Lucy Ann se sentait un peu comme un chien dans un jeu de quilles, le petit chaperon rouge perdu du milieu de la grande forêt. L’allée des embrumes, ce décorum sombre, un peu glauque, tout ça aurait surement plu à la gamine rebelle et en pleine crise d’adolescence qu’elle était à sa sortie de Poudlard, mais maintenant, tout ça lui faisait froid dans le dos.

*Dire que c’est là-dedans que tu trainais mon pauvre Ryan… *

En effet, si l’étudiante se trouvait là, ce n’était pas pour une promenade de santé. Elle avait longtemps hésité à se lancer sur cette voie, plusieurs mois même… Elle était rentrée au bercail, avait eu la chance inestimable de pouvoir reprendre le cours de son existence là où elle l’avait laissé, de pouvoir poser les briques de son avenir : un cursus universitaire sans failles, un homme « just to good to be true »…

En Irlande, Jimmy l’avait mise en garde, « La différence entre ton frangin et toi, c’est que toi tu peux continuer à vivre… Ne vas pas foutre ça en l’air pour une sombre histoire de vengeance, une existence de gâchée c’est largement suffisant, pas la peine d’en ajouter une deuxième. Tu ferais mieux de tirer un trait et de continuer à avancer, ça va mal se terminer pour toi fillette autrement… Tiens, déjà, tu as rien de mieux à faire que de perdre ton temps à servir des firewhiskey dans une taverne miteuse de Dublin en attendant un taupe véreuse ?»

Déjà à l’époque, Jimmy avait raison, mais elle avait déjà tout plaqué pour suivre la piste irlandaise, elle n’avait donc pas eu de scrupules à la creuser jusqu’au bout, quitte à user ses ongles.
Au final, elle n’avait réussi à déterrer qu’une sombre histoire de mangemorts et de sang pur, pas grand-chose de plus que ce qu’elle ne savait déjà. Cependant, elle avait quand même réussi à glaner quelques miettes : la suite de ses réponses se trouvait à Londres, donc retour à la case départ, afin de chercher un individu qui serait impliqué dont on lui avait fait une description détaillée et donné le nom : Morden. Qui était-il ? Quelle était son implication dans la mort de son frère ? Ca il avait été incapable de lui dire.

Lucy Ann avait donc l’impression de s’enfoncer dans une épaisse brume éclairée uniquement de la flamme d’une bougie souffreteuse, à tâtons, sans avoir aucune idée de là où elle allait poser les pieds. Cette sensation était désagréable, d’autant plus qu’il y avait une autre lumière, un énorme gyrophare dans sa tête qui lui disait « warning, warning, arrête, arrête, sors de là idiote », c’était donc comme manger une chocogrenouille périmée pendant une période de régime : la sensation de faire quelque chose qu’on ne devrait pas et potentiellement dangereux, sauf que là il n’y avait pas le goût du chocolat dans la bouche pour apporter du réconfort.

Après avoir erré quelques instants au milieu des échoppes pas franchement accueillantes, elle avait fixé son choix sur une obscure taverne. S’il y avait bien une chose qu’elle avait appris en croisant son expérience d’ex pilier de bar et de biologiste, c’est que la survie était toujours liée aux points de ravitaillement stratégiques ; que l’on se trouve en ville, en forêt ou dans la savane, le meilleur endroit pour observer les plus beaux spécimens étaient toujours les points d’eau, ou ici de boisson. Essayant de ne pas avoir l’air trop dépaysée, elle alla s’accouder au bar et commanda un firewhiskey pur, sans glace. Elle avait bien besoin de ça pour se remonter le moral, et pas question de passer pour une fillette en commandant un jus de citrouille. Positionnée à ce point stratégique, elle pouvait ainsi observer tout ce qui se passait aux alentours.

Lucius Morden regardait au travers de la vitrine crasseuse d'une boutique miteuse de l'allée des embrumes. Il s'ennuyait et ne savait pas exactement ce qu'il faisait là. Il ne supportait plus l'enfermement de sa nouvelle cage qui était sa chambre. Il n'avait pas quitté une cellule pour une autre mais pour l'instant, son maître lui avait ordonné de rester discret. Il n'avait le droit que de se balader dans quelques endroits comme l'allée des embrumes, lieu obscur qui était autrefois son royaume. Même les autres Mangemorts n'avaient pas une emprise aussi grande sur ce lieu. Jusqu'à sa capture, il avait dominé cette allée au service de son maître et aussi du sien. Mais depuis un an, les choses avaient changé. Même si l'allée était restée la même, d'autres avaient pris sa place.

Il eut un rictus en regardant son pale reflet dans la vitre sale. Cette incarcération l'avait changée physiquement et mentalement. Il comprenait ses erreurs passés mais il savait qu'il était de nouveau capable de les refaire. L'orgueil l'avait conduit à sa perte mais d'un autre côté, il lui avait aussi permis de s'échapper. Il n'était pas comme les autres qui attendaient sans rien faire et puis après, il avait osé retourner auprès de son maître. Lord Voldemort était rarement clément, surtout que Lucius avait accumulé les échecs. Il dirigeait l'attaque de l'UMA et son plan avait échoué. Ce fut le début de ce qui l'amena à se retrouver dans l'attaque du ministère, sous les ordres d'un autre Mangemort. Se représenter devant le Mage Noir qui avait droit de vie ou de mort sur lui, était terrifiant. Pourtant le fuir était inutile et Lucius n'était pas un lâche. Il s'est représenté devant son maître, quitte à mourir si tel était sa volonté. Ce n'était pas du fanatisme, il savait qu'il ne pourrait pas fuir les Aurors et Lord Voldemort indéfiniment. Il n'aimait pas fuir. Finalement, il s'en était bien sorti mais il attendait une nouvelle mission.

Il jetait un regard à sa main qui avait cessée de trembler depuis quelques jours. L'effet des détraqueurs sur sa santé avaient laissé ses traces mais peu à peu, ça s'estompait. Sa main était décharnée, son corps était devenu un sac d'os en peau blanche. Son visage pouvait faire encore illusion sous la capuche si l'on ne regardait pas de trop près. Seuls ses yeux semblaient encore vivants. Ils montraient sa détermination et les émotions qu'ils traversaient actuellement. Il était fatigué mais pas de vivre. Ses sommeils étaient agités, il revivait chaque nuit ce qu'il avait vécu à Azkaban. Il n'était pas encore fou mais il avait compris que son manque d'insouciance pour ce qui l'entourait depuis peu, venait de là. La mort pourrait être une libération vu qu'il n'avait rien qui le retenait à la vie. Sauf le fait de vivre justement et auquel il se raccrochait.

Une jeune femme passa devant la vitrine et le Mangemort la reconnut. Il s'agissait de celle qui le cherchait d'après certaines personnes qui avaient travaillées pour lui autrefois. L'un d'eux lui avait montré la sorcière qui quittait l'allée. Il était rare de voir quelqu'un qui recherche un Mangemort, à moins qu'elle ignorait qu'il le soit. La prudence recommandait de la surveiller et de comprendre pourquoi elle voulait le voir. Sauf que Lucius n'avait plus de temps à perdre avec ses enfantillages d'autrefois. Il allait effectivement la suivre mais s'il en avait l'occasion, il irait lui parler. Il mit instinctivement sa main sur sa nouvelle baguette en attendant de récupérer un jour l'ancienne. Il ne savait pas encore ce qu'il allait faire mais peut-être l'ange déchu frappera de nouveau. Le terme d'ange pour ce sorcier de l'ombre pourrait sembler déplacé mais autrefois, avant de mal tourner, il était très différent.

Il sortit de la boutique et suivit furtivement la jeune femme jusqu'à une taverne sans qu'elle ne se doute de rien. Elle devait sans doute le chercher dans ce genre d'endroits. Lucius ne fréquentait pas les tavernes ou alors juste pour accomplir ses missions. Il ne perdait pas son temps à aller boire. Il n'avait aucune confiance envers les serveurs et gérants d'établissement. Il avait déjà fait empoisonner quelques personnes par leur intermédiaire. Et puis, même si on ne tentait pas de l'empoisonner, boire affaiblissait ses réflexes. Il prit une profonde inspiration avant d'entrer dans ce lieu de débauche. Il s'approcha de la jeune femme et s'assit directement à côté d'elle, sa main droite sur sa baguette, prêt à l'utiliser. Il avait une nouvelle cape dont la poche de droite n'existait pas. Il mettait sa main directement sur la baguette attachée à sa robe. Le bout dépassait légèrement de l'ouverture mais sa couleur était aussi noire que la cape. Seul un regard attentif pouvait la remarquer. Il se tourna vers la jeune femme et préféra ne pas perdre de temps inutile.

- J'ai entendu dire que vous cherchiez un certain Morden et il se trouve que je suis l'une des rares personnes à savoir où il se trouve. Malheureusement pour vous, c'est aussi un ami et donc tant que je ne sais pas ce que vous lui voulez, je ne vous aiderais pas à le trouver.

Il n'était pas sûr que son subterfuge marche. Généralement, les gens le croyaient, il se souvient d'une rencontre avec sa cousine qui le cherchait et qu'il a réussi à duper un sacré bout de temps avant de le lui révéler. Mais il avait peut-être perdu la main depuis et surtout, il s'était montré direct.

La jeune sorcière, loin d’être perdue dans les émanations de son verre d’alcool, observait du mieux qu’elle pouvait les alentours, tout en essayant de rester discrète. En effet, avoir l’écriteau « JF à la recherche de quelque chose » ou bien « touriste paumée en mode découverte » ne pourrait rien lui apporter de bon.

Ainsi, quand l’homme passa la porte, elle le remarqua tout de suite. Cependant, ce qu’elle n’avait pas prévu était qu’il allait l’aborder directement. Ca n’entrait pas dans les scénarios divers et variés qu’elle s’était imaginé, dans tous les cas, c’était elle qui devait poser des questions, pas l’inverse. Et surtout, SURTOUT, elle s’était efforcée de mener ses investigations dans l’ombre, de tout faire pour ne pas se faire remarquer… Et c’était loupé, puisque qu’ « ON » était au courant de qui elle cherchait. Comment était-ce possible ? Toute sa préparation s’était effondrée comme un château de cartes.

*F**** Jimmy, si c’est toi qui m’a balancé, je te retrouve et je te castre à mains nues*

Mis à part son indic, qui aurait bien pu la balancer ? Elle n’était pas une menace assez importante pour avoir droit à son propre comité de filature chez les mangemorts, alors il y avait de fortes chances pour que les fuites viennent de lui… Elle éclaircira ce point plus tard.

Malgré tout, Lucy Ann tenta du mieux qu’elle pouvait de faire illusion en affichant un visage impassible, à milles lieux de la surprise et de son cœur qui commençait à s’affoler ; mais pas question d’avoir l’air paniquée, montrer des signes de faiblesse dès le premier contact était fort malvenu. Si la fable disait « la raison du plus fort est toujours la meilleure », ce n’était pas pour rien.

