Quand on a pas de bol, on a une tasse [PV Cudacier puis NB]

Musquée, boisée et enivrante, l’odeur si particulière de la boutique se mêlait sans discontinuer au parfum plus acre et violent des produits d’entretien. La lumière vive et froide perçait à travers les vitres parfaitement transparentes et régulières de la large pièce pour éclairer avec douceur les quelques clients qui s’affairaient à leur recherche du balai le plus performant et adapté à leurs besoins possible. Et malgré la période estivale tous étaient heureux de rentrer à l’intérieur pour se couper du froid et du vent. Le temps était fou selon les moldus mais le temps répondait à bien d’autres exigences encore que leur pollution puérile et précaire. Dans ce brouhaha de voix et de bruits Lellia semblait pourtant sereine, elle arrivait à répondre à la moindre question, à la moindre exigence en moins de temps qu’il n’en fallait pour dire « Voldy à pwaaaal » quoi de plus normal lorsqu’on baignait depuis toujours dans l’univers si particulier du Quidditch ?

Ces dernières semaines de vacances n’avaient en rien altéré l’apparence physique de l’adolescente qui ressemblait de plus en plus à une jeune femme, son port de tête droit et volontaire, ses muscles fins et dynamique, sa démarche affirmée, tout ne révélait qu’une personnalité particulièrement prononcée et pourtant réprimée. Réprimée par son statut, réprimée par les événements qui se déroulaient, réprimée par son désir conscient et humiliant de plaire à une famille qui l’avait autrefois oubliée. Parce qu’à présent tout était différent, et cela avait plus à voir avec la résurrection du Lord qu’elle n’aurait pu l’imaginer. En effet, à peine avait-elle son diplôme en poche, ce dont elle était toujours autant étonnée d’ailleurs, qu’un être qu’elle aurait pu oublié se rappela à son bon souvenir. Son père, celui qui l’avait élevé, celui qui l’avait déshérité, celui qui avait arrêté de lui écrire et ne lui avait plus donné signe de vie pendant presque cinq ans était réapparu. Si au départ elle avait plus été effrayée que réellement ravie, les choses à présent étaient bien différentes. Celui qu’elle se rappelait sévère et distant se montrait finalement bien plus chaleureux et attentif qu’elle n’aurait jamais pu l’imaginer. C’était si flagrant que malgré ce qu’elle savait sur lui et ce qu’elle soupçonnait, elle avait finit par vivre à nouveau avec lui et à le redécouvrir. Bien entendu les choses étaient encore difficiles mais étrangement leur relation semblait bien plus aisée qu’auparavant. Sans doute les différents changements qui s’étaient également produits chez la jeune fille n’y étaient pas totalement indifférents. La dernière fois qu’elle l’avait vu, elle n’avait que 11 ans et criait à qui voulait l’entendre qu’être une Gryffondor était la plus grande fierté de sa vie et que jamais elle n’aurait pu être une Serpentard, chose qu’elle savait parfaitement comme étant fausse mais à 11 ans on a qu’une idée en tête se démarquer un tant soit peu de ses parents surtout quand ceux-ci ne vous parlent plus parce que vous êtes justement ce que vous êtes. Mais à présent, elle voyait bien que peu de choses la séparait réellement de ce qu’elle haïssait, souvent à son arrivée à Poudlard on l’avait d’ailleurs prise pour un serpent, son désamour des autres maisons, son attitude défensive souvent confondue avec de la méchanceté et les multiples aventures dans lesquelles elle avait atterrie lui avait conféré à l’époque une sérieuse réputation de fausse Gryffondor. Des soupçons qu’elle avait balayé quelques temps après en se montrant suffisamment solidaire avec les siens contre les autres maisons. Cependant, encore aujourd’hui elle arrivait à se trouver plus de points communs avec les verts et argents qu’avec les membres de sa propre maison, déjà son statut de sang pur issu d’une famille composée uniquement d’anciens Serpentards et même parfois de mangemorts lui avait conféré des habitudes de vie, de langage et de culture bien plus proche d’eux qu’elle ne l’aurait voulu. Finalement, seule sa volonté de ne pas tomber dans un tel cliché l’avait mise à l’abri d’une telle dérive.

