Svea n'arrivait tout simplement pas à dormir. Elle ne se remettait pas de la lettre que sa mère lui avait écrite et qu'elle avait lue quand elle était en train de prendre son petit déjeuner. Elle se ressassait ce qu'elle pensait de cette stupide lettre, c'était tout ce qu'elle était. Pour Svea, le fait que son père décide de partir en France pour les prochaines vacances, la laissant là, à Poudlard, lui avait tout d'abord fait assez plaisir. Après tout, n'était-ce pas pour ça qu'elle était là ? Pour s'éloigner aux maximums de ses parents bien trop encombrants ? Alors pourquoi n'était-elle pas vraiment heureuse, là, maintenant, tout de suite parce qu'ils ne la prenaient pas pour partir en vacances ? Eh bien, déjà parce que malgré tout ce qu'elle pouvait dire, ses petits frères lui manquaient terriblement, et sans doute aussi qu'au final, cela se révélait particulièrement blessant que ses parents puissent vivre sans elle aussi facilement. Elle se demanda une seconde si ils n'avaient juste pas oublié qu'ils avaient une aînée qui était à Poudlard, s'ils ne l'avaient juste pas effacée pour continuer une vie sans elle, ou seuls les jumeaux seraient présents.

Alors bien sûr, à cause de ça, elle ne pouvait juste plus dormir du tout. Elle avait tenté, s'était tournée dans tous les sens possibles en essayant de trouver le sommeil, mais cela se révélait définitivement et irrévocablement impossible. Pourtant, elle essayait vraiment de ne penser à rien. Elle essayait, vraiment mais c'était inutile. Quand elle avait l'impression d'avoir fait vraiment le vide dans sa tête, l'image de son père revenait en force et elle se sentait vraiment en colère. Stupide réflexe, elle tapait avec violence son coussin. Stupide.

Alors quitte à être vraiment en furieuse et contre son père en tout point, elle se décida à se lever, sortir, faire le tour du château, quelque chose d'insensé que son père n'aurait jamais eu l'idée de faire car, comme il aimait à le répéter souvent, sa maison chérie -Serdaigle- lui avait apporté des valeurs que sa fille non chérie, cette fois-ci, n'aurait indéniablement jamais.

Elle mit ses chaussures, tenta de faire le moins de bruit possible, et Merlin merci, elle y était arrivée, elle ferma la porte de son dortoir, priant pour ne trouver personne, mais, rusée comme elle était, elle était sûre qu'elle trouverait bien une excellente excuse.

Malgré tout, la peur de trouver Carrow au coin d'un couloir la mortifiait. Alors, dès qu'elle trouva les cuisines, et aussi pour se donner de la contenance (elle n'allait quand même pas retourner dans le dortoir avec l'impression immense d'être une parfaite idiote, tout de même ?), elle se jeta dedans. Elle claqua la porte plutôt fortement et sursauta toute seule. Elle se mit à rire quand elle comprit dans quelle situation elle s'était mise pour tenir tête à son père qui ne serait, de toute façon, jamais au courant de son aventure.

Cependant, quand elle se retourna vers les cuisines, toujours tout sourire, et qu'elle vit un garçon déjà présent dans les cuisines, elle elle inspira fortement (même si son coeur battait quand même très vite à cause du coup de la frayeur) et utilisa son ton froid qu'elle avait appris depuis très longtemps :

"Qu'est-ce que tu fiches ici, toi ?"

"Je suis venu faire une partie de quidditch, mais je suis déçu, les autres joueurs ne sont pas là. Et sinon, cela se voit, ce que je fais, dit-il en pointant son casse-croûte du doigt."

Elle se tut et encaissa les paroles du garçon. De quel droit lui parlait-elle comme ça ? A ce qu'elle sache, il ne la connaissait pas, il ne savait rien et il osait tout de même faire de l'humour ? C'était stupide. Elle ne répondit donc pas au pique de l'enfant et continua de le regarder avec hauteur. D'accord, il était plus grand qu'elle mais cela n'avait aucune espèce d'importance puisque ses yeux à elle savaient lancer des éclairs bien plus effrayants que ceux de l'élève en face d'elle. Quand il reprit la parole, le garçon se radoucit, et Svea se dit que c'était une chose intelligente de sa part et que cela raccourcirait la conversation puisque la jeune fille savait comment faire pour faire comprendre aux gens qu'ils étaient de trop. Alors que là, de cette manière là, la discussion ne durerait pas longtemps puisque Svea n'aurait rien à dire.

