There's no one else alive... [PV Banania]

Quelle journée pourrie, foirée, ratée. A oublier, en fait. Un vendredi minable. Le Celte avait manqué d'arriver en retard en cours, il s'en était fallu d'une poignée de secondes. Il n'avait donc pas pu prendre de petit déjeuner, et avait crevé la dalle toute la matinée, sans pouvoir espérer trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Pendant le cours d'Histoire de la Magie, il avait malencontreusement renversé sa bouteille d'encre sur son parchemin. La Métamorphose, en revanche, n'avait pas apporté de souci particulier. Heureusement. Si le repas de midi avait permis à Kael de se remplir enfin la panse, ça ne l'avait pas empêcher de se couper le doigt, de façon bien stupide. Son petit doigt avait saigné, mais ça n'était pas tout. Non, le Poufsouffle avait aussi trouvé le moyen de mettre du sel sur la plaie.

Un court détour par l'infirmerie lui avait permis de n'en garder aucune trace, si ce n'est un souvenir cuisant. Parce qu'il fallait avouer que c'était vraiment con, cette histoire. Ensuite, c'était Botanique. Là, encore, pas de problème majeur. En sortant des serres, puisqu'il n'avait plus cours, Kael était allé faire un tour du côté du lac. D'abord, une racine coquine s'était glissée devant son pied, l'amenant à rencontrer le sol tête la première. Heureusement, il avait eu le réflexe de mettre les mains. Mais il s'était quand même sali. Tant pis. Un peu plus loin, sur la rive, le malicieux calamar géant avait eu l'idée de l'éclabousser. Le Celte, de mauvais poil, avait lancé une collection de jurons bien sentis, ce qui avait énervé la créature. Du coup, le Poufsouffle, attrapé à la cheville par une tentacule, avait bu la tasse.

Trempé, sale et de franchement mauvaise humeur, il était allé se planquer à la lisière de la forêt. Le premier arbre auquel il avait grimpé s'était avéré peu accueillant. Ca avait donné une chute assez spectaculaire, directement sur le séant. Le deuxième arbre avait été plus sympa, et le Celte avait fini par s'endormir sur une branche. C'était reposé et de bien meilleure humeur, alors, qu'il était sorti de la forêt, malgré son état assez pitoyable. Après avoir pris une douche et s'être changé, il était allé dans la Grande salle, pour le dîner. Puis il était ressorti, en attendant le couvre-feu, pour respirer un peu l'air qui se réchauffait à l'approche du printemps.

Et finalement, pour conclure, Kael était retourné dans sa salle commune, et s'était enfoncé dans un fauteuil, devant la cheminée. D'une manière générale, sa journée avait été pourrie. Sa sieste improvisée n'avait pas suffi à lui faire oublier les mésaventures précédentes. Le point positif, c'est qu'il était relativement en forme et... pas fatigué. Alors que les plus jeunes étaient déjà couchés, les élèves parmi les plus âgés allaient progressivement au lit. Mais lui était toujours là. Pour s'occuper, il utilisait sa baguette pour faire léviter une feuille de parchemin, qu'il faisait se plier et se déplier, prenant différentes formes, un oiseau, un chien... Rien de bien extraordinaire.

Il ne savait pas depuis combien de temps il était là, ni quelle heure il pouvait bien être. Mais là, il se sentait bien. Aussi, il se mit à fredonner, presque inconsciemment :

"Like the sound of silence calling,
I hear your voice and suddenly
I'm falling, lost in a dream.
Like the echoes of our souls are meeting,
You say those words and my heart stops beating.
I wonder what it means.
What could it be that comes over me?
At times I can't move.
At times I can hardly breath.

When you say you love me
The world goes still, so still inside and
When you say you love me
For a moment, there's no one else alive..."

Eternity avait traîné un peu à table après le dîner, elle avait besoin de se sentir un peu seule, ces dernières semaines n'avaient pas été de tout repos, et elle avait besoin de se retrouver seule un moment, ce qui ne lui était pas arrivé depuis un bon petit moment. C'est donc pour cela qu'elle était resté à table après avoir finit son assiette de dessert. La grande salle s'était vidée au fur et à mesure, tandis que la jeune femme était resté assise, avait sortit un rouleau de parchemin ainsi qu'une plume et son encrier. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas écrit à ses parents, elle n'était pas rentrée chez elle pour les vacances de Noël, et mine de rien, ces derniers commençaient à lui manquer un peu. Elle en avait des choses à raconter, mais elle devrait attendre pour le faire, elle ne pouvait pas parler de tout dans cette lettre, elle ne pouvait pas prendre ce risque. C'est donc après avoir écrit une lettre d'une banalité affligeante qu'elle se leva enfin de sa chaise et monta directement à la volière, pour emprunter un hiboux de l'école. Elle choisit celui qui semblait le plus désireux de remplir son rôle, lui caressa le sommet du crâne, lissa délicatement ses rémiges, lui attacha avec soin la lettre au bout de la patte et le lança par la fenêtre. Le Grand-duc déploya majestueusement ses grandes ailes et disparut dans l'obscurité de la nuit qui commençait à tomber sur le château. Eternity resta là quelques instants à contempler les étoiles avant de se rendre compte qu'il était déjà tard, que le couvre feu était certainement déjà passé et qu'il devenait impératif qu'elle regagne sa salle commune au plus vite. Le tout dans la plus grande discrétion.