Une volonté qui semblait étrangement sur le point de vaciller cependant. En effet, alors même qu’elle se considérait comme orpheline son père était revenu et lui avait fait une nouvelle place dans la grande famille qui était la sienne. Et pour une raison plus qu’étrange ceux qui l’avaient toujours haïs s’étaient montrés bien plus ouverts et compréhensifs. Certes, ils s’étaient copieusement moqués de ses notes aux BUSEs (il faut dire qu’elle avait obtenu des bonnes notes dans des matières quelque peu honteuses : soins aux créatures magiques, botanique, étude des moldus, histoire de la magie,….) mais ils n’étaient jamais allés jusqu’à se montrer méchant comme ils avaient pu l’être auparavant. Dévorée par la curiosité Lellia avait donc cherché à savoir d’où leur venait ce soudain élan de sympathie et la seule réponse qu’on lui avait apporté était : qu’ELLE avait changé et qu’ELLE était à présent digne d’eux et de son nom. Perturbée par cette réponse elle l’avait pourtant accepté et cherchait à présent à leur plaire en ne portant que des couleurs qu’ils affectionnaient, faisant quelques remarques qu’ils appréciaient sans jamais aller jusqu’à se perdre elle-même. De toute manière, elle avait suffisamment côtoyé les moldus durant les années précédentes pour savoir que malheureusement la plupart des choses que l’on disait à leur propos étaient vraies. Cependant elle n’allait jamais jusqu’à bafouer sa maison ou celle qu’elle était réellement, certes elle pouvait être influençable mais pas jusqu’à ce point non plus. Et comme elle ne pouvait supporter l’idée de se faire payer quoi que ce soit par des gens qui ne lui avaient rien apporté durant des années, elle avait obtenu la permission de se trouver un travail, la seule condition étant que ce soit dans le chemin de Traverse, ce qu’elle accepta promptement puisqu’il était hors de question qu’elle travaille une fois de plus au milieu de moldus débiles et bruyants.

Sa réputation de joueuse de Quidditch n’étant plus à faire dans le magasin qui était dédié à son sport favori, elle obtint de manière rapide un poste de vendeuse dans ce dernier. Enfin vendeuse et aussi bonne à tout faire étant donné qu’elle était chargée de tout faire. La propriétaire du dit magasin étant tout bonnement partie se la couler douce sur une île au nom imprononçable des Caraïbes. Le début des vacances était donc bien entamé quand un nouveau week end pointa son vilain nez, et les clients également, nombreux et bruyants ils avaient tous des questions plus stupides les unes que les autres et Lellia n’était pas toujours d’une très grande amabilité pour leur répondre. Cependant, ce jour ci semblait être son jour de chance puisqu’au détour d’un présentoir elle se retrouva nez à nez avec Mark Linton, le tout jeune nouveau joueur des Canons de Chudley, soit très exactement l’équipe dans laquelle elle était sensée avoir fait un stage de 4 mois l’année précédente, âgé d’à peine 1 an de plus qu’elle, il était cependant bien plus grand et carré qu’elle ne le serait jamais, muette sur le moment elle ne manqua pas de rattraper le retard en le questionnant autant qu’elle le pouvait sur la saison à venir. Le jeune homme apparemment heureux de sa toute récente popularité répondait longuement à l’adolescente tout en en rajoutant quelque peu sur ses performances personnelles. Enfin après quelques minutes de cette interview improvisée il lui demanda s’ils avaient le dernier balai à la mode customisé par Brad Twining, répondant par l’affirmative, elle fonça dans le magasin avant de revenir les bras chargés de balais aux couleurs criardes et….de donner un grand coup à quelqu’un avec. Voyant le jeune attrapeur rire devant cette maladresse, la Gryffondor se retourna en riant de la même manière et en s’excusant de bien piètre façon.

« Ouuuuups, excusez moi je ne l’ai vraiment pas fait exprès, je ne vous avais pas vu… »

Chose qui était vraie mais malheureusement ses excuses risquaient de ne pas être suffisantes…

Ils l’avaient gagné cette putain de coupe. Et avec plus de 600 points d’avance. De quoi faire taire les derniers détracteurs les accusant encore et toujours de tricherie. Il faut dire qu’ils s’étaient tous donné à fond dans la dernière ligne droite, tellement la motivation avait été forte. L’idée de donner les deux coupes aux Bouffondors était tout simplement impensable (à gerber plus précisément), sachant les défaites cuisantes qu’ils avaient dû essuyer pour la coupe de Quidditch.

Maria, la bonne de la jeune McLane, était la première à se réjouir de cette victoire. Elle savait en effet qu’en cas d’échec, la jeune barbie allait devenir insupportable et passer ses nerfs sur elle pendant les deux mois d’été. Le seigneur avait dû avoir pitié d’elle pour l’épargner d’un tel désagrément. Ce fut donc avec un grand soulagement qu’elle accueillit la blondinette le jour de son retour au Manoir. Son intuition ne lui avait d’ailleurs pas fait défaut car la princesse miniature fit preuve d’une courtoisie inédite à son égard, allant même jusqu’à lui proposer de finir SON thé. Du jamais vu.

Les jours passèrent et Précieuse retrouva peu à peu son caractère de poupée pourrie gâtée. Elle fit d’abord une fixation sur les Bizarr’Sisters et harcela sa mère jusqu’à ce qu’elle lui obtienne un passe droit pour les coulisse du prochain concert de Londres. Puis elle voulu rénover toute sa garde-robe car « Mettre une tenue deux jours de suite c’est pour les loosers ». Les paquets provenant des boutiques de luxe ainsi que les aller-retour chez Tissard et Brodette se firent de plus en plus fréquent, tant et si bien que la bonne ne savait plus ou donner de la tête. La dernière lubie de la mini-mannequin était d’avoir un nouveau balai, « le plus rapide qui existe sur terre » évidemment. Son ancien balai, le Nymphéa, conçue sur mesure par un designer expert en balai de compétition et sensé rivaliser avec l’Eclair de Feu, ne lui convenait plus. Quand son père lui rappela qu’elle avait surement le meilleur balai de toute l’école, Précieuse fit la sourde oreille. Si elle n’avait pas été douée pendant les matchs de l’année, c’était forcément la faute du balai. La possibilité qu’elle soit dénuée de talent pour ce sport n’était même pas envisageable.

