Mon Talyn,

Je sais ce que tu vas me dire : c'est idiot de t'écrire cette lettre, d'utiliser un hibou alors que nous vivons ensemble. Je sais. Mais c'est le soir de Noël, j'ai un peu trop bu et je ne sais plus trop ce que je fais. Quand tu recevras cette lettre, je serai à nouveau sobre et j'aurai honte de l'avoir écrite, et plus encore de l'avoir envoyée. Mais ce soir, ou plutôt ce matin vu l'heure, ça me fait plaisir de te l'écrire. Ne cherche pas. Pense plutôt que dans dix ans, tu pourras relire ça et revivre notre premier Noël ensemble... Selon où on en sera, tu trouveras ça émouvant, si on est toujours ensemble, ou pathétique, si on s'est séparés en se maudissant sur tous les tons. Mais ce sera là. Tu peux remercier la quantité de whisky et d'autres alcools que j'ai avalée ce soir.
Tu es là, à quelques mètres de moi. Tu dors, au premier, dans notre chambre. Moi, je me suis relevé car l'alcool me rend un peu malade. J'ai essayé de dormir, tes bras autour de moi comme d'habitude, mais la tête me tournait et je me suis relevé. Je sais que je ne devrais pas boire autant, mais je ne peux pas m'en empêcher. J'espère que tu ne m'en veux pas pour ça.
La chatte dort à côté de toi, roulée en boule sur la couette. Tu me l'as offerte à minuit dans son panier rose, et on a décidé de remettre à demain le choix du nom car il ne nous venait que des âneries. Souafle. Stupéfix. Germaine. Que des trucs débiles, qui nous ont bien fait rire. Ça ira mieux demain, pas vrai ?
Dors, Talyn. Tu as le visage caché dans la pénombre mais même ainsi, je te trouve beau alors que je devine à peine ta présence. Je crois – et c'est même la raison principale pour laquelle je t'écris cette lettre, car il y a des choses que je ne sais pas dire de vive voix – que je suis amoureux. Pour la première fois, et je m'en rends compte alors que je suis tellement saoul que j'en aurais presque envie de pleurer. Je suis nul, je sais. Ne m'en veux pas. Dors. Tu as bien mérité de te reposer, après la nuit que tu m'as faite passer. Je n'ai jamais été aussi bien avec quelqu'un, et je ne dis pas ça seulement à cause de tes performances. Je ne sais pas comment le dire, je m'embrouille, j'ai presque envie de déchirer la lettre. Je vais m'en resservir un, tiens, et attendre que le jour se lève. C'est pour bientôt, je pense.
Quand tu recevras cette lettre, sois assez gentil pour ne pas te moquer de moi. Je regrette déjà de l'envoyer.

Tout à toi
James