But if I should become a stranger [Law]

Ne pas fuir. Ne pas faire marche arrière. Serrer les poings et affronter, voila ce qu'il fallait faire. Oui mais, pour être franc, la jeune Serdaigle se sentait plus le courage d'un aigle détrempé que d'un lion. Elle voulait bien monter au front et savait pertinemment que plus elle attendait, plus les choses seraient difficile mais toquer à cette porte de bois pourtant si connue lui semblait au dessus de ses forces.

Cet immeuble, cela avait d'abord été Lacey et ses innombrables ouvrages. C'était maintenant Lawrence et leurs soirées. Les mondes merveilleux dans lequel le directeur l'avait transportée, d'abord au milieu d'une société à laquelle ses origines ne lui donnaient pourtant pas accès mais également dans un monde où l'amour pouvait être oublié au profit d'un vrai partage et de ce qu'elle espérait avoir été une amitié sincère. Avoir été. Parce qu'il était peu probable que la tendresse survive à cet entretient et c'est bien ce qui lui faisait peur. Ca et le fait qu'elle lui en voulait un peu quand même. C'était vrai quoi. Non content de diriger les recherches concernant ses deux frères (le vrai et l'étoilé), il avait osé déranger Niallan en lui demandant de ses nouvelles à elle. Comme si la pauvre avait besoin d'être encore forte pour les autres ! Il y en avait assez que tout le monde ne pense qu'à elle, Blodyn aussi avait besoin d'attention. A force d'être forte, elle allait finir par se blesser. Bref, il était temps que le cadet des Hawkesworth apprenne à laisser la famille Cadell en paix. Ce n'était pas parce qu'ils étaient amants que ça lui donnait tous les droits. Non mais oh.

Evidemment, les choses auraient été plus simples si elle avait été la seule en colère dans cette histoire mais l'étudiante n'ignorait pas que son petit ami avait au moins autant de griefs justifiés contre elle qu'elle en avait contre lui. Sa disparition pendant plusieurs semaines par exemple, ou son retour discret, bref, les deux mois où elle l'avait laissé sans nouvelles devaient lui peser sur le cœur. Elle avait prévu de lui écrire pourtant, mettant à chaque fois la missive de côté pour la retravailler plus tard. Mais le temps qui d'habitude trainait avait filé depuis Janvier et elle n'avait pas trouvé le temps. Que pouvait-elle bien écrire de toute façon ? Elle n'aurait pas disparu si tout allait bien et il était hors de question qu'elle lui dise la vérité. Quand à la version officielle, Lawrence ne se serait probablement pas contenté d'une simple maladie. Il n'aurait probablement rien dit mais Der' n'était pas assez conne pour le prendre pour un imbécile et mentir au Directeur de la Justice Magique lorsque son père, sa mère, son frère, son meilleur ami et deux de ses professeurs étaient en fuite n'était pas la chose la plus intelligente à faire. Non, elle avait fait au mieux. Il fallait juste en terminer avec tout ça. Pour protéger sa famille. Et Lawrence également. Car il n'avait pas besoin d'un suspect parmi ses amantes. Il valait mieux que ça.

Deryn soupira, refoulant ses larmes. Elle ne tremblait plus, c'était déjà ça et ses crises de panique avaient laissé la place à une angoisse sourde. Elle avait toujours peur de se faire tuer dans une rue passante et les images des blessés du nouvel an ne voulaient pas partir mais au moins, elle avait réussi à se composer un masque plus ou moins serein sur son visage pâle. Un sort de cosmétique avait caché le plus gros de ses cernes, laissant la fatigue se voir sur d'autres indices. Elle n'avait pas fière allure, elle le savait. Et elle s'en fichait pas mal. Elle n'était pas là pour séduire qui que ce soit mais pour crever un abcès. Ce qui était de toute façon toujours salissant. On n'avait pas encore trouvé le moyen de vider la bile autrement.

La jeune fille avait pourtant fait un effort de toilette. Ses cheveux flamboyants étaient relevés en un chignon lâche, fait à la va-vite et tenu grâce à une baguette chinoise dont deux mèches s'échappaient pour encadrer son visage tendu. Pas de maquillage en dehors du cache cernes mais une chemise verte un peu grisée qui la mettait en valeur et dont les premiers boutons ouverts laissaient voir un pendentif en argent. En bas, un jean noir et des sandales complétaient sa tenue. Il n'y avait que son sac de cours bourré de notes et de livres qui n'était pas flambant neuf. Et tout cela pourquoi ? Pour ne pas plaire. Le protocole féminin était parfois bien étrange.

Neuf heures sonnèrent enfin. Reprenant tout son courage, Deryn se releva des quelques marches de bois sur lesquelles elle s'était assise et serra les poings. Il n'y avait plus à tergiverser. Si elle avait réussi à attendre une demi-heure que le temps soit venu, alors elle pouvait le faire.

Jamais trois coups sur un panneau de bois ne lui avaient autant coûtés.