Après plusieurs caprices et pleurnicheries, son père céda et ordonna à Maria d’emmener Précieuse sur le chemin de traverse pour lui trouver un nouveau balai. Il lui donna une bourse de 5000 gallions pour qu’elle soit certaine de trouver son bonheur. Autant dire qu’à ce prix là, elle pouvait carrément acheter la collection complète du magasin.

Quand Précieuse arriva devant le magasin d’accessoires de Quidditch, elle s’arrêta un bref instant devant la vitrine dans le but d’observer un peu les dernières nouveautés. Mais des petits imbéciles pas plus hauts que trois pommes avaient leur nez collés contre la vitre ce qui lui masquait la vue des balais en exposition. Agacée, la riche héritière s’avança vers eux et les bouscula sans ménagement, se créant une place de choix pile devant le meilleur balai de la boutique.

« Non mais ça va pas de pousser les gens comme ça », commença un gamin d’une dizaine d’année, un filet de bave dégoulinant de la commissure des lèvres.

« Oh la ferme le mioche ! Tu ne pourras jamais l’avoir ce balai alors ravale ta salive et va pleurer dans les jupes de ta mère », affirma sèchement Précieuse sans lui accorder un regard, son yeux rivés sur le balai luisant.

Elle profita du départ du gamin pour regarder les autres enfants qui l’entourait d’un air menaçant. Son air sévère et hautain fit son petit effet car ils prirent tous la poudre d’escampette, laissant la blonde seule devant la vitrine. Elle croisa le regard de reproche de sa bonne mais se contenta d’hausser les épaules. Elle était la reine ici, pas question qu’un débile congénitale de 11 ans essaye de faire passer sa loi.

Puis, lassée de rester comme une potiche devant la vitre, elle demanda à Maria d’aller lui acheter une robe pendant qu’elle se décidait à entrer. Après avoir franchi le palier, son regard se retrouva immédiatement hypnotisé par… Mark Linton, le nouvel attrapeur des Canons de Chudley. Elle avait vu sa photo à plusieurs reprises dans Quidditch Mag. Sans compter qu’il avait été élu « Meilleur joueur du mois » dans le dernier numéro de Sorcière Hebdo. Il fallait absolument qu’elle aille lui parler ! Il était accoudé au comptoir et semblait attendre quelqu’un. Peu importe qu’il soit occupé ou non, quand elle lui dirait qu’elle est la fille du célèbre Mordred McLane, il ne pourrait pas lui refuser une petite interview. Après tout, tout le monde connaissait son père…

Rejetant sa cascade de cheveux en arrière, la blonde platine s’avança d’une démarche féline vers le célèbre attrapeur quand un idiot aveugle la bouscula, la faisant légèrement trébucher. Elle fit attention de ne rien abimer en se raccrochant à une étagère puis fit face au mystérieux imbécile qui n’avait pas les yeux en face des trous. Elle commença à rouspéter puis ‘arrêta net en comprenant qui se trouvait à moins un mettre d’elle. Elle déglutit et faillit avoir une crise cardiaque en voyant Windfall, ses paquets à la main, qui en plus de l’avoir renversée semblait connaitre Mark Linton. C’était le pot aux roses.

*Bon va falloir jouer malin si elle connait Linton…*

La blonde oublia momentanément l’air hautain et froissé imprimé sur son visage et offrit à la mégère son plus beau sourire, dévoilant des dents trop blanches pour être naturelles.

« Lellia ! Quelle bonne surprise ! » dit-elle en se jetant sur la Gryffondor pour lui faire la bise, laissant à la brune l’occasion de faire asphyxie de parfum tellement elle avait forcé sur la dose. « Tu te plais ici ? Y’a pas trop de boulot ? »

Puis, tout en gardant son sourire hypocrite sur le visage, elle recula légèrement sa main manucurée en arrière et poussa innocemment l’étagère en équilibre jusqu’à ce qu’une pile de balai s’effondre sur le sol, provoquant un son assourdissan dans tout le magasin. Mark étant toujours dans les parages, elle continua son petit manège.

« Oh que se passe-t-il ? » demanda-t-elle l’air de rien, d’un air faussement choqué. « Je crois qu’on va te laisser ranger tout ça Lellia, on ne voudrait pas te perturber dans ton travail, pas vrai Mark ? Je peux vous appeler Mark ou préférez vous Mr Linton ? »

Puis, après avoir envoyé discrètement un regard narquois à Lellia, elle s’avança vers l’attrapeur et lui tendit la main, la bouche en cœur.

« Je suis Précieuse McLane. Vous connaissez surement mon père Mordred, il est directeur du département des mystères…Alors comme ça vous êtes la dernière recrue des… »