Nous étions à la mi-Juin et une douce aube estivale réveillait les oiseaux dans la rue qui bordait le pavillon de Lee tandis que cette dernière dormait encore, la tête sous l'oreiller, un bras au dessus et les draps magiquement transformés en une matière soyeuse glissant sur son épaule frêle tandis qu'elle était pelotonnée dans une position quasi fœtale. Ainsi décrite Shevelin paraissait dormir paisiblement. Il n'en était rien en réalité. Sa bouche était crispée, ses sourcils inconsciemment froncés tandis que son subconscient travaillait, tournant et retournant les contrariétés de la jeune femme.

Cela faisait quelques temps qu'elle dormait mal déjà, outre les trois malheureuses nuits de pleine lune où il lui était alors impossible de se reposer. Pourquoi ? La raison était simple. Elle avait assimilé cela à un délire de son imagination, les premiers jours, mais elle en avait eu ensuite la confirmation : Natalee se sentait – et était – suivie. Par qui ? Pourquoi ? Elle l'ignorait. Sa plus grande crainte fut d'abord avoir grillé sa couverture à un tiers et qu'elle était à présent sous filature par l'adversaire afin de situer le QG de l'Ordre du Phénix. Elle s'était attendu d'un jour à un autre à se faire kidnapper, agresser où elle ne savait quoi encore, la baguette toujours près de la main et les yeux partout à la fois. Elle avait patienté, se résolvant à ne pas changer ses habitudes, espérant voir son mystérieux poursuiveur sortir de l'ombre... mais il n'en fit rien. Elle crut alors qu'elle devenait folle, mais ces picotements derrière la nuque, cette sensation d'être observée, elle les avait plusieurs fois sentit et avait finit par être sûre de ne pas se tromper. Néanmoins, aucun enlèvement surprise n'eut lieu et il lui arriva même de ne plus du tout ressentir cette fâcheuse sensation.
Folie, quand tu nous tiens ! C'était-elle mise à penser, profitant de cette apparente et soudaine liberté – ou éclair de lucidité – pour faire un tour au repaire de l'Ordre dans le but d'apporter quelques informations sur des Mangemorts qui auraient été aperçus aux alentours de Londres.
La deuxième fois qu'elle avait tenté de rejoindre l'Ordre, cependant, elle avait clairement vu un homme – toujours le même – à plusieurs reprises sur le chemin qu'elle empruntait. Elle avait alors habilement bifurqué jusqu'au Chaudron Baveur et avait fait en sorte de disparaître, tout simplement. Tous les jours depuis ce soir là, Lee se forçait à ne pas se retourner pour observer par dessus son épaule, et avait prit toutes les précautions pour ne pas compromettre le Square Grimmaurd, ce qui était passé par l'arrêt total de sa fréquentation.
Elle avait cependant été certaine d'une chose : il ne s'agissait pas de Mangemorts, qui la suivaient. Elle aurait autrement été capturée ou torturée depuis longtemps. L'évidence était donc là : c'était le Ministère qui l'espionnait. Pourquoi ? Lee ne pensait n'avoir rien fait qui puisse mériter un tel traitement de faveur. Elle avait été exemplaire hormis ses inévitables absences les jours de pleine lune, n'avait depuis ces deux dernières années jamais compté ses heures supplémentaires et avait contribué au classement d'affaires louches sans faire montre de son désaccord avec le système judiciaire du Ministère, alors qu'elle se battait en secret pour résoudre réellement les meurtres où avaient été soupçonnés des Mangemorts, comme le cas Kyra Whitman par exemple, à l'époque où le retour d'On-Savait-Qui n'était pas officiel. Bref, elle était blanche comme une jeune vierge, à son goût.

