Sally-Ann bougonnait en silence.
Après un éternuement sonore, elle jeta un regard de profond dégoût vers la fenêtre. Le temps n’était pas exactement au beau fixe, et le ciel, désormais teinté d’une jolie couleur grise, avait nettement déteint sur le moral de la fillette. Claquant des dents, et pestant intérieurement contre l’humidité et la fraîcheur du château, la jeune fille commença sa longue marche vers sa salle commune.

Toutefois, Sally-Ann n’était pas là depuis bien longtemps, et comme tous les petits nouveaux, elle se perdait. Oh, bien sûr, il était inutile d’essayer de lui faire admettre la chose… Si vous la trouviez, hagarde, au détour d’un corridor, cherchant désespérément la sortie, et que, bon cœur, vous lui proposiez de l’aide, la demoiselle prenait un air hautain avant de répliquer : « Moi ? M’aider ? Sachez que je suis tout à fait capable de m’orienter moi-même, ne vous en déplaise… ». Pourquoi agissez-t-elle ainsi ? Nous vous passerons un long cours de psychologie féminine/enfantine/ Sally-Annine, et nous vous expliquerons simplement que Sally-Ann était bien trop fière (bête ?!) pour avouer sa faiblesse…

Bref, notre jeune sorcière, vous l’aurez compris, se perdit. Ce qui, vous pouvez me croire, n’arrangea pas son humeur. Alors qu’elle passait (pour la quatrième fois) devant le portrait d’un vieux moine à l’air ahuri, elle entendit un cri.
L’âme héroïque de la demoiselle bondit. Bon, d’accord, il ne faut rien exagérer, n’empêche que Sally-Ann fonça vers la provenance dudit cri. Et c’est ainsi qu’elle découvrit un jeune homme, en fâcheuse posture, les pieds dans le vide...
Vint alors le moment pour Sally-Ann de tergiverser. De quel côté l’aborder ? Dois-je sortir ma baguette ? Je ne sais pas bien me servir d’une baguette… Que faire ?
Résultat, avant que la demoiselle n’ait eu le temps de faire quoi que ce soit, le jeune homme s’était relevé.
Déçue, la jeune fille ne bougea pas du couloir, bloquant ainsi l’accès au jeune homme. Celui-ci fut donc bien forcé de s’arrêter à sa hauteur. Et Sally-Ann, ne comprenant pas pourquoi, de le regarder d’un air interrogateur (et un peu niais, il faut bien l’admettre…).

Tandis que Sally-Ann observait le jeune homme, ne comprenant toujours pas bien pourquoi il s’était arrêté devant elle, ce dernier lui adressa la parole.

- Bon, tu as l'intention de me laisser passer avant la nuit ou pas?

Inutile de préciser que le ton employé n’était pas des plus polis, et trahissait un certain agacement. Sally-Ann, qui n’avait pas l’habitude qu’on lui parle ainsi, passa simultanément du rouge au violet, tout en passant par un blanc laiteux. Je ne sais pas si vous avez déjà essayé, mais c'est assez compliqué à réaliser...
Pourquoi diable l’agresser ainsi, elle qui venait l’aider ? Bon d’accord, elle n’avait rien fait, mais tout de même ! Ah, mais attendez, peut-être que le jeune homme, bien plus grand qu’elle, avait tout simplement honte de ce petit instant de faiblesse ? Oui, enfin, de là à traumatiser une pauvre petite première année…

Sally-Ann remarqua alors le blason du jeune homme. Rouge et or. De toute évidence, il se trouvait à Gryffondor.
La jeune sorcière avait bien entendu parler de ces rumeurs, qui disaient que Gryffondors et Serpentards se vouaient une haine ancestrale. Au début, elle avait pensé que son grand frère lui racontait des bobards, comme d’habitude. Une sorte de blague racontée aux premières années, pour les effrayer. Toutefois, arrivée sur les lieux, elle avait bien du admettre que la sympathie ne régnait pas entre les deux maisons…

« Et bien, commença la demoiselle, ça, ça dépends de toi. Tu n’as qu’à m’aider à regagner ma salle commune, on dirait que tu es ici depuis longtemps, très longtemps… Non pas que je suis perdue, hein, mais j'en ai marre de marcher seule... »

Elle le jaugea un instant, les mains sur les hanches. Puis, soudainement, elle fit demi-tour, et, avec un petit geste de la main, l’invita à la suivre.

« Allez, viens ! Au fait, je m’appelle Sally-Ann. Mais tu peux m’appeler Sally. Ou Ann. »

Après réflexion, elle avait décidé de se faire elle-même une idée, avant de décider si oui ou non, les Gryffondors étaient aussi intéressants que des mollusques.

Sally-Ann eut un sourire hautement satisfait lorsque le jeune homme se décida à la suivre. Bon gré mal gré, il commença à avancer, la prévenant tout de même qu’il n’était pas question qu’il la suive jusqu’au bout. Non mais.
*Hummpf s’il commence, il finira…*
Sourire.
Sans se soucier d’avantage de ce léger problème, elle se mit à l’observer.
Grand, plutôt très grand même, par rapport à elle. En même temps, Sally-Ann avait l’habitude d’être toujours la plus petite. Plus vieux qu’elle, c’était certain. De combien d’années ? Trois ? Quatre ?
La demoiselle fut interrompue dans ses suppositions lorsqu’il daigna enfin lui révéler son nom. Olivier. Hum, Olivier, Olivier…. Non, ça ne lui disait rien. En même temps, sans le nom de famille, difficile de savoir s’il faisait parti d’une famille influente ou non.

