Le pas de Xenophius McGregor s'allongea dans une étroite ruelle, accompagné de ceux de ses deux gardes du corps, les deux jumeaux maléfiques, qui jetaient des regards menaçants tout autour d'eux, tous les deux placés de chaque côté de leur Oncle. La rue de la Gorgone n'était pas un lieu très bien fréquenté, et ceux qui y venaient étaient les mêmes qui se déplaçaient ans les rues de l'Allée des Embrumes. On y retrouvait d'anciens rafleurs, des mages noirs en herbe, ou bien de dangereux psychopathes. Coleen et Brad étaient quant à eux encore plus dangereux, ainsi, le vieux sorcier s'en était fait son escorte personnelle. Ils s'avancèrent donc tous les trois, dans un silence cérémonieux, si ce n'était le bruit régulier et sourd des hauts talons aiguilles roses de sa nièce qui le rompait. Un havane entre les dents, le directeur de la coopération magique était détendu pour son entrevue avec le dénommé Leoni, qu'il rencontrait aujourd'hui pour la première fois.

Franchissant le seuil du bar, lieu du rendez-vous, quelques regards se retournèrent vers les nouveaux arrivants, les dévisageant d'un air sceptique. Un membre haut placé du ministère se déplaçait rarement en des lieux aussi piteux, mais son escorte et sa prestance naturelle semblaient dissuader quiconque de le lui faire remarquer. Lorsqu'il demanda sèchement celui qui s'appelait « Ed », tous retrouvèrent leurs occupations, tandis que le dit gérant s'avança vers lui, séchant à l'aide d'un vieux torchon un verre, l'air détaché.

- Qu'est-ce que j'peux pour vous, m'sieur ?

Coleen de son éternelle attitude dédaigneuse, le toisa de son air supérieur, et pouffa d'un rire sardonique. Son frère, qui n'avait jamais eu de véritable avis propre, se mit à l'imiter bruyamment, certainement sans même savoir pourquoi il riait. Soupirant avec fatalité, la belle blonde excentrique, leva les yeux au ciel, et balança la tête, consternée.

« C'est bon, Brad. » Puis elle se retourna vers le gérant, et posa sur lui un regard empli de démence, tout en lui demandant, menaçant « Monsieur qui ? McGregor, pauvre vermine ! Ne vous a-ton pas prévenu de son arrivée ? Vous osez faire perdre son temps à Xenophius McGregor ? Je vais v... » Le regard sévère de son Oncle, fit taire l'hystérique jeune femme, qui était parvenue à attirer tous les regards en leur direction. Elle prit une moue craintive, et se retrancha derrière le vieil homme, posant son regard sur le sol, comme une petite fille punie. Le patron du bar avait changeait de couleur, et sans dire un mot, invita la drôle de troupe à le suivre, vers le fond du bar.

Il leur ouvrit une porte, devant laquelle un homme à la musculature d'acier était immobile. Celui-ci les laissa passer, silencieux, et Ed ne les suivit pas davantage. Il retourna à son bar, et les trois McGregor s'avancèrent. Un homme était confortablement installé, siégeant comme un roi dans son trône, de la même façon que Xenophius lorsqu'il était chez lui. Un garde surveillait ses arrières, tandis qu'une somptueuse créature, reposait sur le bras de son siège, se laissant caresser comme un animal de compagnie -bien garni toutefois. L'homme l'accueillit amicalement, lui tendant la main, que Xenophius pressa d'une poigne assurée.

- Ravi, également.

L'envoyé de Shadow le reconduit ensuite vers le petit salon qu'il venait de quitter, et se rassit. Xenophius s'assit à son tour dans un des fauteuils qui lui étaient sans doute réservés, et profita de la présence d'un cendrier, pour y déposer les restes de son cigare. Coleen et Brad se placèrent de part et d'autre de son siège, le visage fermé, impassibles et menaçants. Ils regardaient tous deux le garde de l'autre chef mafieux, le défiant presque, tandis que leur maître, n'y prêtait aucune attention. Il replaça machinalement la chevalière qui ornait son annulaire droit, et engagea la conversation :

- Et bien monsieur Leoni, je vous écoute.

L'entrée était peut être radicale, mais Xenophius McGregor n'aimait pas s'éterniser dans le longues introductions. Il allait droit au but, et s'ils parvenaient à un accord, il prendrait ses aises à la fin des négociations, pour savourer leur alliance, mais pour l'instant, il demeurait apte aux affaires.

Le garde du corps se tendit légèrement à cause de la présence des deux jeunes McGregor. Il n'était pas difficile de repérer d'où venait le danger lorsqu'on était face à des personnages aussi instables. Et le professionnel qu'était Marcus ne se laissait jamais duper. Si son homme et les jumeaux McGregor se défiaient du regard en s'efforçant de jauger l'autre, Armando lui souriait. Non pas qu'il n'ait pas réaliser à quel point l'homme et la femme accompagnant Xenophius pouvaient être cinglés et dangereux, mais ce soir il était leur hôte et il serait grossier de laisser voir qu'il les considérait comme des sociopathes.