Quand Natalee se réveilla – à six heures pile, une seconde avant que son réveille ne se mette à lui crier d'une voix exécrable de se lever – ce fut avec ces mauvaises pensées dans la tête. Depuis ces élucubrations à propos d'une enquête à son sujet ouverte par le Ministère, elle n'avait toujours pas trouvé la cause et cela l'ennuyait profondément. Et elle ne pouvait pas avoir rêvé tout cela, pensa-t-elle pour la cent quatre-vingt douzième fois, son flair d'Auror ne la trompait jamais.
Tapant avec lassitude sur son réveil qui se tut après un « AIE ! » sonore, la jeune femme quitta son lit, nue comme un vers, pour aller directement se glisser sous la douche tandis que son café se préparait tout seul, programmé par les soins de la grande brune pour se faire automatiquement à 6H12, très précisément. Oui, car Lee mettait chrono en main dix minutes pour se doucher, deux pour se sécher et se coiffer. Malgré la longueur de ses cheveux, c'était vite fait : un coup de baguette réglait l'affaire.

Bref, c'est dans cette atmosphère routinière que la Miss Shevelin prit la route, marchant comme à son habitude jusqu'à l'extrémité de sa rue pour transplaner dans celle qui était adjacente et où un souterrain la cachait des regards indiscrets. Mais lorsqu'elle arriva au Ministère, niveau deux, au Quartier Général des Aurors, la routine se fit la belle. Il était sept heures tout pile et elle ne s'était pas assise depuis dix minutes pour boire son second café de la matinée qu'un papier en forme d'avion vola dans le couloir, entra à toute vitesse dans le QG et fonça droit sur son bureau. Lorsqu'il se posa, il se transforma instantanément en enveloppe de parchemin, clos par le sceau du Département de la Justice Magique.

« Allons bon... »

Commenta Shevelin en regardant d'un oeil atterré la missive. Les quelques autres Aurors présents dans la salle se tournèrent vers elle, lui sourirent d'un air de dire « Désolée ma vieille, les ennuis commencent tôt aujourd'hui ! » et refourrèrent le nez dans leurs affaires sans plus se préoccuper d'elle. Seulement alors, l'Auror glissa une main jusqu'au papier et commença à le décacheter, grimaçant légèrement en constatant que le sceau du Directeur de la Justice Magique n'avait pas été une hallucination. Que lui voulait-il ? Shev' pariait dix gallions que cela concernait cette étrange impression d'être suivie où qu'elle aille. Elle retira la lettre de son enveloppe, la déplia et... Bingo. Elle avait sous les yeux une convocation officielle au bureau de Lawrence Hawkesworth, soit le Directeur du Département où elle travaillait, ce qui n'était pas rien, en soit.

« Alors ? » Entendit-elle d'un des bureaux où un collègue faisait semblant de commencer à bosser.
« Alors merde. »
Répliqua Natalee, avant de plier nerveusement la convocation et de la fourrer dans sa poche. Elle prit un dossier qui traînait sur son bureau, l'ouvrit au hasard et plongea le nez dedans d'un air mécontant. Rares étaient les fois où Natalee envoyait balader ses coéquipiers, mais ces fois là signifiaient que son cota de nervosité avait été dépassé. Il fallait dire qu'un rendez-vous officiel, ça suintait le reproche, les ennuis et avait une mauvaise odeur...!

Neuf heures, le papier avait dit. Et à neuf heures piles Natalee était derrière la porte du bureau de Hawkesworth, droite comme un « i » et les pieds fermement ancrés sur le sol comme si elle s'apprétait à subir l'épreuve sportive de sa vie. Elle ne savait pas encore si tel allait être le cas, mais dans l'ombre du doute, elle préférait s'y préparer !
Lee regarda sa montre, expira, frappa à la porte, attendit quelques secondes puis entra avant de planter son regard mordoré droit dans celui de son supérieur.

« Bonjour Directeur. Vous m'avez demandé, que puis-je pour vous ? »

Lâcha-t-elle d'une voix mécanique, ommettant volontairement que la demande avait plutôt une forme d'ordre clair et net, l'air résigné. Étrangement, cette scène lui rappelait une certaine autre qui s'était déroulée deux ans plus tôt au même étage... Seul le visage et la raison (le supposait-elle, puisqu'elle ignorait encore cette dernière) changeait, mais elle était persuadé qu'elle aurait autant de comptes à rendre.