La descente à la salle commune se passa bien heureusement sans problème particulier, à force d'errances nocturnes, Eternity avait découvert et mémorisé quelques raccourcis et passages secrets qui lui permettaient de descendre tout le château en moins de cinq minutes, ce qui était ma foi fort pratique. Quand elle pénétra dans la salle commune, elle n'y trouva que quelques trainards trop flemmards pour aller se coucher, ainsi que d'autres érudits avides de terminer les devoirs à faire jusque dans un mois. N'ayant aucunement l'intention d'aller se coucher tout de suite, elle fit un rapide saut dans son dortoir pour récupérer un bouquin, s'installa dans un canapé situé un peu en retrait, et entama sa lecture, jetant de temps en temps quelques coups d'œil aux flammes qui dansaient dans l'âtre de la cheminée. Mais le sommeil la gagnant rapidement, elle s'assoupit après n'avoir lu seulement qu'une dizaine de pages. Elle fut tirée de son sommeil par un léger fredonnement venant de l'autre côté de la pièce. Elle ne pouvait pas voir qui chantait ainsi, mais elle reconnut la voix très rapidement.

Eternity se leva de son fauteuil en silence et s'approcha de Kaelir, puis elle commença à chanter avec lui :

You're the one I've always thought of.
I don't know how, but I feel sheltered in your love.
You're where I belong.
And when you're with me if I close my eyes,
There are times I swear I feel like I can fly
For a moment in time.
Somewhere between the Heavens and Earth ,
And frozen in time, Oh when you say those words.

Une fois le silence rétablit, après ce magnifique duo chanté par les deux blaireaux, Eternity prit place dans un autre fauteuil, situé lui en face du celte.

"Qu'est ce que tu fais là ? Pas sommeil ?"

Le Celte mit quelques secondes à se rendre compte qu'il n'était pas seul. Et même, qu'il ne chantait pas seul. Se redressant, il vit Eternity s'approcher de lui. Il accueillit cette présence avec un sourire, et tous deux poursuivirent la chanson. Quelques paroles plus tard, le silence revint. Eternity prit place dans le fauteuil face à lui. Il était surpris qu'elle soit encore là, il devait être bien tard. Mais il était content, également. A y réfléchir, il ne s'était jamais trouvé seul, en tête-en-tête avec elle. Il aurait très bien pu se sentir mal à l'aise que cela arrive ainsi, maintenant, sans qu'il s'y soit attendu, mais non. Au contraire, il accueillait ce moment plus intime avec plaisir, après sa journée. Combien de fois s'étaient-ils parlés, dans un autre contexte, à échafauder des plans, à penser à un avenir meilleur, sans Rogue et les Carrow ? Kael n'aurait su le dire. Là, la situation n'avait rien à voir. Ils étaient seuls, et les chances d'être dérangés étaient plus que minces. Elle étaient quasiment inexistantes.

Ce fut Eternity qui brisa la première le silence, en lui demandant ce qu'il faisait là. Quelle réponse donner ? Humour, sincérité ? Les deux à la fois ? Et puis, pourquoi se poser la question ? Il ne servait à rien de réflechir avant de répondre. Même si son esprit était clair, s'il ne ressentait pas la fatigue habituelle de cette toute fin de soirée, il n'avait pas envie de penser. Aussi, ce fut simplement qu'il dit :

"Pas sommeil, non. J'ai fait une sieste improvisée cet aprèm, après la botanique, du coup, je suis en forme. Pas très malin... mais rien ne m'en empêche, donc bon..."

Il n'aurait plus manqué que le nouveau régime interdise de veiller, même dans les salles communes, jusqu'à des heures impossibles, ou de se reposer en dehors des heures de cours. Certes, il y avait les devoirs, mais le règlement n'imposait pas d'horaires pour qu'ils soient faits, heureusement.

"Et puis, c'est le week end, alors..."

Même si son esprit était clair, il ne lui permettait pas de terminer ses phrases. Tant pis, le ton employé induisait le sens, et Eternity comprenait très bien ce qu'il voulait dire. Du moins il l'espérait. Il aurait eu l'air bien malin, là, à débiter des paroles sans queue ni tête.