"Et toi, qu’est-ce que tu fais hors de ton dortoir à cette heure-ci ? Tu ne sais pas ce que font les Carrow aux gamines désobéissantes ? Si tu veux pouvoir t’asseoir dans les semaines qui viennent, je te conseille de retourner te coucher vite fait…"

Elle fut surprise d'entendre des conseils de la bouche de quelqu'un qu'elle ne connaissait pas, sachant que jamais elle ne l'aurait fait pour des élèves, peut-être pour ceux qu'elle appréciait, c'était probable, et encore. Pourquoi devait-elle obligatoirement se mêler de la vie des autres ? Sa surprise s'estompa et son attitude fière ne se relâcha pas une seconde et elle répondit du tac au tac :

"C'est pourtant simple, si tu ne veux pas te faire torturer par les Carrow, alors il suffit de ne pas les croiser là où tu ne devrais pas être, je me trompe ? Et, à ce que je sache, je ne les ai encore jamais croisé nul part."

Elle se remémora toutes les fois où, la peur au ventre, elle errait dans les couloirs juste pour se prouver à elle-même qu'elle en était capable. Elle avait, au final, presque pris l'habitude d'avoir aussi peur quand elle entendait un bruit et riait quand elle se rendit compte qu'elle avait commencé à être effrayée par ses propres pas. Le pire, c'est qu'elle avait presque pris l'habitude à cela, à se réveiller en pleine nuit, comme si son esprit avait conscience, à présent, qu'il était l'heure de vadrouiller un peu, pour ne pas perdre la main. Ca l'avait amusée au début. A présent, cela lui faisait un peu peur.

"Et je n'ai pas sommeil."

Elle tenta de ne pas poser au pourquoi du comment elle était présente dans cette cuisine à une heure si tardive. Elle n'y parvint pas. En même temps,c 'était dur car à chaque fois qu'elle avait essayé de ne pas penser à quelque chose, la chose en question revenait en force comme une vague, dans un même temps, comme une pensée constante qui ne s'échappe jamais vraiment, qui, dès qu'une activité se termine, prend sa place pour ne pas avoir la tête complètement vide. Elle regarda alors la table en bois, examina les défauts de celle-ci en espérant que cela allait l'occuper. Ca ne marcha pas. Elle reprit la parole.

"Tu n'as pas répondu à ma question, alors je la répète : Qu'est-ce que, TOI, tu fiches ici ?!"

Le garçon mangeait son sandwich sans jeter un regard à Svea, ce qui était considérablement agaçant, en fait. Les secondes à attendre allaient être longues. Très longues.

Etait-ce si difficile à comprendre pour les autres que les personnes qui, aux yeux de Svea en tout cas, était intéressantes paraissaient comme des fantômes, sur des personnes sur qui on ne s'attarde que trop peu ? Les gens qui pouvaient lui apporter quelque chose, Svea les traquait en un rien de temps, et les autres pouvaient bien vivre, que la jeune fille n'en aurait rien à fiche, alors pourquoi elle était encore là ? Ah oui, parce qu'elle avait peur. Bravo à elle, d'ailleurs. C'était bien sa veine d'être prise d'un coup de panique en plein couloir, surtout que ce n'était pas la première fois, des frayeurs dans le noir, elle en était habituée, peut-être que son esprit en avait assez après tout. Plus jamais elle ne sortirai la nuit, c'était officiel. Ou alors... juste pour les cas importants. Elle verrai bien si elle le supportait ou non.

En fin de compte, le bois de la table lui importait peu, et elle en avait assez d'être stable sur un seul pied. Elle grimaça quand elle prit appui sur l'autre. C'était douloureux au niveau de la cheville. Le garçon en face d'elle ne parlait pas (ce qui ne la gênait guère d'ailleurs), ou, si par hasard, il parlait, c'était pour dire des choses incompréhensibles. Svea haussa les sourcils. Pourquoi parlait-il ? Bien sûr, elle lui avait demandé quelque chose. Note à elle même : Ne plus jamais rien demander, surtout par politesse, et quand on en a rien à faire.

