Leur conversation était redevenue légère et cela satisfaisait Shirley. Cela lui changeait les idées et elle ne pouvait espérer mieux. Parler de garçons lui redonnait des perspectives d’avenir, même si rien ne changerait fondamentalement aujourd’hui dans sa vie amoureuse.

Nervia posa une question cruciale à propos de la maison d’un éventuel copain. Si Nervia avait été de sa maison, Shirley aurait, sans nul doute, répondu que, oui, ça lui poserait un problème qu’il ne soit pas à Serpentard. Ses camarades de maison ainsi qu’elle-même partageait une très haute opinion de Serpentard, une grande fierté d’appartenir à cette noble et pure maison. Ils se sentaient également par bien des points supérieurs aux Gryffondors, aux Serdaigles, mais surtout aux Pouffsouffles…

Mais Nervia n’était pas à Serpentard. Shirley ne pouvait donc pas décemment lui répondre oui. D’autant plus que la question méritait d’être considérée.

Ce qui importait à Shirley, c’était les valeurs. Elle avait besoin de partager les mêmes valeurs que sa moitié. Et cela impliquait son éducation dénigrant notamment les Sangs-de-Bourbe…
Mais, après tout, elle ne cherchait pas à se marier ou à se caser pour le reste de sa vie, et elle pourrait bien faire quelques entorses au cahier des charges du gendre parfait rédigé par Mère… Tant qu’il respectait certaines conditions, bien évidemment.
En repensant aux Maisons, elle se dit tout de même qu’un Pouffsouffle, ce n’était pas envisageable. Ils étaient vraiment trop stupides.

Consciente qu’elle ne pouvait pas livrer ces tergiversations à Nervia, elle répondit :

"Non, je n’ai aucun problème avec les autres maisons, ça ne serait pas un souci."

"En revanche, il faudra qu’il apprécie le Quidditch !"

Dit-elle en riant. Elle préférait ne pas se lancer dans le débat sur les Maisons. Il serait toujours temps de trouver une excuse bidon si on lui présentait un Pouffsouffle…

"Je te fais confiance pour me présenter la perle rare si tu la rencontres. Et puis, j’ai peut-être bien besoin d’une agence matrimoniale…"

Et elle rit de bon cœur, avant de relancer, taquine mais sérieuse, la jeune Serdaigle sur sa propre vie amoureuse.

"Dis-moi, tu n’aurais pas du mal à faire ton choix entre … Mathias et William … ?"

Shirley était tellement prise dans cette conversation avec Nervia qu'elle n'avait pas remarqué l'arrivée d'une jeune Gryffondor dans leur périmètre.

La jeune élève de Gryffondor avait entendu quelques bribes de la conversation des deux jeunes filles situées un peu plus loin, elle se tourna alors pour ne pas que le vent lui fasse parvenir leurs paroles. Elle posa ses bras sur ses genoux afin de pouvoir appuyer son menton dessus, toujours aussi silencieuse.
Elle ferma ses yeux quelques secondes

* Qu'est ce qu'il fait bon vivre avec un temps pareil... au moins les gens ne me regardent pas comme là bas... ils ne me jugent pas! *

Elle sourit à cette pensée et rouvrit les yeux, la vue qu'elle avait sur le lac était imprenable. Elle l'observait, souriant légèrement

Shirley répondit, à la grande surprise de Nervia, que la maison de l'éventuel garçon lui importait peu. Un petit doute s'insinua dans l'esprit de la Serdaigle: et si elle avait dit ça uniquement parce que la petite blonde était dans une autre maison? C'était tout à fait possible... Mais après tout peut être que la Serpentarde n'était pas de ce genre là. Après tout elle discutait en ce moment même avec quelqu'un d'une autre maison... Pas aussi radicalement opposée que si elle avait été à Gryffondor mais tout de même...

La petite blonde éclata de rire lorsqu'elle lui demanda de lui trouver la perle rare. Ce qui était bien sur une plaisanterie. Retrouvant un peu de son sérieux, elle répondit.

"-Et bien je ferai de mon mieux, alors, je te le promets."

Ne pouvant pas garder plus longtemps cet air solennel qu'elle s'était efforcé de prendre, la deuxième année se remit à rire. Elle s'arreta net lorsque la brune lui posa une question cruciale. Une question qu'elle n'avait jamais abordé avant et pas même dans son esprit. Elle commença par plaisanter.

