Au piano

Solenn fut un peu prise de court. Un animal? Pas vraiment. Il y avait bien eu le vieux cheval des voisins, pour qui elle s'était il y a quelques années prise d'affection, avant de les voir déménager. Mais Solenn n'avait jamais eu d'animaux à elle. Il faut dire qu'à part les serpents, les bêtes n'avaient pas la côte dans la famille Saterlang. Et, sans qu'elle sache vraiment pourquoi, les reptiles n'avaient jamais vraiment attiré Solenn... Peut-être était-ce d'ailleurs pour cela qu'elle s'était retrouvée à Serdaigle, au lieu de Serpentard, cette Maison que ses parents auraient tant voulu la voir intégrer. c'est donc avec un sourire pensif qu'elle déclara:

-Mhh... Non, je... je n'en ai jamais eu... C'est sans-doute dommage..; je crois que j'aurais bien aimé. Et toi... Tu en as, des animaux???

Elle se reprit, et chercha quelque chose, un autre sujet pour enchaîner, mais son interlocutrice la devança. Encore une fois, Solenn fut plus ou moins prise au dépourvu. Depuis quand jouait-elle du violon? Ca,c'était plutôt facile. Elle avait dû commencer vers sept ou huit ans...
Après un rapide calcul, elle répondit posément, réfléchissant déjà à l'autre question que lui avait posée Sonsoles.

-Mhh... Ca dit faire à peu près trois ans... Ou peut-être quatre...

Car l'autre question, la question du pourquoi, Solenn ne se l'était jamais réellement posée, et cela impliquait pour elle pas mal de relfexion. Elle n'était pas, on ne le répétera jamais assez, issue d'une famille intéressée par l'art, que ce soit la musique ou autre chose, surtout si l'on voit le caractère moldu de cette discipline. A vrai dire, tout s'était fait par hasard. Un vieil homme solitaire que Solenn avait rencontré par hasard, un vieux berger de la région, possédait un violon et en jouait fort bien, et l'enfant, fascinée, passait bien souvent des heures entières à l'écouter. C'est donc tout naturellement qu'elle lui avait demandé de lui enseigner un peu de son art. Le vieillard, ravi de cette compagnie autant de de cet intérêt, accepta avec grande joie, et lui enseigna le violon, pas comme on l'apprenait souvent, avec partitions et tout ça. Il lui avait surtout appris à écouter, à reproduire, et quelque peu à inventer. Hélas, le problème avec les vieillards, c'est qu'ils finissent toujours par mourir. C'est tout naturellement qu'il offrit, lorsque le temps fut venu pour lui de se retirer, son instrument à Solenn, qui avait continué de s'entraîner autant que possible, autant par amour pour la musique que pour le souvenir du vieil homme. Et, quand le son du violon s'élevait, il semblait revivre, cet homme qui n'avait d'autre nom que celui de beger, et se lever à nouveau. A travers la musique de Solenn, à travers son instrument, il vivait encore, et c'était toujours ver slui que s'envolaient ses pensées lorsqu'elle jouait.
Trève de souvenirs, le temps était maintenant à la parole, le silence ne devait pas s'installer à nouveau. Solenn s'attela donc à la tâche ardue qui était de raconter tout cela en n'en disant pas trop et en restant cohérente, sans s'évader dans les souvenirs. Pas facile, pour une rêveuse comme la petite Serdaigle.

-Et... La question du pourquoi... C'était un peu un hasard... J'ai rencontré un vieil homme, un berger violoniste, et je lui ai demandé de m'apprendre son art. Quand il est mort, il m'a legué son instrument, et... Et aujourd'hui, je joue pour son souvenir.

Ce n'était pas très clair, et peut-être un peu plus personnel qu'elle ne l'aurait voulu. Elle n'appréciait guère de se livrer ainsi. Mais après tout , pourquoi pas? Et puis, puisqu'on était lancés, autant clarifier les choses directement.

-Et... En verité, je... Je ne suis pas vraiment à l'aise sur le thème de la musique... parce que... Parce que je ne sais même pas lire une partition... Il m'a juste appris à écouter, à reproduire, à inventer, aussi. Mais rien de plus.

Voilà, c'était dit. Ce n'était même pas si difficile. C'"tait baffouillant, certes, mais elle avait réussi à ne pas paraître totalement idiote. Ou, tout au moins, elle l'espérait.