Prenant un air détaché, elle balaya l’homme d’un coup d’œil. Le visage pâle et relativement émacié, de longs cheveux bruns aussi foncés que sa tenue… L’air tout à fait sympathique et avenant en somme. Elle avala une gorgée de firewhiskey pour se donner du courage. Etrangement, car la jeune femme était une grande habituée de cette boisson, un peu trop d’ailleurs, cela lui donna chaud.

*Pourvu que je ne devienne pas rouge comme une pivoine*

Cet en**** de Jimmy lui avait dressé un portrait assez précis de Morden, si toute son assurance n’avait pas été démolie d’entrée de jeu, elle aurait sûrement remarqué une troublante similitude entre la description qui lui avait été faite et le type qui se tenait en face d’elle, mais à ce moment précis son esprit était trop occupé à se redonner une contenance pour faire autre chose. Dommage, car si un homme averti en vaut deux, que vaut une sorcière à demi paniquée ?

Bonjour pour commencer… Je dois avouer que votre entrée en matière est plutôt directe ! J’admire votre dévotion pour votre ami, mais comprenez que je n’ai pas la chance d’avoir quelqu’un pour me représenter, je dois donc assurer ma protection toute seule, et à commencer par les bases, je dirais que ma maman m’a toujours dit de ne pas parler aux inconnus. Qui êtes-vous ? D’où tenez-vous ces renseignements ? Savez-vous seulement qui je suis ?

Au moins, si cette situation avait un avantage, c’était celui-ci : si l’homme venait la trouver, c’était qu’il voulait savoir quelque chose… Le statut de proie par rapport au chasseur assurait un intérêt de la part de son interlocuteur, elle pouvait donc essayer de tourner un peu autour du pot, la mouche ne se détournerait pas tout de suite du pot de miel.

Lucius observait la jeune femme avec attention, guettant la moindre de ses réactions ou de ses mouvements furtifs. On n'était jamais trop prudent. Penser qu'il avait l'avantage du fait qu'il était un Mangemort, aurait été une grave erreur. Il savait qu'il y avait plus puissant que lui dans les sorciers du bon côté. Seul sa présence d'esprit et son instinct de survie l'avait sauvé jusqu'à présent. Il était devenu l'archétype du paranoïaque et il aurait bien voulu faire poser les mains de la jeune femme bien en vue sur le comptoir mais ç'aurait été indécent et impoli également. Il ne savait pas ce que lui voulait la jeune femme et encore moins si c'était une ennemie ou pas. Il n'avait pas fait d'enquête sur elle.

Plus il regardait son visage, plus il sentit une chose étrange naître en lui, la sensation d'avoir déjà vu ce visage quelque part. Sauf que Lucius était physionomiste, il n'oubliait jamais un visage ou alors il aurait fallu que ce soit un bref instant. Pourtant, il avait l'impression d'avoir déjà vu certains traits de ce visage-ci. Les détraqueurs lui auraient-ils fait perdre la tête ? Heureusement non, lorsque la jeune femme lui répondit, il comprit aussitôt qu'elle ne savait pas qu'il était. Heureusement, sinon son approche serait tombée à l'eau.

- Mon nom n'a pas d'importance mais vous faites parti sans doute des personnes qui préfèrent connaître le nom de la personne avec laquelle ils parlent, comme si ç'avait une réelle importance. Je m'appelle Zarus McAlister.

Il utilisait différentes identités lorsqu'il préférait rester anonyme mais il en avait créé une nouvelle depuis qu'il s'était échappé d'Azkaban. La jeune femme ne pouvait pas connaître ce nom. Enfin si, cette personne avait bel et bien existée mais elle n'avait pas pu le connaître. C'était un abruti qui avait été à Poudlard avec Lucius. Il fut également l'une de ses premières victimes. Son corps n'avait jamais été retrouvé. Encore un qui pensait que la voie de la Magie Noire était faite pour lui mais il n'en avait pas l'étoffe. Il avait trahi celui qu'il avait considéré comme un ami mais il avait fait une erreur. On ne trahit pas quelqu'un qui était plus fort que vous, à moins d'avoir des alliés. Un homme seul n'avait aucune chance et c'était ce qui se produisit. Lors d'un bref combat, Lucius le tua sans regrets. Il n'aimait pas les trahisons. Personne ne s'était soucié de ce que Zarus avait pu devenir et c'était mieux ainsi.

- Je dois confesser que je sais peu de choses sur vous. Mes renseignements ne sont pas de premières mains. Tout ce que je sais, c'est que vous n'avez pas été prudente et que l'information est parvenue jusqu'à mon ami et puis ensuite moi. Il est curieux de savoir pourquoi vous le cherchez.

Il étudiait chacune des réactions de la jeune femme. Il n'avait pas besoin d'utiliser la legilimencie pour savoir ce que les gens pouvaient penser. Leurs comportements les trahissaient très souvent. Il avait aussi le don de ressentir les émotions des gens, ce qui l'avait sauvé plus d'une fois lorsqu'il ressentait de l'hostilité à son égard. C'est ce qui faisait qu'il était imprenable habituellement.

- J'ai voulu jouer franc jeu avec vous en répondant à vos questions. Maintenant c'est à votre tour. Qu'est-ce que vous voulez à mon ami ? Je n'ai aucune intention hostile envers vous. Si vous avez un problème avec lui, c'est à lui de le régler. Je ne suis pas son chien de service. Je ne reçois aucun ordre de lui mais actuellement, il sort peu et il n'aime pas savoir qu'il est recherché par quelqu'un. C'est pourquoi je suis là à sa place et que je n'y vais pas par quatre chemins.

Il savait qu'il prenait un risque mais plus le mensonge il est gros, plus il est cru. Il avait appris ça au cours de sa vie. Le nombre de fois où il avait pu berner les gens sans qu'ils se rendent compte de ce qu'ils faisaient. Certains pourtant arrivaient à résister mais tous finalement se faisaient avoir.

Sauf son maître.

Zarus Mc Alister… Ce nom ne lui disait rien. En même temps, les noms et ce qu’ils valaient… D’ailleurs ça lui faisait penser qu’il ne lui avait pas dit sous quel nom il la connaissait, avait-il été jusqu’à découvrir son vrai nom où était-il resté au nom d’emprunt qu’elle utilisait lors de ses recherches, Rosalyn Stuart ? Dommage, car cette information l’aurait grandement aidée, car pour le moment elle se sentait sur la corde raide, qui était-elle censé être ? Si c’était Rosalyn, elle ne serait qu’une enquêtrice curieuse, si c’était Lucy Ann, il ne fallait pas être grand clerc pour faire le rapprochement entre Donovan et Donovan, ce qui était nettement plus dangereux pour elle.
Quoi qu’il puisse en être, prudence restait le maître mot. Si elle se faisait coincer sur ce léger détail, c’en était fini pour elle. Non seulement toute son enquête tomberait à l’eau, mais en plus elle risquerait fort de finir comme son frère. Quand on ne sait pas sous quel masque on évolue, le plus sur reste encore de rester dans l’ombre et d’avancer à couvert.

Toutes ces pensées se bousculaient dans sa petite tête, et afin d’évacuer un peu la pression rien de tel que de recourir à ses vieilles habitudes : la fée whisky et sa vielle copine la fée nicotine. Elle sortit donc son paquet de cigarettes ainsi que sa baguette pour lancer un sort d’inflammation. Pas question d’utiliser ses vieilles allumettes moldues devant le grand méchant mangemort. Elle tira longuement dessus avant de répondre :

Je dois reconnaître que vos intentions sont très nobles, ce genre d’attitude a tendance à devenir rare de nos jours ! Vous pourrez dire à votre ami que son nom m’est apparu alors que j’enquêtais sur la mort d’un jeune homme disparu dans cette même allée des embrumes, qui remonte à il y a environ cinq ans. Le ministère, dans sa grande efficacité habituelle, a été tout à fait incapable de trouver le coupable bien entendu, mais aussi et surtout n’a pu fournir aucun début de piste, d’explication de mobile ou quoi que ce soit d’un tant soit peu intéressant.

Lucy Ann avançait avec peine. Si fustiger le ministère était une voie facile, car il y avait peu de chances que les mangemorts apprécient la politique actuelle ainsi que leur premier ministre, se positionner par rapport au reste était plus difficile, surtout sans savoir qui elle était censée être. Si seulement elle avait pu avoir quelques dons de legilimens… Jimmy l’avait pas mal taraudée là-dessus, lui disant que si elle comptait s’en sortir, elle devrait sérieusement penser à embrasser les mêmes techniques que ses ennemis, histoire de pouvoir rivaliser à armes égales. Et quand on est une jeune sorcière seule s’aventurant sur un terrain glissant, connaître les pensées de ses interlocuteurs pouvait s’avérer utile, voir vital, mais elle s’y était toujours refusée. Et là tout de suite, elle le regrettait. Et comme pour pester silencieusement elle débarrassa sa cigarette de sa cendre à même le comptoir, trop préoccupée pour chercher un cendrier.

Seulement voilà, il se trouve que ce jeune homme trempait dans certaines affaires, et que même cinq ans après sa mort, certains s’y intéressent encore, mais voilà, il règne une sorte de flou artistique autour de ce Ryan… C’est là que j’interviens. Si je réussis à lever le voile sur les circonstances de sa disparition ainsi que sur ses agissements exacts avant sa mort, certaines personnes pourraient se montrer très généreuses à mon égard, si vous voyez ce que je veux dire… Et il se trouve que votre ami, Mr Morden, est la dernière maille sur la trame de mon enquête, et je parie que malgré sa volonté insistante de rester dans l’ombre, cet homme pourrait se révéler d’un grand intérêt à mes yeux. A vous de me dire si votre ami est du genre à refuser un rendez-vous avec une demoiselle curieuse de faire sa connaissance ! conclut-elle en souriant d’un air entendu en tirant à nouveau sur sa cigarette, prenant gare à ne pas souffler sa fumée sur son interlocuteur, signe d’impolitesse suprême. A quoi cela servirait-il d’essayer de la jouer fine en commettant des erreurs aussi grossières ?

Lucius écoutant la jeune femme avec attention. Il ne voulait pas laisser échapper un seul mot qui aurait pu être important. Elle se révélait bien prudente en ne révélant pas qui elle était. Soit elle pensait que l'individu qu'elle avait en face d'elle, le savait déjà, soit elle préférait rester anonyme. Dans les deux cas, le Mangemort n'était pas plus avancé.

Elle commença à lui parler d'une jeune homme mort cinq ans plus tôt, qui avait disparu dans l'allée des embrumes. Il y avait de fortes chances que Lucius y soit mêlé. L'allée a toujours été son repère et puis, il avait souvent tué mais pour l'instant, il ne savait pas de qui il pouvait bien s'agir. Selon la jeune femme, le ministère n'a rien pu faire ou apprendre sur la mort du jeune homme, ce qui logiquement, amenait le Mangemort à penser qu'il avait plus ou moins "trempé" dans cette histoire. Il ne laissait pas de traces derrière lui et il faisait bien attention à l'époque que rien ne puisse remonter jusqu'à sa personne. A l'époque, il était en fuite, n'avait plus de maître et il passait son temps à faire des affaires louches pour survivre. Pourtant, s'il était plus ou moins mêlé à cette histoire, la jeune femme devant lui avait su remonter jusqu'à la piste Morden. Il commençait à trouver ça intéressant et aussi dangereux s'il s'était montré négligent. Bien sûr, sur son visage, il ne laissait rien transparaître. Il n'était même pas sûr qu'il s'agisse bien de lui. Peut-être était-ce une machination faite par des jaloux ou d'autres Mages Noirs contre lui ...