Le regard de l'employée et du Supérieur se croisèrent, se jaugeant le temps de cette courte rencontre. Shev' restait le plus impassible possible, elle ne voulait rien laisser transparaître d'elle tant qu'elle ne connaissait pas le fin mot de l'histoire. Pour éviter les gaffes en premier lieu, mais aussi parce que jusqu'alors, elle réservait son jugement sur le jeune homme. Il n'était pas bien vieux, à peu près son âge, à la différence que lui avait grimpé les échelons et se trouvait au dessus d'elle dans la hiérarchie du Département. Au dessus même de son patron direct, qui dirigeait le QG des Aurors et qui n'était plus tout jeune. Certes, elle lui devait donc le respect qui était dû à son rang, mais il n'empêchait qu'elle ne pouvait s'empêcher de réserver son jugement sur cet homme là, comme nous l'avions déjà dit. Être arrivé aussi haut aussi jeune était louche, pensait-elle non sans un brin de jalousie. Elle savait parfaitement qu'elle, elle devrait déjà être contente d'avoir put garder sa place, mais qu'il n'était pas question d'imaginer une promotion, quel qu'était son talent et son investissement dans son travail. Si elle risquait sa vie chaque jour ou presque, cette dernière était devenu moins importante aux yeux du Ministère en comparaison à celle des autres Aurors. Elle n'y pensait jamais, forte comme elle était, elle ne se laissait jamais aller à de telles idées noires, mais elle n'était pas stupide et en avait parfaitement conscience. Le regard des autres sur elle avait changé depuis le jour où un lycan l'avait affublé d'une belle cicatrice à la hanche. Ça avait été une question de seconde, de centième de seconde, même, mais un instant d'inattention pouvait coûter très cher lorsque l'on combattait les Forces du Mal. C'était triste, certes, mais c'était comme ça. Bien sûr, elle avait fait une petite dépression durant son séjour forcé au Square Grimmaurd, mais aujourd'hui elle avait apprit à utiliser sa nouvelle perception du monde et des éléments à son avantage. Et sa perception actuelle du monde lui disait qu'elle n'avait pas été pas convoquée pour boire le thé en dégustant des petits gâteaux, en présence d'un homme curieux de rencontrer ses employés. « Sa chair à canon »...

Hawkesworth lui demanda de s'assoir, ce qu'elle fit sans formalité. Elle étendit légèrement les jambes devant elle, rajusta les manches de sa robe de sorcière un peu trop ample pour sa carcasse afin que ses mains maigres puissent apparaître hors des manches et posa les coudes sur les accoudoirs du fauteuil, attendant sans un mot ou sourire que le chef de son chef ouvre les festivités. Elle ignorait tout bonnement comment se comporter. Il fallait dire que si elle était douée pour ne faire montre d'aucune sympathie comme d'antipathie, celui là n'était pas à un niveau médiocre côté maîtrise de soit. Et entre faire semblant de, et se maîtriser, il y avait une marche que Lee n'avait pas encore grimpée. Il n'avait laissé transparaître aucun indice dans l'intonation de sa voix, ni par le long regard qu'il fixait sur elle. Lee en était presque à se tortiller sur sa chaise, à ne savoir si elle devait céder à la colère tout de suite, ou si elle devait attendre encore un peu. Car, si avoir sut être espionnée l'avait épuisée, cela l'avait également mise particulièrement en colère. Il y avait même un jour où, prise d'un instinct de prédateur traqué, elle s'était laissé aller à tout dévaster dans sa maison, puis de se mettre à griffer le sol en poussant des cris de gorets enragés (oui, ils étaient plusieurs, les bougres) après s'être étalée de tout son long en ayant trébuché sur une chaise cassée. Qu'est-ce que ce souvenir pouvait lui faire honte, mais bon, personne n'en avait rien vu et Natalee s'était reprise depuis. Elle ne se mettrait pas à pousser des cris de gorets.
D'ailleurs, le Directeur du Département de la Justice Magique (quel titre pompeux, je vous jure, grinçait sa jalousie), venait de lui adresser aimablement la parole, et cette question tira un sourire usé à la lycane. Alors comme ça, ce cher Lawrence ne voudrait pas se mettre à table directement, il préférait d'abord passer par la mise en bouche et tout le touti. Ça aurait put en amuser plus d'un, mais Lee n'étant pas du genre à jouer au chat et à la souris, l'idée d'un « Tabou » improvisé version Ministérielle la fatiguait d'avance. Un très court soupir s'échappa de ses lèvres fines lorsqu'elle ouvrit la bouche pour prendre la parole et elle glissa un majeur à la base de l'arête du nez avant de lisser un de ses fins sourcils auburn.

