Ce vendredi matin, alors qu'elle grignotait tranquillement une tranche de brioche -la partageant avec Cig', Suuë vit le hibou familial voler vers elle, peinant sous le poids d'un paquet conséquent de lettres. Elle lui fit de la place pour lui permettre de se poser, et Weeldu (un nom trouvé par sa mère, encore et toujours) lui hulula sa gratitude avant de piquer le reste de sa part de brioche.
La jeune fille détacha les lettres, les plaça dans son petit sac et ouvrit uniquement celle de son père: elle contenait toujours les nouvelles importantes.
Son regard s'arrêta sur le paragraphe où il l'invitait à suivre tous ses cours, surtout ceux de runes, qui avaient une signification particulière pour eux, puisque leur langue en était issue. Suuë grimaça en pensant que son père connaissait déjà mieux son emploi du temps qu'elle, puisqu'elle avait complètement oublié ce cours.
Caressant à rebrousse-plumes Weeldu, elle se leva de table, attrapa une autre tranche de brioche et posa Cig sur sa tête avant de se mettre à trottiner vers la sortie en suivant d'autres élèves.

Une fois dans la salle, elle s'installa sur un pupitre, seule, et regarda les autres élèves entrer en cours sans parler, trop timide pour nouer connaissance. D'ailleurs l'arrivée du professeur coupa court à toute tentative qu'elle aurait pu lancer, et elle remua nerveusement sur sa chaise. Il commença à parler, tout en marchant dans la classe, et elle se décida à noter ce qu'il disait pour ne pas oublier.

Mettant le bout de son crayon dans sa bouche, elle l'écouta déclarer qu'il ne sanctionnait pas les retards -un bon point pour elle, qui avait toujours du mal à émerger le matin- ainsi qu'un tas d'autres points importants, qu'elle nota consciencieusement sur sa première page de parchemin, en dessous du nom du professeur.
Lorsqu'il parla de "fumer", Suuë leva un sourcil. C'était quoi, ça? En bonne petite dernière choyée et élevée dans une famille que l'on pourrait qualifier d'écolo, le tabac était tabou, et elle n'avait jamais entendu parler de ça. Elle nota donc sur un coin de sa feuille "Demander à Coriandr ce que c'est Phumé", puis satisfaite, entendit le professeur River demander ce qu'étaient les runes.

Timidement, elle leva la main, le visage rouge, et attendit un instant avant de parler.
"Suuë Jandra, Professeur, élève à Poufsouffle..."
Elle se racla la gorge avant de continuer un peu plus fort.
"Les runes sont l'ancienne écriture des pays nordiques, utilisée le plus souvent pour la magie. Il y a le plus souvent 24 runes, qui représentent toutes un symbole, mais on trouve aussi des alphabets à 16 runes."

Désormais complètement rouge, elle arrêta de parler, bien qu'elle connaisse de nombreuses choses sur le sujet. Elle n'allait pas dire devant tout le monde que sa mère croyait dur comme fer qu'une ancienne espèce magique ayant sa propre langue avait inventé les runes, ni que son nom en anglais n'était que la traduction approximative de runes anciennes.
Voulant se faire oublier, elle baissa la tête, griffonnant sur son parchemin des lettres runiques que sa mère l'avait obligé à recopier des dizaines et des dizaines de fois.

Une nouvelle nuit difficile. Depuis quelques temps l’aiglon avait du mal à trouver le sommeil, qui était qui plus est mouvementé. Il avait eu froid cette nuit, les couvertures étaient tombées et il n’avait pas eu le courage de le ramasser lorsqu’il s’était réveillé vers trois heures du matin
C’était donc encore de mauvaise humeur avec de tout petits yeux, les cheveux en pétard et fatigué que Peter s’éveillait. Aujourd’hui il se sentait fiévreux, pourtant il ne pouvait se permettre de louper son premier cours de rune…
Il s’habilla donc avec une lenteur surprenante. L’excitation des premiers mois s’était éteinte et chaque geste demeurait un supplice. Non décidément le jeune Pet’ n’était pas en forme.
Avant de partir, il prit ses affaires, regarda une dernière fois son lit qui l’incitait à retomber dans les bras de Morphée. Après un soupir bruyant il s’en alla en feuilletant son livre, se demandant si son professeur serait sympathique ou bien horrible. Il préféra l’imaginer méchant, ainsi il minimisait le risque de mauvaise surprise…

Il entra enfin dans la salle de rune, personne. Ni prof, ni élève. Ah si il reconnu Morwind à qui il eut a peine la force de faire un signe de main ainsi qu’une jeune élève de Pouffsoufle, une blondinette qu’il avait déjà aperçut dans la grande salle.
Il s’assit donc et sortit ses affaires. Il ne s’assit pas près de Fred car il ne se sentait pas la force d’entretenir une discussion même banale avec lui.

