Et oui, en cette dure matinée, Cybèle, jeune étudiante en formation médicomage de l’UMA, devait faire le trajet à pied pour se rendre à l’Université. Son vieux balai s’était cassé alors qu’elle s’était amusée à essayer des figures dans l’air, chose qu’il n’avait pas supporté, et n’avait échappé à de vilaines blessures que grâce à la présence d’un arbre dont les branches feuillues avaient amorti la chute. Quelques griffures et bleus marquaient ses bras, mais sous ses longues manches, personne ne s’en doutait. Et si la marche à pied était d’habitude un sport qu’elle appréciait, si tôt le matin, cela lui semblait nettement moins drôle.

La jeune femme déambulait donc dans le chemin de Traverse, direction l’UMA, pressant le pas pour ne pas être en retard. Cybèle bougonna alors qu’elle se fit bousculer par un passant qui ne s’excusa pas, avança encore quand une étrange chose se produisit. Tout à coup, en plein milieu du Chemin de Traverse, le sol s’effondra sous ses pieds, subitement envolé, et la jeune étudiante se sentit tomber. Elle n’eut le reflexe que d’agripper son sac, bien que cela ne puisse l’aider à grand chose dans sa chute, et poussa un grand cri.

« AAAAAAAAAAAHHHHHHHH !!! »

Sa chute fut néanmoins beaucoup moins dure qu’elle ne l’avait prévue. Fortement secouée, mais sans blessure grave, elle mit un certain temps à comprendre que c’était dans les bras d’un homme qu’elle se trouvait maintenant, et quelques secondes de plus lui fallut pour reconnaitre Canaan. Celui-ci se releva pendant que Cybèle, assise sur le sol, reprenait ses esprits. Elle leva les yeux vers le plafond, cherchant à voir d’où elle venait et la chute qu’elle venait de faire. Elle avait repris la pleine possession de ses capacités intellectuelle et son cerveau marchait à nouveau à la vitesse normale quand Canaan prit la parole.

Ce fut alors avec surprise que la jeune étudiante remarqua la présence du compagnon de l’oubliator. De la taille d’un nain, elle ne pouvait rien distinguer de ses traits à cause de l’obscurité profonde, et elle plissa les yeux pour espérer en voir plus, en vain bien sur. Le nain grogna quelque chose en réponse à Canaan, puis encore une fois, et cette fois-ci, l’homme lui adressa un hochement de tête affirmatif, sous l’œil ébahi de la jeune femme qui n’avait évidemment rien compris. L’oubliator se tourna à nouveau vers elle, lui reprochant d’être tombée dans le trou qu’ils venaient de creuser, insinuant qu’elle l’avait fait exprès pour tomber dans ses bras et énumérant les dangers sur lesquels elle aurait pu s'écraser. Le visage de la jeune femme s’enflamma à ses reproches injustifiés, et sur un ton emporté qu’elle répondit.

« Est-ce de ma faute si des imbéciles, et oui, je dis bien des, » Dit-elle en jetant un regard mauvais au nain qui ne lui avait encore rien fait, « Ont eu l’idée malheureuse de creuser sous le Chemin de traverse pour que des pauvres et innocents gens se casse la figure dedans ?! Êtes-vous juste inconscient ou parfaitement débile ? »

Elle lui jeta un regard mauvais et suspicieux. Canaan parla à nouveau, lui demandant cette fois si elle s’était fait mal, et la jeune femme répondit par un grognement semblable à celui du nain. L’homme l’aida ensuite à se lever, et Cybèle lui en fut reconnaissante. Elle lui adressa un fin sourire de remerciement, et Canaan lui présenta l’endroit où elle était. Elle avait toujours ignoré l’existence de ce souterrain et le découvrit avec un certain intérêt. Il lui expliqua les raisons pour lesquelles il empruntait ce chemin, et suite à cette énumération, un fin sourire malicieux étira ses lèvres. Tout cela ne l’étonnait pas vraiment.

« Il faut toujours qu’il arrive des ennuis en votre compagnie… »Dit elle, avec ce petit sourire en coin amusé.

Ce n’était pas un reproche cette fois-ci, cette manie que Canaan avait d’attirer les ennuis, et ses compagnons avec, l’amusait. Canaan lui présenta alors son compagnon, un Alfe noir, dont le caractère semblait aussi mauvais que le sien, et un sourire joyeux éclaira fugitivement ses lèvres.

« Nous avons apparemment quelques points communs… »Ironisa-t-elle.