"-Je ne peux pas avoir les deux?"

Elle reprit ensuite son sérieux et prit un instant de réflexion. William ou Mathias? Arriverait elle à faire un choix si jamais l'occasion se présentait? Rien de moins sur...

"-Serieusement, si les deux venaient me voir et me demandaient de choisir, ce qui ne risque d'arriver que dans mes rêves, je ne pense pas pouvoir donner une réponse vu ce que je connais des deux, ce que j'ai vécu avec eux... Peut être qu'en passant un peu plus de temps seule avec un des deux j'arriverai à savoir lequel je préfère... Mais ça ne se choisit pas aussi facilement qu'un parfum de glace..."

Plongée dans cette passionnante métamphore, elle aperçut une petite silhouette proche d'elles. Une jeune élève de Gryffondor, surement de première année, s'était assise près d'un vieil arbre. Nervia aurait été incapable de dire ce qu'elle faisait ou si elle les écoutait. Ce qui était largement possible, vu la faible distance.

Face à l'air sérieux et sa promesse faite sur un ton non moins sérieux, Shirley se mit elle aussi à rire. Elle imaginait la jeune Serdaigle à l'affût des quatrième années ou plus, intelligents, mignons et ténébreux, à la recherche de la perle rare pour la lui présenter.

Elle ne s'attendait pas à ce que sa question à propos des deux garçons touche à ce point Nervia. Celle-ci avait en effet arrêté net de rire.

Shirley ne fut qu'en partie rassurée lorsqu'elle plaisanta sur le sujet. Elle savait qu'elle avait tapé dans le mille. Et la réponse de Nervia ne vint que corroborrer cette pensée. La jeune fille semblait apparemment ne pouvoir choisir entre les deux...

"Hum... Ce n'est effectivement pas évident de choisir comme ça..."

"J'avoue que choisir entre citrouille et vanille pour une glace, ce n'est pas évident non plus, je ne suis pas d'accord avec toi..."

Elle avait préféré opter pour l'humour dit avec sérieux, au moins pour l'instant... Elle marqua une courte pause, le temps de rire de sa propre blague, avant de continuer plus sérieusement.

"Avec l'approche du bal, il va peut-être falloir que tu apprennes à en connaître un plus que l'autre, si tu ne veux pas avoir au mieux deux cavaliers, et au pire, aucun...

Shirley fit une sorte de grimace en prononçant le dernier mot.

* Elle a quand même bien de la chance d'être ainsi partagée entre deux... *

La situation de Nervia donnait envie à Shirley, d'autant plus que, consciente de la beauté de la jeune Serdaigle, avenante et drôle, elle ne doutait pas que William ou Mathias ou même les deux devaient trouver Nervia à leur goût.

La jeune sorcière de Gryffondor était bien heureuse, elle n'entendait plus les échanges entre les deux sorcières un peu plus loin. Elle regardait le lac, comme perdue dans ses pensées. Elle souriait, tristement.

* C'est triste tout de même, les élèves ne sortent même plus par le beau temps... je me demande ce qu'ils font à l'intérieur!!! *

Elle poussa un soupir, heureuse toutefois, qu'il n'y ait pas trop de monde dans le parc, ainsi elle pouvait rester seule, sans que personne ne la gêne.

* qu'est ce qu'il y a dans le lac? La légende du calamar doit être fausse tout de même!!! *

Elle se leva et grimpa dans l'arbre comme elle le faisait lorsqu'elle était petite. Elle s'assit sur une branche épaisse et résistante pour pouvoir observer ce qu'il se passait aux alentours.

"-Citrouille sans aucune hésitation!"

La petite blonde se remit à rire de plus belle. Elle aimait beaucoup cemoment de détente passé en la compagnie de la Serpentarde. Si Clarisse lui avait dit deux jours auparavant qu'il allait se passer quelque chose de tel, jamais elle n'aurait pu la prendre au sérieux. D'ailleurs elle se demandait si elle allait en parler à Clarisse. Peut être celle-ci serait elle jalouse de la complicité naissante entre ces deux filles si différentes? Peut être en voudrait elle à Nervia de lui avoir caché son affection pour les deux garçons... Mais c'était là un des avantages à parler à une inconnues. Il n'y avait en effet aucun risque pour qu'elle finisse par prendre un air triste et avouer qu'elle aussi aimait bien l'un ou l'autre... La Serdaigle savait son amie peut attirée par les garçons mais était-ce une raison? A en parler si peu, elle croyait peut être que c'était aussi le cas de Nervia. Se promettant d'aborder le sujet un jour ou l'autre, peut être même en compagnie de Naomi, elle écouta la suite des propos de Shirley.