Olivier, donc, se mit en marche. Et quelle marche ! En trois enjambées, il avait déjà mis une certaine distance entre lui et elle. Sally-Ann, qui n’avait nulle intention de se laisser distancer, trottina derrière lui. Il ne parlait pas, mais marchait toujours aussi vite. Mécontente, la petite sorcière tenta d’agripper la manche de sa robe. La deuxième tentative fut la bonne.

Satisfaite de le ralentir (et de se faire un peu traîner, par la même occasion), Sally-Ann décida d’engager la conversation.« Alors ? commença-t-elle d’un air espiègle, C’était quoi, tout à l’heure ? Tu t’entraînais pour une nouvelle manœuvre de Quidditch ? »
La jeune fille rigola doucement. Mais, en y regardant de plus près, Olivier avait toutes les chances de faire partie d’une équipe de Quidditch, vu sa taille et sa carrure.

Légèrement contrariée, la jeune novice maugréa :
« Dis donc, tu as un train à prendre, ou quoi ? »
Puis, elle lui jeta un regard noir, espérant ainsi le faire ralentir (bien qu’en réalité, le fait qu’elle soit toujours suspendue à sa manche ralentissait déjà considérablement l’avancée du jeune homme…)

Sally-Ann ne savait plus trop quoi penser.
Elle commença tout d’abord par être en colère, après la réflexion d’Olivier. Ce jeune homme se moquait d’elle ! Cela se voyait, non, qu’elle marchait moins vite que lui ?! Ensuite, la jeune fille rougit, honteuse de s’être conduite ainsi. Après tout, elle lui avait à peine demandé son avis, alors, c’était déjà gentil de sa part de l’accompagner… Finalement, son regard se fit perplexe. Que répondre ?

« Je suis désolée, dit-elle, d’un ton piteux, je n’aurais pas du t’accrocher comme ça… »
Penaude, elle regarda un instant le bout de ses chaussures, devenu subitement extrêmement intéressant. « Hum, alors, euh, on peut marcher un peu moins vite ? »

Elle risqua un coup d’œil vers lui. Il n’avait pas l’air si fâché que ça, finalement… Se mordant l’intérieure de la joue, (système breveté pour s’empêcher de raconter des bêtises), elle fit quelques pas en avant.
Sally, que ce silence gênait au plus haut point, tenta à nouveau de dialoguer.

« Alors, euh… Tu t’es pas fait mal tout à l’heure, au moins ? »

*Ah, bien ! C’est vrai que de lui rappeler ça, ça va arranger les choses…* Se morigéna-t-elle.

Les yeux toujours fixés sur le sol, elle continua sa marche vers… une armure. Car bien évidement, lorsqu’on marche sans regarder devant soi, et en pensant à un tas d’autres choses, on finit par avoir des problèmes. Et ce qui devait arriver arriva. Sally-Ann percuta l’armure, qui chuta lourdement au sol.
La jeune fille plaqua une main horrifiée sur sa bouche, et jeta un regard affolé aux alentours.*Pourvu que Rusard n’ai rien entendu…*

Sally-Ann était paralysée. L’écho de la chute de l’armure résonnait encore dans ses oreilles. La jeune fille n’arrivait pas à détacher son regard de l’armure désarticulée… Une part d’elle-même ne cessait de lui hurler de s’enfuir, au plus vite (*Alerte à la tour de contrôle !* ). Cependant, une autre part d’elle-même était fascinée, et se demandait si l’affreux concierge allait, oui ou non, rappliquer… Sally s’était très rarement faite punir, et dans son inconscient, l’expérience la tentait.

Toutefois, Olivier ne lui laissa pas le temps de goûter au plaisir de l’interdit. Lui agrippant la main et l’entraînant avec elle, ils se mirent à courir dans les couloirs. Le jeune homme cavalait tellement vite, que Sally avait quasiment l’impression de voler…
Alors qu’ils tournaient à l’angle d’un couloir, Miss Teigne, la fidèle compagne de Rusard, apparut, l’œil suspicieux. Toutefois, le fidèle félin n’eut le temps d’apercevoir d’eux qu’un tourbillon de couleur, tandis qu’ils continuaient leur fuite.

Sally-Ann commençait à être sérieusement essoufflée. Ses jambes ne supportant plus ce rythme soutenu, la lâchèrent soudainement. La demoiselle de Serpentard trébucha, se retenant de justesse à son compagnon de fuite.
Stoppés dans leur course, Sally-Ann regarda anxieusement de tous les côtés. Elle n’avait aucune, mais alors aucune idée d’où ils pouvaient bien se trouver… Etait-ce loin du lieu du ‘crime’ ? Elle n’aurait su le dire. Néanmoins, la part salutaire de son esprit lui glissait qu’ils ne se trouveraient jamais assez loin de l’horrible Rusard…

La jeune fille avisa une porte, *sûrement une salle de cours* ,songea la Vert et Argent, qui n’en savait strictement rien. Elle se précipita vers l’entrée… qui était, malheureusement fermée… De dépit, la jeune fille donna un coup de pied dans la porte rebelle (ce qui eut pour conséquence un « Aïeeee » étouffé de la petite sorcière). Finalement, comprenant qu’il était inutile de lutter contre une force supérieure, elle jeta un coup d’œil alarmé au Gryffondor.