La nuit s'annonçait, l'obscurité s'avançait sur les rues de Londres, et Ivan Derkan était assis à son bureau, en proie à une profonde réflexion. Jouant machinalement aux échecs avec lui-même, l'Auror réfléchissait intensivement, son esprit aveuglé par le doute, à la proposition qui lui avait été soumise par Griffin Irons, le directeur du Bureau des Aurors, et par Winston de Burkeley, le directeur du Département de la Justice magique. Une proposition? Une mission plutôt, la mission la plus dangereuse et la plus difficile qu'il aurait à remplir s'il l'acceptait: infiltrer la mafia, gravir les rangs de sa hiérarchie, et percer l'identité du Maître du Jeu. Une mission suicidaire où il se retrouverait exposé aux délations des taupes du Ministère de la Magie et aux sondes des legilimens de cette même mafia qu'il lui était demandé d'infiltrer. Une mort presque certaine, la gloire et l'honneur d'avoir porté le coup qui briserait la mafia, et les récompenses qui en découleraient. La balance penchait tantôt d'un côté, tantôt de l'autre sans qu'il parvienne à prendre une décision. Le hasard voulut alors qu'Ivan triomphe du roi adverse. Echec et mat, sa phrase préférée. Bien qu'il était l'esprit animant les deux camps de cette partie endiablée, cette victoire rendit à Ivan toute sa détermination et il sut ce qu'il avait à faire.
Sans un mot, il quitta le Bureau et se rendit à sa demeure pour prendre diverses dispositions. La première fut de passer une partie de la nuit à rédiger son testament dans les moindres détails pour le substituer à son ancien testament avec une date falsifiée. En aucun cas, ce testament ne pouvait être daté de ce jour, sans quoi cela constituerait un indice que la mafia serait capable de déchiffrer qui le mènerait à sa perte. Un véritable Auror corrompu ne rédigerait pas un nouveau testament quelques jours avant de contacter la mafia s'il n'avait pas de raisons de redouter sa mort. Et un tel Auror redoutant sa mort pourrait être perçu comme un Auror infiltré, ce qu'il serait. Ivan Derkane en était conscient, sa vie ne tiendrait qu'aux moindres détails et cette seule raison le poussa à s'introduire au Ministère au cours de la nuit pour furtivement substituer les deux testaments. Nul n'en saurait rien, le russe y avait veillé et s'était appliqué pour qu'il en soit ainsi. Il ne faisait confiance à personne d'autre que lui-même pour accomplir cette tâche peut-être essentielle à sa survie. Une fois qu'il eut commis cette petite entorse, Ivan Derkane s'en alla retrouver la compagnie de sa chère Magdalena pour lui expliquer ses intentions. Est-ce utile de le préciser, la discussion fut remarquablement mouvementée et tendue. Des cris, des hurlements, des regards noirs, des pleurs, et des objets cassés plurent au sein du Manoir Derkane jusqu'au petit matin avant qu'Ivan ne parvienne à convaincre son épouse de le laisser accomplir son devoir. L'Auror ne laisserait ni rien, ni personne accomplir cette tâche à sa place, il était l'élu qui détruirait la mafia et nettoierait le Ministère de la Magie de sa corruption et de ses souillures. Oh, certes, voilà qui était présomptueux, mais voilà surtout qui faisait du bien! Le russe avait attendu son heure en tant qu'Auror depuis des années et, maintenant que l'opportunité de se distinguer se présentait, il entendait bien la saisir au vol. Les yeux entourés de cernes, mais l'expression déterminée, Ivan Derkane embrassa sa Magdalena avant de se rendre au Ministère de la Magie. Il ne fit pas le moindre détour: parvenu au grand hall, il prit un ascenseur qui le mena au deuxième niveau. De là, il parcourut les couloirs, prenant à peine le temps de saluer ses collègues, et vint à la rencontre de sa destinée dans le bureau de Griffin Irons.
- Bonjour, Griffin.
Sans faire de manières, Ivan ferma aussitôt la porte du bureau du directeur et s'installa dans le siège faisant face à Griffin. Il était suffisamment fatigué pour ne pas avoir prêté attention à ce que faisait son supérieur hiérarchique, mais il ne n'y porta pas davantage son attention, l'important était qu'il fut seul avec le directeur. L'Auror tira alors de son manteau l'ordre de mission qui lui avait remis et le posa devant lui de manière délibérément lente.
- Tu souhaitais connaître ma réponse aujourd'hui, je te la donne donc. J'accepte la mission, Griffin, mais je ne signerai l'ordre de mission qu'en contrepartie de certaines conditions. Cette opération d'infiltration est suicidaire: non seulement je devrai échapper à tous les pièges qui me seront tendus pour démasquer ma véritable allégeance, mais je devrai également commettre des actes criminels pour préserver ma couverture. Et nous savons toi et moi qu'il ne sera pas toujours possible d'abuser de la mafia et qu'il me sera peut-être imposé de tuer des innocents et des moins-innocents pour prouver ma fiabilité et gravir les échelons suffisamment haut pour parvenir à réaliser nos objectifs. Je pense être capable de le faire, mais j'ai besoin de prendre des mesures pour le bien-être de ma famille et pour m'assurer que mon éventuelle mort ne soit pas vaine. Je suis sûr que tu comprends pourquoi j'agis de la sorte.
L'Auror sortit alors un nouveau document de son manteau et le tendit à son directeur, un document écrit de sa main exposant ses doléances: immunité pour les crimes commis afin de préserver sa couverture, prime de risque en plus de son salaire régulier tant qu'il opérerait sous couverture, protection rapprochée de sa famille s'il venait à être démasqué, envoi de sa pension à Magdalena en cas de décès, et funérailles organisées et paiées par le Département de la Justice magique en cas de décès. Avec un sourire sarcastique, il ajouta:
- J'aurais bien demandé à être également décoré de l'Ordre de Merlin et à promu au rang de chef d'équipe, mais je n'oserais abuser de la grande générosité de notre ministère bien-aimé!
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Sujet: L'aurore où un Auror signa son arrêt de mort