Mathias vivait avec indifférence la situation. Son boulot au Ministère ne devait pas être différent de ce qu'il aurait fait si l'Institution sorcière n'avait pas changé de direction, tombant dans une étrange atmosphère, due à cette nouvelle politique contre les Nés-Moldus. Heureusement, le Langue-de-Plomb avait des origines sorcières, il avait donc pu échapper aux griffes d'Ombrage et son bras droit, Bower. Il lui était arrivé de croiser l'un et l'autre dans les couloirs, et chaque fois il les avait salués avec respect, même s'il ne le faisait pas avec sincérité. Il aimait son travail, ses recherches étaient passionnantes, et il n'allait pas gâcher tout ça en disant clairement ce qu'il pensait. Donc, il choisissait l'indifférence, un bon moyen de ne pas se créer d'ennuis.

Un soir, alors qu'il rentrait du boulot, un hibou vint frapper à la fenêtre. Sans prendre le temps d'ôter sa cape luisante de pluie, il alla ouvrir le battant. L'oiseau n'entra pas, se contentant de tendre une patte à laquelle était accroché un parchemin humide. A peine Mathias l'eut-il détaché que le volatile reprenait son envol dans la nuit pluvieuse. Avant de refermer la fenêtre, l'aîné des Sullivan jeta un oeil sur la vaste pelouse qui s'étendait au milieu de la place. St James's Square était désert. Pierre, son père, lorsqu'il avait dû laisser leur autonomie à ses fils, avait investi dans un appartement de quatre pièces dans ce quartier chic de Londres, face à la Bibliothèque de la ville et à deux pas de Buckingham Palace. Situé au cinquième étage, le logement offrait une belle vue sur le square en bas.

Mathias laissa le parchemin sur la table basse avant de retourner dans la petite entrée, où il laissa sa cape et ses bottes. Il ôta son pantalon trempé au niveau des chevilles et alla le mettre immédiatement dans le bac à linge sale. Vêtu d'une chemise oscillant entre gris et vert, d'un caleçon rouge aux motifs représentant des nounours jaunes et d'une paire de chaussettes bleues, il se saisit de la missive et s'affala dans le canapé.

Citation :

M. Sullivan,

Je vous informe que le traditionnel bal de Noël de Poudlard aura lieu samedi 20 décembre au soir. Les élèves quittant l'école pour les vacances arriveront donc à la gare de King's Cross le dimanche suivant dans la soirée.

Bien à vous,

Minerva McGonagall

Tiens, malgré le changement au château, c'était toujours le professeur de Métamorphose qui était chargée des envois de messages aux familles. Ainsi, Nils participerait au bal et rentrerait le lendemain. Il y avait encore du temps, quelques semaines... Largement le temps de voir venir, donc.

Ce fameux dimanche...

Mathias avait été occupé toute la semaine. En plus du travail qui prenait beaucoup de son temps, le faisant rentrer tard, il avait dû s'atteler aux préparatifs. D'abord, il avait fait un grand ménage. Puis il avait imaginé quelles décorations pourraient orner le salon. Le tout en ignorant superbement les avis de Haddock, le chartier. Depuis qu'il était revenu dans l'appartement, l'animal se montrait moins virulent, mais il traversait des périodes durant lesquelles il était tellement chiant que Mathias l'enfermait dans sa chambre pour avoir la paix.

Le langue-de-plomb était aussi allé faire des courses, les cadeaux, bien sûr, un sapin, aussi, et avait établi le menu du réveillon. Pas fan de la gastronomie locale, il avait choisi un repas français, selon une recette de sa grand-mère, la mère de Pierre. En se levant le dimanche matin, il fit un dernier tour d'horizon.

Le salon, une vaste pièce au plafond haut (comme les autres pièces), était décoré sans être surchargé. Un sapin atteignant presque les quelques trois mètres trônait dans un coin, aguiché de guirlandes rouges et dorées. Aucun rapport avec Gryffondor. De toute manière, une guirlande verte sur un arbre vert, c'était plutôt étrange... Le coin salon était impeccable. Un canapé et un fauteuil entouraient une table basse de bois verni. La télévision siégeait entre deux des quatre grandes fenêtres de la pièce.

Les deux chambres étaient parfaitement en ordre. Mathias espérait que Nils ne mettrait pas le bazar dès son arrivée. L'ancienne chambre de Livious, reconvertie en bureau, servait de "chambre" à Haddock. Qui cependant préférait squatter celle de son maître. Mais pour la période des vacances, le chartier avait reçu une menace : il s'en tiendrait au bureau où il subirait un sortilège de silence.