"J'ai pas l'habitude de rester si tard, normalement... Ca change, et c'est plutôt sympa, en fait. Je croyais que j'étais seul... Mais c'est mieux d'être avec quelqu'un."

Là, d'un coup, il sentait que ce qu'il disait perdait du sens, d'un coup.

"Enfin, je veux dire... c'est sympa d'être là, avec toi."

Là, il se rendit compte de ce que sa phrase pouvait signifier. Et il rougit. Heureusement qu'il faisait sombre, que le feu de la cheminée perdait de l'intensité, aussi son brusque changement de couleur pouvait passer inaperçu.

"Hum... Et toi, pas sommeil non plus ?"

Il se demandait si elle, contrairement à lui, restait à veiller, le soir, avant d'aller se coucher. Et se rendit compte qu'en fait, il ne la connaissait pas plus que ça. Jamais ils ne s'étaient parlés l'un de l'autre, de leurs vies respectives en dehors de Poudlard. Et pourtant, ils étaient en Septième Année. Peut-être l'insouciance des premières années les avait-elle gardés éloignés de ces préoccupations. Possible.

"C'est une habitude, de rester tard ici ?" ajouta-t-il.

Puisqu'il y était, autant demander. Ca n'allait pas le tuer de lancer la conversation. Peut-être en viendrait-il à poser d'autres questions, plus personnelles. Peut-être. Tout dépendrait de l'attitude d'Eternity. Lui, en tout cas, se sentait suffisamment à l'aise pour parler, parler de lui.

L'atmosphère chaleureuse de la salle commune des blaireaux se prêtait parfaitement aux longues conversations au coin du feu, ainsi que les fauteuils confortables rappelaient les divans des psychiatres dans les quels il était parait-il plus facile d'ouvrir son cœur et son esprit. Et même parfois son corps pour les plus pervers d'entre nous. C'était, selon les souvenirs de la jeune femme, la première fois qu'elle est Kaelir avaient l'occasion de se parler seul à seul. Elle ne savait pas grand chose de celui-ci, alors qu'ils avaient passé presque sept ans à se côtoyer en salle de classe. Mais Eternity en était responsable, il était vrai qu'elle n'avait jamais cherché à entrer en contact avec les autres élèves de sa maison, elle avait toujours été très solitaire. Mais depuis cette année, le choc de la mort d'Albus Dumbledore avait changé beaucoup de choses en elle, elle avait prit confiance en soi, prit conscience qu'elle pouvait changer les choses, à son échelle bien entendu, et le fait qu'elle soit moldue y était aussi pour beaucoup.

Eternity s'installa plus à son aise dans le fauteuil, se mit sur le côté, jambes repliées sous ses fesses, tandis que sa main droite soutenait sa tête, tout en écoutant Kaelir qui n'arrivait incidemment pas à terminer ses phrases, ce qui dessina un léger sourire sur les lèvres de la jeune femme. Elle se sentait légèrement troublée par les paroles de Kaelir, le double sens de ses paroles la laissait légèrement perplexe, ainsi, il lui fallut plusieurs secondes pour se rendre compte qu'il venait de lui poser deux questions

"Je crois que j'ai sommeil, mais je n'ai pas tellement envie de dormir, et puis je sors tout juste d'une petite sieste moi aussi."

D'ailleurs, les traces encore un peu rouges sur son visage, traces laissées par le fauteuil sur lequel elle s'était assoupie, pouvaient en témoigner.

"C'est pas tellement une habitude, généralement c'est dans mon lit que je glandouille, mais pour une fois j'avais envie d'être ici."

Eternity était un peu gênée, elle s'en voulait un peu d'avoir été comme qui dirait absente pendant six longues années aux yeux des autres, elle aurait aimé pouvoir rattraper le temps perdu, malheureusement d'ici quelques mois, elle quitterait Poudlard. La jeune femme se jura intérieurement de ne pas commettre la même erreur quand elle entrerait à l'université.

"Tu sais euh...."

Elle déglutit..

"On ne se connait pas vraiment, disons que je suis très timide, du moins je l'étais et euuuuuh..."

Elle déglutit à nouveau...

"Je trouve que c'est dommage"

Le sang commençait à affluer dans les joues d'Eternity, ce qui eut pour effet immédiat de leur donner une jolie mais ma foi fort peu accommodante teinte rose-rouge. Elle sentait la chaleur envahir son visage au fur et à mesure que sa langue se déliait.

"Tu penses souvent à Elle... Je veux dire... tu sais... Jemiah ? Je l'aimais bien moi, même si je ne la connaissais presque pas... Je suis bête tu ne dois pas avoir envie de parler de ça excuse moi..."