"-Oui tu as sans doute raison... Mais je ne vois pas le problème à n'avoir aucun cavalier. Je suis de toutes façons presque sure de retrouver Mathias, Will ou même mes amies, là bas. Je passerai une bonne soirée qu'il soit prévu que je sois accompagnée, ou pas. Par contre... Si jamais je voyais les deux entrer dans la grande salle au bras d'une fille..."

La Serdaigle se tut mais la grimace sur son visage était très évocatrice. Et si cette situation se produisait vraiment? Son air devenait de plus en plus triste à cette idée lorsque son regard fut attiré vers la petite Gyffondor un peu plus loin. Celle-ci commençait à grimper dans les arbres. Elle montra la direction du doigt et interpela Shirley.

"-Hey regarde! Tu crois pas qu'on devrait lui déconseiller de le faire? Je veux dire... c'est dangereux, non?"

Nervia avait beaucoup d'humour, et ça, Shirley l'appréciait énormément. Elle avait toujours eu l'impression que les élèves des autres Maisons en étaient dénués, ou qu'ils n'avaient pas le même genre d'humour qu'elle, à l'instar de ce Lee Jordan de Gryffondor, dont les commentaires pendant les matches de Quidditch étaient tout, sauf drôles. Mais, en cet instant, elle comprit que cette impression était peut-être liée au fait qu'elle ne connaissait pas vraiment d'élèves d'autres Maisons, si ce n'est ceux qu'elle était amenée à croiser pendant les cours. Et Lavande Brown, pour ne citer qu'elle, ne la faisait rire que lorsqu'elle faisait une boulette ou mettait une nouvelle fois en évidence sa stupidité.

Lorsque la jeune Serdaigle lui fit part de sa réflexion sur le bal de Noël, Shirley releva sa dernière phrase, et la grimace qui l'accompagnait.

"C'est justement pour éviter celà qu'il vaut mieux en avoir un pour cavalier. Ca t'évite ce genre de mauvaise surprise. Mais tu peux aussi les convaincre, sans qu'ils se rendent compte que l'idée vient de toi, qu'il vaut mieux aller au bal sans cavalière. Parce que c'est plus drôle...

Leur conversation fut à ce moment-là interrompue. Nervia lui désignait une jeune Gryffondor, qui était en train de monter sur un arbre, près d'elles. Shirley n'avait jusqu'alors pas remarqué sa présence.

* Dangereux, oui, ça l'est. Mais c'est une Bouffondor... Alors... *

Ainsi allaient les pensées de la Serpentarde. Mais consciente qu'un je-m'en-foutisme dans cette situation serait des plus mal venus vis-à-vis de Nervia, elle choisit un tout autre type d'attitude.

"Effectivement, elle risque de se faire mal..."

Et elle se dirigea en direction de l'arbre sur lequel la jeune Gryffondor était en train de grimper.

Elle ne savait pas vraiment comment aborder celle-ci, les relations Gryffondor-Serpentard n'étant pas au beau fixe. Elle hésita le temps du court trajet qui l'amena au pied de l'arbre et entreprit d'interpeller ainsi la folle grimpeuse :

"Veux-tu bien descendre de cet arbre, s'il-te-plaît. Tu risques de te faire mal."

Il est vrai que Shirley trouverait parfaitement drôle de voir la jeune fille faire une chute. Mais très désagréable de devoir l'amener à l'infirmerie...

la jeune élève entendit quelqu'un se rapprocher et lui adresser la parole. Elle se retourna et vit une élève portant l'écusson de Serpentard, elle lui adressa un sourire et sauta de l'arbre avec agilité. Elle avait fait cela toute son enfance et ça ne lui posait aucun souci particulier. A vrai dire, c'était son refuge, les arbres, et lorsque son chaton grimpait, il fallait toujours qu'elle aille le chercher. Elle se retrouva au sol sans aucune blessure et se mit à la hauteur de l'élève de Serpentard.

