Lucy rangeait ses affaires aussi vite que possible, tout en attendant la réponse de Gogo. Mais celle-ci ne venait pas. Relevant la tête, elle jeta à son condisciple un regard interrogateur lorsqu'elle vit qu'il était tout penaud, hésitant. Qu'est-ce qui le mettait si mal à l'aise ? Avait-elle dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? Elle remarqua alors que le deuxième année avait la main crispée dans l'une de ses poches, dont il finit par ressortir un fiole. Aussitôt, un éclat intéressé s'alluma dans les yeux de l'Aiglonne. Pour elle qui adorait les potions, cette fiole était une énigme passionnante, qu'elle avait hâte de résoudre. Que pouvait-elle bien contenir ? Rien de bien bon pour que le petit Bleu et Bronze sorte en pleine nuit et la dissimule avec tant de soin. Et à quel effet était-ce prévu ? La blondinette n'eut pas à réfléchir trop longtemps, les murmures de Gauvain lui apportant satisfaction. Il ne s'agissait pas d'une Goutte du Mort Vivant, certes, mais l'idée du laxatif était brillante ! Les Carrows et Rogue allaient prendre cher dans laggle ! Voilà à peu près quelles étaient les pensées de Lucy en cet instant même. Son coéquipier avait tout planifié: les tables étaient effectivement dressées discrètement parles Elfes de Maison durant la nuit, et à cette heure-ci, elles devaient déjà être prêtes depuis un bon moment. Voilà l'avantage qu'il y avait lorsque l'on préparait un coup contre un professeur: ces abrutis prenaient systématiquement les mêmes places à table.

Mais voilà que Gogo s'empressait de dévaloriser son idée de génie, en pointant du doigt la fresque fraîchement dessinée qui ornait désormais le mur, d'après lui, c'était nul, en comparaison. Aussitôt, Lucy pensa que de toute façon, il était impossible de comparer les deux, son travail représentait plus un message, tandis que celui du deuxième année était un véritable attentat ! La classe. Un peu comme les résistants en 1945, certains éditaient ds journaux secrets à caractère rebelle, lorsque d'autres faisaient sauter des ponts. Inutile de signaler que l'explosion de ponts emmerdaient vachement plus les ennemis que trois feuilles de papiers provocante. Quoi que, en vue de tous les autodafés, cela semblait quand même avoir des vertus contrariantes. En tous les cas, Gauvain tentait quelque chose, et pour cette unique raison, il venait de gagner totalement la confiance de Lucette. Tous les élèves de 12ans n'avaient pas le cran de se dresser contre des mangemorts, surtout lorsque le risque de se faire prendre faisait envisager certaines punitions douloureuses et humiliantes.

- Tu plaisantes j'espère ? C'est une super idée ! Tu l'as piqué à l'infirmerie ? Ca va être magnifique... s'enthousiasma-t-elle.

Cependant, il ne fallait pas se laisser aller à la discussion et traîner trop longtemps dans le coin. Des fois qu'un Rogue insomniaque, décoiffé et débraillé arrive après avoir décidé de faire une ronde de nuit... Quelle justification pourrait-elle alors donner pour sa présence dans les couloirs, transportant plusieurs marqueurs vides, et accompagnée d'un deuxième année ? Aucune qui ne tienne la route, évidemment, surtout au vu de son "chef d'oeuvre" mural. Breffons, ils n'allaient pas ajouter le thé et les petits gâteaux à leur conversation !!! La petite blonde remit donc sa capuche, et se glissa dans l'ombre du couloir qui menait à la Grande Salle. Elle fit un signe à son complice pour qu'il la suive, et s'avança à pas de loup, longeant les murs, l'oreille tendue et l'oeil scrutant l'obscurité, sa main crispée sur sa baguette même en parfaite connaissance du fait qu'elle ne faisait pas le poids face aux adultes, et qu'elle ne ferait qu'aggraver son cas en ripostant. Mais Poudlard est un château étrange, et on e savait jamais ce qui pouvait vous arriver... Elle avait ouïe dire que quelplusieurs année avant qu'elle n'intègre la célèbre école de magie, des élèves avaient affronté un troll de caverne dans les toilettes des filles ! Sans être paranoïaque, ça ne coûtait rien d'écouter le dicton "Prudence est mère de sûreté"...

