Le Deal du moment : -20%
Xiaomi Poco M6 Pro (8 Go / 256 Go) Noir
Voir le deal
159.99 €

Partagez
 
 In nomine Jezabelis {fini}
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptySam 14 Mar - 23:09:32

16 Avril 1997, 19h30. Bilan : on ne peut venir à bout de la gangrène qu’en amputant le membre malade, faute de quoi l’infection se propage et empoisonne de pourriture les parties saines. La demoiselle jeta un bref coup d’œil à son mari, lequel bavardait gaiement à l’autre bout de la tente de gala dressée dans l’herbe de leur propriété singulièrement animée en ce début de soirée festive. Geoffrey et sa morale souffreteuse avaient les premiers contaminé le nom qu’elle portait, à l’instant même où ce grand idéaliste des causes populaires avait décidé d’épouser sa chère Rosaly, amie fidèle de ses premières années à Poudlard, brunette replète au cœur tendre et au sang bourbeux. Cette poule obèse faite pour la couvée lui avait pondu cinq marmots, qui en plus de laisser des traces disgracieuses de leur passage sur son corps bedonnant, avaient dispersé la décadence du sang, maladie chronique de l’espèce sorcière, détestablement vulgarisée. Trois siècles de patrimoine soigneusement entretenu fauchés en quelques minutes par cette série de copulations contre nature, malheureusement fécondes.

Les yeux clairs de la jeune femme glissèrent sur les profils des convives et se heurtèrent au regard sombre du puîné des bactéries impures issues du germe Rosalien : Martin. Avec l’autre poison d’Elliot et l’incurable Melody, Jezabel l’avait tout de suite pris en grippe. Au côté de sa génitrice, dont l’imposante présence n’interpellait pas vraiment la jalousie de sa successeuse et l’aurait autant indifférée que la hausse de la mortalité pouline chez les centaures n’était toutes les vilaines choses que le grosse Rosaly avait déballées sur elle, le jeune homme de dix-sept ans se crut futé d’entamer un duel de regard à celui qui flancherait le premier avec sa belle-mère. Que c’était mignon à cet âge de rébellion un garçon…

Baillant ostensiblement, Jezabel détourna la tête et croisa vivement les jambes en rapprochant sa coupe de champagne de ses lèvres maquillées sans faire mine d’en prendre une gorgée. En vérité, elle n’avait pas touché une goutte d’alcool de la soirée. C’était un peu sa façon de boycotter l’évènement fêté en cette douce fin de journée printanière. Oui, Jez faisait de la résistance. Que les rejetons de son mari fussent de sang mêlé était déjà quelque chose, mais elle n’y était pour rien. Maintenant, que l’un d’entre eux décide de viser encore plus haut dans la dégénérescence et de boucler la boucle en se fiançant avec une fille dont le sang était aussi sale que celui de sa mère biologique, c’était un déboire qu’il aurait plutôt fallu pleurer et non applaudir. Combien parmi les invités trouvait cette alliance détestable ? Où que se posa son regard, ce n’était que visages jovials et conversations animées. Ici et là un rire fusait au dessus du léger brouhaha des voix réjouies et de la musique environnante aussi légère que l’air extraordinairement tiède de ce prélude à la nuit, ce ciel bleu violine qui bientôt se piquerait d’étoiles. Elle avait vraiment l’impression d’être la seule à percuter la tristesse de la situation.

Les voiles blancs du pavillon tremblèrent sous l’effet d’une brise légère qui recouvrit de petits dômes frileux la peau nue de la française en exil. Sa robe fendue haut sur la cuisse laissait passer aussi bien les regards pervers que les vicieux courant d’air et l’étole de soie blanche qu’elle resserra contre ses épaules découvertes n’était qu’une maigre barrière face à ce désagréable coup en traître du climat pourtant agréable. Amère, la sorcière s’empara d’un scone parmi ceux artistiquement déposés dans une coupelle immaculée et croqua à belle dent dans sa pâte dorée recouverte d’une fine couche de confiture. Myrtille. Mouais. Jez zieuta les cousines de la petite pâtisserie en enfournant la deuxième et dernière bouchée. Elle s’était interdit de porter le moindre toast aux tourtereaux du déshonneur, mais il faudrait bien une caisse de sucreries pour faire passer ce "traumatisme".