« Et bien, autant ne pas passer par quatre chemins, Monsieur Hawkesworth. Vos espions – ou plutôt, excusez-moi je vous accuse peut-être d'une décision qui n'est pas la votre, les espions du Ministère – n'ont certainement pas été sans savoir que j'avais découvert leur filature, je pense donc pouvoir répondre par oui. »

Lâcha-t-elle de son éternel ton franc et un peu abrupt, bien que dénué d'agressivité, tandis que ses yeux jusqu'alors renfrognés, un peu plissés, se mirent à lacher un ou deux éclairs, particulièrement aux mots « espions » et « filature ».
Elle laissa retomber son avant-bras sur l'accoudoir puis reprit sur le ton de l'explication.

« Et je suppose que si j'ai été filé, c'est qu'une enquête a été ouverte sur moi, car si j'avais été suivit par une autre, euh... administration, je serais déjà quelque part à retourner à la poussière... En revanche, Monsieur le Directeur, je n'ai aucune idée de la raison pour laquelle cette supposée enquête à été ouverte à mon sujet. »

C'était vrai, Shevelin était loin de se douter de l'origine de toute cette histoire. Elle posa un regard d'ignorante sur l'épais dossier qui siégeait sur le bureau du chef, puis, petit à petit, son regard se fit plus prédateur, comme à chaque fois lorsqu'une émotion plus vive la traversait. Et là, elle se sentait comme un loup acculé, malgré l'expression jusqu'alors dénué d'agressivité ou de dédain de son supérieur. La pression de ces derniers mois, le mauvais sommeil, le travail, les questionnements, tout cela la pesait plus qu'elle ne le laissait transparaître. D'autant plus qu'elle n'avait osé en parler à personne, ne sachant à qui faire confiance, et surtout, si son flair ne l'avait pas trompé. Elle aurait aimé savoir tout de suite, ce que renfermait le dossier sur elle et la raison pour laquelle on s'intéressait de si près à son minois. Bavure ? Faute grave dans la confection d'un dossier ? Lee savait ne pas être très papiers, elle n'avait pas passé une formation d'Auror pour jouer aux secrétaires, mais elle n'avait aucun souvenir d'erreurs grossières ou graves. Au contraire, la tension qu'avait engendré l'acceptation du retour de l'autre fou sectaire – On-savait-Qui – la rendait encore plus appliqué et volontaire dans son travail. Même pour la paperasse, c'était pour dire ! Imaginez qu'un mangemort soit relaxé pour une bévue administrative, une faute d'orthographe dans le dossier ou que savait-on ! Elle se serait arraché les cheveux avec les dents, pour sûr. Et Dieu sait que ça aurait été compliqué.

