Ce jour là, Aludra était nerveux. C'était la moindre des choses quand pour la première fois de sa vie on était investit dans un truc mangemort. D'ailleurs il était tellement nerveux qu'il fuma un paquet de cigarette à lui tout seul en moins de deux heures. Il y avait quoi au vu de l'article de la gazette : C'est vrai quoi, il avait fait parti de l'UMA, et puis il y bossait maintenant qui plus est... Non, ne nous attardons pas sur ce sujet douloureux. Vega l'avait obligé à arrêter ses études, et maintenant il devait bosser à l'endroit où il avait failli avoir un avenir, une torture de nerfs à vif pour le jeune homme. Mais, point positif, il voyait souvent son frère, ce qui lui permettait d'entretenir secrètement l'espoir de l'impressionner, un jour. Que Vega trouve qu'il n'était pas si nul que ça. C'est beau de rêver.
Aludra était sous la douche depuis un moment, en songeant au pourcentage qu'il y avait pour qu'il finisse mort, estropié, ou torturé. A vrai dire il en savait rien du tout, il savait rien de rien. Et c'était ça le plus effrayant. Mais qu'est ce qui allait se passer ? Bonne question.
Alors qu'il continuait à dépenser inutilement de l'eau chaude, il s'interrogea sur la légitimité des mangemorts, leurs idéaux tout ça. Bon, jusque là il ne s'était pas trop posé la question, si papa pensait que c'était bien, ça devait l'être. Sa mère lui avait dit et répété : Son père était un homme formidable, il devait donc avoir des idéaux tout aussi formidables, non ? Aludra ne poussa pas la remise en question plus loin, ces choses là étaient aussi claires et limpides pour lui que la nécessité de manger, ceux qui pensaient le contraire étaient des fous. Le problème c'est qu'ils étaient nombreux, ces cons là.
Il sortit de la douche – il était nu donc, ce qui signifie que le quota d'homo-érostime est rempli ! - et se dirigea vers sa chambre d'une démarche souple. Bon, maintenant, phase difficile, mais qui avait le mérite d'occuper l'esprit : Les fringues. Il allait pour enfiler sa panoplie de pute habituelle, quand soudain un détail le frappa en frôlant sa joue avec le dos de sa main : Il avait oublié de se raser. Merde ! Il ressemblait à une créature de sexe masculin ! Il y avait un an, ou peut être même moins que ça, Aludra serait retourné immédiatement se raser, quitte à être en retard. Plus maintenant. Il avait plus le temps ni le loisir d'être totalement superficiel. Là il avait plutôt toute latitude de se ronger les sangs sur l'opinion de son frère concernant sa vie et sur le fait de mourir ou pas dans d'atroces souffrances. Le soulagement de savoir qu'il avait un avenir et des idéaux (à défaut d'un violon d'Ingres) valait bien quelques sacrifices, et il enfila donc un jeans Levis noir tout con avec un T-shirt blanc tout aussi con. Bah oui, si il avait mit son uniforme d'emo alors qu'il était mal rasé, il aurait vraiment eu l'air con.
Aludra enfila sa veste, et entre le temps où il se dirigea vers la porte d'entrée et où il eu franchit celle ci, son rythme cardiaque doubla. C'était l'heure, et il flippait comme un con. Il transplana au Chaudron Baveur et couru aux toilettes vider sa vessie qui s'était remplie avec une rapidité fulgurante, pour finalement dégueuler d'angoisse. Il cracha un peu de bile, et passa cinq minutes au lavabo à se rincer la bouche pour pas puer de la gueule. Aludra se sentait très bête. C'était certes très humain comme réaction, mais il se sentait humilié. Il fallait taire la chose, il fallait que son corps ferme sa gueule. Ressaisissons nous.
Il se dirigea vers Fleury et Bott avec un air serein, quoiqu'un peu pâle. C'était un masque, et il avait l'impression que tout le monde le regardait parce que même si il s'était soigneusement nettoyé le visage et la bouche, il sentait le dégueuli. Il n'en était rien, mais ça il le savait pas, il continuait donc de flipper comme un con.
Ah, magasin en vu. Il éteignit sa cigarette sous son talon et marcha vers les deux silhouettes qui essayait de mimer de l'intérêt pour la vitrine de la librairie. Alors la fille s'appelait.... Euh... le mec... Hum... Il était sûr de l'avoir déjà vu à l'UMA pourtant, mais lui et les noms... il avait su... Rôh merde hein. Enfin il était sûr que c'était eux.

- Bonjour.

Qu'est ce qu'il était censé faire là ? Hein hein ? Il doit faire quoi ? Il avait l'air calme, mais en avait juste l'air.

L'arrivée de James tira l'étudiante de ses pensées. Elle tourna la tête faisant voler en arrière ses cheveux rouges sang, abandonnant sa contemplation de la vitrine pour faire face à au mangemort à qui elle se contenta de répondre par un sourire complice. Bien qu'elle ne connaissait pas vraiment le jeune homme, un simple coup d'oeil suffisait à savoir que James était bien le genre de personne avec qui elle pouvait s'entendre. Le regard vert de la jeune femme s'arrêta un instant sur un petit sorcier ambulant qui interpellait les passants en clamant haut et fort la qualité de ces amulettes, garanties contre les mauvais sorts.. La belle arnaque, le pire était la quantité de crétins crédules qui s'amassait autour pour en acheter. De la camelote aussi efficace contre les malédictions qu'un verre d'eau dans un incendie de forêt.

- Bonjour James.. Salua la demoiselle avant de poursuivre sa pensée à voix haute.. Je me demande ce qui se passerait si on lançait un impardonnable sur ces prétendues amulettes..