Une importante concession au monde moldue qu'avait faite Mathias était... l'achat d'une voiture. Il avait passé le permis sans aucun souci et utilisait de temps en temps le véhicule, une Opel, pour des courts trajets en ville. Et ce jour-là, il la prit pour aller à la Gare. Pour ne pas se faire remarquer, il avait revêtu une tenue moldue, un jean, une chemise et un blouson d'hiver bleu. Après s'être garé, il alla attendre son frère non loin du passage vers la voie 9 3/4. Les premiers élèves arrivèrent, et il vit enfin la tête blonde de son frangin surgir de la barrière. Souriant, il lui fit signe.

"Salut ! Tu as fait bon voyage ?" dit-il, en le serrant dans ses bras, puis en lui déposant un bisou affectueux sur les cheveux.

En dehors de la famille, Mathias ne se montrait aussi démonstratif avec personne. Il ne fallait pas pousser, non plus. Les deux frangins prirent ensuite la direction de la voiture. Le trajet fut plutôt court, l'aîné ayant appris à prendre des raccourcis, avec une conduite plutôt sportive...

La veille de Noël

Dès son réveil, à 8h30 du matin, Mathias s'était mis à l'ouvrage. Tout en buvant un café noir et en grignotant un toast, il commença la cuisine. Cuisiner, il aimait ça. En tant que célibataire, il aimait se faire des petits plats. Et en tant que célibataire aussi, il traînait souvent en caleçon chez lui. Et ce jour-là, il ne dérogeait pas à la règle. Arborant un caleçon bleu à fleurs rouges sous son tablier orange, portant l'inscription "Kiss the cook, he's the best", il étala sur la table de la cuisine les différents ingrédients. Au menu : Foie gras et toasts en entrée, Chapon farci aux marrons avec champignons et pommes de terre sautées, et enfin bûche glacée au caramel.

Quelques heures plus tard, Livious allait arriver. Tout était fin prêt. Mathias avait revêtu une tenue plutôt classe : chemise blanche, gilet sans manches noir, pantalon noir, cravate rouge, le tout parfaitement repassé. La table était belle : nappe blanche, vaisselle noire, des assiettes aux verres, quelques bougies dorées et, voletant autour du lustre, seule concession la magie, des petits anges dansant une ronde.

"Nils, tu es prêt ? Livious va arriver d'un moment à l'autre !"

Après avoir frappé à la porte de la chambre de son frère, Mathias passa la tête à l'intérieur.

Dans les règles. Les règles des Sullivan, belle fanfaronnade de dire règle et de s'appeler Sullivan par la suite. C'est limite un mot qui fait rire. chez Livious, les règles sont pour les gens normaux, et lui, normal, il ne l'était pas. Loin de lui l'idée d'être un véritable rebelle, il pensait simplement à des objectifs et faisait en sorte que ceux-ci se réalisent. Un tour dans la forêt interdite ? Sans soucis. Repeindre le Hall de Poudlard en rouge ?Chiche. Dans une joie anarchique, parmi un feu d'artifice de liberté, le jeune et brillant duelliste (seulement quand il le décide) danse sur les ruines des dernières pensées formatés et rigides de vos esprit.
Les punitions de Rogue ?Il inventa un sort pour les faire à sa place. Les courses poursuites avec Rusard ne furent-elle pas merveilles en ce qui est de la matière du dérapage contrôlé ? Et pour ce qui est du fait qu'il devait être viré, Albus était bien trop occupé avec le survivant pour se soucier d'un franco-écossais qui faisait pleinement vivre les commerces des frères jumeaux roux.
C'était du temps où Dolores Ombrage n'était qu'une fonctionnaire enfermée au plus profond du ministère de la magie. Du temps où Dumbledore était encore vivant. Mais Livious comptais bien sur MacGonagall pour remettre cette ambiance à Poudlard, une fois cette "crise" passée.
C'était du temps où aucune cicatrice de lézardait la peau du jeune apprenti auror plus profondément que celle qu'il fixait dans son miroir ce matin.

Cette année l'avait changée, c'était bien visible.
Il posa son rasoir prêt de son évier. Il fallait faire bonne figure. Il se tourna vers Archimède.

"Premièrement, les cadeaux."