« Je suppose que vous allez m'éclairer là-dessus... »

La louve tourna ses iris ambrées sur son vis-à-vis et lâcha un sourire fugace, qui haussa à peine ses lèvres. L'idée que c'était sa nature de lycane qui avait déclenchée la suspicion à son sujet ne lui avait même pas traversé l'esprit. Non, Natalee n'était pas naïve, elle était seulement pourvue de principes solides qui faisaient que, pour elle, si l'affaire avait été réglée une fois, il n'y avait pas à revenir dessus. Scrimgeour l'ayant acceptée comme telle et ayant apposé les closes de leur accord sur papier, elle ne s'était pas imaginé que le changement de direction équivaudrait à se repencher sur les vieux dossiers et les cas sensibles. Certains de ses collègues comme Tonks ou Kingsley avaient tenté de le lui faire savoir, mais elle n'avait pas vraiment écouté et n'avait de ce fait pas comprit ce qu'ils cherchaient à lui expliquer. Quant aux autres, soit ils se fichaient bien de son cas, soit ils n'osaient pas lui faire des remarques qui auraient put attirer des réactions assez déplorables. Avec une Auror lycanthrope au caractère enflammé, on était jamais trop prudent : un avada kedavra était vite parti.

La diplomatie n'était pas le fort de Shev', elle en avait parfaitement conscience, mais elle sentait qu'en cet instant en particulier, elle n'allait jamais tant regretter de ne pas savoir tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de l'ouvrir. Le sourire de Hawkesworth ne présageait pas une mise à mort administrative directe, pourtant, mais Natalee sentait qu'elle avait mal engagé le début de la partie. En tant qu'Auror, malgré tout son talent on la mettait plus souvent là où il fallait cogner notamment parce qu'elle était une excellente duelliste mais aussi parce que tirer les vers du nez des gens ne se faisait pas chez elle sans une ou deux menaces. Elle savait jouer le rôle de la gentille, aussi, qui veut essayer de réparer les pots cassés derrière son collègue à la castagne facile, mais elle n'était définitivement pas du genre à user des mots comme des outils qui pouvaient, sans avoir l'air de rien, tirer plus d'informations qu'une bonne claque. Cette dernière avait l'avantage d'être claire et nette, et Lawrence saurait certainement à quoi s'en tenir à présent, mais rien n'était moins sûr que son caractère joue en sa faveur. Elle en avait déjà fait les frais à chaque fois qu'elle avait dû s'entretenir avec un gratte papier ou autre supérieur hiérarchique.
Quand son Directeur ouvrit ce qui était certainement son dossier, Natalee ne put s'empêcher de se sentir comme de retour à l'école. Pire, à ses premiers pas au Ministère, le jour de ses vingt ans, où elle était arrivée comme une fleur, naïvement, pensant qu'il suffirait de brandir son diplôme d'Auror pour être accepté les bras grands ouverts. Elle avait vite déchanté, et sa première confrontation avec l'Administration avait été pour le moins sportive, bien que sa jeunesse l'avait à cette époque encore épargné, ce qui lui avait permis d'être assez malléable pour s'en sortir et entrer dans le service. Aujourd'hui, les choses avaient changé. Pas seulement parce que Natalee avait huit ans de plus et de l'expérience derrière elle, mais aussi parce que sa vie et sa nature profonde s'étaient métamorphosées. Elle avait un fond animal, parfois primaire, instinctif. Son caractère fort était devenu un caractère dur, trempé dans l'acier. Ses manières un peu gauches de jeune femme mal à l'aise dans son corps, des postures régies par un instinct profond qui sommeillait en elle. Sa tenue faussement désinvolte révélait son appréhension. Son regard fixe sur son adversaire, la colère du loup acculé. Ses épaules un peu en avant, une posture de défense contre ce qui allait être dit. Jusque là, ça n'étaient que des banalités. Au mot lycanthrope seulement, l'Auror sortit de son immobilité, redressant un peu le menton tandis que ses yeux se plissaient.