Mâchonnante, elle sélectionna un gâteau à la garniture d’un beau rouge vif prometteur et releva le regard en même temps que son scone convoité vers ses papilles gustatives alléchées pour l’engloutir dans sa totalité. C’est dans ce pur moment de noble grâce qu’elle intercepta l’air amusé d’un homme dont la chevelure noire ressortait sur les pants de la tente. Rosiessante, elle porta une main à sa bouche, mais aurait été plus avisée de se cacher derrière son étole car le scone gobé tout rond accentuait le relief de sa joue gauche. Un sourire bien plus perceptible dans sa physionomie que sur ses lèvres jouait sur le visage de cet homme d’âge mur, une expression égayée qui ne semblait pas à sa place sur les traits accentués de Mr Moriarty. Peut-être n’était-elle pas si seule tout compte fait…

Au milieu des fortunés bien pensant, il devait être l’unique à connaître sans nuance le passé de rapace traîné par Jezabel. Lui savait que Geoffrey n’avait pas anobli une prostituée ramassée dans un bouge miteux, ni cédé au savoir faire d’une croqueuse d’hommes fortunés. Il savait qui elle était, ce qu’elle avait fait, car ils avaient travaillé main dans la main, et savait comment le destin de Geoffrey avait croisé le sien pour finalement décider de rester sur la même route tortueuse. C’était lui qui avait mis le providentiel Mr Wilford sur son chemin, et sans cette chance inouïe, elle serait morte ou tout comme à l’heure de fêter les fiançailles de son beau-fils et de sa sang de bourbe. Il n’avait pas favorisé cette rencontre par charité, oh non, la miss Morden de l’époque n’ayant alors pas encore rencontré Rod Jugson, et se portait donc aussi bien que ses activités harassantes le lui permettaient. Arcadius Moriarty avait simplement été le premier bon numéro d’une suite gagnante.

Déglutissant des parcelles de gâteau, elle le salua de son verre intouché. Il était peut-être au courant de ses occupations réelles, mais elle connaissait bien ses opinions qu’il n’avait jamais pris la peine de lui cacher. A quoi bon prétendre aimer les rats quand vous venez acheter un kilo de raticide ? Malheureusement, aussi proches que soient leurs idées, elle ne lui avait jamais fait le moindre effet et ce n’était pas cet homme de grande naissance qui aurait jeté à la rue femme et enfants afin de lui faire une place dans son lit. Encore moins si elle s’était présentée aussi éclopée que Geoffrey l’avait retrouvé. L’idée d’être utilisé aurait supplanté ses sentiments et certainement l’aurait-il laissé se racornir et mourir. Une bouffée d’étrange gratitude vint étreindre le cœur de la brune étudiante pour son mari, qui prenait maintenant son fils aîné par les épaules.

Les mâchoires de Jezabel se contractèrent lorsqu’elle aperçut qui était l’objet de sa bonne humeur : la future parasite qui pondrait sur les branches de leur arbre généalogique d’autres parasites. Et le pire ! Sachant jusqu’où allait la tolérance de Geoffrey, elle n’avait pu rien dire ! Elle ne s’était permise que ce désapprouvement muet, ce simulacre d’opposition que personne n’avait dû noter ! Tous les principes ségrégationnistes ingurgités avec le lait maternel refaisaient surface au travers du courant impétueux de ses pensées indignées. C’était "ça" qu’on voulait lui coller comme belle-fille ?! Et elle devrait gentiment laisser cette impure venir partager l’auréole d’un nom qu’elle aurait bientôt honte de porter ?! Ah, non !!!

La jeune femme en colère reposa violement sa flûte sur la petite table ronde qu’elle était seule à occuper, quelques gouttes de champagne ambré entachant la nappe aussi blanche que la robe épousant ses formes discrètes. Elle louvoya entre les tables et les convives insouciants et fila rageusement vers l’imposante bâtisse à bonne distance du joyeux pavillon.

Une sang de bourbe ! Au nom de quoi ?!