D'un coup de baguette magique, du papier craft s'éleva et Livious l'étala sur la table. Je ne vous ferais pas le détail de la dernière fois que Liv' a essayé de tout faire par magie, le scotch avait momifié Archi. Le fléreur, mécontent, avait boudé pendant une semaine pour cette maladresse et un deuxième pour le fait que l'auror s'était amusé à faire le remake de la momie avec la pauvre bête.

"Deuxièmement, l'apparence."

Et oui, il faut savoir se faire un peu beau pour Noël, si cela se trouve, Mathias avait même décidé de s'habiller correctement. L'idée traversa l'esprit de Livious tandis qu'il remettait correctement les boutons des poignets de sa chemise. La même idée germa dans le crâne d'Archimède qui faisait sa toilette, ils se regardèrent. Puis Archimède brisa le silence.

"Miaw.
-T'as raison."

Dans tout les cas, Mathias a du trouver le moyen de mettre le tablier affreux orange et rouge portant l'inscription : «  Kiss the cook, He's the best. » Archimède posa son regard mauve sur l'étoilé, l'air de dire : D'un autre coté, si tu ne lui avait pas offert, ce tablier...Mais Livious s'en fichait, personne ne l'avait arrêté. Attentat au bon gout, ce n'était pas encore puni par la loi. Autrement, ce que le grand frère se prendrait sur la tronche, cela ferait ricaner les deux petits frères. Ceux auxquelles on dit : « Prenez exemple sur votre frère. » « Vite Nils, remplissons nos placard de chemise Hawaïennes moches. »
Mais cette année, il ferait un peu moins agressant visuellement niveau cadeau. L'apprenti auror, mis sa veste, se décoiffa un peu et pris ses cadeaux sous le bras. Cette fois-ci, pas de chapeau haut de forme, il laissait se reposer son compagnon de fortune.
Archimède sauta sur son épaule.

"Troisièmement, l'arrivée."

Il transplana dans une rue déserte et monta jusqu'à l'appartement de son frère. Il frappa à la porte et attendit qu'on lui ouvre. Dès qu'il vit la bouille de son grand Serpy de frère, il lui annonça avec un délicieux sourire :

" C'est ici le gang des yeux tatoués ? J'ai la Il montra les paquet cadeaux. marchandise. Si vous voyez c'que j'veux dire."

Et on repartait dans les quelques habitudes fraternelles lorsque Nils était chez Mathias. Et chez lui aussi, en même temps. Sauf qu'en tant qu'aîné, le Langue-de-Plomb considérait que cet appartement était le sien. Le benjamin aurait certainement droit, à un moment, lorsqu'il entrerait à l'UMA, par exemple, à son propre logement. Mais ça n'était pas pour tout de suite. Et tant mieux, pensait Mathias, parce qu'il aimait bien avoir son petit frère avec lui.

Donc, il était venu voir si l'adolescent révolté était prêt. Et ce dernier avait joué son rôle à la perfection en s'exprimant contre le fait que Mathias soit entré. Bon, il avait frappé, mais c'est vrai qu'il n'avait pas attendu avant de glisser sa tête dans l'entrebâillement. Et l'éternel phrase, répétée maintes et maintes fois à travers le monde par le jeune moyen vivant encore chez ses parents, suivit... "J'arrive !" Sauf que cette fois, Nils ne mit pas les éternels cinq à dix minutes réglementaires à appliquer l'action induite par ce verbe, arriver. Il arriva tout de suite !

"C'est bon, t'aurais pu être encore en caleçon." rétorqua l'aîné avant de retourner vers sa cuisine, Nils sur les talons.

Là, il jeta un oeil dans le four, pour voir la cuisson du chapon. Il venait à peine de le mettre. Même si ça ne cuisait pas en quelques minutes, il ne fallait pas le mettre trop tôt. On ne passait pas à table tout de suite, par Merlin ! Alors, ce ton de jeunôt, auquel l'ancien Serpentard était bien accoutumé à présent, résonna derrière lui, employé pour poser une question tout autant... de jeunôt.

"En entrée, Foie gras. Ensuite, un chapon farci aux marrons, accompagné de champignons et de pommes de terre sautées. Enfin, le dessert sera une bûche glacée au caramel."