Le regard de la belle se perdit un instant dans une attitude pensive fixant un point imaginaire quelque part devant elle avant de se poser sur la silhouette d'un homme pale qui s'avançait rapidement vers eux avec l'air de quelqu'un qui ne savait pas vraiment ce qu'il faisait là.

- Ah voilà Wyrd.. murmura t-elle plus pour elle même que pour James qui voyait sans doute l'homme tout aussi bien.

Les mangemorts ne s'étaient pas vraiment concerter jusque là, la mission n'était pas difficile en soi et ne nécessitait pas de préparation préalable. Le plus simple dans un premier temps consistait sans doute à simplement poser la question au commerçant. Après tout il n'avait aucune raison de refuser de parler, sinon, il faudrait bien sur changer de méthode. Par ailleurs si le magasin n'était pas bondé, il restait quelques clients dans la boutique or il vaudrait mieux qu'il n'y ait pas de témoins du tout.. Sait on jamais, ce serait vraiment le comble de la malchance qu'un des membres de l'ordre du phénix soit parmi eux et qu'il profite à leur insu des renseignements éventuellement recueillis.

Aludra ne tarda pas à les rejoindre et les saluer. Ella se contenta de répondre au nouvel arrivant par un signe de tête, maintenant qu'ils étaient tous là, ils allaient pouvoir passer à l'action or l'Allemande n'avait pas toute la journée devant elle et préférait en finir au plus vite. Comme aucun des deux hommes ne semblaient vouloir prendre les initiatives_ si tant est qu'ils aient réfléchi à un plan.. oui les hommes sont des incapables c'est bien connu :sifle:_Ella décida de prendre les devants.

- Avant de voir si notre ami libraire a des informations à nous révéler, il faudrait s'assurer que personne ne vienne gêner la conversation. Monsieur Wyrd vous pouvez vous en occuper pendant que James et moi amenons le vendeur à l'écart ?

Dans son esprit, James et elle étant étudiants, ils avaient moins de chance d'éveiller les soupçons du commerçant que s'ils débarquaient en troupeau pour un interrogatoire et comme il fallait bien quelqu'un pour tenir les autres clients à l'écart Aludra était tout indiqué. Il pourrait à la rigueur se faire passer pour un employé du magasin et faire croire que la boutique fermait plus tôt que prévu, faire sortir les gens de force avec l'impérium ou s'arranger comme il voulait d'ailleurs. Ce serait déjà plus pratique que s'il fallait lancer un assurdiato à chaque fois qu'un nouveau client entrait.

- A moins que vous n'ayez une meilleure idée ?

Fille le salua d'un signe de tête, Mec grogna un truc qui devait signifier « bonjour » tout en le mattant comme il regarderai quelque chose sur lequel il aurait marché avec sa chaussure droite. Il y avait de quoi détendre Aludra, et si il s'écoutait, il aurait fait semblant de pas les connaître et il aurait tourné les talons. Mais il ne le fit pas, self control ! Au lieu de ça il écouta le plan de la fille avec attention (c'est qui lui ?).
Comment ça il restait tout seul à faire le videur ? Est ce qu'il avait une tête de videur ? Il se sentait un peu rejet sur le coup, mais il ne dit rien, parce que de toute façon il n'avait pas de meilleure idée. Il hocha donc la tête pour prouver son consentement. Et qu'est ce qu'il allait raconter aux gens pour pas qu'ils rentrent, hein ? Fallait que ça soit suffisamment réaliste pour que les gens le croient, mais suffisamment loufoque pour que ça fasse pas coup-monté. La galère. Quant à Mec – c'est quoi son petit nom déjà ? - il fit rentrer la fille devant lui avec galanterie (mais c'qui celui là ?). Il devait faire quoi maintenant hein ? Ben déjà vider les clients qui étaient encore à l'intérieur. Bon, y en avait pas de trop, ça devrait aller. Deux ménagères de moins de cinquante ans, en train de chercher un bouquin érotico-sentimental sans doute. Il lança avec de grandes difficultés, en se concentrant à en faire péter les veines sur ses tempes, un impérium (pas très doué en magie le pauvre), puis un second – autant dire qu'à ce stade, il était à demi-mort – et les deux femmes eurent l'irrésistible envie d'aller acheter des courgettes à cinq cent kilomètres de là. Bon c'était ni très fin ni très bien fait, mais elles sortirent, ce qui était quand même le but premier. Aludra se posta ensuite devant la porte du magasin et s'alluma une cigarette bien méritée. Rien que sa présence juste devant la porte dissuaderait la plupart des gens, trop timides pour dire « pourriez vous vous pousser s'il vous plaît ? ». Pour le reste, là, il fallait mentir. Mais quelle excuse bidon pourrait il bien inventer ? Il avait pas la tête d'un employé de librairie, d'ailleurs il n'y allait jamais et personne ne l'y avait jamais vu. Enfin l'humeur générale devait pas être aux bouquins, parce qu'il n'avait pas vu le moindre gadjo l'approcher.
Ah merde, il y en avait un.
Merde. Merde. Merde.
Que dire ?
Ah, le détail qui tue, le mec avait des chaussures qui ne datait pas de la préhistoire, il se pouvait même qu'il s'y connaisse en mode. Et de plus, il était fermement décider à rentrer. Trouver le mensonge adéquate.

- Désolé vous pouvez pas rentrer le... Fils du patron fait son Coming-Out. Là c'est lui. Il pointa Mec du doigt à travers la vitrine, il était de dos. Le type ne pourrait donc pas le reconnaître si il le revoyait. Ça prendra pas longtemps j'espère... Enfin vous comprenez quoi ? Oui il comprenait (méfiez vous des hommes qui font gaffe à leurs chaussures).