Le nain, ou plutôt l’Alfe, grommela encore quelque chose, et Cybèle ne put comprendre ce qu’il disait que grâce à la réponse de l’Oubliator. Il assura qu’elle était sous sa protection, ce qui tira un sourire ironique à la demoiselle, et l’étrange créature continua à grogner. Celui-ci proposât, tour à tour, de la vendre au marché des esclaves, de nourrir des Driders, de lui prélever un morceau de chaire pour goûter et insinua que Canaan voulait la garder pour lui seul.

Au fur et à mesure que l’imbécile de créature naine émettait des propositions, le visage de Cybèle passait du calme à la colère puis à la fureur. Ses yeux lançaient des éclairs, et si elle avait pu fusiller quelqu’un du regard, cela ferait longtemps que l’Alfe aurait rendu son dernier soupir. La jeune femme attrapa le bras de l’homme pour attirer son attention, et lui dit, d’une voix glaciale et vive :

« Dites à votre demi-nain de compagnie d’arrêter de baragouiner des inepties. Que si il essaye de me mordre, j’en fais de même et je lui arrache les oreilles en même temps, et que si il essaye seulement de m’approcher, je le piétine jusqu’à ce que mort s’en suive ! »

Cybèle adressa alors un sourire mauvais à la créature, et lui lança un regard de défi. Canaan, lui, gardait son calme et ses yeux jaunes brillaient étrangement dans l’obscurité comme ceux d’un félin. Cela lui donnait un air à la fois inquiétant et mystérieux, et la jeune femme ne put s’empêcher de penser que l’oubliator avait sa place dans cette même atmosphère. Il essaya la rassurer, ajoutant que son animal de compagnie était bien sympathique, ce à quoi elle lui répondit par un regard mauvais.

« Très sympathique, oui…. »Grogna-t-elle, d’un ton froidement ironique.

La jeune femme se rappela soudain que ses cours allaient bientôt commencer, et elle bougonna deux trois mots à voix basse, avant de lancer un regard au plafond, vers le trou. Bien trop haut pour qu’elle puisse s’en tirer seule, elle se tourna vers Canaan qui semblait si bien connaitre les froids souterrains.

« Où existe-t-il une sortie ? Je vais être en retard à l’UMA ! »

Cybèle se retint de lui demander quels étaient les projets de l’oubliator, de peur qu’il ne se lance dans des explications sans fin, et pour ne pas s’embarquer dans une aventure nouvelle dont elle n’était pas sure de vouloir .

Alors que Cybèle provoquait avec délice le nain qui l’avait offensé, Canaan se précipita vers, la faisant taire en lui plaquant sa main sur ses lèvres. La jeune étudiante, qui n’avait pas eu le temps de finir ses injures en tout genre, ne le prit pas très bien, et alors qu’elle souhaitait pouvoir recouvrer l’usage de sa bouche, elle fit ce que seul son instinct et son caractère emporté lui dictaient. Elle mordit violement la paume qui l’empêchait de parler, suffisamment en tout cas pour que la main se retire immédiatement, et lui jeta un regard faussement innocent.

« Désolée… »

Elle écouta néanmoins les explications et les mises en garde de Canaan qui lui expliquait que les Alfes était caractériels et suffisamment fort pour qu’elle ne puisse se défendre. Il lui assura sans plus attendre que sa présence lui assurerait la protection nécessaire, et pour une fois, la jeune femme le crut sur parole, quand elle vu le regard mauvais que lui envoyait son compagnon nain. Elle lui adressa alors un sourire charmant.

« Si vous êtes là pour me protéger, je peux bien lui dire le fond de ma pensée non ? »

Mais cela n’était que de la bravade car elle ne voulait pas provoquer des ennuis à Canaan et à elle-même. Elle se tairait donc. Du moins, si l’Alfe en faisait autant… L’oubliator lui fit remarquer qu’il lui avait prédit son accident de balai et la jeune femme acquiesça de bonne grâce avec un fin sourire. Sourire qui se transforma en moue exaspérée alors que l’homme de main du ministère lui reprochait de vouloir remonter à la surface alors qu’elle était tombée ici.

Elle leva les yeux au ciel alors que Canaan lui faisait encore milles et une recommandations sur les gnomes, le marché. Sur ce qu’elle devait faire ou pas, dire ou pas. Ce fut elle qui plaça sa main devant la bouche de l’oubliator pour achever sa suite de conseils et ordre, avant de lui adresser un sourire mi-amusé, mi-exaspéré.