*Noon, c'est pas vrai ?!*

Aurait-elle voulut jeter comme un sarcasme à son supérieur hiérarchique, mais l'heure n'était pas au cynisme. D'ailleurs, elle pensait plus à ce que cette déclaration lancée de but en blanc signifiait. C'était donc... ça, la raison pour laquelle tout ce charivari avait été fait ? La question n'avait-elle pas été réglée depuis plus ou moins deux ans, déjà ? Gardant les remarques qui manquaient de s'échapper si elle ouvrait la bouche, Lee observa avec appréhension son « enquêteur » lui présenter une page sur laquelle elle mit quelques secondes à oser baisser les yeux. C'était une courte lettre de la main de son ancien chef, Scrimgeour le vieux lion, qui, faute d'aimer la paperasse, s'était contenté d'une note explicative apparemment peu convaincante pour Lawrence.
« L'ancien directeur du bureau des Aurors n'a laissé que peu d'indices. Il n'a même pas laissé de détails sur ce qui motivait sa décision de vous garder. »

« Hm. »

Lâcha Natalee, les lèvres pincées, avant de se renfoncer le dos dans le dossier de son fauteuil et d'éloigner ses yeux de cette lettre qui lui rappelait le mauvais souvenir de sa confrontation avec Scrimgeour. Peut-être qu'il aurait été de bon ton de lui demander...! Aurait-elle voulut lui lancer au visage, mais elle se contenta d'avaler goulûment une bouffée d'air et de la bloquer quelques secondes dans ses poumons en se souvenant des conseils de son frère adoptif pour lui éviter de dire des gaffes sous le coup de la colère. Et heureusement qu'elle l'avait fait, car Lawrence alla directement au but, sans grand ménage pour sa potentielle sensibilité.
Elle était ainsi remise en doute pour une blessure, pire que cela, une malédiction dont elle avait été la victime, comme deux ans plus tôt. Elle avait sacrifié sa vie pour sauver celle d'un enfant, et pour remerciement, on la comparait à un danger ambulant. Natalee croisa le regard de son interlocuteur et, malgré le fait qu'il soit toujours aussi impénétrable, elle eut l'impression d'être un vieux Scroutt à pétard géant prêt à exploser.
Lee manqua de s'étouffer quand Hawkesworth parla de ne pas la mettre à la porte « tout de suite » comme si cela était un cadeau, et lui jeta un regard aussi rond qu'une de ces redoutées pleines lunes.

« 'Bien aimable...! »

Marmonna-t-elle, sa voix habituellement éraillée devenue aussi rauque qu'un grondement. Elle savait pertinemment que c'était une chance que son nouveau Directeur pense et parle ainsi et qu'elle soit de ce fait toujours Auror. Bien d'autre n'auraient pas eu sa « miséricorde ». Cependant, Natalee avait vécu depuis ces deux dernières années dans une sécurité qui avait émoussée sa propre perception de sa nature, oubliant que cette dernière n'était que précaire, assez pour qu'il suffise d'un changement de têtes en haut de l'échelle pour qu'elle passe à la trappe. A l'inverse de son ami Remus, Lee n'avait pas vécu l'enfer de la discrimination car elle avait eu la chance de conserver un emploi, et d'avoir autour d'elle un groupe de sorciers qui la soutenait en se retenant de la juger : l'Ordre du Phénix. Elle ne s'était jamais rendu compte de la chance qu'elle avait eu. Alors, naturellement, l'acte d'intelligence de Lawrence passait pour un comportement injuste et odieux. D'ailleurs, elle le fusillait à présent du regard, les doigts crispés sur les bras de son siège.

« Bien sûr que mes résultats sont excellents, mon travail est toute ma vie. »

Lâcha-t-elle pour toute défense, réalisant soudain combien ces paroles étaient vraies, et à quel point devait le souligner le supposé rapport d'enquête qui devait certainement traîner quelques parts dans les bureaux du Ministère, si ça n'était dans ceux personnels du chef de Département. Sa vie aurait été lamentablement triste et routinière, outre ses missions pour l'Ordre du Phénix si Scrimgeour n'avait pas eu d'état d'âme à la chasser.
Au fur et à mesure que les comptes lui étaient demandés, Shev' devenait de plus en plus pâle, si bien que lorsque les paroles qu'elle n'arrivaient pas à percevoir comme justifiés cessèrent de tomber comme des coups de marteau sur ses épaules, elle était devenu livide.