Voici le genre d'idée lumineuse qui pouvait traverser le cerveau d'Aludra. Bon, personne le saurait jamais (surtout pas Mec) et puis il avait pas été sympa en disant bonjour. A lui sa petite vengeance mesquine en le faisait passer pour gay auprès de parfaits inconnus (bien sûr Aludra ne savait pas si c'était vrai ou pas et s'en foutait profondément).
Bon, fini les conneries, il éteignit sa cigarette, fit apparaître une feuille sur laquelle il écrivit « INVENTAIRE », la colla sur la porte, la ferma, et alla voir ce que les autres neuneus faisaient et où ils en étaient. Il avait dégagé la place, il pouvait faire autre chose maintenant.

Mr. Bott ne remarqua la présence des deux autres jeunes hommes que lorsque l’un d’entre eux prit la parole. Il écouta sa requête en fronçant les sourcils.

*Ben tiens, des journalistes en herbe... Je me disais aussi que ça faisait longtemps qu'on n'était pas venu m'importuner, depuis ces militants avec leur pétition pour la sauvegarde des crabes de feu...*

C’était bien sa veine, non seulement les 3 seuls clients qu’il y avait dans sa boutique n’avaient visiblement pas l’intention de lui acheter quoi que ce soit, mais en plus ils allaient l’empêcher de s’occuper des vrais clients potentiels qui ne tarderaient pas à franchir la porte.

Il fallait vite expédier ces curieux avec leurs questions indiscrètes. Rien de bien difficile en somme, il suffisait de savoir comment tourner la réponse.
Il avait déjà lu cet article en plus, et avait trouvé fort dommage que pour une fois que son échoppe était mentionnée dans la gazette, c’était en référence à une affaire louche de délation. Pas la meilleure des publicités, la preuve, ça ne lui avait rapporté que des fouineurs et aucune hausse du chiffre d’affaire !

Oui, je vois de quel article vous voulez parler, je suis moi-même un fervent lecteur de la gazette… Mais je suis désolé mes pauvres enfants – une petite formule complaisante, après tout il s’agissait d’étudiants, ils auraient forcément besoin d’ouvrages avant la fin de leur scolarité à un moment ou un autre – la journée je m’occupe de ce qu’il se passe à l’INTERIEUR de ma boutique, je n’ai pas le temps de surveiller ce qui se passe dehors, surtout en cette période de l’année où tout le monde s’équipe pour l’année scolaire à venir ! Alors à moins que l’une des personnes impliquées dans votre histoire ne soit entrée pour faire des emplettes, il y a peu de chances pour que je m’en souvienne…

Voilà, d'après ses souvenirs l'échange avait eu lieu en catimini avant que les deux protagonistes disparaissent dans la nature, l'affaire était pliée... Un dernier regard compatissant à l’égard du trio jeté par-dessus ses lunettes, et il espérait bien qu’ils s’éclipseraient comme ils étaient venus. C’était le lot de tout journaliste après tout, de devoir rentrer bredouille.

Le vieux libraire soupira. Il était décidément trop vieux pour ce genre de choses. Les manuels scolaires, les jeunes et leur impétuosité, leurs poussées hormonales les poussant à prendre leurs désirs et leurs petites préoccupations pour des impératifs ABSOLUS devant empêcher la terre de tourner jusqu’à leur assouvissement… Tout ceci n’était plus de son âge. Cela faisait longtemps qu’il pensait à revendre l’intégralité de ses parts à un jeune loup ambitieux pour aller profiter de sa retraite sous le soleil d’Egypte, à passer ses vieux jours à parfaire ses connaissances en hiéroglyphes en sirotant des cocktails sous un soleil de plomb… Mais non, au lieu de ça il devait se débattre avec un registre de compte capricieux et trois étudiants casse-pieds. Ca lui apprendra à faire preuve d’altruisme en restant pour aider son vieil ami Fleury !

Casse-pieds, mais pas seulement, la demoiselle commençait à se faire menaçante, à trifouiller sa baguette de la sorte. Qu’avait-elle fait exactement, il ne le savait guère, mais tout ce qu’il savait était qu’il était seul dans sa boutique avec trois gamins capricieux ayant envie de jouer les gros durs.
Mr.Bott soupira à nouveau, réajustant ses lunettes avant de fixer la demoiselle. Elle avait l’assurance d’une jeune femme qui avait du être une fillette pourrie-gâtée dans son enfance, et qui avait pris, en grandissant, l’habitude d’asservir les autres avec ses charmes et son sale caractère.
Quoi qu’il puisse en être, hors de question de prendre des risques et de laisser la situation dégénérer avec ce trio infernal, quoique le troisième mousquetaire n’ait pas l’air particulièrement farouche. Enfin bref.

Il leur répondit donc, refermant son registre d’un air mi-las mi-agacé.

Ce n’est pas la peine de prendre ce ton là avec moi, jeune fille ! Je tenais déjà cette boutique alors que vous n’étiez même pas une lueur dans les yeux de vos parents ! Je maintiens ce que je vous ai déjà dit, ce jour-là je m’occupais de mes clients, je n’ai donc strictement rien vu de ce qu’il se passait à l’extérieur, déjà que j’ai parfois du mal à satisfaire tout le monde…
Je ne peux donc rien vous apporter personnellement, mais si ce registre contient effectivement des informations de la plus haute importance, il y a peut-être quelqu’un qui pourra vous renseigner… fit-il en baissant ses lunettes sur le bout de son nez d’un air malicieux.

Il sortit de derrière son comptoir, faisant signe aux étudiants de le suivre, et leur montra un tableau représentant une vieille dame à l’air assoupi qui décorait son échoppe, situé entre une étagère et la vitrine. Le petit écriteau en dessous portait l’intitulé « Beatrix Bloxam ».

