La salle commune était encore vide à cette heure, ce qui étonnait la jeune serdaigle de première année quand elle y entrait après avoir donné le mot de passe. Elle avait déjà passé un mois à l'école, et Akiko commencait à se sentir presque comme chez elle, le travail était assez soutenu mais la jeune fille s'en sortait plutôt bien, de naturel studieux et persévérant. Ses différences avec les "natifs" sorciers commencent à se gommer, même si elle a encore quelques lacunes sur l'actualité sorcière. Akiko soupira doucement après avoir accroché son manteau imperméable sur le porte manteau et revenant vers les sièges proches de la cheminée :

- "Quelle journée épuisante... et encore, heureusement que je me suis avancée sur le boulot à faire !"

Comme cela pour cette soirée elle pouvait se permettre un peu de détente. La jeune fille aux longs cheveux noirs et aux yeux gris-perle s'effondra dans le premier fauteuil venu, et prit dans son sac le colis qu'elle avait recu ce matin de sa mère, une lettre et un gros sachet de cookies faits maisons, et un autre petit sachet. Elle lut à voix basse sa lettre :

Chère Akiko,

J'espère que tout se passe bien à l'école de... là-bas. Tu me manques déjà, la maison semble bien vide sans toi, mais tant que tu es heureuse, je me serais aussi, n'oublies pas de m'envoyer une petite lettre de temps en temps pour rassurer ta mère, tu sais comment sont les parents ma chérie. Je ne sais pas encore pour les vacances de la Toussaint, je risque d'être occupée par mon travail ma puce, donc peut-être resteras-tu à ton école... j'en suis profondément désolée de cet imprévu, j'attendais ces vacances avec impatience ! Tu dois avoir de folles aventures à me raconter ! J'espère que tu te fais quelques amis, ne pense pas qu'aux études ma puce, le relationnel compte beaucoup aussi !

Je t'embrasse tendrement,
Ta mère.

Akiko sourit doucement avant de voir le petit paquet de dragées et surtout l'épaisseur du sachet de cookies, elle s'exclama alors :

- "Mais il y en a pour toute une cohorte, je vais avoir une indigestion moi !"

Soupirant doucement, c'est alors qu'elle sentit quelque chose de chaud frôler ses jambes, et qu'avec un sourire elle découvre Salem qui vient se lover sur ses genoux, ronronnant doucement tout en la regardant de ses yeux d'or. Elle le caressa tranquillement, tout en rangeant la lettre dans son sac et en posant les douceurs sur la table, espérant que quelques volontaires l'aideraient à les finir. Puis elle contempla le feu de cheminée, plongée dans une profonde rêverie...

La fin des cours. Finalement. La journée avait été longue, avec un cours dès la première heure, une longue pause et un cours en fin de journée. Le pire horaire pour tuer la motivation et massacrer la bonne humeur. C’est vrai quoi… Tu rentres dans ta salle commune, tu t’écrases peinard dans un des fauteuils les plus moelleux, tu t’endors presque et soudain tu te réveilles en sursaut par l’alarme que tu avais pris soin, en bonne Serdaigle, de programmer. Tu te lèves alors un peu groggy et tu files vers le dernier cours de la journée. Bon jusque là, ça va. C’était même tolérable. Mais à cela il fallait ajouter qu’un stupide première année avec pris la dernière part de pouding au chocolat au nez et à la barbe de Sally. Si elle le retrouvait, elle allait le massacrer. Ou pas. C’était pas très gentil et puis ça allait attirer les problèmes et au final, ce serait Serdaigle qui en pâtirait. Encore. Donc, elle allait laisser le petit première année en paix. Pour cette fois.

*Quelle magnanimité…*

**Merci c’est gentil…**

Il devrait être reconnaissant. Il était rare que Sally se montre clémente. Surtout envers un stupide première année. Ce contretemps n’était malheureusement qu’un parmi plusieurs dans sa journée : sa plume préférée avait cassé, elle avait glissé sur une fiente de hibou en allant porter sa lettre à la volière, elle avait ses terribles crampes prémenstruelles et le livre idéal pour terminer sa recherche en Défense contre les forces du Mal était emprunté jusqu’à la fin du mois. Et elle devait rendre son devoir la semaine prochaine. Great.