"Je disais donc, je suis venu manger un bout, j’avais l’estomac dans les talons. Et ça fait du bien !"

Elle ne fit même pas cas de sa réponse. Elle remit ses cheveux en arrière en jurant intérieurement car ça devenait sérieusement une mauvaise habitude, mais en même temps, elle ne pouvait pas faire autrement, ses cheveux repoussaient très vite et ses cheveux lui tombaient dans les yeux. Elle avait horreur de ça.

"T'es venue pour la même chose ? Tu peux avoir l'autre demi si tu veux...
- Sans façon."

Elle répondit du tac au tac, mettant ici la conversation à sa fin. Elle leva les yeux au ciel. Non mais c'était quoi ces manières ? On n'était pas gentil avec tout le monde. Peut-être que c'était étique, sans doute même, mais il ne fallait pas abuser. De toute façon, être gentil avec tout le monde, c'était être gentil avec n'importe qui. Et puis ça ne faisait pas, c'était tout. On n'est pas gentil avec quelqu'un quand on ne sait pas si il appréciera le côté aimable de la personne ou non. Dans la tête de Svea, cela sonnait très sociologique, mais peu important, le résultat seulement la satisfaisait.

Non. On n'était pas gentil à tout va. Ce n'est pas quelque chose qui se fait. C'était déplacé.

De plus, qui disait réellement qu'elle voulait un sandwich ? Elle n'avait pas louché dessus, à ce qu'elle sache. Elle observait la table, pas le casse-croûte. Peut-être que rentrer dans une cuisine la nuit pouvait alors faire penser à ce même but, certes, mais elle ne voyait pas du tout pourquoi il lui demandait. Ce n'était pas son ami, à ce qu'elle sache. Ne pouvaient-ils juste pas rester dans la même pièce sans se parler ? En s'ignorant comme deux bonnes personnes très respectables ?

- Sans façon.

La réponse abrupte de la gamine surprit quelque peu Gauvain, mais ne le désarçonna pas pour autant. Elle voulait se la jouer peste ? Libre à elle. Ce ne serait pas la première Serpentarde à l’être, et probablement pas la dernière. Il s’appliqua donc à manger son sandwich à vitesse régulière, prenant son temps pour mâcher avec délectation ce petit plaisir solitaire nocturne. Enfin, plus vraiment solitaire maintenant, vu que miss « je me la pète » lui tenait compagnie de manière non souhaitée.

Il avait essayé de faire contre mauvaise fortune bon cœur, mais la gentillesse ne payait pas avec les vipères. Pourtant, le jeune garçon était bien placé pour le savoir ; il faudrait quand même apprendre de ses erreurs de temps en temps… Mais c’était mission impossible pour lui : il partait toujours avec un a priori positif sur les gens, même les verts… même les Carrow en fait. Le premier jour. Ou même la première heure. Bon, pour être tout à fait franc, jusqu’à ce qu’ils ouvrent la bouche pour énoncer leur « programme éducatif »… ordre nouveau blah blah blah. Billevesées !

Gogo continua à appliquer les bonnes manières jusqu’à la fin de la première moitié de sandwich : on ne parle pas la bouche pleine. Un long silence s’installa donc dans la cuisine, à peine occupé par le tic-tac régulier de la grande horloge qui devait servir de repère aux elfes de maison quant au timing des repas qui rythmaient la vie de Poudlard. Il n’y avait jamais réfléchi, mais c’est vrai qu’ils avaient beaucoup de travail dans l’école : les repas certes, partie émergée de l’iceberg, mais aussi le ménage par exemple. Et toujours inaperçus. D’un coup, il se demanda combien d’elfes de maison travaillaient à Poudlard. Probablement beaucoup. Voilà un sujet qui méritait d’être creusé !

Pendant ce temps, Svea continuait de se lisser les cheveux, déjà impeccablement rangés. Les filles, toutes des chochottes à se pomponner comme ça. Enfin, pas toutes. Pas Broot… Du coin de l’œil, le Serdaigle la regardait faire. Manie ? Tic ? Tous toqués ces serpents de toute façon. Et puis, comme la gentillesse ne payait pas, cela l’autorisait à tenter un autre registre. Cela la ferait peut-être sortir de son mutisme. En toute logique, l’argument qu’il allait employer devrait faire mouche...