Voici l’auteur des contes de crottes de crapaud, qui passe le plus clair de son temps ici, à épier ce qu’il se passe dans la rue… Elle pourra peut-être vous renseigner, mais attention, prenez garde à ne pas la réveiller de façon trop brusque et surtout ne la lancez pas sur son ouvrage, une fois partie, impossible de l’arrêter, c’est une vraie pipelette ! Sûrement pour ça que les habitués n’y prêtent plus guère attention.
C’est tout ce que je peux faire pour vous, maintenant, si vous voulez bien m’excuser, je vais retourner à d’autres types de comptes, vous savez où me trouver de toute façon.fit-il en repartant vers son comptoir, laissant les étudiants face au tableau, ronchonnant quelque chose d’intelligible dans sa barbe.

Beatrix somnolait tranquillement par ce bel après-midi d’été, trop tranquille pour remporter la manche contre l’attrait d’une bonne petite sieste, surtout à son âge…
Alors qu’elle rêvait qu’elle était en train de prendre le thé chez une de ses amies, une voix masculine la tira de ses songes.

-Miss Bloxam, s'il vous plaît ? Nous aimerions vous parler...

Hmmm ? Bloxam oui, c’était bien elle. Quelqu’un voulait-il lui parler ?.. Mais oui, tout à fait ! La sieste fut vite reléguée au second plan, et la vieille dame ouvrit difficilement les paupières.

Oui, c’est moi-même, répondit-elle à son interlocuteur inconnu d’une voix chevrotante avant d’entrouvrir les yeux. Fichue vision défaillante avec l’âge, malgré ses lunettes sa vue était toujours trouble un certain moment, le temps que ses paupières fassent la mise au point.
Peu à peu, les contours des silhouettes floues se précisèrent, révélant à la vieille dame deux jeunes hommes aux cheveux bruns et une rousse damoiselle, qui semblaient – elle n’en était pas sure, il fallait vraiment qu’elle change ces fichues lunettes – regarder vers elle.

*Chic chic chic, de la compagnie !* pensa-t-elle immédiatement, ravie de pouvoir faire un brin de causette.

Vous vouliez vous entretenir avec moi jeunes gens ? demanda-t-elle d’une voix polie, espérant de toute évidence que la réponse serait positive. Des lecteurs avec un peu de chance ?

[HJ : C'est court, et comme je pars en vacances, je vous autorise à allègrement me PNJser. ]

Meuf, elle, su prendre la parole, avec juste ce qu'il fallait de gravité et de menace sous-entendues. Il y avait presque de quoi être envieux, ça valait bien un quinze sur vingt (la perfection étant basée sur Vega, bien entendu). Le libraire répondit toute fois sèchement, c'était la moindre des choses quand une morveuse arrivait en se prenant pour la maîtresse du monde. Aludra aimait bien l'expression « vous n'étiez même pas une lueur dans les yeux de vos parents », il la ressortirait un jour, quand il serait vieux et moche. Comme le libraire.
Le vieil homme leur fit signe et ils se dirigèrent vers un... Tableau. Bon, Aludra était pas assez con pour ne pas savoir que les tableaux parlaient, mais quand même, c'était toujours surprenant à croiser comme truc (il lui en faut peu à ce petit). Le libraire présenta le sujet du tableau et fit une mise en garde : ne pas parler de son bouquin. Une fois les présentations faites, il s'en alla, laissant au jeune homme le soin d'examiner soigneusement son index, mais du doigt gauche cette fois. Ouuuuh, trop de peau s'accumulait à la base, c'était moche, il allait fal... Mais Mec l'interpela, pour une raison totalement inconnue. En plus, il fit référence à ses fesses, et c'était pas cool. Légèrement dégradant à vrai dire, et le peu de calme intérieur qu'avait pu construire Aludra pendant son long silence fut détruit. Cerveau ? Ah non, pas là.

Le jeune homme fixa longuement le coin inférieur droit du tableau tandis que Mec se mit à lui parler en le saluant poliment (dire bonjour à un tableau, mais quelle idée). En tous cas, elle avait l'air de pioncer ferme la vieille, si ça se trouve elle allait même pas ouvrir un œil et continuer à rêver de truc de vieux style violer un mineur ou s'occuper d'un caniche (les préjugés, c'est trop bien). Et bah même pas, figurez vous que les vieilles en tableau, c'est poli, et ça répond. Bah dis donc.

- Voui, voui on voudrait vous parlez s'il vous plaît.

Aludra parla d'une petite voix aiguë, tout surpris lui même d'avoir ouvert la bouche. Bah voilà ! C'était pas compliqué ! C'était la petite vieille qui avait l'air gentille, c'était magique. Un vrai miracle même. Merci petite vieille d'avoir fait sortir Aludra de l'autisme, nous vous en remercions mille fois.
Quoique.

- Et j'ai bien aimé votre livre.

Il l'avait lu quand il était petit, ça lui revenait. Mais vers huit ans quoi, il se souvenait pas du tout du sujet, mais il en gardait néanmoins un bon souvenir, le genre de souvenir qu'on peut garder d'un dimanche pluvieux qu'on a passé dans un grenier plein de poussière à lire un vieux livre dont on ne comprend pas la moitié du sujet. Enfin c'était cool quoi.
Merde.
Merde merde merde.

Faire sortir Aludra de son autisme, c'était vraiment pas une bonne idée.

