Un peu plus loin, à l’orée de la clairière, Samael remarqua une jeune fille qui semblait sur le qui-vive. Sans doute avait elle entendu aussi le craquement, et contrairement à ce qu’avait pensé le jeune homme, sa réaction prouvait que ce n’était pas elle qui avait fait ce bruit. Curieux, Samael s’approcha de la jeune personne, et tenta de reconnaître à travers la semi obscurité la silhouette de l’ombre.

Un peu trapue, plus petite qu’un enfant, mais qui ne semblait pas avoir peur des deux humains… Samael tendit vivement la main, accrocha la créature pour l’amener à la lumière. Lorsqu’il la reconnut, il ne put empêcher un petit sourire amusé d’éclairer son visage. Un simple elfe de maison… Il travaillait sans doute à Poudlard. Il relâcha le bras de la créature et se tourna vers la jeune fille qui avait abordé une mine inquiète.

« Je crois que vous n’aurez pas à vous inquiéter, il y a peu de chance que cet elfe vous fasse du mal … » dit il en abordant ainsi la jeune fille, moqueur. « Saurez vous vous défendre contre une si terrifiante créature, ou bien faut il qu’on vous raccompagne jusqu’à la lisière du bois ? »

Un fin sourire moqueur faisait briller ses yeux sombres. Ce n’était pas méchant, cette façon de parler lui était tout à fait naturelle, bien qu’elle puisse blesser plus d’une personne, susceptible ou pas.

Le salut de la jeune demoiselle le prit de court, et il haussa un sourcil étonné. Il était étrange de se dire bonjour ainsi, mais si c'était sa coutume ... Il se contenta de la regarder faire, sans esquisser le moindre geste. Puis elle sortit un calepin, et écrivit.

Si Samael fut étonné de la voir écrire sa réponse au lieu de la formuler à haute voix, il ne le montra pas. Il lut attentivement la réponse de la jeune fille, et se contenta d'afficher un petit sourire amusé. Les paroles de la jeune fille ne le vexaient pas du tout, et l'amusaient un peu. Il appréciait l'ironie et la répartie chez ses interlocuteurs car cela donnait toujours au dialogue un peu plus de piquant et l'épargnait de cette mièvrerie à tout bout de champs...

" Le vouvoiement est, chez moi, une forme de politesse, chose que vous n'avez pas l'air de comprendre ... Et bien que vous soyez d'un an mon aînée, je ne vous en veux pas, soyez sans inquiétude... Je ne vous en tiendrais pas rigueur."

Un large sourire amusé se dessinait maintenant sur son visage.

Samael écouta l’air musicale qu’Ambre jouait habilement avec un brin d’herbe, cachant son étonnement derrière un masque d’indifférence typiquement serpentard. Le rythme s’accordait bien avec ce qu’il faisait de la tige, et le jeune homme pris plaisir à continuer ainsi à accorder leurs deux talents pendant quelques instants.

Lorsque Ambre lui demanda si il ne venait pas ailleurs que d’Angleterre, Samael s’accorda un très fin sourire qui, pour autant, n’avait rien d’amusé ou de joyeux. Car si on commençait à parler de son pays d’origine, il y avait des chances que la curiosité de son interlocutrice dérive sur son passé…
**Et cela, je n’en parlerais à aucun prix, quoiqu’il en soit** estimait il.
Il leva les yeux au ciel un court instant, comme pour se remémorer une enfance pas si lointaine mais qui lui semblait déjà celle d’un étranger.

« Mon d’origine est la Russie , mais j’ai vécu un peu en Angleterre aussi … C’est un très beau pays . »

Il avait dit cette dernière phrase plus pour combler sa réponse que par réelle conviction. Les souvenirs associés à cette contrée lui étaient désagréables, et cela obscurcissait son jugement. Il allait se perdre dans ses pensées lorsqu’un mot écrit sur le calepin l’intrigua.

« Samael-ji ?! Qu’est ce que ça veut dire ? »

Samael contemplait la licorne, et rien d’autre n’existait plus à ses yeux. Le temps s’était arrêté un instant pour donner aux deux enfants cette insaisissable magie des moments uniques. Le jeune garçon avança d’un pas, sans quitter du regard le bel animal. Comme celui-ci ne bronchait pas, il s’approcha encore, lentement, petit à petit, jusqu’à n’avoir qu’à tendre le bras pour pouvoir la toucher.

Et c’est avec un bras presque tremblant d’émotion que Samael leva la main pour glisser ses doigts dans la crinière soyeuse de l’équidé. Son sourire s’accentua, révélant un visage apaisé et heureux, expression qu’il n’avait que très rarement en public. Il aurait pu rester ainsi un long moment, mais le bruit sonore d’une branche qui craque résonna au loin dans la forêt, brisant le silence protecteur.

Le visage de Samael se referma, comme si le jeune garçon prenait soudainement conscience de la situation et la présence d’Ambre. Il s’était reculé un peu de la licorne, après lui avoir flatté une dernière fois l’encolure, et se tourna vers la jeune gamine qui lui avait offert ce spectacle. Il aurait du lui en être reconnaissant mais ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir ; après cet instant qu’elle lui avait donné, il se sentait redevable et donc lié en quelque sorte à la jeune fille, et Samael s’en voulait de s’être montré aussi extraverti.

« Pourquoi m’as-tu montré ça ? » demanda il d’une voix plus sèche qu’il ne l’aurait désiré.

Samael vit la jeune fille caresser une dernière fois l’encolure de la licorne avant de se diriger vers lui, les grelots à ses pieds chantant son passage. Le sourire naturel qui avait éclairé son visage quelques instants plutôt avait disparu, laissant place à un visage calme, trompeusement apaisé, derrière lequel hurlait une tempête due à ses souvenirs. Mais Samael voulait oublier, au moins pour quelques minutes, et il essaya avec peu de succès de reléguer ses sombres pensées. Une nouvelle vie s’offrait à lui, et il se devait de saisir cette chance qui ne se reproduirait sans doute pas… Puisque ici on ignorait tout de lui, il pouvait changer. Il devait changer.

Son regard se reporta sur la jeune fille qui lui avait ouvert une partie de son cœur et offert un précieux cadeau. Il avait vu le regard plus pesant qu’elle avait eu un court moment, et s’était demandé si c’était le regret qui avait entaché ainsi ses yeux. Il espérait que non, et ferait tout pour que ça ne soit pas le cas. Car pour une fois, quelqu’un lui faisait confiance.

« Tu viens souvent ici, n’est-ce pas ? Cette licorne semble bien te connaître… C’est un endroit magnifique, magique. »

Magique, oui… Il avait vu au cours de ses derniers jours plus de magie qu’il n’aurait pu imaginer et pourtant, c’était cette confiance presque spontanée qui l’avait le plus étonné. Parce qu’elle pouvait sembler normale, banale pour certains, elle était une promesse nouvelle pour un jeune garçon solitaire, terriblement méfiant.