Eternity ne savait plus quoi dire, elle n'aurais jamais du évoquer la défunte petite amie du Celte, ses joues rougirent d'avantage tandis qu'elle se pelotonnait encore plus sur elle même. Si elle avait pu, elle aurait continué à se resserrer sur elle-même jusqu'à disparaitre.

Il se passa un temps, assez court, avant qu'Eternity ne réponde. Avait-elle eu l'esprit ailleurs, pendant quelques secondes ? Peu importait, en fait, puisqu'elle finit par parler. Ses paroles furent assez paradoxales, mais il comprenait ce qu'elle voulait dire. Avoir sommeil mais pas envie de dormir. Ca aurait pu faire penser à une attitude de rebelle, refusant de se plier au système qui veut qu'on dorme la nuit. Chassant cette idée débile, le Celte se reconcentra sur Eternity, qui poursuivait. Ainsi, si elle était là, en même temps que lui, c'était dû au hasard. Le hasard faisait-il bien les choses ? Etait-ce plus qu'une coïncidence s'ils se retrouvaient là, tous les deux, seuls ? Possible. C'était en tout cas l'occasion de faire plus ample connaissance. Après tant d'années.

La suite fut... moins précise. Eternity sembla adopter la manière de construire ses phrases de Kael, ce qui le fit sourire. Après quelques essais, ponctués par des "euh" allongés, elle finit par dire que c'était dommage. Et oui, c'est ce qu'il pensait aussi. Il était dommage qu'ils ne se connaissent pas plus. Au moins, la conversation irait dans une seule direction. Enfin, pour le moment. Il y eut encore un léger temps, durant lequel le Celte commença à enlever ses chaussures. Il s'interrompit lorsqu'il entendit le nom de Jemiah. Pourquoi Eternity parlait-elle soudain de son ex-petite amie ? La jeune femme se rendit compte que le sujet abordé n'était pas forcément bien choisi. Il la vit s'enfoncer dans le fauteuil.

Jemiah. Leur histoire avait été compliquée. En plusieurs étapes, mais finalement, malgré leur jeune âge, ils s'étaient aimés. Et on la lui avait brutalement arrachée. Sans qu'il ait eu le temps de lui dire au revoir, de lui dire ce qu'il ressentait. Et avec le temps, il s'était efforcé d'oublier sa douleur, d'aller de l'avant, parce qu'il savait qu'elle aurait voulu qu'il continue à vivre. Aussi, même s'il ressentait de la tristesse à cette évocation, ça n'irait pas plus loin. Jemiah serait une flamme dans sa mémoire et dans son coeur pour toujours. Mais il y avait de la place pour d'autres.

"Ne t'inquiète pas." fit-il, après un temps, avant de terminer d'enlever ses chaussures.

Il se mit en tailleur dans son fauteuil, le regard fixé sur la forme indistincte de la jeune femme.

"Oui, je pense à elle. Bien sûr. Mais différemment. Avant, j'étais triste, parce que j'ai perdu la fille que j'aimais. Mais maintenant, j'éprouve... un désir de... de me battre, pour elle, pour ce qu'elle représentait. Comme Dumbledore. Ils ont tous les deux été éliminés par Tu-Sais-Qui et ses Mangemorts. Comme d'autres. Pour des raisons que je ne comprends pas."

Rien que l'idée de tuer... Le camp du bien tuait-il ? Non. Maugrey l'avait peut-être fait, mais lui était une exception. La prison était une punition bien pire pour ceux qui la subissait. La mort, c'était une souffrance pour ceux qui restaient, pas ceux qui partaient.

"Alors ne sois pas... gênée, ou je ne sais quoi. Ce n'est pas grave."

Il sourit. Ca, au moins, la lumière permettrait à Eternity de le voir. C'était la première fois qu'il parlait ainsi. Il venait d'ouvrir son coeur. Il lui faisait confiance, il savait qu'elle ne le jugerait pas, qu'elle le comprendrait.

"C'est ce que tu ferais, toi, te battre, pour la personne que tu aimes, ou que tu as aimée, non ?"

Les paroles rassurantes de Kaelir permirent à Eternity de retrouver un peu son aplomb, ainsi que de la mettre plus à l'aise, aborder la sujet de sa petite amie décédée n'avait pas été une très bonne idée, même si Kaelir affirmait qu'il se sentait libre d'en parler, Eternity sentait bien qu'il avait tout de même quelques réticences et qu'il avait été beaucoup marqué, certainement beaucoup plus que les autres élèves par le décès de Jemiah. Eternity ne connaissait cette dernière que par la réputation qu'elle s'était faite au sein de la maison et de Poudlard, elle se souvenait de ses débuts fracassants au quidditch, de sa joie de vivre, de sa nomination au poste de préfet pendant une année... Eternity se rendait compte, au fur et à mesure que les souvenirs de Jemiah qu'elle avait remontaient à la surface, qu'elle aurait aimé être comme elle, appréciée de presque tout le monde, reconnue pour son talent, tandis qu'Eternity était restée dans l'ombre durant six longues années.