La salle s’emplit petit à petit, le flot d’élève augmentait de plus en plus mais le prof ne montrait toujours pas le bout de son nez.
Pet’ ne souriait même pas lorsqu’il vit sur le visage de quelques élèves retardataires une expression de soulagement et de surprise. En effet presque dix minutes s’étaient écoulées et les élèves commençaient à s’impatienter.
L’aiglon lui regrettait presque d’être venu. Il aurait pu continuer son sommeil tranquillement sur son matelas douillet. Il s’endormit cependant sur son sac, et reçut un coup de coude en plein dans le visage de la part de son voisin. Il n’eut pas le temps de le baffer, le professeur venait d’entrer l’air de rien. Il ne semblait pas se rendre compte qu’il avait fait poireauté ses élèves un bon moment.

Le silence se fit et l’enseignant put commencer sa présentation de la matière et la manière dont il dirigeait ses cours.

Il posa enfin la question suivante : « Qui pourrait me dire ce que sont les runes ? »
La blondinette de blaireaux prit le parole puis rougit bêtement. Son teint était aussi rouge que Peter était blanc. Une personne masculine parla. Il ne comprit rien de ce que ce dernier raconta. Dans son état, était-il raisonnable de rester plus longtemps ?

Il se leva finalement et déclara :

-Peter Covell, Serdaigle, 1ere année. L’aiglon répéta sans entrain ce qu’il venait de lire : « Les runes étaient utilisées par les Scandinaves et les Teutons dans le but de découvrir les choses cachées et je dirais que euh……

L’aiglon n’eut même pas la force de continuer à parler. Il s’excusa d’un signe de tête et se rassit l’air penaud le teint plus blafard que jamais. Ce premier cours de rune sera long, très long…

Avec un sursaut, Calypso se réveilla brusquement. S’étirant langoureusement dans son cocon bien chaud, elle se demandait quand même ce qui avait bien pu l’éveiller ainsi. Tout était calme pourtant dans le dortoir... Trop calme d’ailleurs ! Avec de grands yeux affolés, la rouquine se précipita sur son réveil et vit avec effroi qu’il ne lui restait plus que 10 minutes avant le début de son cours de Runes ! Une catastrophe pour la fillette qui était toujours une lève tôt ! Voilà ce qu’on gagnait à se faufiler hors de son dortoir après le couvre-feu et à comploter avec ses nouveaux acolytes de rebellion...

Repoussant brutalement ses couvertures, la tornade rousse se précipita dans la salle de bains et se prépara en un temps record. Après avoir pris encore quelques dernières secondes pour coiffer proprement sa chevelure, l’aiglonne s’empara de ses affaires de cours et fonça en dehors de sa salle commune. Calypso était certaine qu’elle allait arriver en retard, comment ne pouvait-elle pas l’être alors qu’elle avait encore tout ce chemin à faire ? Elle n’avait qu’un espoir, c’était que le nouvel enseignant qu’ils avaient ne soit pas du même acabit que les autres affreux, fanatiques de retenues en tout genre. Le souffle court, la Serdaigle arriva en vue de la classe de Runes juste au moment où un homme venait d’entrer, certainement le prof... Soulagée, la fillette rentra discrètement à sa suite et alla s’installer tranquillement à une table du deuxième rang. Quelle chance ! Elle n’allait même pas être sanctionnée !

L’enseignant de Runes pendant ce temps n’avait pas perdu de temps et s’était déjà lancé dans un discours, monologue dont elle n’avait pas tout entendu mais dont le sens global était clair. Ce nouveau prof avait l’air vachement cool ! Sortant le plus silencieusement possible ses parchemins et nécessaire d’écriture, Calypso écouta d’une oreille attentive les premières réponses qui fusaient déjà. Puis, River leur proposa une énigme. Le front plissé, la rouquine nota la série des chiffres et réfléchit un moment. A la proposition de Ciel, elle hocha la tête. Il semblerait que les chiffres impairs alternaient avec les pairs.

Citation :

1 3 2 4 5 7

Avec cette logique, la suite n’était pas très compliquée à compléter, et c’est là qu’elle était en désaccord avec la réponse de son camarade. Levant la main, l’aiglonne répondit à son tour.