« Puis je vous offrir un cigare Monsieur McGregor ? »

Proposa le quinquagénaire tandis que Lottie, obéissant à un geste d'Armando, s'empressa d'apporter la boîte au vieil homme afin qu'il puisse se servir s'il le désirait. Xenophius attaqua de but en blanc afin qu'ils entrent rapidement dans le vif du sujet. Le grand chef préférait prendre le temps de discuter, mais si son interlocuteur souhaitait aller au plus vite, c'était son droit.

« Oui. Si cela vous convient, je proposerais que l'on reparte de zéro concernant l'accord.» Répondit l'homme sans se départir de son sourire de grand oncle bienveillant. A vrai dire, il ignorait les termes exacts de l'accord que Xenophius avait passé avec Yaxley, aussi il aurait difficilement pu en parler. Certes, il pouvait toujours prétendre que « Le Maître du jeu » ne l'en avait pas informé mais comme dans bien des cas il est préférable de repartir sur du neuf. L'homme tira une bouffée de cigare avant de poursuivre aimablement.

« Il est tout à fait normal que vous puissiez développer vos affaires ainsi que vous l'entendez. Il serait dommage de vouloir vous imposer des limites grossières et des comptes rendus abusifs. En fait, je souhaite seulement que nous nous entendions afin que nos intérêts réciproques n'entrent pas en conflits et que nos domaines d'activités ne se heurtent pas. De même, Le Maitre du Jeu aimerait seulement que vous le teniez informé de vos activités afin de faciliter l'organisation de ses projets et s'assurer que personne ne sera lésé.»

Monsieur Leoni s'appuya confortablement contre le dossier de son fauteuil tout en guettant la réaction de son associé. Il lui semblait primordial de ménager l'égo du vieux McGregor en lui octroyant un nombre quasi infini de liberté du moment qu'il le tenait informé de ce qu'il envisageait de faire.

« Je crois savoir que vous disposez d'une position enviable sur les marchés du textile et dans le commerce d'artefacts.* Je n'ai pas l'intention de vous disputer le monopole, en fait je m'intéresse davantage au secteur des casinos et au commerce de potions, je pense que nous pourrions faire affaire ensemble. Ma chère Lottie adore les dernières créations de Wizard's Paradise. »



*dis moi s'il y a un truc à rajouter, je me souviens plus de ce que tu avais décidé

Alors que Xenophius prêtait une oreille attentive aux propos de son hôte, il surveillait également, du coin de l'oeil son neveu. Il s'agitait, et le vieil homme connaissait bien le mental perturbé du jeune homme, sur lequel, peu avait d'emprise, pas même lui. Lorsque Brad perdait la raison -enfin le peu qu'il avait- il devenait incontrôlable, une véritable bête sauvage, et il devenait particulièrement dangereux. Sa double personnalité l'incitait à attaquer, à faire le mal, et il agissait malgré lui. La seule raison pour laquelle Xenophius le gardait en vie, était que Coleen avait le pouvoir de dompter son jumeau, et comme elle-même obéissait au doigt et à l'oeil à son cher oncle, celui-ci avait indirectement une emprise sur Brad. Et heureusement d'ailleurs, sinon le vieux McGregor n'aurait pas gardé ce psychopathe en vie, et encore moins en tant que son garde du corps personnel. Mais le fait d'avoir un fou, meurtrier sanguinaire et impitoyable pour sécuriser ses arrières, sans avoir à craindre d'être poignarder par derrière, était un avantage de taille, dont Xenophius ne se lassait pas. Il fallait cependant, que Brad soit en permanence accompagné de sa sœur démoniaque, ou de son père, qui lui aussi jouissait d'une certaine autorité sur son fils. Mais le chef de clan ne désespérait pas, il avait toujours eu ce qu'il désirait, et aurait un jour le plein contrôle sur son neveu, lui aussi. En attendant, il remettait toujours l'ordre à Coleen de surveiller son frère, et de le maîtriser en cas de crise de schizophrénie ou d'une autre folie qui pourrait s'en prendre à lui. Il était tellement instable le malheureux. On ne pouvait pas dire que sa sœur était mieux, mais elle était plus contrôlable, plus capable de comprendre. Elle était le cerveau, il était les bras, dans leur duo infernal.

Xenophius, détacha enfin son regard de son neveu, pour le reposer sur Leoni, lorsque celui-ci évoqua enfin, quelque chose digne d'attirer l'intérêt du directeur de la coopération magique. De l'or de gobelins. Ainsi le fameux maître du jeu s'intéressait à Gringotts. Même si le chef de clan ne comprenait pas tout à fait les projets de Shadow, il ne doutait pas un instant, de la grandeur de ceux-ci, et y voyait déjà son propre intérêt naître en même temps que ceux du mafieux. Il hocha doucement la tête, réfléchissant bien à sa réponse. Il ne pouvait pas se permettre d'investir à tort et à travers, et ce, malgré sa fortune plus que faite. Xenophius n'était pas un homme qui balançait de l'argent par les fenêtres, pour rien. Il n'avait pas de mal à sortir ses gallions pour se faire plaisir, pour faire des présents à ses proches, pour couvrir de luxure son domaine... mais s'il faisait plaisir à quelqu'un, s'il dépensait de l'argent, c'était pour son intérêt à lui, toujours. S'il achetait des cadeaux à quelqu'un, c'était pour acheter cette personne, s'il dépensait une fortune dans une entreprise, c'était parce qu'elle lui rapporterait plus, s'il s'achetait un costume, c'était pour montrer sa puissance, être respecté et craint. Il n'achetait jamais pour le plaisir de faire plaisir, mais le plaisir d'être par la suite remboursé, car Xenophius McGregor n'oubliait jamais ce qu'il donnait, et encore moins, ce qu'on lui devait.