La jeune femme écoutait avec attention les paroles de son camarade de classe. Comme elle, il éprouvait un profond désir de revanche contre le coup du sort, comme elle, il était issu d'une famille de moldus, et par ce fait il avait été destitué du poste de préfet. C'était le genre d'injustices qui étaient devenues monnaie courante au sein de l'école de sorcellerie qui n'avait plus rien de prestigieux depuis que Severus Rogue était devenu directeur.

Eternity répondit au sourire de Kaelir par un autre sourire.

"Bien sur que je me battrais pour les gens que j'aime ! Même si je n'ai jamais aimé quelqu'un comme tu as du aimer Jemiah, j'aime mes parents, différemment, mais je me bat pour eux, je me bat pour tous les Nés-Moldus comme nous, pour nos droits, je me bat contre l'injustice. Je me bat pour Jemiah, pour Dumbledore. Je me bat contre Rogue."

Le ton de la voix d'Eternity avait monté d'un coup, le fait de parler de tout cela avait fait émerger la rage en elle, et c'est le regard flamboyant qu'elle parlait de ses convictions. Quand elle se rendit compte qu'elle était sur le point de réveiller tout les blaireaux qui dormaient certainement tous à poings fermés à cet instant, elle se ressaisit et le ton de sa voix revint à la normale.

"Je me bat parc'que j'aime ça..."

C'était une déclaration lourde de sens. Elle ne l'avait encore jamais avoué à personne, elle avait même du mal à se l'avouer à elle même, mais elle se faisait peur, parfois. Elle aimait le combat, autant que la vengeance. Elle avait peur de devenir ce qu'elle combattait, elle n'éprouvait aucune compassion à faire souffrir un ennemi. Elle avait un fond très noir, elle faisait tout pour le cacher, et se contrôler, mais il arrivait parfois qu'elle perde les pédales...

"J'ai peur de ce que je suis Kael..."

Désirant détendre un peu l'atmosphère, et oublier un peu toutes ces pensées noires qui couraient dans sa tête, elle sorti sa baguette en bois de houx de sa poche, se souvenant qu'elle avait encore une bouteille de jus de citrouille qui trainait quelque part dans un sac, sous son lit, et la fit apparaitre devant elle, et grâce à un sortilège d'attraction, elle récupéré deux verres qui trainaient sur la table de la salle commune.

*Recurvite*

Les deux verres étaient désormais propres, et apte à être utilisés. Elle se servit un verre de jus de citrouille, et dirigea son regard vers celui du Celte.

"Je te sers un verre ?"

Les paroles du Celte parurent rassurer la jeune femme, puisque celle-ci lui rendit son sourire. Il se rendit compte alors qu'il aimait bien la voir sourire. Elle prit la parole et, au fur à mesure, son ton devenait plus enflammé, plus assuré, au point qu'elle dut s'interrompre en s'apercevant qu'elle allait réveiller tous les Blaireaux. Ils partageaient les mêmes convictions. Tous deux nés-moldus, ils devaient faire face à l'injustice du nouveau système. Kael pensa à sa famille, que son parrain Erwan protégeait. Où pouvait-il être ? En tant que Membre de l'Ordre du Phénix, il aurait pu se cacher, bien sûr, mais sa couverture n'avait pas été révélée, encore. Aussi continuait-il à travailler, en toute discrétion, pour le Ministère. Pourquoi y avait-il si peu de gens comme lui, prêts à se dresser, même à leur insu, face aux détenteurs d'un pouvoir usurpé ?

La suite fit hausser les sourcils à Kael. Elle se battait... parce qu'elle aimait ça. Cette simple phrase était lourde de sous-entendus. Elle aimait se battre. Pour le Celte, se battre n'était qu'un moyen, parfois inévitable, d'atteindre leurs objectifs, dans la lutte contre les Forces du mal. Mais pas au moins d'aimer ça. Et pourtant, il aurait pu apprécier, prendre du plaisir à se venger de ceux qui lui avaient pris Jemiah, de Rogue, qui avait tué Dumbledore, des Carrow, qui faisaient régner la terreur. Et quelque part, il comprenait ce qu'elle voulait dire, finalement.