Dernière édition par Jezabel Wilford le Dim 10 Mai - 21:21:10, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyDim 15 Mar - 15:48:41

HJ : Cafard Sad

*Les gens sont bizarres.*

Constata le Serpentard alors qu’il poussait précautionneusement la porte d’une chambre qui n’était pas la sienne. Vraiment…En ce jour deux jeunes gens allaient prononcer leurs engagements et échangeraient un couple d’anneaux. La voie royale vers le mariage que l’on pouvait développer comme suit : un rejeton de bonne famille à moitié pur allait faire des petits avec une fille dont le plus proche ascendant sorcier ayant pu lui transmettre la capacité de jeter des sorts devait remonter aux hommes préhistoriques qui domestiquèrent la magie du feu en frottant des baguettes sur de la paille il y avait quelques 790 000 ans. Et ça n’inquiétait personne ? Un tel écart dans l’évolution rebutait autant Adrian que l’idée de marier un être humain et une guenon. A moins que Mr Wilford se décide à concevoir un héritier digne de son nom avec sa nouvelle épouse, cette famille semblait irrémédiablement destinée à se perdre comme tant d’autres de leur condition.

Mrs Wilford numéro deux…Les rumeurs allaient bon train sur sa tête couronnée de cheveux fous. A part celle, très romanesque, qui la désignait comme la noble héritière en fuite d’une lignée finlandaise, ou celle excellemment drôle qui en faisait la fille hybride d’un incube et d’une vélane, aucunes n’étaient agréables à entendre. Il s’en trouvait toujours un pour croire qu’elle était en réalité Anna Frost, la mante religieuse mystérieusement veuve de six maris, quand ce n’était pas Angélique Drumond, pourtant incarcérée l’année dernière après avoir assassiné les quatre enfants mâles qu’elle avait mis au monde.
On se demandait d’où sortait cette épouse secrète inexplicablement tombée dans la vie d’un homme sans histoires, modèle de droiture et, caractéristique rare des employés du ministère, honnête. Les ragots volèrent, non seulement sur ses origines réelles, mais aussi sur ses intentions vénales et ses techniques discutables de séduction, mais pas la moindre certitude ne put être avancée. Le mystère Jezabel Wilford continuait de captiver la ménagère et les adolescents pubères. Deux catégories aux antipodes de sa personnalité mûre et raisonnable, bien entendu…

Ce furent d’ailleurs ses capacités de réflexion avancées qui lui firent comprendre que cette pièce confortablement meublée et dotée d’un grand lit en son milieu n’était pas les cabinets.

Adrian aurait pu faire marche arrière. Il aurait pu et même dû, sa bonne éducation l’y obligeait. Sa main aux longs doigts pâles hésita à actionner la poignée en sens inverse et à refermer cette porte sur les secrets que contenait une chambre de femme. Une femme qui était très probablement la maîtresse de maison et à qui il convenait de ne pas manquer de respect en fourrant son nez indiscret dans des affaires intimes qui ne concernait que son mari. Mais par simple curiosité incorrigible et absolument détachée, le troisième année se permit une meilleure appréciation du charmant panel de lingerie éparpillée sur le lit, félicitant inconsciemment Mrs Wilford pour ce plaisant trait de caractère. A moins que ce ne soit les fantaisies préférées que son mari aimait lui voir porter ? Ou la petite dentelle de Mr Wilford lui-même ? Non voyons, il était bien trop large pour enfiler un de ces bas sans le craquer.

Adrian cligna des yeux dans la semi obscurité de la pièce. L’image d’une jambe poilue glissant dans un bas transparent parasita sa chaste vision innocente le temps d’une pensée complètement détraquée et incontrôlée.


*Mais qu’est-ce que c’est que ça ? C’est inepte !*

Qu’est-ce qu’il lui arrivait d’imaginer des choses aussi stupides et dégoûtantes ? Ce n’était que des bouts de tissu sans intérêt, après tout, et visiblement taillés pour un corps de femme gracile. S’étant lui-même dégoûté avec cette horrifique pensée de l’honnête employé du ministère travesti, il s’apprêtait à faire marche arrière et à oublier les sous-vêtements diaboliques sur leur édredon, afin de satisfaire son besoin naturel avant qu’une autre idée de la même eau vienne lui donner la nausée. Quand un point aussi lumineux que l’œil d’un félin, là, sous l’ombre du lit aux culottes affriolantes, le transperça et le cloua sur place de surprise et de crainte subite.