Après quelques minutes de réflexion, et après avoir enfin goutté, au Bourbon exquis qui lui avait été donné par la vélane un peu plus tôt, il reprit la parole.

- Je suis plus qu'intéressé par l'achat d'or de gobelin ! Toutefois, vous comprendrez que je ne peux m'investir dans une affaire dont je ne sais rien. J'aimerais donc avant toute chose savoir dans quels projets Shadow veut nous enrôler. Donc dès que vous en saurez plus, et que vous pourrez m'informer, je serais à mon tour, tout à fait disposé à donner une réponse à Shadow.

Pour le moment, Xenophius ne tenait pas à donner sa réponse concernant l'or, premièrement parce qu'il n'était pas encore certain de son choix, mais aussi, et surtout, parce qu'il ne connaissait pas le projet du maître du jeu, et qu'il refusait d'aider d'une quelconque manière ce dernier, si son projet n'allait pas dans le sens de ses idées. Il ne pensait pas vraiment que ce serait le cas, mais il valait mieux rester prudent, en toutes circonstances. Il laissa planer le silence, et ainsi, redonna les cartes à son hôte, n'ayant rien à dire d'autre. Il porta à ses lèvres, le délice qu'était ce grand cru, laissant toute la saveur exquise de ce breuvage, enivrer son palais. Ah, qu'il était agréable de négocier avec des gens de bonne qualité !

[Désolée si je ne fais pas trop avancer les choses, j'espère que ça t'ira quand même ]

L'homme acheva son cigare avec cette même expression de tranquillité sereine qu'un excellent joueur de poker pourrait adopter. Ce masque de bon vivant sympathique ne révélait jamais rien de ce qui pouvait passer dans son esprit. Ses pensées étaient bien à l'abri. Cette fois cependant, il autorisa un léger sourire à venir ourler le coin de sa bouche tandis que d'une main il lissait machinalement les poils de sa moustache comme pour la redessiner. Le regard pétillant de malice et de bonne humeur, il eut un geste de la main désinvolte de la main qui voulait à la fois tout et rien dire. Il était naturel que Monsieur McGregor s'interroge sur les détails de son projet, néanmoins il ne pouvait guère en dire plus avant de savoir exactement lui même comment le mener à bien. L'idée était là, mais certaines modalités restaient encore à définir.

« Et bien, je ne peux pas vous en dire plus que je n'en sais moi même, mais il semble que le grand patron désire à terme racheter l'établissement bancaire. Les parts seraient ainsi réparties entre chacun de ses associés dans cette affaire. »

A la manière dont l'italien avait énoncé la dernière phrase, on devinait sans mal que lui même ferait parti des associés en question. Cela devait être l'évidence même. Et compte tenu de la fortune colossale du directeur de la Coopération magique internationale, investir quelques millions dans une affaire aussi prometteuse ne devrait pas lui poser de soucis.

« Naturellement, vous n'êtes pas obligé de prendre une décision aujourd'hui, rien ne presse. Les choses ne devraient commencer à se mettre en place qu'après la rentrée scolaire. »

Tout en exposant les prémices de son plan, le maître réfléchissait. Il faudrait frapper au moment le plus opportun. Si on comptait les mois de préparation, l'idéal serait peut être aux environs de Halloween ou alors juste avant Noël. Oui, Novembre ou Décembre, ce serait parfait. Toute l'économie paralysée au moment où les familles doivent acheter les cadeaux avant d'être sauvée par une poignée de riches industriels. En devenant propriétaire de la plus grande banque sorcière, Armando et ses hommes s'assuraient d'une influence de premier ordre sur l'économie du pays. Et il est bien connu que ce sont ceux qui ont le capital qui dirigent vraiment le monde, non les politiciens. Toutefois pour en arriver à un rachat, il fallait que la banque se retrouve dans une situation de crise, crise que le chef mafieux entendait bien provoquer.

« Vous devez comprendre que ce projet est très ambitieux et il convient de faire en sorte que les gens n'aient plus confiance en la gestion de Gringott's par les Gobelins. Qu'il apparaisse que la banque actuelle n'est plus aussi sure qu'elle l'était autrefois.. »

Il était impératif que Xenophius comprenne les implications du projet, car il était certain que le moment venu, il serait un allié précieux dans sa réussite.

« L'idée est de créer une situation de crise qui ne pourra se résoudre que par le rachat de la banque aux gobelins. »