Puis elle ajouta qu'elle... avait peur de ce qu'elle était. Que répondre ? Pour sa défense, il pouvait dire que c'était la situation qui voulait ça, que dès que tout cela serait fini, elle changerait. On ne pouvait lui en vouloir de désirer défendre ses idéaux, même si ça devait passer par la violence... L'ennemi l'utilisait bien, la violence, sans remords.

"Il ne faut pas... Ce sont les circonstances... Tu te bats pour la justice... comme moi."

Puis elle passa à autre chose. Bonne idée, il fallait se tourner vers des choses plus légères. La discussion s'était assombrie, l'atmosphère l'était déjà suffisamment. Eternity sortit sa baguette et, d'un mouvement du poignet, fit apparaître une bouteille de jus de citrouille. Ah, en voilà une idée, qu'elle était bonne ! Dans la continuité, elle attira à elle deux verres, qu'elle nettoya, puis elle proposa à Kael de boire un coup avec elle.

"Ah, avec plaisir !" s'exclama-t-il, en quittant sa position tailleur.

Puis il s'arrêta, et leva l'index. Il se mit debout et prit sa propre baguette, qu'il pointa sur son fauteuil. Ce dernier s'éleva de quelques centimètres au-dessus du sol, et il le dirigea vers celui d'Eternity, le collant presque, face à face.

"Merci !" fit-il, en prenant le verre qu'elle lui tendait, après avoir repris sa position.

Ainsi, ça faisait plus intime, c'était mieux que de se parler à quelques mètres l'un de l'autre.

"Euh... A la justice et un monde meilleur ? Et puis à nous aussi !" annonça-t-il, après une courte hésitation.

Par le 'à nous', il entendait bien sûr leur action, pour leurs convictions. Sur ce, il but une bonne gorgée de son verre, qu'il... Ah, il n'y avait pas de table à proximité. Employant le même sortilège que pour son fauteuil, il fit s'approcher une table basse, et put y poser le verre.

"Tu sais, c'est... j'aime bien être avec toi. Même si on se connait pas plus que ça, enfin, un peu plus maintenant... mais y a peu de gens avec qui je pourrais rester seul sans... enfin, sans être mal à l'aise, ou pas savoir quoi dire... ou..."

Vite, une bouée de sauvetage, un homme à la mer !

"T'as dix-huit ans, toi, ou pas encore ?"

Ou l'art de passer du phénix à l'hippogriffe en un claquement de doigts. Merci la bouée...

Eternity leva également son verre, trinquant avec Kaelir à la justice et à un monde meilleur. Ce monde meilleur... Personne ne savait si il existerait un jour, pour beaucoup, il ne restait plus que la foi comme dernier espoir, comme petite lueur quand tout autour devient sombre. Ce monde meilleur dans lequel la jeune femme tenait dur comme fer à élever ses futurs enfants, grandir, vieillir et enfin mourir sans avoir à se soucier de son statut sanguin, sans avoir à craindre pour sa vie chaque jour, et sans enfin être sous la domination du seigneur des ténèbres ainsi que tous ses chiens de garde.

"Oui, à nous aussi..."

Kaelir avait approché son fauteuil, il était beaucoup plus près désormais. C'était beaucoup plus intime... Le feu de bois dans la cheminée, la lumière tamisée, Eternity se sentait tout à fait prête à ouvrir son cœur. Kael quant à lui avait toujours autant de mal à finir ses phrases, ce qui faisait rire intérieurement notre héroïne, même si elle non plus n'y arrivait pas tellement, non pas qu'elle se sentait gênée, bien au contraire elle se sentait parfaitement à l'aise. Elle était juste... entrain de découvrir des nouveaux sentiments, des sensations qu'elle n'avait jamais ressentit auparavant, tout cela était nouveau pour elle.

"Oui oui, j'ai dix-huit ans et toutes mes dents depuis peu... Dix-huit ans je veux dire, mes dents je les ai toutes depuis longtemps je crois."

La jeune et noire était très contente que Kaelir ait détourné la conversation, pour une fois ils parlaient d'autre chose, des choses sans importance, futiles, mais cela faisait du bien d'en parler, d'oublier tout le reste, et c'est sur ce même thème qu4eternity continua la conversation

"Il a fait beau aujourd'hui, les beaux jours commencent à venir tu crois pas ? Qu'est c'que tu vas faire cet été si... enfin si tout ça se terminé ? Tu serais partant pour une semaine de vacances entre poufsouffles ? Je crois que j'ai envie de passer plus de temps avec toi..."

La jeune femme ne savait pas trop où elle allait, ni ce qu'elle était entrain de faire, elle était perdu dans ses émotions. Elle posa sa main sur le bras de Kael.

"Je crois que... Je te trouve tout à fait... à mon goût..."