Tel un maître d'hôtel présentant le menu, il s'était redressé et avait employé un ton presque chanté. Fier de lui, il se tourna vers les pommes de terre qui attendaient d'être coupées. D'un coup de baguette magique, il ensorcela un couteau qui s'occuperait parfaitement de cette tâche. Si les sortilèges utiles à un duel n'étaient pas le fort de Mathias, il se débrouillait à la perfection avec les sorts utilitaires.

"Tiens, sors les champignons du frigo, s'il te plaît."

Ces derniers, frais, étaient dans une barquette en bois et attendaient, eux, d'être nettoyés avant d'être coupés... Il y avait un tout petit peu de retard, mais la magie aiderait bien. A ce moment, des coups frappés à la porte retentirent dans l'entrée. Livious !

"Ah ! Au complet !" lança Mathias, avant d'aller ouvrir.

Sur le seuil se tenait bien sur Livious, mais sans chapeau ! Et sur son épaule, Archimède était là, évidemment. Et l'étudiant commença alors par entrer dans un scénario incluant une réunion secrète... Mathias joua le jeu. Il regarda dans le couloir, suspicieux, jeta le même regard aux cadeaux, puis fit signe que Liv pouvait rentrer.

"C'est ici, entrez, vite."

Un petit dernier coup d'oeil avant de fermer la porte. Et il se retourna vers son frère.

"Salut Livie !"

Et hop, il le serra dans ses bras. Puis il caressa la tête d'Archie.

"Pose les cadeaux au pied du sapin. Je finis dans la cuisine."

Joignant le déplacement à la parole, il retourna à sa popote.

[pas terrible, mais bon... fait dans l'avion ^^]

Nils fit claquer sa langue quand le plus vieux de ses frères énonça le menu du jour, à la manière d'un maître d'hôtel de grand restaurant parisien à 20 gallions l'escalope de de Sombral – mets on ne peut plus dégoûtant aux yeux de Nils, mais terriblement chic, paraît-il. Ce repas de Noël, célébré à la française, avait de quoi faire saliver le jeune étudiant. Les festins de Poudlard avaient beau être excellents, ils n'en étaient pas moins répétitifs, et surtout ils ne valaient pas les délicieux petits plats préparés avec amour par maman Mathias. Le petit blond dût se retenir de ne pas se jeter sur l'impressionnante bûche qui trônait dans le réfrigérateur, se contentant des champignons demandés par le cuisinier d'un soir. Plus par défi que par gourmandise, il en chipa un qu'il se fourra rapidement dans la bouche, tout entier.

« Cha a l'air délichieux », confirma-t-il, la bouche pleine.

Parfaitement synchronisé avec ses deux frangins tatoués, Livious choisit cet instant précis pour sonner à la porte de l'appartement. Comme Mathias le lança d'un air jovial, la fratrie était enfin au complet avec cette arrivée tant attendue. Pendant que son aîné allait ouvrir, Nils s'empara d'un nouveau champignon, qui poussa le précédent au fond de sa gorge. C'est donc la bouche toujours aussi pleine qu'il se précipita dans le hall d'entrée, sautant au coup de Livious dès que Mathias l'eût lâché.

« Fréroooooot ! Tu m'as manqué !! »

Ben oui, ils ne s'étaient pas vus depuis quoi, deux mois ? Nils avait profité de ses précédentes vacances pour rendre visite aux deux vieux, mais leurs très chargés emplois du temps d'étudiant et de langue-de-plomb ne leur avaient pas permis de réellement consacrer du temps à leur petit frère. Qui ne leur en voulait pas, mais quand même. Il resta donc quelques secondes blotti contre l'étoilé, tout heureux de se retrouver là. Maintenant que les trois frangins étaient réunis, il pouvait vraiment se sentir chez lui. Quand il se décida à lâcher Livious, ce fut pour caresser amicalement Archimède, qui était presque un membre de la famille maintenant.

« Salut, toi. »

Puis, se dandinant d'un air enjoué tout en arborant son inséparable sourire bienheureux, il rejoignit la cuisine, où Mathias s'était déjà remis au travail. Quel maître de maison remarquable et dévoué, par Merlin...

« Quel maître de maison remarquable et dévoué, par Merlin ! »

Ah ben, il l'avait dit à haute voix. C'était vraiment très intéressant. Il se tourna vers Livious, qui les rejoignait dans la cuisine.

« T'as ramené des cadeaux ? Tu m'as offert quoi frérot adoré ? »

Le tout accompagné d'un affreux sourire de faux-cul. Insupportable gamin, insupportable. Il jouait bien le rôle, pas vrai ?