Elle continua son histoire et elle fournit un prénom : Ryan. Selon elle, sa motivation est purement ambitieuse.

- Je ne vois pas ce que vous voulez dire. Qu'est-ce que ça va vous apporter à vous de savoir ce qui s'est passé avec ce ... Ryan ? Qu'est-ce que vous en tirerez ?

Il se montrait méfiant, cette conversation sentait le piège et bizarrement, il en était visé. Qui était-elle ? Pour qui pouvait-elle bien travailler ? Il avait fait l'erreur de ne pas enquêter sur elle avant de lui parler. Il avait voulu gagner du temps mais il se retrouvait devant plus de questions qu'il en avait au départ en entrant dans ce lieu sordide. Par contre, il n'avait presque pas de réponses.

- Lucius Morden n'est pas le genre de personne qui va vous aider dans votre quête de la vérité sans y avoir un intérêt personnel. Même pour des amis, il ne rend pas forcément service et il se trouve que même malgré vos atouts et charmes féminins, il ne se laissera pas séduire. Répondez aux questions que j'ai posé et dites-moi quel serait son intérêt de vous rencontrer ?

Bien sûr, si c'était un piège, il avait le dessus dans l'immédiat. Elle ne pourrait rien faire contre lui mais il n'aimait pas ce genre de situations. Il aurait pu l'entraîner à l'extérieur, la désarmer et pourquoi pas la torturer pour la faire parler. C'était une méthode classique des Mangemorts mais il n'était pas de ce genre là. Il avait le dessus et il essayait de la faire parler le plus possible en gardant sa couverture.

Il repensait au prénom qu'elle avait citée. Ryan, pour l'instant ça ne lui disait rien, un nom aurait eu plus de chance de lui rafraîchir la mémoire. Des Ryan, il en avait connu quelques uns mais il ne se souvenait pas forcément d'en avoir tué un. Et puis, il y a cinq ans, il n'avait pas fait qu'une seule victime. Il y avait eu toute une série de meurtres auquel il s'était retrouvé mêlé avec d'autres Mangemorts. Tout cela était très bizarre. Il avait même tué une ou deux personnes dont il ignorait le nom lors d'un combat dans la ruelle à côté de cet endroit. Peut-être que c'était ça que rechercher la jeune femme. Savoir ce qui avait bien pu se passer sur cet incident ...

La sorcière continuait de tirer sur sa cigarette en essayant de paraître la plus calme possible. Calme, paisible, fermer son esprit à l’intérieur pour que rien ne transparaisse à l’extérieur, c’est ce que les livres disaient. Elle n’avait plus qu’à espérer qu’ils aient raison, parce que si son interlocuteur n’avait ne serait-ce qu’un doute sur le paquet de nœuds qui se formait dans son ventre, il n’aurait aucun mal à la briser comme une vulgaire allumette.
Heureusement pour elle, la nicotine prodiguait ses vertus toxiques et affreusement relaxantes, elle sentait donc un peu de baume au cœur et de courage lui revenir.

Je vous trouve bien curieux d’un coup mon cher Zarus… Qu’est ce que cela pourrait changer de connaître mes motivations ? Qu’il s’agisse de raisons financières, de curiosité ou bien d’affectif ? Ne me dites pas que votre ami pourrait avoir peur de moi, quoique j’en serais très flattée, mais comparée à quelqu’un de sa trempe, je suis tellement… Inoffensive ! fit-elle en ouvrant de grands yeux de biche, prenant son air angélique, limite battant des cils.

Pas vraiment qu’elle cherche à le séduire ou quoi que ce soit, elle avait bien compris qu’il existait une catégorie d’individus tellement froids et endurcis qu’ils ne réussiraient même pas à s’émouvoir devant une portée de chatons. Non, elle cherchait vraiment à être convaincante dans le rôle de la ravissante idiote qui pensait que montrer patte blanche avec un grand sourire suffirait à lui obtenir des réponses.
En même temps, si le ravissante était tout autant discutable que l’idiote, elle savait pertinemment que ce rôle n’était pas vraiment de composition. Avait-elle d’autres moyens pour obtenir ses informations ? Non. Etait-elle vraiment aussi inoffensive que ce qu’elle voulait bien faire croire ? Non plus dans l’absolu, mais en tout cas pas vraiment en mesure de rivaliser avec le type de magie qui pouvait lui être opposée. Enfin, pour le moment…

Afin de détendre l’atmosphère et de renforcer son apparente désinvolture, la demoiselle se mit à jouer avec sa baguette entre ses doigts, la faisant tourner sue elle-même sur le comptoir, non sans la garder fermement sous contrôle, elle n’était pas non plus stupide au point de la laisser accessible au premier venu.

Enfin, soupira-t-elle d’un air résigné, Je suppose qu’il me faudra me plier aux désirs de votre ami, si mon souhait est de le rencontrer… En fait je ne peux pas vous donner les détails avec précision, car cela m’est formellement interdit. Voyez-vous, il est des réseaux sociaux qui nécessitent que vous rendiez service à des amis pour que les amis de ces amis vous rendent service à leur tour quand le moment sera venu.
C’est exactement ce qu’il se passe dans mon cas, je n’ai personnellement rien à faire de ce petit Ryan, mais ce n’est pas le cas de la personne pour laquelle il travaillait, qui elle pourra me rendre un grand service dans le futur… Ce que votre ami gagnera à répondre à mes questions ? Deux choses : le fait que j’aurais une dette envers lui dont je serais obligée de m’acquitter tôt ou tard, ainsi que d’être tranquille pour la suite. Parce que si la personne en question m’envoie moi, pauvre petite jeune fille, c’est que je lui coûte relativement peu cher, alors que si j’échoue, il devra mettre en marche un engrenage hautement plus compliqué, faire jouer ses relations, tout ça tout ça vous voyez, et n’allez pas me faire croire que quelqu’un d’aussi précautionneux dans ses apparitions et ses rendez-vous n’a pas quelques cadavres dans son placard qu’il aimerait bien laisser cachés… conclut-elle d’un air entendu.

Bluff, tout ceci n’était que pur bluff, tout inventé sur l’instant, monopolisant tous ses talents de menteuse et de stratège en essayant de construire quelque chose de crédible et de suffisamment vague pour ne pas trop la mouiller, ni elle ni personne d’autre d’ailleurs.
S’il continuait à se montrer trop méfiant et insistant, elle n’aurait d’autre solution que de se retirer de la partie pour le moment, trop dangereux, et continuer de faire planer une menace fictive au-dessus de la tête d'un mangemort potentiel n'était pas non plus une piste à exploiter trop longtemps, ne serait-ce que pour sa propre survie.

Décidément, la jeune femme était prête à utiliser toutes ses ressources pour pouvoir parler à Lucius. Elle l'avait flatté en disant qu'elle n'était rien comparée à lui mais il n'était pas dupe. Il était si facile d'en dormir la méfiance des gens en se faisant passer pour un pauvre petit être sans défense dans un monde de brutes. Mais ce petit être là avait le cran de venir jusqu'ici pour espérer le rencontrer. Même si elle ignorait qu'elle se trouvait face à la bonne personne.

Le Mangemort ne se fiait pas aux apparences. Sa petite protégée fut un temps, la jeune Mégane, semblait sans défense et elle s'était révélée dangereuse et brillante. Il l'avait même incité à poursuivre dans ce sens en lui offrant un vieux grimoire et comme il se plaisait à le penser, jamais personne n'est innocent ni inoffensif. La pire larve qui soit peu trouver un instant de courage pour vous attaquer. Il ne fallait jamais sous-estimer un adversaire. La jeune femme s'amusait avec sa baguette, ce qui ne plaisait pas trop à Lucius qui redoubla de vigilance. Inoffensive, quelle bonne blague.

Elle expliqua ensuite pourquoi cette affaire l'intéressait. Il avait l'impression d'être Sherlock Holmes. Il voulait des faits concrets, pas des détails sans importance et assez vagues en plus. Il ne savait toujours pas qui était ce Ryan et la motivation de la jeune femme semblait assez floue. Et puis, même s'il l'aidait, il ne voyait pas l'intérêt qu'elle pourrait lui apporter en ayant une dette envers lui. Et surtout qui était cette personne qui s'intéressait à ce Ryan et à lui ?

- Je suis malheureusement désolé pour vous. Lucius n'est pas du genre à traiter avec les intermédiaires. Il lui faudra le nom de votre employeur et c'est Lucius qui le trouvera, non l'inverse.

Cette histoire devenait de plus en plus embrouillé et il aimait que les choses soient limpides. Soit il se trouvait devant une salle affaire du genre complot contre lui, soit la jeune femme lui mentait. Il ne voyait pas de troisième possibilité. Il avait bien envie de sortir carrément sa baguette et d'interroger la jeune femme et s'il le fallait, l'aider à s'exprimer par l'intermédiaire de quelques petites douleurs. il avait remarqué que les gens parlaient quand ils avaient mal, ça semblait les soulager. Le patron de cet établissement louche et les autres clients n'auraient rien dit mais ce n'était pas la meilleure solution en ce moment. Il n'était pas qu'un vulgaire Mangemort qui torture à la moindre petite difficulté. Il excellait dans d'autres domaines au niveau des relations publiques.

- Qui est ce Ryan ? Il a bien un nom de famille. Des Ryan qui circulent dans des endroits peu recommandés, il doit y en avoir plein. Pourquoi ce prénom évoquerait-il spécialement quelque chose à Lucius ? Surtout si vous pensez qu'il a autant de cadavres que vous le supposez. Il doit forcément avoir des doublons dans les prénoms.

Pour la première fois, il eut un petit rire, histoire de détendre l'atmosphère. Il ne voulait pas braquer la jeune femme, pas tout de suite.

La nervosité de la jeune femme allait crescendo. Ce type était bien vindicatif, pour un vulgaire sous-fifre. Elle ne demandait pas un rendez-vous avec le ministre ou le pape tout de même !

Je suis navrée, mais je crains ne pas pouvoir divulguer cette information. Il se trouve que s’il y a une personne qui me faire encore plus peur que votre ami Lucius, c’est bien celui qui m’a envoyé ici ! répondit-elle sur le ton de la plaisanterie, sans pour autant se départir de son air sérieux. Elle voulait bien passer pour une cruche, mais trop quand même, elle ne voulait pas qu’il pense qu’elle prenait la situation à la légère.

Le nom du macchabé, elle se retint de ne pas grincer des dents par contre, je peux le vous le donner, il s’agit de Ryan Donovan.
Elle ne jugeait pas imprudent de donner le nom complet de son frère, après tout ceux qui trainaient avec lui à l’époque le connaissaient forcément.

