Un coup d'oeil avait suffi à William pour savoir qu'il allait mortellement s'ennuyer pendant ce cours. Il n'y avait que des petits, ou presque – tout ce qui était en-dessous de la cinquième année était de la marmaille, aux yeux du préfet-en-chef. Personne de son âge, et même ce grand vaurien d'Oaken avait déserté. Il avait pourtant affirmé, la veille, qu'il viendrait en cours... Quel prétexte avait-il bien pu trouver pour se dispenser de métamorphose ? Un camarade à accompagner à l'infirmerie ? Oaken en accompagnait tellement que William le soupçonnait de les rendre malades volontairement, juste pour manquer les cours.
Gryffondor était largement représenté à ce cours de métamorphose, deuxième point négatif. Le roux devait être exemplaire auprès des minots, mais encore plus auprès de ceux de sa maison. Cela faisait partie du job. Il n'avait jamais été enthousiaste à l'idée d'être préfet-en-chef, mais il avait abandonné l'idée de pouvoir se débarrasser de cet insigne en tâchant de s'en montrer indigne ; McGonagall n'avait eu aucun mal à comprendre la manoeuvre, et elle l'avait menacé de sanctions s'il s'obstinait. « Un préfet-en-chef mis en retenue tous les week-end, ce serait une première, mais vous savez bien que la nouveauté ne m'effraie pas, Craig ! »
Il en avait pris son parti, et accomplissait la tâche qu'on lui avait dévolue, sans la moindre once de motivation. Au demeurant, il n'avait pas beaucoup d'amis avec qui s'amuser ; ses condisciples l'agaçaient avec leur obsession des études, des notes, des examens, et seul Apollon Oaken rompait avec cette désespérante norme. Les deux hautes autorités masculines de Gryffondor s'employaient donc à faire les idiots, assez discrètement pour ne pas être sanctionnés, et, pour le moment, pour ne pas faire perdre des tombereaux de points à leur maison. Avec la passion des autres élèves pour la Coupe des Quatre Maisons, vandaliser le sablier de Gryffondor à coups d'âneries aurait été le meilleur moyen de se faire haïr.
Bref, pas d'Oaken, plein de mioches, dont beaucoup portaient l'emblème au lion, et une prof qui n'avait pas l'air spécialement rigolote – à croire que c'était une condition pour enseigner la métamorphose. De quoi s'ennuyer ferme, tiens. Le professeur Chatterton se présenta rapidement, avec une simplicité qui ne suffit pas à dissiper l'impression négative de William qui considérait tous les profs comme des emmerdeurs en puissance. Il la regarda d'un oeil morne agiter sa baguette magique pour meubler la salle, songeant que décidément, les enseignants aimaient bien faire étalage de leurs talents, surtout en métamorphose. La première fois, c'était impressionnant, surtout lorsque McGonagall faisait usage de son pouvoir d'animagus, mais ensuite, au bout de sept ans d'étude, cela perdait un peu de son charme... Enfin, au moins, on pouvait s'asseoir, à présent. Le roux était constamment fatigué, chose normale à son âge, et il ne se fit pas prier pour s'avachir sur l'un des fauteuils. Docilement, il sortit de son sac une plume, un encrier, et son cahier de métamorphose, pour prendre des notes ; il écrivait beaucoup en classe, notait presque tout, y compris les choses les moins utiles, simplement parce qu'il aimait écrire et que cela l'occupait. Sa plume préférée en main, il se mit à calligraphier la date du cours, en laissant aux autres le soin de répondre à l'enseignante. Il aurait bien pu tenter de participer, mais il y avait trop longtemps maintenant qu'il avait pris l'habitude de se taire la plupart du temps en classe ; il savait certainement des tas de choses, mais, par crainte de se tromper ou, parfois, par paresse, il se contentait de répondre dans sa tête. De toute façon, les mioches étaient trop contents de se disputer la parole et de remplir les sabliers de leurs maisons. Touchant enthousiasme, qui avait quitté le rouquin depuis bien longtemps.