Finalement elle avait du être convaincante vu que le libraire se montra plus disposé à les aider et à faire avancer les choses. Cessant de tripoter sa baguette sans pour autant la ranger, Ella laissa le bonhomme lui faire la morale sur ses manières de petite fille gâtée et capricieuse, ne jugeant pas utile de démentir, mieux valait qu'il ignore qui elle était vraiment.. Et puis la seule chose qui l'intéressait c'était les réponses qu'elle était venue chercher.. Si monsieur Bott ne savait rien, le tableau d'une vieille Beatrix Bloxam, l'auteur des contes de crottes de crapaud, qui apparemment si l'on en croyait les dire du commerçant passait son temps à regarder ce qui se passait devant la vitrine... Il fallait reconnaître pour sa défense que la vie d'un tableau n'était sans doute pas passionnante...

La ténébreuse adressa un sourire de circonstance, complètement hypocrite bien sur, au vieil homme. Comme quoi avec un peu de bonne volonté, on arrivait à avancer un peu. James s'avança le premier vers le tableau, suivit de près par la jeune femme et prit l'initiative d'aborder le portrait endormi. Nul doute que Bloxam ne dormait que d'un oeil et au vu de sa réaction, elle attendait vraisemblablement juste une bonne raison pour débiter un flot de parole sur son bouquin comme les en avait mis en garde le libraire. Beatrix avait en apparence tout de la caricature de la vieille femme bavarde, et il semblerait que pour une fois l'apparence ne soit pas trompeuse. Tout s'annonçait très bien, trop peu être..

Animé d'un soudain intérêt pour ce qui se passait, Aludra prit la parole à son tour. Ella tourna la tête vers lui, légèrement étonnée et surtout appréhendant ce qu'il allait bien pouvoir dire. Jusqu'ici il n'avait pas montrer un merveilleux talent en matière de diplomatie et de réflexion.. Après une première phrase d'une stupidité puérile, le mangemort trouva intelligent d'ajouter qu'il avait aimé son livre avant que quiconque ait pu tenter que que ce soit pour le bâillonner.. Il avait fait exprès là ? C'était pas possible autrement ! Une telle stupidité était elle simplement concevable ?? Réagissant immédiatement dans l'espoir de rattraper la connerie et limiter les dégats_en d'autre terme éviter de perdre 5 heures à écouter Beatrix blablater sur son livre_ le ténébreuse intervint aussitôt:

- Oui, c'est un ouvrage absolument génial.. j'aurais d'ailleurs des tas de questions à vous poser sur votre livre_ bien sur c'était entière faux, Ella s'en moquait comme de son premier soutien gorge, mais elle se força à prendre un air vraiment intéressé et curieux, il valait mieux laisser croire à la vielle qu'ils seraient ravis d'écouter tout ce qu'elle avait à dire dessus une fois qu'ils auront remplis leur mission, ensuite ils pourront toujours filer à l'anglaise en la laissant parler dans le vide _ mais avant, il y aurait juste une petite chose que nous devons vous demander..

Mieux valait présenter ça comme une obligation extérieure, histoire de dire que cela les ennuyait de devoir l'interroger sur cela mais qu'ils n'avaient pas le choix Ensuite il n'y avait plus qu'à espérer que le stratagème fonctionne..Poursuivant donc sur sa lancée, l'Allemande ajouta:

- Nous sommes des étudiants de l'université de magie et un échange de certains documents importants concernant l'UMA a eu lieu devant la boutique.. Vous avez peut être vu qui est derrière tout ça ? Vous nous seriez d'une grande aide si vous pouviez nous raconter ce qui s'est passé.

Cela devait lui plaire de raconter des histoires non ?

Beatrix esquissa un sourire radieux. Un fan ! Un jeune homme qui avait lu son livre, auquel elle allait pouvoir livrer son vibrant réquisitoire sur l’interdiction de son œuvre – comme si un livre pour enfants pouvait provoquer nausées et vomissements, avait-on déjà entendu quelque chose d’aussi stupide ! Il l’avait lu et semblait se porter comme un charme, ce fringant jeune monsieur…

Le portrait s’apprêta à ouvrir la bouche, prenant son inspiration pour lancer sa tirade, lorsqu’elle fut interrompue par la jeune demoiselle rousse, qui avait autre chose à lui demander avant. Continuerait-elle sur sa lancée en feignant de n’avoir rien entendu, incriminant son grand âge afin de continuer sur ce qui l’intéressait réellement ?
Elle aurait pu, mais les deux charmants jeunes hommes semblaient accompagner la curieuse demoiselle, elle risquait de les perdre si elle ne répondait pas à ses questions, et ça aurait fait 3 interlocuteurs de moins d’un coup…

Elle expira, l’air déçu, regardant la rouquine à travers ses lunettes. Qu’est ce qui pouvait bien être plus intéressant que son ouvrage ?
Résignée, la vieille dame se force à écouter la requête de la jeune fille, et soudain la lueur de déception dans son regard se transforma en éclair lumineux. Effectivement, s’il y avait bien quelque chose que Miss Bloxam aimait autant que parler de sa vie et de son œuvre, c’était de parler de la vie des autres. Les ragots, les potins, le gossip, bref, tout ce qu’elle pouvait apercevoir de là où elle était, et qu’elle observait scrupuleusement, l’analysant, l’amplifiant et… Le déformant. He oui, que voulez-vous l’inconvénient quand vos neurones n’ont plus vingt ans, c’est que vous avez quelques trous de mémoire, que vous comblez comme vous pouvez pour faire joli. Surtout quand on a une âme d’artiste, rien de mal à enjoliver un peu les choses !