L’étudiante observait son interlocuteur avec méfiance, ce rire ne lui augurait rien de bon, il sonnait plus à ses oreilles comme le rire diabolique qui s’emparait des méchants de dessins animés avant qu’il ne mette leur plan en action, et pas comme la saine réaction de quelqu’un qui trouvait quelque chose comique.
Les évènements prenaient d’ailleurs une tournure qui lui déplaisait fortement, l’homme se faisait trop insistant, il voulait trop en savoir tout de suite. Ce n’était pas la réaction de quelqu’un ayant l’esprit tranquille, s’il prenait autant de précautions pour une simple entrevue, c’était qu’il avait forcément des choses à se reprocher. Un indice comme un autre, mais qui ne la menait pas bien loin.
Elle pensait sérieusement à retirer ses cartes du jeu, Mr. Zarus commençait à devenir sérieusement dangereux. S’il continuait à insister de la sorte, il finirait par écailler le vernis des faux prétextes, ce qui la mettrait dans une position sérieusement inconfortable, et elle se trouvait bien trop jeune pour manger les pissenlits par la racine.

La jeune femme sortit quelques gallions de sa poche, qu’elle posa sur le comptoir pour payer sa consommation.
Bien, il me semble que nous arrivons dans une impasse, votre ami est un peu trop gourmand en ce qui concerne un simple rendz-vous, si j’avais voulu demander la main de son fils j’aurais compris, mais là… Je crains de ne pouvoir outrepasser les droits qui m’ont été conférés.

Il lui semblait plus prudent d’amorcer sa sortie plutôt que de risquer d’y laisser des plumes. Mieux valait remettre la partie à plus tard que d’abattre son jeu trop tôt, surtout qu’elle n’avait pas encore ses meilleures cartes en main. Un jour, bientôt espérait-elle, elle aurait les capacités de passer outre cette tignasse brune et de voir quelles magouilles et autres secrets inavouables son interlocuteur recelait dans son esprit. En attendant, elle se tiendrait à la sage maxime « la loi du plus fort est toujours la meilleure » et abdiquerait en bon agneau, avant de gagner l’expérience suffisante pour devenir un vrai prédateur…

Le Mangemort avait toujours la main cachée sur sa baguette qu'il pointant sur la jeune femme au nom inconnu. Elle était assez maline pour garder son identité secrète et celle de son soi-disant commissionnaire. Selon ses dires, il s'agissait d'un homme dangereux, bien plus dangereux que lui. Pourtant, sans qu'elle le sache, il l'avait trouvé et il pouvait la tuer s'il le désirait et cette affaire serait close. Qui pouvait être bien plus dangereux que lui ? Mis à part son maître ... Ou alors c'était un groupe obscur de plusieurs sorciers avec un seul commanditaire et c'étaient peut-être même des Mangemorts.

Ces interrogations s'estompèrent lorsqu'elle donna le nom de celui qui était mort : Ryan Donovan. Il vit immédiatement le visage du jeune homme qui venait de mourir. Un jeune imbécile qui se prenait déjà pour un homme, voulant affronter des dangers dont il n'était pas encore de taille. Quelqu'un en qui il avait fondé des espoirs mais qui c'était montré trop ambitieux ... Il resta de marbre en entendant ce nom mais il savait qu'il devait parler pour ne pas éveiller de soupçons.

- Je comprends mieux pourquoi vous cherchez Lucius, dans ce cas. Il y a très peu de gens qui savent exactement ce qui est arrivé à cette personne mais il en fait parti. Bien qu'il n'en connaisse pas tous les détails.

Il mentait avec sincérité et la jeune femme ne pouvait pas s'en douter. Il la regardait droit dans les yeux sans ciller, comme s'il était honnête. Le mensonge faisait parti de lui, tout comme le crime. Quelques détails frappèrent son esprit. Il comprit pourquoi il avait trouvé ce visage si ... familier. Elle ressemblait un peu à Ryan Donovan mais c'était peut-être une coïncidence. Il savait beaucoup de choses du jeune homme, il l'aurait su s'il avait eu une soeur. Quoiqu'il en soit, il devait se méfier d'elle. Elle n'était sans doute pas celle qu'elle prétendait être et il fallait qu'il se renseigne sur la famille Donovan. Il n'aimait pas les histoires de vengeance, ça pouvait mal tourner. Parfois les sorciers pouvaient se révéler puissants avec cette colère, surtout si elle était guidée. Si celle qui se trouvait à côté de lui, était la soeur de Ryan, la personne qui l'avait renseigné sur Lucius, devait être un Mangemort.

Celle-ci commença à être sur la défensive et s'apprêtait à se retirer de la conversation. Elle jouait habilement, il pouvait la laisser partir mais il avait un avantage en ce moment. Même s'il aimait jouer, il fallait reconnaître que les heures sombres qui allaient venir, l'occuperaient. Il ne pouvait se permettre d'avoir des affaires non réglées qui lui coûteraient peut-être la vie. Il eut un sourire.

- Si Lucius avait un fils, je pense qu'il le laisserait choisir sa compagne.

Il aurait aimé avoir eu ce choix lorsqu'il était adolescent. Ce choix que son père ne le lui avait pas laissé et qui avait ensuite dirigé toute sa vie. Lucius était devenu ce que son père voulait. Il reprit un air sérieux.

- Le nom que vous avez dit, l'intéressera sûrement. Comme je vous ai dit, c'est lui qui viendra à vous et non l'inverse mais êtes-vous sûr de vouloir le rencontrer ? Lorsque vous serez face à lui, vous n'aurez pas ce choix et il n'aime pas ne pas avoir de réponses à ses questions. Il est assez connu pour l'efficacité de ses méthodes mais pas pour la douceur.

Il n'était pas quelqu'un de clément et dans tous les cas, il n'avait pas l'intention de la laisser filer. Seulement, si elle préférait reculer, les choses seraient différentes. Ce serait sans doute plus douloureux.

Un éclair passa imperceptiblement dans le regard de la jeune femme aux dires de son sombre interlocuteur. C’était donc vrai, ce Lucius Morden était bel et bien impliqué dans l’affaire qui l’intéressait… Elle ressentit un sentiment étrange, mélange de rage, de peur et de soulagement.
La rage, car elle avait désormais la certitude absolue que son frère trempait bien dans des affaires qu’il n’aurait jamais du toucher. La peur, car elle savait maintenant que ce dénommé Lucius était bel et bien un individu dangereux, et à fortiori son larbin aussi. Soulagement car elle n’avait pas perdu plusieurs mois en exil et failli torpiller son existence pour rien, la piste qu’elle avait obtenue était réellement concrète et tangible.

Un peu trop concrète à son goût d’ailleurs, le discours de Zarus à propos de son « ami » n’avait rien pour la rassurer, il dressait le portrait d’un homme tout sauf sympathique, et même carrément dangereux. A travers la façon qu’il avait de le décrire, on pouvait voir scintiller le mot « mangemort » en gros caractères. On trouve assez peu de personnes en dehors de cette catégorie qui clament la violence de leurs méthodes au premier venu.

L’étudiante sentait qu’il était temps pour elle de se retirer, elle ne se sentait pas prête, pas assez bien préparée pour affronter un individu de cet acabit. Elle avait l’impression d’être une gamine qui avait voulu retirer les petites roues trop vite, et qui était désormais en équilibre instable sur un vélo trop grand pour elle. Elle avait envie d’arrêter de pédaler et de poser un pied à terre.

*Est-ce qu’il comprendra si je dis « Pouce » ?*

Heureusement, l’usage de tout son jeu de métaphore qu’elle avait tiré de ses ouvrages d’Occlumencie lui permit de maintenir son calme apparent, il ne fallait surtout pas que sa panique transparaisse, c’était une des premières choses qu’on apprenait aux cours de soins aux créatures magiques : la bête mord plus vite quand elle sent la peur.

Elle aurait pu se rétracter, dire que non, finalement elle ne se sentait pas de taille et qu’elle laisserait à ses « patrons » l’opportunité de régler ça par eux-même, mais elle ne pouvait s’y résoudre. La réponse à ses questions était là, elle pouvait la toucher du doigt, et même plus (mais dans ce cas Zarus risquait de prendre cela comme un attentat à la pudeur). Allait-elle flancher dans la dernière ligne droite sous prétexte qu’elle ne se sentait pas assez entraînée pour ?

Elle sourit à son interlocuteur, qui lui ne s’était jamais départi des artifices de la politesse, pas question qu’elle n’en respecte pas les codes, avant de répondre :
Ecoutez, votre ami m’a l’air d’un homme décidé mais aux méthodes un peu brusques. Je souhaite bien évidemment le rencontrer, mais je souhaite que cela se passe dans les meilleurs conditions possibles, je n’ai pas l’intention de me rendre à un interrogatoire d’où il ne sortirait rien de bon en ce qui me concerne. Je n’ai demandé qu’un simple rendez-vous, inutile de s’encombrer d’autre forme de procédure compliquée, vous l’avez dit vous-même, votre ami saura venir jusqu’à moi, pourquoi ne pas le laisser décider du reste ? demanda-t-elle, se levant de son siège d’un air décidé qui signifiait « Je suis sur le départ ». Elle en avait marre de sous-traiter avec le spécialiste de la périphrase, ce petit jeu l’agaçait. Même feu le ministre n’aurait pas fait tant de manières.

Un sourire diabolique se dessina sur le visage. Elle venait de faire une erreur en devenant impatiente de quitter le lieu. Elle s'était mise debout mais elle n'avait plus sa main sur sa baguette tandis que Lucius lui la pointait toujours sur la jeune femme sans qu'elle ne s'en soit rendue compte. Il leva son bras pour la mettre en évidence. Personne ne réagirait s'il tuait la jeune femme immédiatement mais il n'en avait pas envie. Il voulait juste comprendre ce qui l'amenait jusqu'ici.

- Je crois qu'il est temps d'arrêter les faux semblants. Ne faites pas l'idiote et rasseyez-vous en mettant vos deux mains sur le comptoir, bien en évidence. Je ne vous prendrais pas votre baguette mais ne faites rien de stupide, je n'hésiterais pas à me servir de la mienne.

Son ton était tranchant, il ne souffrait d'aucune contestation. Lucius savait très bien ce qu'il faisait et tout dans son attitude prouvait qu'il n'hésitait pas. Dans sa tête tout était très claire maintenant. Il aurait pu la laisser sortir et s'amuser un peu à l'extérieur mais ce lieu était bien meilleur. Personne ne saurait ce qu'il s'était passé. Tout comme autrefois ...

- Je suis Lucius Morden et je suis prêt à accepter de répondre à toutes vos questions mais d'abord, dites-moi qui vous êtes et inutile de mentir, je le saurais. Ce serait dommage que je vous abîme simplement parce que vous refusez de répondre à une question si simple.

Il observait l'attitude de la jeune femme, espérant qu'elle ne soit pas assez bête pour faire du grabuge. Elle n'avait aucune chance dans la position qu'elle occupait. Il était le loup et il avait l'avantage. Son intention n'était pas de la tuer mais ça elle ne le savait pas. Il aurait pu lui dire mais elle ne l'aurait sûrement pas cru.

- N'oubliez pas non plus de me dire qui vous envoie et la véritable raison pour laquelle vous êtes ici.