Les deux compères finirent par atteindre la porte de la Grande Salle sans aucun problème en cours de route. La miss posa la main sur la poignée avec une grimace. Le moment fatidique... Elle poussa la porte, qui s'entrouvrit dans un grincement. Elle se figea, jetant des regards inquisiteurs autours d'elle. Personne en approche. Elle se glissa dans l'entrebâillement de la porte, suivie de Gogo. Vide et plongée dans la pénombre, la salle où les élèves prenaient leur repas paraissait gigantesque. Sans attendre, Pinpin se dirigea vers la table des professeurs. Arrivée devant les places des Carrows, elle désigna leurs verres à l'attention de son camarade.

- A toi de jouer. Pas plus d'une goutte, y faut pas qu'y se méfient...

Lucy fut presque surprise lorsque Gauvain lui expliqua de quelle manière il avait concocté sa potion. Presque. Il était en deuxième année, certes, mais elle n'aurait pu en aucun cas oublier qu'il venait de Serdaigle. Les Gryffondor avaient peut-être le courage d'accomplir les actions, mais les Serdaigle, eux, avaient le cerveau pour les organiser ! De nombreuses exceptions permettaient aux Rouges et Ors de conserver un peu de dignité, Page, William... sans citer la célèbre Hermione Granger, en septième année. Désolée Mariana, tu n'es pas incluse... Mais d'autres avaient carrément été complètement négligés par dame nature, ou quelque grand autre manitou que ce soit, et n'avaient été dotés d'aucunes de ces précieuses qualités. Précieuse McLane...
Quoi qu'il en soit, Gogo pouvait garantir le succès de sa potion, et ça, c'était au top ! Curieusement, Lucette savourait par avance son petit déjeuner, alors qu'elle n'avait d'ordinaire pas grand appétit le matin, et que les conséquences de leur petit attentat n'incitaient guère à manger de bon coeur. Mais oubliée l'idée des excréments des professeurs, celle de Rogue rageant de ne pouvoir décoller de la lunette des cabinets était exultante.

Le sang battant dans ses tempes, collée aux murs comme une souris s'introduisant dans un cellier afin d'y voler un morceau de fromage et craignant de s'y faire croquer par le chat de la maison, la Serdaigle était focalisée sur le sentiment de peur que lui procurait ce petit détour imprévu. L'excitation ressentie à l'idée de défier les professeurs ne rendait que plus cuisante la frustration qu'elle ressentait à devoir se dissimuler et agir dans l'ombre parce qu'elle se savait impuissante face à ces monstres. Elle aurait tant voulu pouvoir leur tenir tête... Mais aucun de leurs cours ne les préparaient à cela, et elle se gardait bien de faire une folie. Elle ne serait plus d'aucune utilité si elle était particulièrement surveillée. Ils n'oseraient pas les tuer dans l'enceinte de l'école, n'est-ce pas ? La panique au sein de l'établissement serait une gêne pour le maintien de l'ordre et de leur autorité. Mais Pinpin n'avait aucune envie qu'on lui pète laggle, même si ça ne lui était pas fatal. Voilà pourquoi il fallait faire vite, avant que quelqu'un ne les trouve.

Son coeur faillit rater un battement lorsque la porte de la Grande Salle grinça pour s'ouvrir. Elle crut que sa vie s'achevait lorsqu'elle aperçut l'immensité de la salle qu'ils avaient encore à parcourir. Mais il était trop tard pour reculer, et elle se secoua. Elle ne se considérait pas comme quelqu'un de généralement téméraire. Seulement, d'un caractère spontané, elle était parfois irrésistiblement tentée par une idée que toute prudence déconseillait. Elle hésitait alors, pesant le pour et le contre. Deux choses seulement pouvaient alors la pousser à prendre une voie plutôt que l'autre. D'une part, un quelconque évènement, par exemple, si un professeur arrivait à cet instant précis derrière eux, elle ne rentrerait pas dans son dortoir pour se coucher, mais s'engouffrerait aussitôt dans la Grande Salle pour s'y cacher... et puisqu'elle y serait, y accomplir ce qui l'avait menée dans cette galère. D'autre part, il lui arrivait également de parvenir à repousser ses doutes, et à agir comme elle en avait envie plutôt que comme elle le devrait. C'est ce deuxième cas de figure qui lui permit de poser un pied timide sur le pied du réfectoire de Poudlard.