« Je ne suis plus une gamine, vous savez, et, Merlin merci, vous n’êtes pas mon père… »

Tant pis pour ses cours, elle serait en retard et risquait de manquer une bonne partie de sa journée. Elle trouverait bien un moyen de rattraper… Et puis, il y avait cette intuition que leur aventure dans les souterrains n’allait certes pas être de tout repos, mais certainement excitante et étrange.

Canaan eut ensuite la gentillesse de lui prêter sa cape alors qu’elle frissonnait dans les souterrains humides. Elle ne s’était bien évidement pas préparée à une telle éventualité, et sa tenue n’était adaptée à leur milieu. Ce geste étonna la jeune femme qui se dit une fois de plus que c’était un homme à la fois surprenant et lunatique. A force d’aller et venir dans les affres du temps, peut-être, cela avait dû altérer son caractère. Cybèle lui adressa un sourire reconnaissant, et s’emmitoufla avec plaisir dans l’épaisse cape chaude.

« Merci beaucoup. »

Canaan lui certifia qu’elle n’avait rien à craindre de cette cape qui avait apparemment des propriétés étranges et magiques. La jeune étudiante, curieuse, ne put s’empêcher d’inspecter un peu la cape pour y trouver des particularités qui annonceraient ces pouvoirs, sans succès. Elle finit par abandonner ses recherches alors que l’oubliator lui demandait si elle avait un animal de compagnie, et si elle pensait pouvoir en trouver un au marché. La jeune femme haussa les épaules, comme si cette éventualité ne l’avait pas effleuré.

« Non, je ne possède aucun animal, même si cela me plairait bien. Quant au marché, je pourrais toujours regarder. On dit qu’on y trouve les animaux les plus insolites… »

Cybèle avait hérité, avec son frère, du vieil hibou de sa grand-mère qui ne fit pas long feu, et s’était promis de ne s’offrir un animal que le jour où elle en verrait un assez original pour lui plaire. Mais avec son inscription à l’UMA, son travail scolaire, elle n’avait pas eu le temps de faire de recherche, et avait même oublié cette idée. La jeune étudiante s’était ainsi perdue dans ses pensées, et elle n’en fut tirée que lorsqu’elle ressentit un pincement au bras. Elle sursauta sous l’effet de la douleur qui s’évanouit presque instantanément et jeta un regard mauvais à Canaan.

« Mais vous n’allez vraiment pas bien, mon pauvre garçon ! C’est quand même dingue, à chaque fois que je me met à penser que vous êtes peut-être quelqu’un de bien tout de même, vous faites absolument tout pour me rappeler quel abruti vous êtes… »

D’un geste de la main, elle balaya les reproches de Canaan, toujours aussi en colère, et lui intima l’ordre de se retourner.

« Je ne sais pas de quoi vous parlez, ces idées ne m’ont jamais effleuré l’esprit. Maintenant, demi-tour ! Suivi votre animal de compagnie ! »

Cybèle adressa un sourire mielleux à l’Alfe qui s’était retourné certainement pour comprendre pourquoi elle s’énervait à nouveau.

« Cela dit sans vous vexez, bien sur… »dit-elle, d’un air qui voulait dire tout le contraire.

Réflechir avant d’agir, et dans cette situation, de parler ?! Pas très Griffondor ça… Et pour Cybèle qui avait passé sept années d’étude dans cette maison, ce n’était même pas envisageable.

Cybèle sentit la main de Canaan se poser sur la sienne, et avant qu’elle n’ait pu dire ou faire quoique ce soit, celle-ci l’entraina dans le sombre couloir. Ce geste eut l’avantage de faire taire Cybèle qui n’ajouta mot, très légèrement troublée par le contact de la main de cet homme sur la sienne, et qui, malgré sa verve, en avait oublié de répliquer. L’oubliator la lâcha cependant au bout d’un moment, peut-être convaincu que son mutisme durerait… Et en effet, la jeune étudiante n’ajouta rien, suivant son guide, prenant garde à ne pas se laisser distancer car dans ce labyrinthe de couloirs tous plus sombres les uns que les autres, la jeune femme n’était pas sure de pouvoir retrouver son chemin.

Enfin, ils arrivèrent à une embouchure qui, au dessus d’eux, laissait transpercer une lumière vive et agréable. Après l’obscurité du sous-sol, Cybèle était heureuse de retrouver un peu de cette clarté rassurante. Non pas qu’elle craignait le noir, mais elle se sentait tellement plus à l’aise lorsqu’elle voyait un peu plus loin que la pointe de ses pieds… La jeune femme remarqua cependant bien bite qu’il n’y avait aucun moyen d’accès pour l’exterieur, et ce fut un regard interrogateur qu’elle lança à Canaan.

