Le crépuscule. Voila le meilleur moment pour aller au cimetière, selon elle. Au passage entre le jour et la nuit, se rendre sur le lieu qui communique entre les vivants et les morts… Cela avait quelque chose de symbolique pour la jeune étudiante qui marchait d’un pas tranquille et silencieux, emmitouflée dans une longue cape noir qui trainait presque au sol. Trois simples roses blanches pendaient à ses doigts.

Cybèle arpenta les allées d’un pas assuré, connaissant déjà bien le chemin, pour se rendre là où reposaient deux tombes côte à côte. Vieille depuis plus de quinze ans, les aléas du temps les avaient usées, polies, rendant la pierre à l’origine rêche douce au toucher. La jeune étudiante promena sa main fine sur les inscriptions qui les décoraient comme pour les lires avec son corps comme avec ses yeux, et déposa une rose sur chaque tombe. Dans ses yeux émeraude ne brillait aucune tristesse, simplement un peu d’émotion, comme si elle rendait visite à des vieilles connaissances. Avant de partir, elle leur adressa un vague signe de main, comme si ils pouvaient la voir, avant de prononcer ces mots si rares.

« Maman, Papa…. »

C’était toujours ainsi qu’elle leur disait au revoir, bien qu’elle n’aimait pas l’idée de parler à des bouts de pierres froides. Car c’était le seul moment où elle pouvait prononcer ces deux noms aux consonances si douces. Elle tourna ensuite le dos à l’eternel demeure de ses parents, remonta encore quelques allées et s’arrêta devant une tombe plus récente encore. Elle y fit tomber sa dernière fleur, et plus d’émotion brillait dans ses yeux que précédemment. Sa grand-mère, son tuteur, reposait ici. Oh, Cybèle n’était pas spécialement triste, mais elle lui manquait…

Elle recula de deux pas, et se décida à partir. Le chemin habituellement employé contournait un bosquet d’arbres qui empêchaient une sortie plus rapide. Cybèle se décida à traverser à travers la petite portion de foret, pour gagner du temps, et s’y engagea sans la moindre hésitation. Cependant, au bout d’un moment, elle fut forcée de reconnaitre qu’elle ne savait pas exactement quel coté elle devait prendre, et la jeune femme se résigna à regagner le chemin. En s’y rendant, elle marcha sur une branche qui craqua dans un bruit violent. C’est ainsi qu’en sortant, elle se retrouva nez à nez avec un jeune homme qui pointait sur elle sa baguette.

Avec un sourire malicieux, la jeune femme, détourna le bout de bois de bout des doigts.

« Pointez cela autre part, je vous en serais reconnaissante. »

Elle plaisantait, mais devant l’air menaçant de l’homme, ses doigts effleurèrent sa baguette, au cas où. Cependant, sa baguette resta bien cachée dans sa poche, pour que l’inconnu ne prenne pas cela pour une tentative malveillante. Ce n’était que de la méfiance, de la simple méfiance.

« Que faites-vous par ici ? »Demanda-t-elle pour essayer d’alléger l’atmosphère.

L’homme n’avait en effet pas la tête de quelqu’un qui se recueillait, et cette constatation ne l'incitait qu'à plus de méfiance.

Le jeune homme baissa sa baguette, et ceci lui permit de le voir réellement. Aveuglée l’instant plus tôt par la marée de lumière qui l’avait éblouie, elle n’avait pas pu voir à qui elle avait à faire. Sans doute un peu plus vieux qu’elle, des cheveux sombres, l’air méfiant... Il regarda derrière elle, comme pour voir si elle n’était pas suivie ou accompagnée, puis tourna son regard vers elle. Il n’ajouta pas cependant un seul mot, et Cybèle lui posa alors une question sur ses activités, pour briser ce trop lourd silence qui lui pesait.

L’homme lui répondit qu’il était au service du ministère, archivant les morts. Cybèl hocha la tête, un air neutre affiché sur son visage, tout en se disant qu’elle n’aimerait vraiment pas faire ce boulot. C’était assez glauque tout de même. Cependant, elle ne fit aucun commentaire, pour ne pas blesser son interlocuteur qui tenait peut-être à son travail et pour qu’il n’imagine pas qu’elle le prenait en pitié. Ce fut lui qui reprit la parole, lui demandant ce qu’elle faisait là, à cette heure de la soirée, alors que le cimetière était fermé au visiteur.

Cybèle eut la bonne grâce de rougir un peu, avant d’hausser les épaules d’un air nonchalant.

« Il y a un passage où un pan du mur s’est affaissé, et il y est facile de grimper par-dessus. »Dit-elle avec légèreté. « Cela me permet de rendre quelques visites, à l’heure la plus agréable et seule… Du moins, d’habitude ! »

Elle jeta un coup d’œil curieux au jeune homme. C’était tout de même étrange que le ministère envoie ses employés bosser dehors, en début de soirée, alors que la luminosité n’était que très limitée. Vraiment étrange. Cette constatation la mis sur ses gardes, avant qu’elle ne pense que s’il avait été mangemort, elle ne serait déjà sans doute plus en état de penser… Sa main resta néanmoins scotchée sur sa baguette magique. On ne savait jamais…

Cybèle se décida à se présenter, dans l’espoir qu’il fasse de même. Quelque chose de mystérieux, de secret planait au dessus de son interlocuteur, et cela l’intriguait.

« Je m’appelle Cybèle Boeman, et je suis étudiante à l’UMA. »

Sa main désigna vaguement l’endroit où se trouvait l’université, pas si loin. En une heure de marche, un peu plus, elle y serait. La marche était pour Cyb’ un moyen de détente et de réflexion agréable. Elle ne rechignait donc que très rarement devant une distance à parcourir à pied. L’étudiante fit un geste qui embrassa tout le cimetière, avant de demander.

« Vous avez bientôt fini votre boulot ? »

Par suspections, la jeune femme ne pouvait pas s’empêcher de poser des questions, attendant d’en savoir plus sur ce mystérieux inconnu.