Aussi rapide et silencieuse qu'un serpent, la blonde masquée sembla glisser jusqu'à la table des professeurs. Elle n'osait pas jeter un seul coup d'oeil sur les côtés, pourtant, tout son corps était tendu, prêt à réagir immédiatement en cas de danger quelconque. L'école qu'elle connaissait et dans laquelle elle se promenait en riant dans la journée était devenue, avec le voile de l'obscurité, un champ de bataille, dans lequel elle était son pire ennemi. La peur et le silence amplifiaient le moindre bruit, faisant battre son coeur à en être douloureux. Cette angoisse, l'Aiglonne était la seule à pouvoir la maîriser. Mais elle ne se souvenait pas avoir jamais accompli quoi que ce soit de plus dangereux. Elle essaya alors de comparer la situation dans laquelle elle se trouvait à celle d'un examen. Puisqu'elle ne pouvait plus revenir en arrière, elle n'avait plus qu'à rester concentrée et faire de son mieux, et advienne que pourra. Elle avait maintes fois bénéficié d'une chance extraordinaire - ou pas -, pourquoi pas cette nuit encore ? Dès lors, elle se détendit. Tous ses muscles lui parurent moins douloureux, bien que la jeune fille soit toujours au taquet.

Lorsqu'ils atteignirent enfin l'emplacement réservés aux professeurs, Pinpin avait complètement récupéré la maîtrise de ses esprits. Gauvain sembla déçu à l'idée de ne verser qu'une seule et unique goutte dans chacun des trois verres, mais il suivit les instructions qu'elle lui donnait sans protester. Il s'agissait d'ailleurs bien plus de conseils que d'ordres, elle n'était en aucun cas à l'origine de l'acte, bien que fière d'en être complice. Le deuxième année s'appliquait en silence, lorsque de nouveau, le grincement si caractéristique de la porte de la Grande Salle retentit. Une silhouette se détachait de l'encadrement de la porte, bien qu'il n'y ait pas assez de lumière dans le couloir derrière elle pour venir frapper les deux petits criminels et les dénoncer.

- Nox, chuchota-t-elle, et sa baguette s'éteignit.

*OH P*T**N DE SA MERE !* hurla-t-elle intérieurement.

Extérieurement, c'était le calme absolu. Etrange comme parfois, le visage n'a rien du miroir de l'âme. L'état de choc ne dura qu'une demi-seconde à peine, aussitôt remplacé par une formidable poussée d'adrénaline, qui lui permit d'envisager immédiatement une petite dizaine de scénario de sortie. Presque aucun n'était envisageable, mais comme son cadet, elle avait examiné toutes les issues possibles. Elle était partie pour se dissimuler sous la table des professeurs, comptant sur la longue nappe et la pénombre pour ne pas révéler sa présence à l'intrus, mais lui eut une meilleure idée. Se saisissant de sa main - eh oh, elle pouvait marcher seule depuis à peu près neuf ans quand même ! -, il l'entraîna sans un mot derrière les lourdes tentures. Là, ils seraient bien cachés. Ils entamèrent alors l'improvisation d'un langage des signes afin de décider de la meilleur tactique à adopter. Ils étaient déjà d'accord pour la fuite. Restait à savoir comment. Gauvain proposait de bouger en accord avec le visiteur... Lucette acquiesça, à la condition expresse qu'ils n'agissent que très lentement. Toute précipitation pouvait entraîner leur perte. Pas maintenant. Alors qu'ils avaient terminé.

L'oreille tendue pour compenser la difficulté qu'elle avait à percevoir le responsable de l'interruption de leur petite fête, elle exerça une légère pression de sa main sur celle de Gauvain, pour lui faire comprendre qu'il fallait avancer. L'intrus ne paraissait pas les avoir entendu, pourtant, il n'agissait pas non plus comme s'il accomplissait une ronde de surveillance. Mais il devait bien être là dans un but précis. A moins que... L'esprit de Lucy marchait à toute allure. Quelqu'un marchant à une allure étrange, sans aucune raison apparente, à une heure de la nuit où la plupart des habitants entamaient une période profonde de leur sommeil... Auraient-ils à faire à un simple somnambule ? Elle stoppa son condisciple, et lui suggéra son idée, mimant quelqu'un marchant avec ses doigts, et posant une main sur ses paupières, en mimant la respiration régulière de quelqu'un qui dort. Quoi qu'il en soit, ils ne pouvaient prendre aucun risque.