Celui-ci, sans répondre à sa question muette, se contenta d’abaisser sa capuche pour en retirer un gnome qui s’y était glissé sans qu’elle s’en soit rendu compte. Alors que l’oubliator le tenait, elle avança la main vers la créature pour la toucher, l’examiner mais à peine avait elle esquisser un geste envers le gnome que l’homme du ministère l’avait balancé derrière lui. Cybèle eut un soupir d’exaspération pour n’avoir pu approcher plus cette étrange créature, sans prêter la moindre attention aux réprimandes de Canaan. Elle ne lui accorda son attention que lorsqu’il commença à radoter une histoire de spectre qui attirait la foudre avant de lui demander ce qu’elle pouvait bien appâter, elle. Elle haussa les épaules avant de lui adresser un charmant sourire, semi-moqueur.

« A l’évidence, vous et vos ennuis êtes très attachés à ma personne… »

Canaan la poussa ensuite vers une poignée qui ne semblait reliée à rien, et alors qu’il ouvrait un parapluie, ce qui provoqua un haussement de sourcil sarcastique de la part de la jeune femme, elle appuya sur le déclencheur, et attendit. Au début rien ne se passa, et Cybèle, dans sa patience immense et légendaire, commençait à revenir dans la direction de l’oubliator quand un grondement se fit entendre. Elle eut à peine le temps de jeter un regard à la fois surpris et affolé à l’homme qu’un puissant jet d’eau la propulsa vers la sortie, et un rien de temps, Cybèle retomba par terre, sur le chemin de Traverse.

Les passants la regardèrent, certains éberlués par son arrivée, sinon triomphante, pour le moins spectaculaire, d’autre choqué par le remue ménage provoqué par le jet d’eau. Une veille dame rêche dont elle avait malencontreusement inondé le cabas la fusillait du regard, mais la jeune femme n’en prit aucunement compte. Le postérieur endolori par sa chute, et toussait sans réussir à reprendre son souffle et était donc bien incapable de prononcer un mot d’excuse envers la vieille femme revêche. Cybèle, en voulant crier son étonnement et sa peur quand le jet d’eau l’avait emporté, avait bu la tasse, noyant son hurlement.

Canaan sortit à son tour du sous sol sous une trombe d’eau, de façon beaucoup plus distinguée que Cybèle, et descendait doucement vers le sol, ralentit par son parapluie quand un souffle de vent l’envoya valdinguer dans un tonneau, la tête la première. Un sourire sadique éclaira le visage de la jeune femme qui voyait une bien agréable vengeance. L’homme du ministère avait l’air d’avoir besoin d’aide pour ressortir de sa prison de bois, et la jeune étudiante marcha jusqu’au tonneau d’où ne sortait que les jambes de l’oubliator. D’un geste menaçant, elle congédia les passants qui les regardaient encore, fusillant du regard ceux qui esquissait un geste d’aide envers Canaan.

Alors que presque tous les gens étaient partis, Cybèle s’adossa nonchalamment au mur, à coté de l’homme demain du ministère, et tapota sur le bois du tonneau.

« Belle arrivée ! »Se moqua-t-elle. »Dommage que Personne n’ai envie de vous aider… »

Un sourire sadique éclaira son visage, et bien qu’il ne puisse pas le voir, il pouvait certainement entendre au son de sa voix sa colère. Furieuse que Canaan ne l’ai pas prévenu de ce qui allait se passer, vexer par son arrivée douloureuse… Cybèle sifflota un air guilleret, léger, avant d’adresser à nouveau la parole à l’oubliator.

« J’attends des excuses, et ne vous ferez sortir de ce tonneau qu’après les avoir entendu… »

Pour une fois que la jeune femme était en position pour les exiger, elle ne comptait pas laisser filer une si belle situation.

Quel agréable sentiment que celui que Cybèle éprouvait à ce moment là ! Un mélange de supériorité, d’amusement sadique et de vengeance en cours d’exécution… Le fin sourire qui donnait à son visage un air qui rappelait vaguement celui d’une lionne assoiffée de sang, n’en finissait pas d’étirer ses lèvres fines. Vengeance, criait la petite voix dans sa tête, celle qui avait si durement protesté alors que l’étudiante s’était étalée en plein chemin de traverse. Et elle pensait avoir gagné cette manche alors qu’un événement fâcheux se produisit.