« C'est dégueulasse, comment pouvez-vous penser que je suis un danger seulement parce que je ne suis pas comme vous. »

L'invective avait balayé le silence comme un grognement canin avant que la jeune femme ne puisse le retenir. Pâle et frémissante, elle s'était complètement raidit dans son siège pour s'empêcher de se lever et de montrer par là même à quel point les paroles de Lawrence et la remise en question soudaine l'avaient touché.

« J'avais un accord avec Scrimgeour, peut-être que ça ne signifie rien pour vous, mais je ne comprend pas pourquoi vous tenez tant à revenir dessus alors qu'il s'est avéré être justifié. Je n'ai jamais fait de mal à un seul de mes collègues, que je sache, je n'ai même jamais fait preuve d'aucune forme de violence sur l'un d'eux. Qu'est-ce qu'il faut de plus ?
Quant aux faits, si vous voulez ma version, c'est celle qui est écrit sur ce papier que vous m'avez montré, elle n'a pas changé depuis ! Une vieille connaissance de Poudlard avait subit des menaces d'un tiers parce qu'elle était à moitié cracmol. N'ayant jamais bien put supporter la discrimination, quand elle a fait appel à moi, je l'ai convaincu de fuir et je me suis mise en poste dans sa baraque. J'aurais put contacter des collègues d'astreinte ce soir là, mais comme je n'étais pas vraiment gradée, je doutais d'en avoir le droit et j'ai préféré m'en charger toute seule, surtout que je doutais de la venue réelle d'un loup-garou pour, comme l'avait stipulé le message, dévorer son gosse. Sauf qu'ils ont bel et bien mit la menace à excécution, que j'ai peut-être sauvé l'enfant mais que je n'ai pas put me sauver moi. Point à la ligne, j'ai transplané une seconde trop tard et il m'a mordu au moment où je fuyais. »

Shevelin croisa les jambes et les bras, frémissante. Ses lèvres tremblèrent légèrement, mais ça n'était pas par de possibles larmes qu'auraient attirés le souvenir de ce douloureux événement, mais par la hargne qu'elle éprouvait contre celui qui avait été assez horrible pour prévoir une chose aussi atroce que de s'en prendre aux innocents dans le seul but d'assouvir sa soif de vengeance : Greyback.
En vérité, la soit-disant cracmolle que Natalee avait inventé de toutes pièces était en fait une ex-mangemort qui avait fuit et s'était installé dans un coin resté clandestin pour la communauté sorcière afin d'éviter les ennuis, et elle avait tout fait sauf lui demander de l'aide, mais le fond de l'histoire restait parfaitement vrai.

« La première chose que j'ai fait, c'est donc de transplaner, directement chez mon frère adoptif : Fergesson. Vous devez savoir que c'est un médicomage puisque vous l'avez certainement vu venir chez moi dans les alentours de Mai et que vous avez alors naturellement fait des recherches dessus. Comme je déteste les hôpitaux, c'est lui qui m'a soigné à son propre domicile. C'est toujours lui qui le fait, puisqu'il vient au mieux qu'il peut m'apporter des réserves de potion Tue-loup. »

Elle n'avait pas parlé ces dernières phrases, elle les avait craché. Elle détestait parler d'elle et se justifier, d'autant plus quand elle avait dû apprendre sa tirade par coeur, mais malheureusement deux ans en arrière et qu'elle n'avait depuis plus eu l'occasion de la réutiliser pour qui que se soit. Elle espérait donc intérieurement ne pas s'être par mégarde trompé sur un point capital, ou un détail, qui aurait put mettre la puce à l'oreille de Hawkesworth.

« Quant au fait que mon comportement ne nuira pas à mes missions, je ne vois pas de quoi vous voulez parler. Cette phrase est parfaitement discriminante. Je suis tout à fait normale. »

Sûrement se mentait-elle aussi à elle-même en arguant être normale. Il fallait dire qu'elle n'avait pas encore accepté le fait qu'elle ne l'était pas, mais peut-être n'était-elle plus très loin de s'en rendre compte...