Ha ça, ma petite demoiselle, si quelque chose de ce genre c’est passé devant la vitrine, il y a de grandes chances que je l’ai vu ! Je suis accrochée chez bon nombre de personnes – ce qui était passablement faux, les écrits de Miss Bloxam ayant tendance à passer de mode depuis un certain temps – mais je reste le plus souvent ici, c’est là qu’il y a le plus d’animation ! Par contre c’est vrai qu’il se passe beaucoup de choses, donc si vous pouviez l’éclairer un petit peu… La date, le moment de la journée, quelques caractéristiques sur les différents protagonistes, que je puisse resituer l’intrigue… Parce que vous savez, il y a foule de documents qui s’échangent, ici ! Un petit brun de chez Serdaigle par exemple, qui a glissé un petit bout de papier dans le sac d’une de ses camarades, une jolie petite blonde avec des tresses… Un mot doux si vous voulez mon avis, vu comment il la regardait, ça ne faisait aucun doute ! Et puis il y a aussi Mr. Stanford, qui vient régulièrement ici non pas pour acheter des livres, mais pour voir Mme. Lowett en cachette, ils pensent que personne ne peut repérer leur petit manège, comme si deux personnes la quarantaine passée passant des heures à minauder comme des adolescents devant le rayon des ouvrages pour enfants pouvait passer inaperçu, non mais vous vous rendez compte ? Mrs.Lowett a beau être mariée et mère de deux enfants, ils sont bien trop grands pour ce genre de lectures…

Une fois la machine lancée, il fallait trouver un moyen de l’arrêter, ou bien attendre qu’elle s’enraye toute seule… Et avoir quelques heures de libres devant soi, l’idylle secrète de Mr Stanford pouvant durer facilement une demi-heure à elle toute seule.

Wyrd avait recollé au peloton, mais il arborait toujours cet air perdu qui donnait à James, depuis tout à l'heure, l'impression de promener un petit frère un peu simplet... Le genre que les parents vous donnent à garder pour être tranquilles, en sachant pertinemment que c'est une machine à accumuler les conneries. Le genre à qui on doit répéter cent fois « non, touche pas ça, reste là, ne traverse pas en courant, ne lève pas la jupe de la vieille dame, ne pousse pas les aveugles dans l'escalier »... et le genre aussi qui vous force à vous excuser des tas de fois, d'un air accablé : « Désolé madame, il se rend pas compte, il est un peu... différent vous voyez ? »

Bref. James se demanda, pour la dixième fois, comment le cadet Wyrd avait réussi à obtenir la Marque des Ténèbres... Lord Voldemort n'avait pas dû avoir la grande satisfaction d'admirer sa tronche d'ado autiste, sinon le lascar ne serait plus là pour se regarder les doigts avec passion. Ou alors, le Lord avait estimé que se traîner une tronche de neuneu en vadrouille était une bonne couverture... Mouais, possible aussi. Passer autant de temps à analyser son index relevait de l'exploit, et un tel déploiement d'énergie ne devait pas sembler trop menaçant aux adversaires.

La vieille dame du tableau avait l'air contente d'avoir de la visite, et elle se réveilla bien vite, apparemment disposée à parler. James s'apprêtait à entrer dans le vif du sujet lorsque le cher Aludra jugea bon d'intervenir... pour parler du livre de la vieille. Des contes abominables, auxquels James avait eu droit étant gosse, et qui avaient nourri ses plus terribles cauchemars. Discrètement, tandis qu'Ella reprenait tant bien que mal les choses en main, le jeune Kirkby marcha sur un pied de Wyrd en soufflant un « toi, tu la boucles » sans réplique... enfin, il espérait. De toute façon, même si Aludra avait voulu parler, il n'aurait pas pu car Miss Bloxam venait de se mettre en pilote automatique et déversait sur leurs pauvres têtes toute une diarrhée verbale. James profita d'une pause dans l'exposé des amours coupables de Truc et Machin pour déclarer de l'air convaincu d'un employeur qui vient de trouver la perle rare :

-Parfait, Miss Bloxam, je vois que vous êtes la personne qu'il nous faut... Le sens de l'observation, de la mémoire, vous avez tout d'un parfait enquêteur... Car nous sommes en pleine enquête, confia-t-il en baissant la voix.

Il marqua une brève pause pour faire patienter un peu la dame, et se rappela opportunément qu'il avait lui-même pu être observé par cette vieille femme, au cours d'un duel pas particulièrement légal... L'air de rien, il se déplaça de façon à se mettre en plein dans un rayon de soleil qui empêcherait le personnage de le regarder en face, et reprit, sur un ton mystérieux :

-Vous à qui rien n'échappe- vous venez de nous le prouver à l'instant... Vous pouvez sans doute nous aider à faire éclater la vérité. Nous recherchons toutes informations permettant d'identifier les protagonistes d'un échange qui a eu lieu ici même, sur le perron de la librairie... L'entrevue a eu lieu en plein midi, très récemment... L'une des personnes portait deux gants dépareillés, et un sac ouvert se trouvait à ses pieds... D'après les premiers éléments dont nous disposons, il s'agissait de deux hommes, et ils ne se sont vus que quelques instants, sans se regarder face à face. Un tel manège a dû éveiller votre curiosité, Miss Bloxam ? Vous qui êtes si amatrice de suspense...

Un ton assuré d'enquêteur professionnel, une petite flatterie, Wyrd gardé à l'oeil, tout semblait se dérouler correctement... Restait à espérer que la vieille femme, coupée dans son élan, n'allait pas embrayer sur une autre histoire de fesses inintéressante... sinon, pouvait-on doloriser un tableau pour le faire parler ?

Inutile de préciser que Miss Bloxam était aux anges : un trio de paires d’oreilles à sa disposition pour lui tenir compagnie, qui en plus se montraient délicieusement courtoises à son égard… La vieille dame adorait se faire brosser dans le sens du poil, et il y avait fort à parier que si elle avait été un chat, on aurait pu l’entendre ronronner.

Tout à fait, le jeune homme avait raison, c’était une mission faite pour elle : l’œil vif, l’oreille aux aguets, des capacités d’analyse et de déduction digne des plus grands enquêteurs, une intrigue majeure… Tout à fait ce qu’il fallait pour quelqu’un de sa trempe.
Maintenant ne restait plus qu’une chose à faire… Se souvenir.