Canaan baragouina quelque chose, et la jeune femme se pencha pour l’entendre, certaine qu’il s’agissait ici des excuses qu’elle venait d’exiger. Quelle ne fut pas sa surprise quand, lorsqu’elle s’approcha du tonneau, de voir alors l’oubliator disparaitre d’un coup. Un air hébété traversa le visage de la jeune femme, bien vite remplacé par une moue colérique. Commet cet hurluberlu avait-il fait pour s’échapper de cette prison de bois ? Impossible sans magie, et il n’avait pourtant pas sa baguette… Par suspicion, sans trop croire, Cybèle souleva le tonneau pour voit s’il n’y avait de trappe en dessous. Mais non. Seul le pavé gris du trottoir…

La jeune étudiante se demandait où avait bien pût passer l’homme du ministère quand, un peu plus loin dans la rue, un tapage se fit entendre. Cybèle se retourna et vit que ce bruit provenait d’un corbillard, ce qui semblait pour le moins étrange. Les enterrements étaient tous si silencieux et solennel…. Elle s’approcha alors de quelques pas, par pure curiosité, sans penser un seul instant que Canaan puisse être à l’origine de ce boucan. Et alors qu’elle n’était plus qu’à quelques pas du corbillard, elle le vit, en train de se disputer avec le locataire du cercueil qui semblait n’avoir que très peu apprécié le dérangement.

L’oubliator sortit alors du cercueil, aussi naturellement que s’il c’était agit d’un taxi et se dirigea vers elle sans prendre en compte les regards indignés des passants et furieux de ceux des proches de la vieille femme décédée. Cybèle en était stupéfaite. Comment agir avec autant de naturel alors qu’il s’agissait d’une pure profanation de cercueil, et en présence de la famille de plus. Fallait-il qu’il soit complètement inconscient… Ou idiot. Mais la jeune femme fut encore plus surprise lorsque l’homme lui ouvrit les bras, et l’enlaça. Se raidissant d’abord à ce contact inattendu, elle la laissa bientôt faire, et Canaan reprit vivement contenance.

« C’est l’accueil chaleureux de cette vieille femme qui vous rend si heureux de me voir ? » Ironisa-t-elle. « Vous vous rendez peut-être compte que mon caractère n’est pas forcément le pire que l’on puisse imaginer… »

Mais l’oubliator s’excusa, prétextant l’avoir confondu avec quelqu’un d’autre, ce à quoi elle répondit par un haussement de sourcil, étonnée et sceptique. Le naturel revint cependant au galop, alors que Canaan se vantait de son coup de maitre, à savoir sa disparition du tonneau pour le cercueil, et recommençant à radoter ces histoires. Il l’accusa ensuite d’être à l’origine de ce qu’on pourrait appeler son problème corbillard, et la jeune femme lui adressa alors un sourire innocent qui ne trompait personne. L’homme remit ensuite de l’ordre dans sa tenue, lui reprochant le retard qu’ils prenaient, et, tirant un peu trop fort sur sa cravate, manqua de s’étouffer. Il ne sembla pas s’en rendre compte néanmoins, et l’oubliator lui dit alors qu’elle lui coupait le souffle. Un sourire amusé éclaira le visage de la jeune femme qui hocha la tête.

« J’aurais été très certainement flattée de ce compliment si votre cravate n’avait pas était la cause de votre essoufflement.. »

Puis, estimant qu’un cadavre en plein chemin de Traverse n’était pas forcément ce qui était le mieux pour son dossier d’étudiante, Cybèle se décida à l’aider pour qu’il puisse à nouveau respirer normalement.

« Attendez, je vais vous aider… »

La jeune femme s’approcha alors de lui pour tenter de desserrer la cravate. Ce fut chose aisée, et Canaan put enfin reprendre son souffle. Elle se recula alors, et lui adressa un sourire gentiment moqueur.

« Etouffé par une cravate, ce ne serait pas très glorieux, sur votre pierre tombale et dans votre dossier du ministère, n’est-ce pas ? »

La jeune femme attendit ensuite que l’homme du ministère lui indique le chemin. Elle n’avait, en effet, qu’une vague idée de l’endroit où ils allaient, et aucune sur le chemin pour s’y rendre. Provocatrice et moqueuse, elle ne put s’empêcher d’adresser à nouveau la parole à l’oubliator, imitant son ton sans peine.

« Nous y allons ? Vous nous retardez avec vos soi-disant étouffements…. »