Il était confiant sur la suite des événements mais il ne devait pas baisser sa garde. Il n'avait pas bu d'alcool exprès pour rester lucide. Tout était clair et limpide dans son esprit sauf en ce qui concernait cette jeune femme. Du moins pour l'instant.

- Vous avez sans doute compris ce que je suis et pour vous cela n'a rien de réjouissant. J'utilise toutes les méthodes que je veux pour faire parler mais je suis un homme d'honneur. J'ai une éthique et même une morale dont je suis le seul à appliquer. J'ai l'intention de tout vous révéler ce que vous voulez sur cette affaire mais si vous faites la difficile, je serais dans l'obligation de ne pas le faire. Épargnez-moi le déplaisir de vous faire du mal. Je n'en retire satisfaction qu'avec les gens qui n'ont pas de cran comme vous. Torturer les téméraires n'a rien de réjouissant. Avec les lâches, on espère tout de même voir un moment donné un sursaut d'orgueil, une petite rébellion. Je suis un révélateur de caractère.

Son sourire était toujours présent, avec ses yeux froids, le regard presque mort comme celui qu'il avait à Azkaban.

Lucy Ann eût l’impression de se recevoir un stupefix en pleine poire. Elle qui n’avait pour l’instant eu que l’impression de flirter avec le danger se retrouvait maintenant avec une baguette pointée sur elle, dans un lieu ou probablement personne ne lèverait le petit doigt pour lui venir en aide. Son cœur s’emballa, elle eut tout d’un coup très chaud et se mit à transpirer, puis très froid, mais tout ceci ne se voyait pas extérieurement, la jeune femme était totalement livide. Comme si elle avait été frappée d’un sort de ralentissement, elle se rassit à sa place d’une extrême lenteur et posa ses deux mains à plat sur le comptoir, regardant fixement devant elle. Pas question de faire la mariole dans cette situation, essayer de se défendre ne servirait à rien. Vu l’idée qu’elle se faisait de son adversaire, elle se retrouverait sûrement découpée en petits cubes avant d’avoir pu prononcer Expelliarmus.

Le contact du comptoir sur ses paumes était glacé, sans doute à cause de leur moiteur. Dommage qu’elle ne puisse pas vraiment les bouger, elle avait tellement besoin d’une cigarette… La dernière cigarette du condamné, avait-elle l’impression.

Et encore, elle était à ce moment là loin du compte, loin de se douter de ce qui allait suivre.
Lucius Morden, c’était donc lui. Mais comment avait-elle pu être aussi stupide ? De rage, ses poings se serrèrent, toujours bien évidence sur le comptoir, ses ongles s’enfonçant dans sa chair suffisamment pour y laisser de belles marques.

Stupide. Elle avait été stupide. Stupide, stupide, stupide, ce mot lui tournoyait dans la tête comme une obsédante nuée de moucherons. Comment avait-elle pu se lancer là-dedans, comment avait-elle pu sous-estimer à ce point son adversaire et se retrouver ainsi piégée, comme un moucheron englué dans une bande de mélasse ? Mais POURQUOI n’avait-elle pas pu attendre de terminer son apprentissage ? Elle aurait ainsi été au courant de tout par une simple petite intrusion dans son esprit, ce qui aurait évité tout ce merdier.
Pour le moment, seule l’idée de s’être faite duper l’obsédait. Elle ne supportait pas l’idée de s’être faite rouler dans la farine, elle qui en avait déjà voulu à mort à ses parents de lui avoir fait croire au père Noël, imaginez ce qu’elle ressentait à l’égard de ZarLucius…

La jeune femme bouillonnait de l’intérieur, la colère ayant pris le pas sur la panique, elle continuait à regarder fixement devant elle, écoutant les dires du mangemort – car c’en était un, c’était désormais chose certaine, il venait de l’avouer à demi-mot. Cependant, le petit laïus de Lucius sur l’honneur, l’éthique et tutti quanti eût pour effet de canaliser cette colère. Au lieu de s’en prendre à elle-même, elle réalisait peu à peu qu’elle avait au final réussit, elle se trouvait face à celui qui avait très probablement ôté la vie de son frère, l’immonde individu qui avait détruit son existence toute entière en l’amputant de sa moitié, celui qu’elle s’appliquait à haïr tous les jours que Dieu avait fait depuis bientôt 5 ans…

Toute la tristesse, toute la peine, le désespoir et autres sentiments négatifs engendrés par cette perte s’instillaient progressivement en elle. La froideur du front de son frère avant la mise en bière, lorsqu’elle l’avait embrassé pour la dernière fois. Le regard douloureux de Manu, quand elle était réapparue après plusieurs mois d’absence, à vadrouiller pour des informations.
Le coup de chaud qu’elle avait ressentit lors du revirement de situation s’était transformé en coup de froid. L’étudiante se sentait entièrement gelée de l’intérieur, comme si son sang avait cristallisé dans ses veines, c’est donc un regard entièrement glacé par la haine qu’elle tourna vers le mangemort, quand elle décida finalement de lui faire face.

Elle le voyait désormais d’un œil neuf, ce n’était plus le vague larbin de celui qu’elle voulait, c’était LUI. En personne. Et maintenant qu’elle l’avait devant elle, il était à la fois terrifiant, lui qui lui avait arraché sa moitié et était maintenant en position de l’anéantir toute entière, et insignifiant, lui pour qui elle avait encore moins de considération que le dernier des moucherons. A ce moment précis, si elle avait pu l’étrangler par la seule force de son esprit, elle l’aurait fait.

Oui, il y avait des risques qu’il la tue, et elle ne pouvait maintenant plus rien y faire. Tant pis, il était trop tard pour la ruse, elle aurait du y réfléchir avant. Il était temps d’en finir, et tant qu’à faire, autant tirer sa révérence avec brio. Plus question de se camoufler sous de précautionneuses couvertures, Lucius avait tombé le masque lui, il n’y avait plus de raison qu’elle n’en fasse pas de même. De toute façon, il y avait de fortes chances pour qu’il ait déjà décidé de ce qu’il allait faire d’elle.

Vous voulez savoir qui je suis n’est ce pas ? Je suis la sœur jumelle de celui qui est trop insignifiant à vos yeux pour que vous vous rappeliez de son meurtre par son seul prénom. De ce fait, je pense que vous me croirez quand je vous dirais que personne ne m’a envoyé, que je suis venue de ma propre initiative. Et quand à mon prénom si vous y tenez, c’est Lucy Ann.

Elle avait sorti tout cela sans ciller, fixant toujours le mangemort dans les yeux, la même expression glaciale dans le regard et dans la voix. Peut-être n’aurait-elle pas du, peut-être était-ce totalement inconscient de sa part, mais elle n’en avait que faire, toute enveloppée dans son mépris et sa colère, elle se sentait en acier trempé.

Tic tac, tic tac, tic tac, tic tac ... tel aurait été le bruit qu'ils auraient entendu tous les deux s'ils s'étaient retrouvés dans un endroit plus convenable. Lorsque Lucius avait tombé le masque, un grand silence était tombé sur les deux. Le bruit de l'horloge aurait scellé leurs destinée car Lucius et la jeune femme étaient comme les deux sons d'une horloge. A la fois si semblable et si différent. Si tic c'était la vie, tac ne pouvait représenter que la mort. L'équation était si simple. Lorsqu'elle tourna vers lui ce regard plein de haine et aussi de mépris. A ce moment là, il comprit qu'elle ne le cherchait pas par hasard. Cela semblait être une histoire de mort ou de vie. Ôter la vie, en étant de nouveau le bourreau, il avait déjà l'impression de traîner une faux avec lui et ses mois passés à Azkaban l'avaient fait réfléchir sur ses actions passées. Son ambition l'avait condamné à sa propre destruction.

Dans sa tête, résonnait toujours ce fameux tic tac, digne d'un western de Sergio Leone entre deux adversaires prêts à se faire la peau. Mais là ce n'était pas le cas, la jeune femme était sans défense. Il avait l'ascendant et il faisait office de fossoyeur. Si ces intentions au départ n'étaient pas de la tuer, ce regard glacial le faisait réfléchir. Il y voyait de la détermination, celle d'une personne qui ne cèderait jamais devant la menace. Le même genre de détermination qui se dressait parfois entre les Mangemorts et le pouvoir. Si seulement dans leur camp, ils avaient des personnes de la même trempe. Elle était sûrement consciente que son avenir se jouerait sur ce qu'elle allait pouvoir bien dire mais c'était fini les faux semblants. Les deux se trouvaient dans une tragédie grecque où les acteurs ont tombé les masques pour voir leurs véritables expressions. Il n'y avait aucune peur dans les yeux, c'est ce qui aurait pu être le plus effrayant.

Une voix glaciale s'exprima, elle ne tremblait pas et son regard fixait toujours fermement celui de Lucius. La supposition qu'il s'était faite un moment donné, était vérifiée. Lucy Ann était bien la soeur de Ryan Donovan mais pire que tout, c'était sa jumelle. S'il ne laissait rien transparaître, il se demandait depuis combien de temps elle le traquait. Au cours de sa vie, il avait remarqué que deux jumeaux avaient un lien particulier l'un envers l'autre, ça dépassait le simple amour fraternel. C'était comme s'ils ne représentaient qu'une seule et même chaire et c'était comme si Lucius se retrouvait de nouveau face à Ryan. Il sentit un accès de colère monter en lui. Il utilisa le sortilège d'expulsion en informulé pour projeter la jeune femme dans la pièce contre le mur. Une fois à terre, il pointa de nouveau sa baguette sur elle et il attrapa sa baguette avec le sortilège d'attraction.

- Je crois que nous n'allons pas trop nous apprécier dans les prochaines minutes mais je me devais de prendre mes précautions.

Il n'avait pas fait la même erreur que lorsqu'il s'était retrouvé face à son frère. Il l'avait mal jugé et lui avait laissé sa baguette comme s'il n'était pas une menace. Il ne ferait pas cette même erreur avec un autre Donovan. Il éprouvait un certain estime pour la jeune demoiselle qui lui faisait face. Elle cherchait probablement à venger son frère et certains ennemis de Lucius n'avaient pas dû se gêner pour donner son nom. Comme s'il en était le seul fautif.
Il remarqua seulement que les autres clients de ce lieu sordide s'étaient tus et observaient la scène en buvant tranquillement. Tous des lâches. C'était pour ça qu'il avait décidé de passer à l'action ici et de ne pas attendre dehors.

- Il n'est pas dans mes habitudes de tuer une personne sans fournir une explication. Tu te poses des questions sur ce qui a pu arriver à ton frère et je vais y répondre.

C'était effectivement son intention mais par contre, il ne savait pas encore ce qu'il allait faire de la soeur. Elle représentait désormais une menace pour sa sécurité et même s'il l'éclairait sur les agissements de son frère, il n'en restait pas moins que ce fut lui qui avait donné le coup de grâce. Même s'il n'était pas le seul fautif.
Elle était toujours par terre. Il la laissa se remettre tout doucement de ce qui venait de se passer. De toute façon, désarmée elle ne représentait plus qu'une faible menace mais son instinct de survie lui demandait de la tuer. Il s'assit sur un tabouret, la baguette toujours pointée sur Luvy Ann.