- Je rejoins ce qu’a dit Ciel. C’est une alternance entre les chiffres impairs et pairs. Par contre, pour moi les calculs sont différents. On ajoute simplement 2 à chaque fois pour chaque paire. Alors la suite serait donc : 6 8 9 11 10 12.

Peter n’en revenait pas, sa réponse était correcte ! Elle semblait tellement bancale à coté de celle de Calypso et de Ciel ! Cependant il avait trouvé une réponse et ajouté 5 points au sablier des Serdaigle. D’ailleurs, les bleus et bronzes étaient en forme aujourd’hui, à ce rythme il se replacerait en bonne position pour la Coupe des 4 Maisons!

Le professeur River se lança ensuite dans une explication un peu confuse, Peter fronça les sourcil, réécrivit ce qu’il avait entendu, puis relut plusieurs fois. Cependant le visage de l’aiglon s’éclaira. Il avait comprit le gros message du prof’ (quelques détails lui échappait cependant) et c’était le principal.

Puis Jasmine, camarade Serdaigle, entra dans la salle. Elle portait une serviette sur la tête, ce n’était pourtant pas dans ses habitudes. Peter lui fit un signe discret lui indiquant qu’elle avait quelque chose dans les cheveux. Il espérait que la métisse le verrait…

Le prof s’arrêta un instant puis reprit ses explications. Il conseilla aux jeunes étudiants de suivre leur instinct lors de la traduction de runes ancienne. Peter aimait ça, ainsi il n’aurait pas à se creuser la tête pour essayer de traduire un mot qu’il ne comprendrait pas. Il suivrait son instinct et concorderait avec le sens global de la phrase.
Puis River posa deux questions surprenantes, « Qu'est-ce qui vous a poussé à suivre ce cours ? Qu'est-ce que sont pour vous les runes, quel intérêt représentent-elle pour vous ? ».. Il n’y avait aucun doute, ce professeur était vraiment à part, il se souciait vraiment de ses élèves et ne faisait pas de manie avec eux. Peter qui s’était prit d’affection pour son enseignant s’apprêta donc à lui répondre le plus sincèrement possible, lorsqu’une quinte de toux le prit de nouveau. Fichu grippe ! Bien qu’il avait réussi à ne pas s’en préoccuper jusqu’alors grâce à l’extrême attention avec laquelle il écoutait le cours, cette dernière revenait à la charge. Le Bleuet ferait tout son possible pour assister et participer jusqu'à la fin du cours quitte à devoir loupé le cours suivant. L’aiglon leva donc sa main et répondit alors :

-Pour ma part, je suis venu ici par curiosité. Je ne suis à Poudlard que depuis peu, ainsi je voulais avoir une large culture magique et profiter au maximum en assistant au plus de cours possible. Par ailleurs mon premier cours de Rune n’était qu’aujourd’hui mais j’aime beaucoup cette matière qui représente un lien avec le passé important. De plus l’étude de rune pousse à être particulièrement attentif, ce que j’apprécie particulièrement.

Peter acheva sa phrase, il ne voyait pas d’autre chose à dire. Il attendait impatiemment la réponse des autres élèves pour que le cours puisse continuer.

Après les réponses données par les élèves, le professeur reprit la parole. Il annonça que toutes les réponses étaient exactes ce qui étonna fortement Jonathan. Le jeune Poufsouffle n’y comprenait plus rien. Le professeur expliqua ensuite que tout comme cette énigme, les Runes n’étaient pas une science exacte, on pouvait donc les interpréter de différentes manières sans pour autant donner une réponse qui soit meilleure qu’une autre. Il expliqua ensuite que la complexité de l’étude des Runes résidait dans le fait que les Runes étaient une langue morte depuis plusieurs siècles. En effet, la conception du monde de l’auteur était certainement différente de celle des élèves. Jonathan n’avait pas compris la moitié de ce que le professeur venait de dire. Ce n’est qu’à la dernière phrase qu’il comprit là où le professeur voulait en venir. Il faisait référence à une expression que Jonathan connaissait bien car sa mère l’employait souvent : « Traduire, c’est trahir. »

A ce moment-là, une élève entra, essoufflée, emmitouflée dans un truc qui ressemblait vaguement à un bonnet. En regardant de plus près, il s’aperçut que le bonnet était une serviette et que l’élève était une jeune fille de Serdaigle que Jonathan avait déjà croisé en cours de botanique. Elle bredouilla quelques mots d’excuse puis alla s’installer.