La réponse ne tarda pas. Eternity avait en effet dix-huit, tout comme lui. Ils se suivaient donc de peu, au niveau âge. Et puis, elle ajouta une touche d'humour qui, malgré sa simplicité, fit sourire le Celte franchement. Non, pas rire. Pas qu'il n'avait pas envie, mais ça ne se prêtait pas réellement à l'ambiance. Ils étaient au calme, ils se parlaient, un peu d'humour ne faisait pas de mal, mais ils n'allaient pas non se taper sur les cuisses. Kael récupéra son verre pour boire un peu, et, alors qu'il le reposait, sa camarade enchaîna.

Elle parla de... la météo. Là, le Celte haussa les sourcils. Parler de la météo était quelque chose qu'on ne faisait pas, en général, à moins de n'avoir rien d'autre à dire. Dans une conversation, ça ne menait pas loin, en général, à moins de trouver rapidement autre chose à dire. Ou alors... ou alors, ça cachait quelque chose, c'était un moyen d'amener un sujet auquel elle avait déjà pensé... Kael avait pensé à tout ça en une demi-seconde, avant d'écouter la suite. Sa deuxième hypothèse semblait être la bonne.

Eternity parla de l'été suivant. Ah, les vacances... Aller au bord de la mer, courir sur la plage, se baigner, bronzer... De vraies vacances, quoi. Mais tout cela impliquait que tout soit fini, comme elle le disait. Mais qui pouvait affirmer que tout ça finirait ? Harry Potter avait disparu, les membres de l'Ordre du Phénix étaient activement recherchés... il y avait peu d'espoir. Mais il y en avait quand même. Eux étaient là pour l'entretenir à Poudlard. Donc, les vacances. Banania lui proposait de passer les vacances, ou du moins une partie, ensemble. Pourquoi pas ? Il avait passé l'âge de suivre ses parents, et pouvait bien s'organiser des vacances avec des amies.

Mais il y avait autre chose, il le sentait venir. Elle avait envie de passer plus de temps avec lui... Oh. Pourquoi est-ce qu'il avait chaud, tout d'un coup ? Maintenant qu'ils étaient plus proches, physiquement, elle devrait voir qu'il rougissait. Et elle n'avait pas fini. Eternity posa ensuite sa main sur le bras de Kael, en ajoutant... qu'elle le trouvait plutôt à son goût. Que dire ? Pourquoi l'âge rendait-il ce genre de situation plus compliqué ? A treize ans, on pouvait facilement sortir avec une fille, parce que ça n'était pas une relation qu'on voyait se projeter sérieusement dans l'avenir. Mais là, à dix-huit ans, aux portes du monde adulte...

Et il se rendit compte que... Eternity ressemblait, maintenant qu'il la connaissait mieux, maintenant qu'elle avait quitté sa bulle, sur de nombreux plans à... Jemiah. Etait-ce le genre de filles qui l'attirait ? Il eut l'image fugitive de Lynn... non, elle n'était pas son genre... En revanche, Eternity, là, devant lui, qui lui ouvrait son coeur... Oui, depuis ces quelques mois, il avait ressenti une certaine attirance. Sans vraiment vouloir la voir autrement que comme sa camarade de rébellion.

Mais là, ils étaient tous les deux, seuls, sans la présence d'autres camarades. Et elle venait de lui glisser, sans le formuler clairement, qu'elle était attirée par lui... Et il se demandait comment formuler, à son tour, sa réponse. Dans un premier temps, son regard quitta celui d'Eternity, pour se poser sur sa main, qu'il prit dans la sienne. Un bon moyen de commencer. Après une poignée de secondes, il leva les yeux.

"Tu sais... je crois que... c'est réciproque."

Il prit l'autre main de la jeune femme. Avant de lever la sienne, pour lui effleurer la joue du bout des doigts. Inconsciemment, il avait légèrement bougé sur son fauteuil, pour se rapprocher. Là, ils étaient dans une bulle, et rien ne viendrait la crever.

Eternity était affolée, même si rien ne le laissait paraitre, tout l'intérieur de son corps fourmillait de sensations et émotions nouvelles, son cerveau était en ébullition, elle ne contrôlait plus rien, elle était autant curieuse qu'effrayée, aussi heureuse qu'indécise. Elle ne savait pas quoi faire, elle ressentait de l'attirance pour Kaelir, qui selon ses dires ressentait également de l'attirance pour la jeune femme, mais cette dernière n'était pas préparée à cela.