- Ton frère était un petit imbécile qui voulait faire de la magie noire. Il va falloir que tu me prouves que tu n'es pas comme lui.

Lucy Ann et son adversaire se regardaient désormais en chiens de faïence, chacun fixant l’autre de son regard perçant, aucun des deux ne détournant le sien… Si l’atmosphère n’avait pas été aussi lourde, on aurait pu croire qu’ils jouaient à celui qui tiendrait le plus longtemps sans cligner des yeux.

Soudain, alors que la jeune femme serrait toujours obstinément les poings en s’empêchant de faire quelque chose de stupide comme lui en balancer un en pleine figure, elle se sentit projetée vers l’arrière, comme si un millier de mains invisibles s’étaient concertées pour la faire valser contre le mur, avec lequel elle eût l’honneur de faire connaissance dans un CRACK retentissant, écho du mécontentement de ses vertèbres.
Désormais à terre, l’étudiante n’avait pas eu l’occasion d’analyser quoi que ce soit. La surprise mélangée à la douleur du choc avaient annihilé toutes ses capacités de réflexion, elle se sentait juste capable de grogner son mécontentement.

Pas le temps d’essayer de se relever, les petites mains invisibles s’en chargèrent pour elle, la soulevant dans les airs sans lui demander son avis. Elle était toujours sonnée, mais les paroles du mangemort la firent brusquement redescendre sur terre.
Elle n’avait pas valsé dans les airs par la volonté du Saint Esprit, mais à cause de cet ****** de Morden, sans qu’elle ne voie rien venir en plus. Elle se trouvait donc à sa merci, désarmée, aussi facilement manipulable qu’une vulgaire poupée de chiffon par cet individu.

*On va pas trop s’apprécier ? Mais c’est qu’il a le sens de l’humour !*

Naturellement, les autres clients n’avaient pas bougé d’un cil. Pourquoi l’auraient-il fait, après tout c’est bien connu, il n’y a que dans les contes de fée que les demoiselles en détresse se font secourir lorsqu’elle se trouvent en face du méchant dragon. Lucy Ann sentit les larmes lui monter aux yeux d’un coup. Tant d’indifférence la sciait. Elle allait se faire détruire sans que personne ne bouge le petit doigt, dans l’indifférence générale ? Etait-elle donc si insignifiante ? Est-ce que ça avait été pareil pour Ryan ?

Ryan. La moiteur oculaire disparut aussitôt cette simple pensée. S’était-il amusé avec lui de la même façon avant de l’occire ? La dernière chose qu’il avait ressenti avait donc été ce profond sentiment d’humiliation et d’impuissance ?
Le désespoir laissa de nouveau place à la colère, la rage toute entière dirigée contre cet individu.

Il mentait, c’était évident. Son frère était stupide certes, mais pas au point de se risquer à la magie noire, cancre qu’il était. Il n’avait même jamais réussi à faire un patronus correct ! Alors se risquer à manipuler quelque chose qu’il savait être maléfique et hors de sa portée… Non, il n’était pas comme ça.

Bien décidée à ne pas se rendre sans lutter, la jeune femme essaya de se débattre, espérant qu’en gigotant suffisamment, elle réussirait à se défaire de l’emprise du sortilège. Certes, elle avait une forte ressemblance avec un asticot se tortillant au bout d’un hameçon, mais le ridicule – contrairement à un mangemort – ne tue pas.

Je n’ai rien à prouver à personne, surtout pas à un lâche de votre espèce ! Comme si vous vous préoccupiez de connaître vos victimes… C’est bon, vous prenez votre pied comme ça, vous vous sentez tellement plus fort et plus malin que moi ? Ca vous fait mousser le trip du grand vilain mangemort et de la pauvre petite fille ? articula-t-elle, toujours en essayant de se dégager.

A ce moment là, l’esprit de la jeune femme était entièrement fait de rage, cristallisée tout autour de Lucius Morden comme une sucette autour de son bâton. Que ressentait-elle exactement, ça elle ne pouvait l’analyser, tout ce qu’elle savait était qu’elle souhaitait lui faire mal, lui rendre la monnaie de sa pièce pour tout ce qu’il avait fait subir non seulement à son frère, mais à toute sa famille. Ce type arrogant avait détruit son existence toute entière, et il était là en train de se pavaner en liberté. Il fallait lui rendre la monnaie de sa pièce.
Comment, elle ne le savait pas encore, mais ça devait être possible, puisque lui l’avait bien atomisée contre un mur sans bouger le petit doigt ni la bouche.
Elle voulait pénétrer dans son esprit pour y insinuer ses pires cauchemars de façon permanente, remonter le temps jusqu’à sa plus tendre enfance et faire ressortir tous les monstres de ses placards, éventrer son nounours préféré devant ses yeux, semer des pierres tranchantes et des pièges à loup acérés tout le long de son chemin de façon à ôter toute trace de joie et d’espoir mieux qu’un détraqueur aurait pu le faire…

Si seulement elle n’était pas cette pauvre petite Lucy Ann mais autre.

La petite Lucy Ann n'était du tout gentille dans ses propos. Quelle vilaine fille tout d'un coup et quel manque d'éducation. Il se serait bien senti de la punir pour de tels propos mais le problème c'est que la punition aurait été logique et attendue également. Lucius préférait au contraire surprendre, c'est pourquoi il n'utiliserait aucun sortilège désagréable. Du moins, pour l'instant.

- Rho c'est pas bien de parler comme ça un grand méchant loup.

Son rire explosa dans la pièce et tous les clients sursautèrent, se demandant ce qui allait leur arriver. Le Mangemort ne riait jamais mais cette situation était fort amusante pour lui. Il lui était arrivé souvent d'avoir l'avantage sur ses victimes mais il ne s'était jamais imaginé comme un "grand vilain". Il ne correspondait pas au portrait qu'elle venait de dresser sur lui mais il était amusé par les propos de la jeune femme. Autant d'assurance dans une posture qui était peut-être la dernière de sa vie, forçait l'admiration ou alors était-ce tout simplement de la folie. Quoiqu'il en soit, il n'était pas sûr que dans ses "estimables" collègues, beaucoup auraient réagi de la sorte. Ils auraient soit craché leur venin, soit demandé grâce à leur adversaire mais là, Lucy Ann avait une attitude noble.

- Allons ma douce amie, nous pourrions mieux nous entendre. Ne sois pas aussi stupide que ton frère ... ce comment déjà ... Ryan ?

Il savait que ces paroles énerveraient la jeune femme et il le faisait exprès. Il sentait sa haine monter contre lui mais cela lui était égal en cet instant. Tout ceci l'amusait et s'il voulait se faire apprécier par les autres, il ne serait jamais devenu Mangemort.
Lucy Ann se débattait mais cela ne servait à rien. Il lui laissa croire un instant qu'elle commençait à s'échapper de son emprise avant une nouvelle attaque du sorcier. Il s'était levé du tabouret et d'un coup de pied, il l'avait envoyé vers la jeune femme. Il utilisa sa baguette pour le reste. Elle se retrouva prisonnière entre le tabouret et le mur. La position devait être inconfortable et il lui fit plaquer les bras en croix pour pas qu'elle puisse tenter d'arracher l'objet. Il la bâillonna pour avoir le silence.

- Bien, peut-être serez-vous assez raisonnable pour écouter ce qui va suivre.

Il lui lança un sourire ironique. De toute façon, elle ne pouvait pas faire autre chose que l'écouter.

- Ce que je vais vous dire, est la stricte vérité. Je n'ai aucune raison de vous mentir au sujet de votre frère vu que je n'ai pas du tout l'intention de me servir de vous, ni de vous faire rejoindre notre camp. Que vous le vouliez ou non, Ryan était intéressé par la magie noire et il désirait rejoindre le reste des Mangemorts. L'imbécile ... comme si le mot Mangemort avait une signification il y a cinq ans.

Son regard s'était obscurci et sa voix était devenue plus froide. Il n'avait plus envie de rire, ç'avait été une sale affaire, à peine plus marquante que les autres. Il poussa un soupir avant de reprendre.

- Votre frère n'était pas très doué mais lorsqu'il s'agissait de faire mumuse avec la magie noire, il a montré qu'il avait certaines dispositions. J'aurais été prêt à le former, le rendre meilleur et aujourd'hui, il serait aux côtés du Seigneur des Ténèbres.

Il retira le bâillon de la jeune femme qui avait sûrement des choses intéressantes à dire. Ne serait-ce que pour s'entendre dire que ce n'était pas possible avant de réaliser que si Ryan ne s'était jamais intéressé à la magie noire, jamais Lucius Morden ne l'aurait croisé.

Dans le tripot, personne ne s’était encore décidé à bouger ses grosses fesses de sa chaise. Si elle avait pu, elle les aurait tous frappés un à un, pour les punir de cette non-assistance à jeune fille en danger.
D’ailleurs ils n’étaient pas les seuls que Lucy Ann avait une forte envie d’écharper, le mangemort se comportait avec une horrpilante désinvolture, se jouant de ses nerfs en malmenant le nom de son frère… Très délicate attention, sachant que sa victime était immobilisée et n’avait aucune chance de pouvoir répliquer. Très courageux surtout.
L’attitude de Lucius ne faisait que conforter ce que l’étudiante avait toujours pensé des gens de son espèce : des lâches sans aucune envergure, qui combattaient de façon déloyale et sans aucun honneur en se planquant la plupart du temps sous les ordres du grand vilain en chef.

Elle avait continué à se débattre, ayant un instant l’impression de gagner du terrain, de se libérer un peu de l’emprise du sortilège, mais ça ne devait être qu’une illusion, étant donné qu’elle se retrouva l’instant d’après coincée entre le mur et un tabouret.
Le choc avec le siège en bois lui fit regretter de ne pas avoir fait plus d’abdos et moins de liquidages de chocogrenouilles, car elle se retrouva le souffle coupé quelques instants, pendant lesquels elle se retrouva contre son gré les bras écartés en croix.
Malgré le manque de comique de la situation en ce qui la concernait, elle ne put s’empêcher de penser qu’elle avait écumé dans la journée le top 10 des positions ridicules, et que le mangemort devait avoir une vie intime un peu déviante pour imaginer des postures pareilles.

Cette incartade légère fut de courte durée, alors qu’elle s’apprêtait à ouvrir la bouche pour dire ce qu’elle pensait de ces méthodes, elle se rendit compte qu’il lui était impossible de bouger les lèvres. Le couard lui retirait donc l’intégralité de ses moyens, elle ne pouvait même plus s’exprimer librement, elle n’avait d’autre « choix » que de rester bêtement immobile et de subir. Elle ne pouvait même pas se boucher les oreilles pour ne rien entendre…
Elle lança au mangemort un regard tout à fait explicite qui signifiait quelque chose de trop impoli pour être à la portée des oreilles innocentes.