Saisi d’un très mauvais pressentiment le jeune garçon exécuta lentement un pas de repli que la chose interpréta très justement comme de la fuite et donc comme un signal d’attaque. Une boule touffue s’élança hors de sa cachette et le jeune Moriarty n’eut que le temps de sortir sa baguette et de refermer à moitié la porte pour éviter la collision avec la créature feulante. L’animal s’encaissa brutalement contre le bois qui lui servait de rempart, mais se reprit à une vitesse fulgurante et se faufila de moitié dans l’embrasure de la porte, prouvant qu’il n’était pas obèse sous cette touffe de poils mouchetés. Adrian essaya de le coincer pour le viser sans le rater et surtout pour s’éviter un coup de patte acérée, mais l’animal déchaîné crachait et grognait en se débattant comme un diable, avec une force surprenante pour un chat, aussi gros soit-il.

Les mains moites du Serpentard assez paniqué par cette agression d’une violence ahurissante laissèrent filer la poignée de la porte et la bête s’engouffra prestement dans la nouvelle ouverture. Il évita de justesse d’être lacéré par les griffes du monstre, qui trouèrent tout de même la toile de son habit. Déterminé à ne laisser qu’une charpie de l’unique fils des Moriarty, le félin chargea de nouveau, obligeant le jeune homme encore plus pâle qu’à l’ordinaire à sauter dans la chambre qu’il venait de quitter.

Alors qu’il allait courageusement appeler à son secours, les crocs de la bestiole pugnace se refermèrent sur la chair tendre de son mollet pour ne plus le lâcher, même plutôt décidés à se forer un chemin jusqu’à l’os pour le ronger. La première réaction du Serpentard aux yeux voilés de douleur fut de chercher à faire lâcher prise à l’horrible créature, ce qui lui valu une longue griffure sur les doigts. Puis derrière l’affolement idiot, son esprit logique reprit les commandes. La boule de poils avait peut-être les crocs plantés dans sa chair avec la puissance d’un étau, mais au moins elle ne bougeait plus.

Toute sa détermination à ne pas sortir cul-de-jatte de cet affrontement projetée dans son sort, le Vert et Argent pointa la masse velue de sa baguette et lança un :


-Incarcerem !

Qui neutralisa la petite saloperie dans la seconde et libéra son mollet de sa prise. Pour un temps seulement. Ce démon de l’enfer découpait déjà ses cordes, crachant de plus belle, son œil unique braqué sur le visage défait du jeune garçon avec un éclat rougeoyant qui lui promettait de ne laisser que les os sur sa noble carcasse. Adrian le battit de vitesse et pétrifia le fauve avant qu’il n’eut tranché ses derniers liens.

Immensément soulagé de voir la bête s’immobiliser babines retroussées sur la corde qu’elle tranchait, le Serpentard se laissa choir au sol pour souffler. Son soulagement fut de trop courte durée, cependant, car il se rendit compte que derrière le tam-tam sourd de son cœur des pas légers montaient à sa rencontre. Ses yeux pers se clorent de lassitude dépassée.

Comment expliquer ce qu’il fabriquait là si jamais il s’agissait de la Mrs Wilford venue faire il ne savait quoi dans sa chambre ? Il avait certes amoché le chat de la famille, mais ce truc l’avait blessé sauvagement ! Il allait carrément ouvrir cette porte et aller demander des comptes aux Wilford ! On ne gardait une bestiole pareille que dans une cage d’acier aux barreaux électriques ! Toutes les circonstances étaient de son côté ! Oui bien sûr...Il visitait des chambres où traînaient des dessous féminins. Et il voyait parfaitement la Wilford mettre ce détail sur le tapis associé d'une tentative de vol ayant déclanché l’attaque du félin de garde, tant qu'elle y était. Il imaginait déjà les lueurs menaçantes d'un tel combot ramener au polaire les iris glacés d'Arcadius Moriarty.

Dans le doute d’être pris au beau milieu de la chambre à coucher par la mauvaise personne, il attrapa le chat par sa queue pelée et le tira avec lui sous le lit. Son père écorcherait la peau que l’animal avait laissé indemne si son fils se retrouvait pris dans une histoire aussi désordre...Il n'arrivait pas à déterminer le pire entre des accusations de voyeurisme/vol et le fait qu'il n'ait pas été capable de maîtriser un chat.