Après avoir mit de l'ordre dans ses pensées, Eternity fit un rapide constat de la situation, et son instinct féminin savait que trois choix s'offraient à elle. Comme si la mémoire de toutes les femmes qui s'étaient avant elle retrouvées dans la même situation s'était accumulée dans son esprit, sans qu'elle s'en rende compte. (Oui, oui, toutes les femmes du monde d'hier et d'aujourd'hui se sont passés le mot pour vous en faire baver, messieurs)

Choix numéro un, le choix certes le plus facile, mais également le plus lâche et le plus incertain : Elle pouvait se contenter de ne rien dire, ou très peu, seulement répondre vaguement aux questions de Kaelir et laisser la conversation se poursuivre jusqu'à ce qu'il choisisse lui même de faire le premier pas. Mais le Celte en avait-il envie ? De plus Eternity savait toujours grâce à son instinct que beaucoup de garçons redoutent de faire le premier pas malgré tous les airs sûrs d'eux qu'ils veulent bien se donner. Elle réfuta donc ce premier choix.

Le deuxième choix, lui, était un poil plus fantaisiste, mais n'était pas tout à fait adapté au contexte. Elle l'examina tout de même plus attentivement. Elle pouvait se jeter sur Kaelir, l'embrasser goulûment ~~et lui faire l'amour dans toutes les positions possibles et imaginables~~ mais son manque d'expérience l'empêchait de procédé ainsi, elle manquait trop de confiance en elle.

C'est ainsi donc qu'elle ne se retrouva plus qu'avec un seul choix possible.

Elle plongea son regard dans celui de Kaelir, et lui dit toujours en bégayant :

"Je... vais aller me coucher je pense..."

Elle enleva ses mains que tenait toujours le celte, l'embrassa furtivement sur la bouche, se redressa et prit lentement la direction de son dortoir, sans regarder derrière elle, n'espérant qu'une seule chose, que ce dernier l'empêche d'aller se coucher....

Que dire, dans ce genre de situation ? A cet âge-là, dire "je t'aime" ne prenait pas vraiment de sens, on pouvait le dire à beaucoup de monde, sans vraiment savoir ce qu'était l'amour... Le Celte pouvait-il dire "je t'aime" à Eternity ? Non. Il ne pouvait sincèrement affirmer qu'il avait devant lui la fille qu'il aimait. Pas au sens du... grand amour. En revanche, il y avait de l'attirance. Une attirance physique, magnétique. Leurs regards, plongés l'un dans l'autre, appelaient à bien plus... Non, il ne pouvait dire "je t'aime". Ce qu'il voulait vraiment dire, ce qu'il pouvait dire, et pourtant, il n'était pas assez sûr de lui pour que cette simple phrase, lourde de sens, franchissent ses lèvres. "Je te désire". Oui, il y avait du désir, il aurait voulu, là...

Il sembla qu'une gêne s'était installée. La bulle se brisa au moment où la jeune fille annonça qu'elle... allait se coucher. La lueur au fond des yeux océan de Kael perdit de sa force. Le charme était rompu. Le silence avait laissé suggérer tellement de choses... Mais c'était peut-être mieux ainsi. Tant de choses s'étaient bousculées dans l'esprit vulnérable du Jaune et Noir. L'avait-elle compris ? Etait-ce instinctif de sa part ? Avait-elle ressenti exactement la même chose ? Car elle l'embrassa, furtivement, avant de lui tourner le dos pour rejoindre son dortoir. Ce contact physique, leurs bouches se joignant momentanément, raviva la flamme qui s'était allumée dans le coeur du Celte. Peut-être pas de l'amour. Mais du désir, oui.

"Attends..." souffla-t-il, presque inaudiblement.

Etait-ce le fait que le silence était, hormis les derniers crépitements dans la cheminée, total, qui avait permis à Eternity de l'entendre ? Où s'était-elle attendue à ce qu'il l'arrête, l'avait-elle tellement espéré qu'il aurait pu le penser, elle l'aurait entendu ? Il suivit le même chemin qu'elle, se retrouvant dans son dos. Il glissa ses mains sur les hanches de son amie, son visage dans ses cheveux, respirant son odeur... Puis il l'embrassa dans le cou, avant de la faire pivoter vers lui. Le temps semblait comme suspendu. Ils se regardèrent, les yeux dans les yeux, pendant des heures, des heures. Leurs visages se rapprochèrent, ils purent bientôt sentir le souffle de l'autre, leurs lèvres, à nouveau, se touchèrent. Et le temps reprit son cours. Ce fut un déferlement, un baiser passionné, langoureux.

Quelle plus belle récompense pour eux, résistant contre le régime injuste, autoritaire, dictatorial de Rogue et ses deux acolytes, ses pitbulls, les Carrow ? Les trois Mangemorts ne pouvaient les empêcher de s'embrasser, d'échanger charnellement. Les dernières lueurs dans l'âtre s'éteignirent, les braises rendirent l'âme, plongeant le couple dans l'obscurité totale. Mais il n'en avaient cure... En cet instant, ils étaient libres.