Malheureusement pour elle, elle aurait souhaité ne jamais entendre ce qui allait suivre. Que son frère avait voulu tremper dans la magie noire, qu’il aurait été du côté de celui-trop-vilain-pour-qu’on-prononce-son-nom à l’heure actuelle s’il avait toujours été de ce monde…
Mensonges ! lança-t-elle impulsivement, sans même s’être rendue compte que le bâillon avait été levé. Ses yeux à présents lançaient des éclairs. Si elle avait maîtrisé la magie des natifs américains, elle aurait invoqué mentalement les éléments pour le griller sur place. Comment osait-il salir ainsi la mémoire d’un défunt ?
Parce que ce n’était pas possible, pas LUI, elle connaissait tout de lui, c’était son jumeau, sa moitié, certes, il était un peu idiot parfois mais…

Mais. Voilà un mot bien intéressant.

Que faisait-elle là, dans ce lieu, à « discuter » avec un individu pareil ? Que s’était-elle mise à étudier récemment ? Et qu’est ce que cette pratique demandait comme sacrifices ?..

Le regard de la jeune femme glissa sur le sol, semblant étudier avec attention les lattes de parquet. Il fallait arrêter de se voiler la face et de mettre Ryan sur un piédestal, si elle était capable de donner dans la Legilimencie et donc dans la magie noire, pourquoi pas lui ?
Surtout avec ses folies des grandeurs, il aurait été d’autant plus tenté de céder à cette alternative, surtout avec les personnes qu’il fréquentait à l’époque…

L’idée qu’elle ne connaissait peut-être pas aussi bien son frère que ce qu’elle croyait commença à s’infiltrer en elle, comme une perfusion glacée : on se sent geler de l’intérieur petit à petit, les degrés descendant uns à uns, mettant tout l’organisme dans une sorte de stase, comme anéanti.

Et pourquoi se retrouve-t-il aujourd’hui six pieds sous terre et pas dans vos rangs ? demanda-t-elle d’une voix éteinte, les yeux toujours rivés au sol, l’air totalement abattu de quelqu’un prêt à rendre les armes.
Parce que c’était quand même pour cela qu’elle était venue à la base, pour connaître les raisons de la mort de son frère. Et si Morden disait vrai, cela revenait aujourd’hui à savoir ce qui l’avait empêché de devoir affronter sa moitié, car si Ryan avait toujours été de ce monde, l’affrontement aurait alors été inévitable. A ce moment précis, elle se demandait jusqu’où le bras de fer aurait pu aller.

Le cri de souffrance de la jeune femme mêlée au mot "mensonges" lui péta les tympans. Nul doute qu'un grand miroir de verre aurait été brisé par la voix perçante de Lucy Ann qui avait jeté ce cri désespérer comme pour se convaincre elle-même de ce qu'elle venait de dire. Il la regardait sans ajouter un mot, il aurait presque eu un élan de compassion à son égard. Il n'était jamais facile d'admettre la vérité sur un de ses proches que l'on pensait connaître. Au lieu de parler et de dire que tout ceci était vrai, Lucius préféra garder le silence, la laissant réfléchir intérieurement. S'il avait prononcé quoique ce soir, elle se serait entêtée. Sa posture était sans doute trop inconfortable pour réfléchir mais elle finirait par admettre un jour que le Mangemort lui disait peut-être la vérité. Pourquoi mentirait-il ? Lui n'en voyait pas l'intérêt surtout qu'à l'époque, il était en fuite. Il avait tué des innocents oui, mais ils s'étaient mis en travers de son chemin. Sauf que son frère n'était pas un innocent, ni encore moins un membre du ministère en mission. Il n'y avait donc qu'une seule autre possibilité pour que Lucius l'ait tué. Il n'était pas aussi blanc qu'elle le croyait.

Il observait la jeune femme, hésitant à la libérer. Après tout, elle ne représentait aucune menace ainsi mais il avait envie que cette discussion ne passe tranquillement sans qu'il soit obligé d'éviter les coups et dans une certaine mesure, il l'épargnait des représailles.
Lucy Ann regardait le sol. Il n'était pas legilimens, il aurait pu s'il avait voulu mais il n'aimait pas avoir les renseignements trop facilement. Par contre, il avait un don pour ressentir les émotions et il sentit qu'elle commençait à douter. Il resta là en silence, attendant qu'elle prenne la parole, qu'elle finisse par accepter cette possibilité qu'elle pensait inenvisageable et finalement, elle finit par poser une question.

- Comme vous l'avez sans doute déjà appris, j'ai tué votre frère. Mais ne me prenez pas pour un lâche. Contrairement à vous, il était armé et c'était lors d'un combat et croyez-moi ou non, j'aurais préféré que ce soit différent.

Il préféra éviter de dire "ce petit imbécile" ou autres surnoms que Ryan méritait. Elle semblait moins en colère, il était inutile d'attiser de nouveau les braises. Il garda tout de même la baguette à la main même s'il était maître de la situation. Il se méfiait des lâches qui se trouvaient dans la salle, il suffisait qu'un abruti prenne du courage pour oser l'attaquer par derrière. La baguette bien en évidence, le dissuaderait. Il leur jeta un regard plein de mépris. Il se souvenait de la première fois qu'il était venu ici. Il avait défendu une jeune femme et s'était retrouvé plaquer au sol par un complice du Mangemort qui l'avait recruté par la suite. Depuis cet acte "héroïque", personne n'en avait fait d'autre.

- Ryan était comme vous par certains côtés. Il se posait des questions, il se cherchait et finalement, il s'est retrouvé dans l'allée des embrumes. Je suis tombé sur lui par hasard alors que j'étais en cavale à l'époque. Il était déterminé à devenir un mage noir, pas forcément un Mangemort. Il y a cinq ans, les Mangemorts se cachaient tous ou étaient en fuite comme moi. Nous n'étions plus uni, chacun travaillait à son compte et croyez-moi, j'étais bien content de ne plus avoir de maître à servir.

Il prenait un risque en disant ses paroles mais en même temps, c'était la vérité et lors du retour du Seigneur des Ténèbres, il en avait subi les conséquences et les reproches. Il se doutait que quelqu'un irait répéter ses paroles à un de ses confrères mais il avait payé sa dette envers son maître. Les choses entre eux étaient plus ou moins clairs. Tant qu'il le servirait, il vivrait.

- Votre frère était pour moi une bénédiction. Je me prenais en quelque sorte pour le nouveau Mage Noir qui ferait trembler l'Angleterre avec un élève et peut-être d'autres par la suite, qui embrasseraient ma cause.

Sa voix raisonnait et sur son visage on lisait l'envie de la situation qu'il décrivait. Si au départ, il était fier de servir Lord Voldemort, ses années de cavale avec la disparition du mage noir, lui avait donné de nouvelles ambitions.

- Mais malheureusement, mes projets ont échoué, en parti à cause de votre frère.

Il fit un mouvement de baguette et la jeune femme se retrouva assise sur un chaise, les mains liés sur les accoudoirs. La position était tout de même plus confortable que la précédente.

- Je serais prêt à vous défaire de vos attaches si vous me promettez de ne rien tenter de stupide.

Il avait décidé d'être moins cruel envers Lucy Ann, il était déjà en train de la briser mentalement, à quoi ça lui servirait de la briser tout court. Bien sûr, elle était toujours une menace mais elle méritait de savoir la vérité. S'il avait eu une frère ou une sœur, il aurait fait sûrement pareil qu'elle mais à la seule différence, c'est qu'il y avait plus de bon en elle que lui. Si la jeune femme était peut-être prête à le tuer, elle n'avait pas employé les bonnes méthodes pour arriver jusqu'à lui. Le Mangemort aurait fait couler beaucoup de sang dans sa vengeance. Lucy Ann était encore pure à ce niveau là.

Les paroles du mangemort furent comme un ultime coup de massue sur la tête déjà bien cabossée de la jeune femme. Elle leva un regard piteux vers Lucius, se sentant comme une omelette norvégienne : à la fois brûlante et glacée, désireuse d’une part de croire ses paroles, de se raccrocher désespérément à la moindre once d’espoir, de croire que son frère était mort vaillamment en combattant le mal (car il ne pouvait en être autrement, n’est-ce pas ?), et d’autre part envieuse de tout rejeter en bloc, de renvoyer ses dires à la figure de Lucius comme elle l’aurait bien fait avec ce tabouret, tout rejeter en bloc tant l’optique de son frère en mage noir lui était insupportable.

Elle se sentait ainsi chavirer entre deux rives, plus exactement entre les étapes 3 et 4 du deuil, la colère et l’abattement. Elle savait que seule la numéro 4 déboucherait aux étapes suivantes, à savoir la résignation puis l’acceptation, mais la lutte interne était rude. Autruche VS bulldozer, qui allait l’emporter ?
Pas question de se baser sur de fausses allégations en ce qui concernait son frère. Pas question d’accepter n’importe quoi juste pour passer à autre chose, comme de chercher à enjoliver la situation pour rendre la pilule moins amère à avaler. La vérité, la vérité crue quelle qu’elle soit, voilà ce qu’elle voulait. Mais pouvait-elle croire l’assassin de son frère ? En même temps, vu la situation dans laquelle ils se trouvaient, quel bénéfice pourrait-il avoir à mentir ?

Lucy Ann se sentait tanguer intérieurement, son esprit tournant comme une girouette à vitesse grand V, à tel point qu’elle commença à en avoir le tournis. Allait-elle devenir folle ? Allait-elle s’émietter intérieurement comme un vulgaire crumble ? Stop, il était temps qu’elle se reprenne avant que son esprit ne se transforme en compote.
Elle prit alors sur elle ainsi que la décision de se calmer. Elle s’était laissé submerger par ses émotions, ce qui était un point tout à fait négatif. Aucune émotion ne devait dégouliner d’elle comme une pate à gâteau enfermée dans un moule trop petit. Abysse, abris, vide, tout devait rester à l’intérieur, sous le glaçage. Pas de fissure, pas de débordement.
Comment pouvait-elle espérer donner un jour dans l’offensif si elle ne réussissait même pas à se préserver elle-même ?

Inspiration, expiration par le ventre… Elle réussit à se rassembler pendant que le mage noir racontait son histoire, se concentrant uniquement sur son intérieur, ayant compris que l’extérieur ne pourrait rien faire avant d’être libéré. Pas qu’elle apprécie la situation, loin de là, mais elle ne gagnerait rien en s’épuisant à se libérer d’un sortilège qu’elle ne pourrait pas briser. Tiens, avait-il lu dans ses pensées ? Lucius proposa de la libérer de cette emprise inconfortable.

J’ai pour principe de ne jamais rien promettre aux assassins des membres de ma famille, lança-t-elle sur un ton ironique Cependant, je dois avouer qu’il serait fort peu judicieux de ma part de tenter quelque chose, alors que je suis sans défense et vous armé de ce redoutable tabouret ! L’ironie, voilà bien son ultime refuge dans une situation pareille. Jouer la fille blasée que rien ne touche pour masquer son hypersensibilité en ce qui concernait Ryan. Une façade qui arrivait un peu tard, mais dans un naufrage, il faut bien se cramponner aux débris de l’épave.
Et pendant qu’on y est, pourrais-je savoir ce que vous comptez faire de moi ? Une petite tape sur la tête et me renvoyer chez moi avec un bon sermon, ou bien attendre que je mette la main sur ma baguette pour avoir une raison décente de vous débarrasser de moi ?
Peu importe ce qu’elle raconterait, de toute façon le mangemort avait surement déjà décidé de la suite des évènements, et au point où elle en était… Peut-être comptez-vous provoquer une dispute, comme avec mon frère ?

