya de traduire la phrase en anglais, mais ça ne voulait toujours rien dire...
"France la langue difficile mais merveilleux les Moldus"... Mouais, pas mieux. En fait, le Gryffondor avait aligné des mots sans vraiment faire des phrases... Il rendit la carte à Mathias et confessa en riant:

-Ben... moi non plus, je ne comprends pas... j'ai juste voulu que tu reçoives une carte, que tu voies que je pensais à toi... Mais tu sais, c'est dur, le français... J'ai dû vouloir jouer le bon élève, mais je ne comprends plus rien... Désolé, vieux...

Il prit un autre bonbon, et l'enfourna en tendant le paquet à Mathias. Relire cette carte l'avait mis de bonne humeur... Il était amusant de voir à quel point son niveau de français était lamentable... Saisi d'une soudaine pensée, il proposa, redevenant sérieux:

-Si tu as besoin d'aide en anglais, tu peux compter sur moi, tu sais... Ce serait bien que tu sois meilleur en anglais que moi en français. Remarque, c'est déjà fait... Je suis vraiment minable. Tu verrais mon père... "William, ce n'est pas sérieux!" s'écria-t-il en français, imitant l'indignation d'Andrew Craig.

[HJ: Idem que dans l'autre sujet ]

Mathias choisit de reposer une nouvelle fois son livre, laissant un marque-page au Serment Inviolable. Il avait pensé partager ce qu'il lisait avec William, mais il s'était rappelé que le Gryffondor était né de parents Moldus, aussi ne pouvait-il pas connaître ces choses pourtant si évidentes pour un fils de sorcier. Car malgré ses origines métissées, la sorcière de mère de Mathias lui avait appris tout de même les rudiments du monde de la magie, tout en lui montrant ce qu'elle savait du monde des Moldus dans lequel ils vivaient tous. C'était à la fois un avantage et un inconvénient pour le jeune Serdaigle, qui certes connaissait des choses importantes aux deux mondes, mais n'avaient pas accès à des connaissances complètes. Il ne savait pas, par exemple, ce qu'était une équipe de base-ball, ou quelles étaient les propriétés d'une Branchiflor. William avait en ce sens un enseignement plus complet que celui de son ami.

Oh, pareil... Plus...devinette...heu...divination! Oui, divination! se corrigea rapidement Mathias.

En effet, après quelques hésitations, le jeune homme avait choisi de commencer à étudier la science de l'avenir, la plus brumeuse des branches de la magie. Ce pouvait être tout aussi intéressant que l'Arithmancie ou l'Etude des Runes, qui s'appuyaient cependant sur des bases plus solides. Les chiffres le language runique étaient après tout des éléments bien réels, et plus concrets que les vapeurs d'une boule de cristal.

Lorsque William montra à Mathias les nombreuses questions qu'il avait préparé, le jeune Serdaigle regarda le parchemin les yeux ronds. Lui-même avait également feuilleté son manuel, mais si quelques mots lui avaient échappés, ce qui était plus dû à son manque de vocabulaire que son manque de compréhension de la matière, il avait néanmoins saisi l'essentiel. Pas tout, évidemment, c'était quelque chose de nouveau, mais il avait la réponse à la plupart des questions que William lui montrait. Ne voulant pas vexer son meilleur ami, il préféra faire celui qui n'avait pas compris, et lui rendit le parchemin avec l'air le plus interrogateur possible. Nul doute que l'Arithmancie serait l'objet de nombreuses interrogations chez le Gryffondor...

Divination... William avait suffisamment entendu parler du professeur Trelawney pour ne pas être tenté de choisir cette matière. Dans la tour de Gryffondor, il avait pu entendre des conversations au sujet de cette dame, et il avait également vu les quantités de devoirs qu'elle donnait à ses élèves... Un journal de rêves pendant un mois entier, un horoscope détaillé, très peu pour lui. Il sourit gentiment de l'erreur de vocabulaire de son ami, mais ne commenta pas son choix d'option... Il n'allait pas le décourager avant d'avoir commencé!
Il eut du mal à cacher son anxiété en voyant les yeux ronds de Mathias devant son parchemin. Apparemment, le Serdaigle n'avait pas eu autant de problèmes que lui... Un peu amer, William marmonna:

-De toute façon, je vais être complètement perdu... Je n'aurais jamais dû prendre ça.