Hmmm, attendez, laissez-moi quelques instants, que je réfléchisse… Un après-midi vous dites ? Récemment ? Deux personnes dont une avec des gants dépareillés, voyons…

La vieille dame plissa les yeux, qui l’étaient déjà en partie à cause des nombreuses rides qui lui parcheminaient le visage.
Voyons, c’est qu’il s’en échange des choses devant cette vitrine, surtout en cette période… Des gens qui s’échangent leurs paquets… Non, décidément il y en a trop, ça va du simple colis emballé dans du papier kraft au parchemin en passant par le paquet de bombabouses… Les gants dépareillés, voilà, ça sera plus facile à identifier, heu…

Un moment de silence, pendant lequel Miss Bloxam leva les yeux au ciel, l’air visiblement absorbée dans sa réflexion, marmonnant des choses difficilement intelligibles dans sa barbe, le tout ponctué par le tic tac d’une horloge se trouvant entre deux étagères voisines.

Hmmm, il y avait bien cette jeune fille, mais … Non, elle ne portait qu’un seul gant sans doigts, sans doute un effet de mode douteux… Cet homme ? Non, il était en train d’essayer ses protections de quidditch flambant neuves, en vrai peau de dragon je me souviens, elles ont du lui coûter une coquette somme si vous voulez mon avis, d’ailleurs c’est comme ça que j’imaginais ceux de Fleagann, le héros de mon prochain ouvrage. Non, décidément ça ne pouvait pas être ça, quelqu’un ayant un goût aussi certain ne peut décemment pas être impliqué dans une affaire aussi sombre ! Est-ce que je vous ai parlé de mon prochain ouvrage, il s’agira de l’histoire d’un joueur de quidditch ayant décidé de chasser les dragons, Fleagann le valeureux ?

Non Beatrix, ce n’était pas la question, ne nous égarons pas, se reprit la vieille dame toute seule, dans un surprenant sursaut de lucidité. Un échange, des gants… Oui, il y avait bien cette personne, mais j’ai de la peine à me souvenir… Est-ce que ses gants étaient blancs et bleus ? Ou bien jaunes et bleus ? A moins que ça soit vert ?... De toute façon, curieuse habitude de porter des gants en laine à une période pareille, une belle paire en flanelle claire pour tea time ou une garden party à la limite, mais des choses si grossières en laine, et pour faire des emplettes… Les jeunes manquent cruellement de goût à notre époque, c’est fort regrettable, d’ailleurs j’en parlais l’autre jour avec Mme Wess et….

La vieille dame avait baissé graduellement le son, et avait fini par marmonner pour de bon des choses totalement obscures pour nos trois comparses, mais qui en revanche avaient l’air de la passionner grandement. La mode est un sujet intemporel pour les ladies, après tout.

Hmmm ?

Beatrix fut brusquement tirée de son monologue sur ce qu’il était de bon ton de porter en cette saison par la question de la jeune femme. Ralala, ces jeunes, toujours pressés, jamais le temps de rien, toujours aller droit au but par le chemin en ligne droite alors qu’il est pourtant si agréable de flâner sur les petits sentiers sinueux… Bref, il allait falloir leur répondre, il est toujours dangereux de prendre le risque de lasser son auditoire, le public est un ami infidèle : tant qu’on le captive il est avec nous, mais le moindre signe de faiblesse et pfuit ! Plus rien, tout le monde s’en va.

Le journaliste disiez-vous ? Il s’agit bien de la personne aux gants dépareillés devant le sac ? Oui, je me souviens maintenant, une personne avec un gant bleu céruléen et l’autre jaune canari si mes souvenirs sont exacts, à moins qu’il ne s’agisse d’un jaune moutarde ou bouton d’or…
Enfin je me souviens d’elle parce qu’elle a attendu un certain moment devant la vitrine, celui qu’elle attendait n’avait pas l’air très à cheval sur la ponctualité, quel manque de respect, si vous voulez mon avis une personne bien élevée se doit toujours de respecter ses horaires !
Je peux donc vous dire avec certitude que la personne qui attendait était une femme, la quarantaine approximative, les cheveux bruns relevés en queue de cheval mal faite, comme si elle avait tenté de se rajeunir en se faisant une coiffure inhabituelle, qui ne la mettait pas vraiment en valeur je dois dire… Elle avait donc des gants, et une paire de lunettes accrochée à l’encolure de sa chemise, qui était dans les tons parme. Elle a attendu un petit moment, puis après réceptionné son document, elle est repartie prestement.

Pour l’autre personne, c’est plus difficile à dire, étant donné qu'elle n'a fait que passer en coup de vent. Les cheveux mi-longs d’un châtain tout à fait banal lui recouvrant le visage en plus d’une énorme paire de lunettes de soleil lui donnant l’air d’une mouche…

La vieille dame se gratta le menton d'un air perplexe, trifouillant visiblement dans ses souvenirs plus de la première fraicheur.
Cette personne avait l’air plutôt jeune et marchait de façon voutée. Elle était vêtue d’un t-shirt blanc plutôt ample et d’un blue jeans troué au genou. Je ne m’étendrais pas sur ce que je pense de ce genre de tenue vestimentaire informe, négligée et sans aucun style, mais je dois avouer qu’avec un ensemble aussi… Quelconque, je ne saurais dire s’il s’agissait d’un mâle ou d’une femelle, quoiqu’il en soit cette personne était tout à fait androgyne. Une mode curieuse que ce mélange des genres vous ne trouvez pas ? De mon temps, les hommes étaient virils hommes et les femmes de vrais miladys ! A tout mélanger ensemble, on se retrouve avec un ensemble homogène et sans saveur, vous ne trouvez pas ? demanda la vieille femme, guettant la réaction de son trio de choc.