Le professeur en profita pour faire une pause dans ses explications et demanda aux élèves pourquoi ils étaient venus. Il dit ensuite que cela n’était pas une question piège au grand soulagement du jeune Poufsouffle qui ne savait que répondre. Le premier à prendre la parole fut Peter Covell. Il dit qu’il était venu, poussé par la curiosité, exactement la même raison que Jonathan. Ce dernier leva ensuite la main et dit :

« En fait comme Peter, je suis venu par pure curiosité. Comme je ne connais pas beaucoup de chose en magie, je vais à tous les cours pour en apprendre le plus possible ! Personne dans ma famille n’a étudié les Runes alors si en plus je peux apprendre des choses qu’ils ne connaissent pas ! ».

Un sourire malicieux s’était à présent formé sur le visage du jeune Poufsouffle. Il se tut et écouta les réponses de ses camarades.

Plus le cours avançait, plus Suuë augmentait sa vitesse d'écriture. Le professeur River disait qu'écrire ne faisait pas tout, et bien qu'elle soit d'accord sur le fait qu'écouter était très important, prendre des notes lui permettait de se remettre plus tard en contexte. Son parchemin était couvert de notes, qu'elle remettrait au propre le soir venu, mais sa tête était levée; elle écrivait sans regarder, une habitude prise durant les longs monologues de sa mère -et préceptrice.

Le professeur leur expliqua la nécessité de faire confiance à leur instinct. Cela voulait sans doute dire qu'il n'était pas obligatoire de connaitre les multitudes de significations de chaque rune, mais de voir le sens global.
Suuë trouvait ça original, mais vrai. Quand un seul mot venait à manquer dans une phrase, il était parfois possible de trouver le sens et le mot par l'analyse du reste de la phrase, par tâtonnements successifs.
Les runes n'étaient pas une science exacte, comme ne l'étaient jamais les langues.

A la question de logique, Suuë chercha longuement dans sa tête, mais elle avait toujours eu un problème avec les mathématiques. Autant elle comprenait les principes, autant mettre en pratique était dur -surtout quand il y avait des chiffres dans le coin. Sachant d'avance qu'elle n'arriverait à rien, elle attendit sagement que d'autres élèves lèvent les mains, et nota leurs réponses sur son parchemin. Ainsi, plus tard, elle pourrait comparer leurs résultats et trouver elle aussi la solution.
Le fait que le professeur déclare que les réponses étaient toutes exactes la fit sourire, car apparemment tout ce qu'il leur faisait faire avait un sens caché permettant d'appréhender le cours d'une manière ludique. Autant dire que la petite poufsouffle était heureuse.

Puis, il leur posa une question, apparemment sans rapport avec ce dont il parlait auparavant -et il avait fait un monologue assez drôle en se trompant sur le nom d'une serdaigle en retard.
Ce qui l'avait poussé à prendre ce cours? Ce qu'étaient pour elle les runes?
Songeuse, elle joua avec le bout de sa plume un moment, écoutant d'une oreille distraite les réponses de deux garçons, qui semblaient curieux de nature. Elle n'avait pas vraiment songé à ce que représentait les runes pour elle; après tout, sa mère lui rabâchait sans cesse que c'était la clé de la compréhension du passé, ce qui permettait d'aller de l'avant en toute quiétude, et Suuë la croyait. Elle ne cherchait pas uniquement à ouvrir plus le champ de ses études -elle avait déja bien assez à faire avec les cours obligatoires- ni par pure curiosité. C'était quelque chose de plus profond.
Timide, elle finit par lever une main tremblante, et parla ensuite d'une petite voix. Elle n'avait jamais eu un volume sonore conséquent, et dans une grande salle, cela se ressentait encore plus.

"Je suis venue parce que mes parents tenaient à ce que je prenne ce cours, vu qu'ils utilisent beaucoup les runes dans leur métier. Pour moi, les runes, ce sont les derniers messages de peuples très anciens, et tant qu'on continuera à s'y intéresser, ils vivront dans nos mémoires. Je pense que c'est un devoir de... de continuer à chercher et à traduire, parce qu'on descend d'eux et que si on est des sorciers comme on est aujourd'hui, c'est grâce à eux. Et puis, c'est beau, les runes."

Elle s'arréta, rougissant encore un peu, et se plongea ensuite dans la contemplation de ses mains, qu'elle triturait nerveusement. La jeune fille se trouvait stupide et trop romantique, mais on ne lui avait pas appris à mentir et elle avait eu envie de dire le fond de sa pensée.