*J’ai honte.*

Mais personne n’en saurait jamais rien.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyLun 16 Mar - 0:04:52

HJ : niarkhéhé

Dans sa hâte désordonnée, Jezabel se débarrassa de ses chaussures à talon comme d’autres donnent un coup de pied à un postérieur détesté. Les escarpins voltigèrent à travers la longue pièce d’entrée et patinèrent sur le carrelage marbré jusqu’à ce qu’un achoppement stoppe leur glissade dans des directions opposées. Son pied aussi rencontra un obstacle. Ses cinquième et quatrième orteils morflèrent de plein fouet sur le métal froid du guéridon de la grand-tante Ailís, qui n’avait pas pu décéder sans leur refourguer la moitié de son bazar. Les orteils douloureux aussitôt ramenés dans ses mains, la jeune femme se répandit dans une suite d’imprécations véhémentes, non contre son faux-pas, mais contre la couillonade de la vieille loque en cendres dans son urne.

-Ah quelle connerie !, s’emporta la française, à l’époque heureuse d’engranger des biens gratis, Et quelle conne ! Chiotte ! Ah, ça fait mal ! Holàlà !

Punie !

Une voix détestable résonna entre les parois de son crâne, une voix claire, une voix inconnue qu’elle attribua pourtant à l’esprit de Callista. Il n’y avait qu’elle pour avoir ce genre de théories bancales sur le rapport de cause à effet entre la mauvaise intention de base et la punition entraînée. Selon le principe des menteurs censés se mordrent la langue à chaque fois qu’ils se préparaient à sortir une hypocrisie. Ce qui ne devait jamais arriver qu’au maladroit ou bien n’être qu’un mauvais concours de circonstance, comme maintenant. Si jamais une justice à l’affût se chargeait de remettre tous les mal-pensants sur le droit chemin de la pensée dès qu’ils envisageaient un coup fourré, que devrait-elle faire des assassins ? Un type comme Rod Jugson aurait déjà dû être étrillé jusqu’au sang pour le laver de ses crimes avec son sérum vitale. Nan, si la justice existait, sa vie n’aurait jamais pris de telles bifurcations traîtresses. Et l’ignoble couleur jaune n’aurait jamais dû se voir sur cette terre.


-Ah non, toi, c’est pas le moment !, gronda-t-elle, féroce.

Non, elle n’était pas encore arrivée au point d’entendre des voix qu’elle croyait réelles ou logées dans son cerveau. Et sa sœur aînée n’avait jamais assez apprécié ce monde pour y rester l’éternité d’un deuxième round post-mortem. Callista avait probablement fait son dernier voyage cette nuit d’automne. Cette voix qu’elle entendait, cette réponse qu’elle avait aboyé, il s’agissait simplement des dernières réminiscences de son existence passée, de ses anciennes habitudes destinées à se perdre puisque tous ceux avec qui elle les avait partagées étaient morts. Loin de les regretter, elle espérait les voir disparaître rapidement. Ces routines en commun avec des macchabées avaient un petit côté non seulement morbide, mais aussi déprimant.

Jezabel renifla et écrasa une larme accrochée à ses cils menaçant de s’écouler sur sa joue. Elle papillota afin de chasser la buée voilant sa cornée et baissa ses yeux verts sur le bout de ses pieds rougies. Le verni nacré s’était écaillé aux points d’impact.

Elle reposa précautionneusement son pied nu sur le carrelage froid et resta un moment dans la pénombre, ses doigts pianotant un air vif sur la céramique du guéridon lui servant d’appui. Avec une dernière tape sur l’héritage mal placé de la grande-tante Ailís, l’étudiante s’élança vers les étages supérieures de la demeure.

Pourtant son bel élan se brisa net devant la porte de sa chambre secondaire. La main suspendue au dessus de sa poignée sans y toucher, elle observa l’entrebâillement de la porte qu’elle était certaine d’avoir correctement enclenchée un peu plus tôt dans la journée. Jezabel jeta un coup d'oeil à droite et à gauche du couloir, prête à reculer au moindre frémissement suspect dans les ombres. Elle avait été prise par surprise bien trop de fois pour ne pas redoubler d’attention, et ce en n’importe quel lieu.