- Aah j’ai compris ! En fait t’es une elfe de maison ! Désolé, je t’avais prise pour une élève. T’inquiète pas, je vais tout ranger après, tu retrouveras ta cuisine comme tu l’as laissée !

Et, goguenard, Gogo (gogoguenard ? ) attrapa la seconde moitié de son sandwich et y mordit un grand coup, en regardant la gamine exploser comme un volcan islandais, mais sans le nuage de cendres…

Le temps passait bien trop lentement. À croire que les secondes étaient devenues des heures. Elle vit le moment défiler entièrement. Pas une seconde de perdue, tout est analysable. Le temps filait. Incroyablement lentement. Et chaque seconde qui passait la plongeait dans une ennui dans lequel elle était persuadée qu'elle ne pourrait en échapper. C'était étouffant. Bien trop pour elle.

Les yeux dans le vide, elle tenta de combler un peu le vide dans sa tête. Il fallait juste qu'elle ne pense pas à quelque chose auquel elle ne devrait pas. C'était possible. Tout l'était. Elle devait se calmer, c'était encore qu'une gamine. Elle évitait toutefois de poser les yeux sur le garçon, car lui éviterai de chercher dans quelle table il se trouvait quand elle arrivait dans la grande salle tous les matins. Ca lui éviterait de le détester pour pas grand chose, au final. C'était mieux qu'elle n'y fasse pas attention. Et jusque là, enfin dans ce temps infiniment long, il n'avait pas failli à sa promesse, il s'était tût. C'était plaisant. Mis à part ses bruits de mastication qu'elle ne supportait pas, la pièce était calme, et c'était tout ce qu'elle demandait. Enfin... Elle ne savait pas vraiment. Le silence complet la terrifiait, mais le bruit la fatiguait. Il fallait sans arrêt trouver un juste milieu. Tant qu'il ne parlerait, tout pouvait aller pour le mieux.

Elle prit une mèche de cheveux et commença, pour passer le temps, à la passer entre ses doigts. Ce n'était pas amusant... ça faisait juste passer le temps. Pourtant, elle détestait faire ça, d'ailleurs, elle détestait se toucher les cheveux, malgré tout, c'était une manie qui revenait souvent quand elle ne savait pas quoi faire à un moment donné.

"Ahh j'ai compris ! En fait t'es une elfe de maison ! Désolé je t'avais prise pour une élève. T'inquiètes pas, je vais tout ranger après, tu retrouveras ta cuisine comme tu l'as laissée."

Ses yeux auparavant baissés se levèrent par automatisme en fixant le garçon. Sur l'instant, peu important dans quelle maison il était, ce n'était pas intéressant. Ni à quoi il ressemblait. Seul les mots qu'il avait dit résonnaient dans sa tête pour s'entrechoquer. Ce n'était pas un jeu. Ca n'avait même pas l'air d'une distraction quelconque, et, s'il le prenait de cette manière, alors, c'était qu'il n'avait rien compris du tout. Ses yeux se firent plus perçants, et sa bouche se pinça. Encore un tic qui ne servait pas à grand chose. Il fallait qu'elle arrête, ça devenait grave.

"Je croyais pourtant avoir mis fin à la conversation, je ne pensais pas être tombée sur quelqu'un qui supporte aussi peu le silence. J'ai surestimé tes capacités."

Elle s'appuya contre le mur et attendit. Ca ne pouvait pas non plus être pire que les dernières minutes qu'elle venait de subir. Elle pouvait bien encore attendre un petit peu. Pas beaucoup. Juste quelques instants. Il fallait que, psychologiquement, elle se fasse à l'idée de devoir sortir des cuisines pour se trouver dans les couloirs. D'être dans les couloirs. De les longer. Sans avoir le coeur qui tente de s'échapper de sa cage thoracique. Peut-être que, dans les minutes qui allaient suivre, elle allait avoir le courage de sortir d'ici pour rejoindre les dortoirs.