Lucius écoutait les paroles de la jeune femme sans dire un mot. Il attendait qu'elle déverse son flot de mépris, de haine et d'ironie à son encontre. Il n'en avait pas l'habitude mais il trouvait ça amusant. Surtout le fameux coup du "armé de ce redoutable tabouret" auquel il aurait bien rit si la situation s'en était prêtée. Il afficha quand même un sourire. Décidément, elle en avait du cran cette petite et il devait reconnaître que dans un certain sens, bien que sous forme différente, Ryan en avait aussi. Mais le pauvre manquait singulièrement d'humour sauf sur sa fin mais il n'avait pas compris que l'humour ne marchait que dans certaines situations.

Logiquement, Lucy Ann lui demanda ce qu'il allait bien faire d'elle. La réponse aurait pu sembler évidente et pourtant, le Mangemort aimait bien faire le contraire de ce qui aurait semblé logique. Il détacha la jeune femme, lui rendant sa liberté de mouvement. Il se plaça quand même à une bonne petite distance de sécurité au cas où elle aurait tenté de lui foncer dessus, tête baissée.

- Je n'ai pas besoin de raison décente pour tuer qui que ce soit. Si j'estime que c'est nécessaire, je le fais. Il m'est arrivé de tuer par le simple plaisir d'en avoir envie ou parce qu'un individu se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Mais ce n'est pas qui est arrivé à votre frère.

Il parlait d'une voix détachée comme si la conversation était anodine alors qu'il parlait de meurtres. Il regarda la jeune femme dans les yeux.

- En ce qui vous concerne, si je vous tue, vous serez armée de votre baguette, en face de moi dans un véritable duel.

Il était parfois sentimentale pour ce genre de choses. D'habitude les Mangemorts tuaient leurs ennemis surtout s'ils avaient le dessus tandis que lui, il était du genre à leur laisser une chance dans un combat loyal. C'était risqué, il pouvait y perdre la vie mais à quoi bon vivre s'il n'y a pas de prise de risque. Et puis comme il le disais, si la mort venait à le prendre, c'est que son heure avait sonné. Malheureusement, ce n'était pas pour aujourd'hui. Sa jeune camarade de combat n'était pas en pleine possession de ses moyens et elle n'avait pas fini de s'affirmer. Quelle prise de risque y avait-il à affronter un sorcier à qui il restait beaucoup à apprendre ? Aucun et il n'aimait pas cette idée. Lui était un Mangemort confirmé, il avait l'habitude des combats mais visiblement c'était le premier pour la jeune femme. Non, il ne l'affronterait pas aujourd'hui. Mais il pouvait lui infliger une grande peur qui la pousserait à se surpasser vu qu'elle avait du caractère.

- Mais il m'arrive de n'avoir aucune ligne de conduite.

Sur ces mots, il pointa de nouveau sa baguette sur Lucy Ann en utilisant le sortilège Doloris. A part torturer et faire du mal, il ne servait pas à grand chose pour Lucius qui le trouvait peu festif mais là, il voulait lui faire peur.
La jeune femme se retrouva sur le sol en se crispant de douleur. Il n'en retira aucune satisfaction et après plusieurs secondes, il arrêta son sort. Il s'approcha de sa "jeune amie" et d'un mouvement de baguette, elle resta plaquée sur le sol, allongée sur le dos, ne pouvait rien tenter contre son agresseur.
Il s'assit à côté d'elle.

- Ce qui est dommage, c'est que je suis le seul de nous deux à trouver la situation intéressante. les autres derrière moi qui observent, se délectent et en même temps, ils ont peur. Et toi jeune fille, est-ce que tu as peur ?

Il lui fit un sourire diabolique tout en approchant sa main du visage de Lucy Ann dont ses yeux observaient ce que le Mangemort était en train de faire. Il lui caressa la joue avec un regard mauvais.

- Imaginez tout ce que je pourrais te faire à cet instant. J'avoue que tu êes très belle. Que préféres-tu, le rester et en subir les conséquences de ta beauté insolente ou être défigurée ?

Sa main descendait le long du corps de la jeune femme. Sa baguette s'approcha du visage qui aurait pu être angélique mais pas à cet instant. Il l'effleura avec et une douce chaleur en émana. Le regard du dernier Donovan, ou du moins il l'espérait, montrait enfin de la peur. Elle pouvait répondre à sa question. Lucius venait de libérer ses mâchoires. Il se moquait de sa réponse ou plutôt, il la connaissait déjà. Ce n'était pas dur de savoir ce qu'elle répondrait.
Il se releva en riant de ce qu'il venait de faire. Il lui tourna le dos et il continuait de rire, imité par les autres clients de cet endroit rempli de lâches. Il fit semblant d'apprécier la "compagnie" avant de lancez un "qu'est-ce qui vous fait rire ?" sur un ton sec qui glaça l'ambiance.
Il se tourna de nouveau vers la jeune femme.

- J'aime ménager le suspense. Vous n'êtes pas en état de me vaincre. Je vous ai un peu malmené et vos compétences sont ... limitées. La prochaine fois, je répondrais moi-même à la question. Cela fait longtemps que je n'ai pas goûté a de la chair fraîche.

Il remit bien sa cape sur les épaules et s'approcha de la sortie. Il en avait fini avec la jeune femme lorsqu'il s'arrêta sur le pas de la porte. Il lui jeta un dernier coup d'oeil amusé en lui balançant sa baguette qu'elle ne pouvait prendre à cause de son immobilisation. Il la relâcherait une fois qu'il serait sorti.

- A propos de votre frère. Sachez que je l'ai affronté en combat loyal et que la prochaine fois que nous nous reverrons, je vous dirais comment cela s'est passé. Il était bel et bien parti pour devenir un Mangemort mais ne faites pas la même erreur que lui, ne me sous-estimez pas.

Il savait que la jeune femme une fois libérée, serait assez forte pour se défendre contre les hommes intéressées par une proie qui semblait facile. De toute façon, si l'un d'entre eux osait la toucher, le Mangemort le tuerait.
Il franchit le seuil de la porte et il relâcha son emprise avant de partir dans un plop sonore.

La haine et la rage pure submergeaient à tel point l’esprit de la jeune femme qu’elle ne remarqua même pas qu’elle avait retrouvé sa liberté de mouvement, bien que son inconscient profite de l’occasion pour lui faire se frotter l’arrière de la cuisse droite, qui avait au sens propre passé un sale quart d’heure.
Elle ne prêtait même plus attention à ce que racontait le mangemort, du blabla emphatique sans intérêt qui n’avait pour but que de lui faire sentir à quel point il était beau, grand fort et vilain.

Lucy Ann était à ce point concentrée sur le fait qu’elle aimerait s’introduire dans sa tête par les oreilles pour s’introduire insidieusement dans son cerveau pour le réduire en bouillie qu’elle ne s’attendait pas du tout à ce que ce soit l’inverse qui se produise.
Elle n’avait pas entendu la formule « Endoloris », n’avait jamais subit ce sort, et pourtant elle comprit instantanément ce à quoi elle avait affaire. Jamais elle ne s’était sentie aussi mal, comme si chaque parcelle de son corps se tordait avec sa voisine comme une vielle serpillère. C’était même pire qu’en combinant sa pire migraine, sa gastro la plus vicieuse et la fois où elle s’était cassé la jambe en dévalant les escaliers étant gamine, quelques secondes qui lui semblèrent durer une éternité. Envolée la belle assurance, elle était à deux doigts de pleurer, enfin si ses poumons se décontractaient assez un jour pour lui permettre de respirer…

Soudain, elle inspira bruyamment, comme si on lui sortait la tête de l’eau. Le sortilège avait cessé, mais elle ne s’en était pas rendu compte tout de suite. Il semblait également que Lucius aie utilisé un énième sort d’immobilisation, ce qui était tout à fait inutile, la jeune femme se sentant tellement mal qu’elle aurait été bien incapable de faire quoi que ce soit, même lui cracher dessus, ce qui était pourtant sn fantasme ultime à cet instant précis.

L’homme qui était à présent devenu officiellement son pire ennemi s’assit à ses côtés, renforçant sa frustration ; si proche et pourtant si intouchable, elle aurait presque pu l’étrangler avec sa propre chevelure, si seulement les évènements lui avaient permis de bouger un petit doigt…

Elle vit avec horreur la main du mangemort se rapprocher d’elle, concentrant toute son énergie pour essayer d’échapper à ce contact, mais en vain. Elle ne pouvait même pas bouger suffisamment la tête pour le mordre, pourtant il lui suffirait de la tourner à peine… Ce contact fit monter en elle une nausée de tous les diables : dire que la chose qui était en train de la toucher était sans doute celle qui avait donné la mort à son frère... Elle serait sans doute contrainte de se plonger la tête dans l’eau de javel après ça, pour se laver de cette immonde souillure. Le malotru ne se limita pas à la joue et descendit plus bas, peu lui importait au final, elle en prendrait un bain d’eau de javel, son effroi ne pouvait pas aller plus loin de toute façon.

Il lui posa ensuite une question tout à fait intéressante, qui aurait mérité plus ample réflexion. Malheureusement, les capacités de réflexion et l’affect de la jeune femme ne lui permirent pas d’élaborer de réponse. Elle n’était même pas sure de réussir à parler, tant la douleur physique et mentale lui paralysaient les muscles, et cela n’allait pas aller en s’arrangeant : elle réalisa à ce moment précis avec le discours de Lucius qu’elle serait amenée à le revoir, et qu’elle n’avait pas le choix. Elle avait été trop loin pour s’arrêter là, car elle aurait fait tous ces sacrifices en vain, mais elle n’avait aucune envie que ce genre d’évènements se reproduisent, car elle savait que si elle le laissait une seconde fois prendre le dessus sur elle, non seulement elle souffrirait encore plus, mais il la tuerait. Le sous-estimer ? Elle ne le risquait pas, merci.

Le temps pour elle cogiter tout cela, et il avait déjà disparu. Si les sévices qu’il lui avait infligés n’avaient pas été aussi brutaux, elle aurait pu croire à un vrai cauchemar, duquel elle n’était pas prête de s’éveiller.

Bon, maintenant il allait falloir quitter ce lieu maudit et aller lécher ses blessures dans un coin sans mot dire, car elles ne sont pas de celles que l’on peut exposer pour se faire soigner à coup de compassion et de bisous magiques. Ce genre de traumatismes se gardent, macèrent puis se distillent pour en tirer un élixir venimeux autrement appelé vengeance.
C’est appuyée uniquement sur cette perspective qu’elle réussit à s’adosser au mur. Elle voulut ensuite se mettre debout, mais n’y parvint pas, les jambes trop flageolantes pour supporter son poids et les clients toujours aussi gentleman ne lui prêtant aucune main forte. Elle réussit tout de même à ramper jusqu’à sa baguette, et en resserrant ses doigts meurtris autour, elle réussit à transplaner quelque part. Où ? Elle n’était pas en état de le décider, du moment que c’était loin d’ici.