Il tourna la tête et se mit à regarder par la fenêtre, boudeur. S'il disait tout ce qu'il avait sur le coeur, il savait qu'il ajouterait un "je n'aurais pas dû t'écouter" qui blesserait son ami... Mieux valait s'en dispenser. Il se sentait tellement inquiet, cependant, et tellement nul... Il ne pourrait jamais suivre en Arithmancie... qu'allait-il faire? Le professeur pouvait-il le renvoyer du cours? ce serait probablement une première... Personne ne devait être aussi mauvais en arrivant à ce cours. Le rouquin repensa aux réflexions de son professeur de mathématiques, à l'école primaire, et ses yeux s'embuèrent.

La diversion créée par le préfet de Serdaigle avait rempli son rôle : William ne pensait plus à l'Arithmancie et à ses doutes au sujet de cette matière. Les dénégations de Mathias l'avaient pleinement rassuré... après tout, c'était bien dans les habitudes du Serdaigle de vouloir partager ses lectures. Will éclata de rire et se remit à lire le passage du livre, rassuré sur les intentions de son ami... C'est vrai que c'était intéressant, comme sortilège... Lier deux sorciers par un serment qui entraînait la mort si on ne le respectait pas...

-C'est vraiment extraordinaire, tout ce qu'on peut faire avec la magie, affirma-t-il en rendant le livre à Mathias. Pour quelqu'un comme... comme moi, c'est toujours fascinant.

Pourquoi éprouvait-il cette gêne, lorsqu'il évoquait ses origines moldues? Il n'en avait pas honte, au contraire ; mais il ne savait jamais comment en parler simplement, sans avoir l'air de se rabaisser... Mathias n'était pas du genre à mépriser les enfants de Moldus, pour la bonne raison que lui-même avait du sang moldu dans les veines... William sourit et se leva pour prendre son uniforme de Poudlard:

-Tu as raison, c'est l'heure... Tu pourras me prêter ce livre, quand tu l'auras fini? il a l'air plutôt intéressant...

Il émergea de sa robe, ses cheveux roux-blonds complètement ébouriffés, un sourire radieux éclairant son visage. Il retrouvait Poudlard, il retrouvait Mathias, il retrouvait son monde...

Dans sa robe de sorcier, William semblait encore plus petit et maigre que dans ses vêtements de Moldu. Il ne s'en rendait pas compte, mais le regard de Mathias en disait long à ce sujet... et d'ailleurs, le rouquin s'aperçut, tandis qu'ils se changeaient, qu'il devait carrément lever la tête pour regarder son ami! Non mais n'importe quoi... tant qu'ils avaient été assis, il ne s'en était pas rendu compte, mais en se voyant debout près du Serdaigle, il songea qu'il aurait pu être son cadet d'un an ou deux...
William passa une main nerveuse dans sa tignasse, qu'il ébouriffa un peu plus au passage, et il récupéra les quelques affaires qu'il voulait garder avec lui- dont son sac plein de ses précieux parchemins de notes. Il eut un sourire en voyant l'insigne de préfet briller sur la poitrine de Mathias, et il affirma:

-Je vous suis, monsieur le préfet!

Il essaya de rester dans le sillage du Serdaigle, à qui son insigne permettait de passer plus facilement dans la foule. Mais sa petite taille faisait de Will une victime toute désignée pour les piétinements, et très vite, il fut séparé de Mathias. Une âme charitable lui indiqua le bout du quai où les première année devaient se rassembler, et c'est vexé à mort que le Gryffondor parvint à s'approcher des diligences qui conduisaient les élèves à l'école.

*Je ne suis quand même pas si petit que ça*, pensait-il avec fureur en essayant de repérer Mathias parmi la foule.

Le Serdaigle n'était nulle part en vue, mais l'élève qui avait pris Will pour un première année s'approchait. Préférant ne pas le revoir, le Gryffondor sauta dans une diligence, déjà occupée par trois filles de deuxième année, qui parurent assez choquées par sa désinvolture.
William ne s'occupait pas d'elles. Le nez collé à la vitre, il cherchait Mathias du regard- en vain. Ils se reverraient au festin...