Bref. Que de mésaventures et de malchance aujourd’hui. Le genre de journée qui donnait envie de dire :

**J’aurais dû rester couchée ce matin…**

*Quoi ? Tu penses que ça pourrait être pire ?*

**Bah ouais. Tu connais pas la loi de Murphy, toi ?**

*Bon, bon, bon… Monte dans ton dortoir et fait une petite sieste. Ou mieux. Passe un peu de temps avec Sissi.*

**Mouin… Et puis elle a besoin de se dégourdir les pattes, de toute façon…**

Sally monta donc dans son dortoir, lança nonchalamment son sac sur le lit et s’approcha du vivarium de sa salamandre. Elle était immobile, très probablement endormie. La Serdaigle sortit sa baguette et fit jaillir quelques étincelles pour la réveiller. Aucune réaction. Sally ouvrit la cage et prit sa salamandre dans ses mains. Elle était glacée. Anormalement froide…

*Tu crois qu’elle est…*

**Ta gueule !**

Sally se concentra pour essayer de sentir le petit cœur du reptile. Rien. Nada*. Nothing*. Dim*. Gornisht*. Et puis l’œil de Sally fut attiré par quelque chose parmi le feuillage du vivarium. Des écailles de graines de tournesol... Rongées… Sally eut un flash de sa compagne de chambre, grignotant des graines de tournesol dans le dortoir… Et l’aiglonne vit rouge. Elle déposa tout de même délicatement la défunte salamandre à côté du vivarium et se dirigea de suite vers la commode de la petite Velon. Elle fouilla sans vergogne dans la malle de la jeune fille et y dénicha l’arme du crime : un sac de graines de tournesol salées. Sa salamandre et le sac à la main, Sally dévala les escaliers du dortoir à la recherche de sa condisciple. L’ayant trouvée, elle s’arrêta net et déposa le cadavre et le sac devant elle. Puis elle lâcha sèchement, d’un ton teinté d’une colère sourde :

« Meurtrière. »

Mais avisant les biscuits, elle lui en piqua tout de même deux. Elle avait un petit creux. Les émotions, ça creusait l’appétit.

*Rien en espagnol, en anglais, en gallois et en yiddish.

La pauvre Akiko était perdue dans ses pensées, loin de se douter de la tempête qui allait s'abattre sur elle, quand un bruit sourd et sec sur la table la fit sursauter de la douce rêverie où elle s'était plongée, avec une voix fort peu agréable, qu'elle devina sans mal être d'une humeur noire, et féminine de surcroit. Plus âgée qu'elle, bien plus âgée... mature... dans les dernières années. Pour être dans la salle commune... une Serdaigle de six ou septième année.

"Meutrière !"

L'accusation la toucha droit au coeur, alors qu'elle rouvrit brusquement ses yeux d'argent pour découvrir un spectacle guère agréable à remarquer, le cadavre de la salamandre... de... oh non, la soeur d'Ethel... voyons... à quoi les salamandres sont-elles sensibles ? Parce que Akiko en était certaine, elle n'avait rien laissé trainer quand elle sautait des repas pour travailler dans le dortoir, les graines de tournesol lui étaient absolument nécessaires pour sa santé fragile, encore plus si elle sautait des repas. Qu'est-ce qui... les yeux de la petite première année s'écarquillèrent quand ils réalisèrent ce qu'il s'était passé : Salem avait dû jouer avec ses affaires, déverouiller sa valise, prit le sac ce matin et éparpillé quelques graines par mégarde quand Akiko l'avait surprit ce matin et fermement grondé puis rangé le sac dans la comode. Elle n'aimait pas qu'on fouille dans ses affaires, bien qu'elle comprenait la colère de son ainée. Silence... elle devait réussir à articuler quelque chose, bien qu'elle soit sous le choc de la morbide révélation, elle en oubliait presque de respirer ! Puis son visage se décoinca lui au moins et afficha une réelle expression de regrets et de honte de sa maladresse à surveiller et réparer les bêtises de son chat, tandis que ses lèvres laissèrent filer un doux mais secoué d'émotion, les deux premiers mots (en italique) en français par un mauvais réflexe :

- "Oh seigneur... je... je suis désolée... est-ce qu'il y a... quelque chose que je puisse faire... pour toi... pour réparer une infime part de ma mégarde ?"

Elle n'osait pas lever les yeux dans ceux de son ainée,ni les reporter sur la table face au cadavre, ni où se mettre d'ailleurs. Akiko dût donc les plonger dans ceux de la septième année, elle était sincèrement désolée, elle faisait si attention pourtant d'ordinaire, elle qui adorait les animaux !