Du coin de l'oeil, James surveillait ses compagnons ; Ella semblait contenir à grand-peine une envie irrépressible d'étrangler Aludra avec l'élastique de son slip, et elle ne cessait de lui lancer des regards furibonds. De son côté, Wyrd semblait totalement indifférent au vaste monde, et James se demanda s'il avait su, un instant durant, pourquoi il était là, ou s'il avait simplement vu de la lumière... Bref. En plus d'interroger une vieille folle plus bavarde qu'un cent de pies, il fallait s'assurer que ses collègues Mangemorts ne s'entretuaient pas. Flegmatique comme tout bon Anglais, James n'éprouvait que très vaguement l'envie de massacrer Aludra ; il était comme détaché de ces contingences matérielles, dont son collègue faisait partie. Le jeune homme réservait toute son attention à Beatrix Bloxam, dont la mémoire était bien meilleure qu'elle ne voulait bien le dire. Il n'avait fallu que quelques instants, entièrement meublés de paroles à peine audibles, pour que la vieille dame en vienne à ce qui les intéressait : l'échange de documents, les deux personnes en présence. La description était précise, riche en détails, mais n'apportait que peu d'éléments pour l'identification des protagonistes... James soupira, mais s'efforça de répondre sur un ton cordial :

-Eh bien, Miss Bloxam... Je reconnais bien là le sens du détail d'un grand auteur... Vous nous livrez une description incroyablement précise ! Franchement, si tous les enquêteurs pouvaient compter sur des témoins comme vous... Reprenons un peu les choses, s'il vous plaît... Vous n'avez pas tort lorsque vous parlez du mélange des genres qui se fait actuellement. Beaucoup d'hommes aujourd'hui s'amusent à ressembler à des femmes, et inversement, et on ne sait plus à qui on a affaire... Apparemment, c'est le cas de la personne qui nous intéresse. Si je résume : cheveux mi-longs, châtains, allure androgyne, démarche voûtée. Des vêtements informes, de mode moldue, et de grosses lunettes de soleil. Aucun autre détail ne vous revient ? Un tatouage, des bijoux apparents, une cicatrice, un objet quelconque ?... Nous devons absolument identifier cette personne, c'est absolument essentiel, Miss Bloxam ! C'est un individu probablement dangereux... Si nous pouvions être certains, au moins de son sexe, notre enquête serait grandement facilitée...

À demi-mot, le jeune homme se faisait passer pour un policier, il en utilisait les mots, et donnait ainsi de l'importance à une enquête totalement privée. D'un regard, il s'assura qu'Ella adoptait le stratagème, mais ne put capter le regard vagabond d'Aludra. Laissant Beatrix Bloxam réfléchir, il se tourna, de façon à voir la rue du point de vue du tableau, et put apprécier le champ de vision qui s'offrait à la vieille dame ; incomplet, et un peu amoindri par les reflets des portes vitrées. Dommage ; si elle avait pu voir davantage de choses, elle aurait sans doute donné tous les détails possibles. Reprenant sa place, James se pencha vers Ella, et murmura :

-Tu sais qui ça me rappelle, cette description ? Un être à cheveux longs de sexe indéterminé ? Vega Wyrd, souffla-t-il avec un sourire, en vérifiant d'un coup d'oeil qu'Aludra n'entendait rien- le type pouvait être mécontent qu'on se moque d'un frère pour qui il semblait avoir la plus grande admiration.

Le portrait fronça les sourcils, dubitatif. Il leur fallait encore plus, ralala, ces jeunes, jamais satisfaits, donnez-leur la main, ils vous demanderont le bras ! Mais bon, puisque cette information semblait d’une importance capitale, elle pouvait bien faire un petit effort de concentration…

Laissez-moi réfléchir un instant, voyons… Les cheveux… Sales, à n’en point douter, mais pas de colifichet dessus ou autres signes distinctifs… Les lunettes, noires, assez immenses, mais ne laissant rien transparaître des yeux. En ce qui concerne la poitrine hélas, je ne peux vous dire, la posture ne laissait rien transparaître à ce niveau là, il peut très bien s’agir d’un jeune homme ou d’une demoiselle envers qui dame nature se sera montrée peu généreuse… Le jean, les chaussures… Non, rien, vraiment...

Miss Bloxam sembla se perdre dans ses pensées quelques instants, bougonnant quelques bribes de phrase dans sa barbe, avant de reprendre de façon audible, l’air illuminé comme si elle avait mis le doigt sur la trouvaille du siècle :

Ha, mais si, attendez, je me souviens maintenant, sa main, cette personne avait une sorte de grosse chevalière au doigt, à gauche, non, droite, ou peut-être gauche… Bref, il s’agissait d’une chevalière en argent de taille assez conséquente, qui avait un motif assez tortillonnant dessus… Serpent, dragon, salamandre, je ne saurais dire, à cause de la distance, en tous les cas une bête assez filiforme. Pour les ongles, je ne saurais dire, rien de très remarquable, très certainement aussi négligés que tout le reste, voilà, vous m’en voyez navrée mais je ne saurais vous dire grand-chose de plus sur cette personne !

La vielle dame avait visiblement l’air déçu, comme un chevalier qui n’aurait pas mené à bien sa mission, qui aurait sauvé la mauvaise princesse ou ramené la queue du dragon au lieu de sa tête. Mais qu’espérer de plus lorsqu’on n’est qu’une vielle peinture représentant une dame d’un âge certain dont l’esprit aventureux n’avait jamais dépassé les contes traumatisants qui avaient jailli de sa plume ?