- merci bien de m'avoir prévenue...

murmura t elle d'une voix douce et sans aucune haine mêlée. Elle ne comprenait pas les différents entre Gryffondor et Serpentard, étant donné qu'ils se ressemblaient énormément. Elle souriait toujours.

* c'est sympa de sa part, mais pourquoi elle a fait cela... je vois bien qu'elle ne nous aime pas! *

- c'est gentil de ta part...

Shirley ne semblait pas plus alertée que ça par la présence d'une petite fille dans les arbres. Elle se leva tout de même et, suivie de près par Nervia, alla demander à la Gryffondor de redescendre. Celle-ci s'exécuta et remercia la Serpentarde de l'avoir prévenue. Elle affichait un grand sourire, peut être un peu forcé. La Serdaigle pensa qu'il s'agissait surement d'une nouvelle manifestation de la haine qui opposaient les Gryffondors et les Serpentards.

"-Evite de recommencer... Ca peut être vraiment dangereux et je pense que Mme Pomfresh a suffisement à faire avec les blessures magiques sans devoir s'occuper en plus des accidents bêtes."

A peine eut elle fini de prononcer ces mots qu'elle se rendit compte qu'il auraient pu sortir tout droit de la bouche d'un préfet. En même temps, elle se sentait très concernée par tout ce qui touchait à la médecine, de par le métier de son père, et avait toujours vécu avec ses énèrvements lorsqu'il examinait un sorcier mordu par un chien. Il répétait toujours que ces personnes n'avaient rien à faire à Ste Mangouste et ne comprenait pas pourquoi elles refusaient d'aller dans les centres de soins moldus. Mais ce n'était qu'une preuve de plus de son esprit d'ouverture envers le monde moldu...

La petite blonde s'éloigna de l'arbre où était la Gryffondor pour retourner chercher ses affaires. Elle rangea son crayon de bois ainsi que son livre de sortilèges et ferma son sac.

"-Shirley... Il est presque midi et j'ai promis à mes amis que je serai là à déjeuner. Le temps que je rapporte mon sac dans la salle commune... Tu rentres avec moi vers le château?"

Nervia jeta son sac sur ses épaules. Elle était heureuse que la quatrième année accepte de l'accompagner jusqu'au château, même si elle ne savait pas vraiment pourquoi. Cette rencontre avait changé une petite part d'elle. Elle avait découvert qu'elle pouvait s'entendre avec des jeunes filles plus âgées qu'elles, mais aussi avec des sorciers de sang-pur issus de la noble maison Serpentard. Enfin elle s'entendait très bien avec ses grands parents paternels et ce côté pur de sa famille, mais la famille ce n'est pas pareil...

Les deux sorcières commencèrent à marcher dans le parc, en direction du château. Elles s'éloignaient de cet arbre qui leur avait permis de faire connaissance, ainsi que de la petite Gryffondor qui restait près de son arbre. La ventre de la Serdaigle émit un gargouillement sonore qui la fit éclater de rire. Décidement, elle avait beaucoup rit durant cette matinée. Et elle s'était confiée aussi... Pour la première fois. Comme disait Shirley, il lui restait à se décider avant le bal...

"-Après les vacances je rapporterai mon balladeur cassettes au chateau. C'est un appareil qui permet d'écouter ce qu'on a enregistré avec le magnétophone dont je t'ai parlé tout à l'heure. Je pourrai te montrer comment ça marche, si jamais on se croise à Pré-au-Lard, puisqu'ici c'est pas possible..."

Elle ne savait pas vraiment si une telle démonstration plairait à la Serpentard mais elle ne perdait rien à essayer. D'autant qu'il y avait un moment qu'elle voulait faire écouter à Clarisse, ou même à Mathias ses chansons préférées. C'était l'occasion.
Les deux demoiselles gravirent les marches du château puis poussèrent la lourde porte d'entrée. Le hall était vide, silencieux. Les élèves n'étaient pas encore sortis de cours, et les autres n'étaient pas encore descendus manger. Nervia se tourna vers Shirley et lui sourit.

"-Je vais déposer mes affaires dans la tour. J'ai été très contente de te rencontrer. A bientôt, si tu veux."

Elle réajusta la bretelle de son sac, puis une mèche de cheveux et, avec un petit signe de la main, tourna le dos à la jeune fille avant de commencer l'ascension des escaliers.