Rien. Apparemment.

Du revers de la main, la sorcière poussa doucement le battant en grand, son regard criblant les reliefs noirs et bleus des objets dans l’obscurité, à la recherche d’un profil suspect dans la projection d’une étagère contre le papier peint ou le modelé étrange d’un bibelot familier.

Tout semblait en place sans meurtrier embusqué sous la moquette.

D’un petit mouvement circulaire du poignet, elle alluma l’ensemble des lampes présentes dans la chambre, leurs lueurs orangées créant une atmosphère tamisée. Mal à l’aise à l’idée de rester avec toute cette noirceur dans son dos, beaucoup plus sombre depuis que la pièce était éclairée, elle ferma du talon la porte donnant sur le couloir. Petite, elle avait toujours détesté les longs corridors obscurs des allées vides du château. Traversée seule ces galeries, d’où pouvait surgir n’importe quel danger d’une porte close ou béante sur des ténèbres plus sinistres encore, faisait alors battre son petit cœur d’enfant dans sa poitrine. La peur du noir. Elle n’avait jamais réellement pu s’en débarrasser mais elle l’avait surmonté.

Une ritournelle sans parole s’imposa à elle et la sorcière se mit à fredonner un couplet tout en farfouillant dans un tiroir de commode pour découvrir une tache d’encre sous les tombereaux de collants légers et bas en tout genre. Elle appliqua le bout de sa baguette sur la petite marque bleue et prononça des paroles dans sa première langue que peu de gens savaient parler, cet idiome de secret que les autres prenaient pour un baragouin archaïque. Ils n’avaient pas tort et cela lui servait bien.


-E pep tra e klask ped den
Tennañ begig e spilhenn.


Le fond du tiroir coulissa et son contenu caché fut dévoilé. Jez effleura du bout des doigts les aiguilles et épingles dissimulées depuis longtemps derrière leur panneau de bois. Bien qu’elle ait raccroché son tablier de bonniche depuis sa première rencontre avec Jugson, il lui restait de quoi faire le ménage. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas renoué avec ses anciens tours, bazardés, soldés sur le marché de l’Allée des Embrumes, ses recherches ésotériques, son ingéniosité vendues au plus offrant pour une cause à présent disparue.

Jezabel s’empara d’une aiguille au cache pointe vert. Et hésita. N’était-elle pas en train de s’aliéner une nouvelle fois, de tout recommencer comme naguère à présent qu’elle était libre ? L’argent n’avait jamais été que le moyen et non le but recherché. Elle s’était vouée à sa famille, à son ancien nom qu’elle avait refusé de voir souillé. Referait-elle la même erreur à présent ?

Avant d’avoir pu trouver une réponse en son esprit, la plante de son pied perçut une sensation humide sur le molletonné du sol. Résistant à l’impulsion de relever sa jambe pour jeter un coup d’œil au liquide poissant sa peau, elle continua de reculer jusqu’à apercevoir quelques gouttes grenat visibles sur les brins veloutés du revêtement de sa chambre. Son souffle s’accéléra légèrement, pourtant elle refusa de se laisser aller à l’agitation. Ce qui n’était jamais gagné avec elle. Quelqu’un était venu ici. Et y était peut-être encore. Peut-être dissimulé sous un sort d’invisibilité, peut-être caché dans l’armoire, peut-être sur le dais du baldaquin à observer le moindre de ses gestes…Un sourire crispé fit tressaillir ses lèvres. Et pourquoi pas sous le lit ?

La jeune femme considéra le matelas surchargé de lingerie à jeter. Son mari les avait trop vu. Lentement, elle glissa l’aiguille entre l’anneau de son alliance et sa peau. Si quelqu’un il y avait, ce n’était sans doute qu’un invité fouinard. Peut-être une de ces jacasses à la langue trop pendue sur sa vie. Elles s’enhardissaient si elles allaient jusqu’à donner dans l’effraction amatrice. Quoi qu’il en soit, la perspective d’en coincer une, seule à seule, galvanisa la sorcière. Et pour dégager la place, elle avait le sortilège idéal.

Sa baguette faucha l’air dans un grand arc de cercle, brassant autant de vent qu’un mistral sec et violent soudainement descendu du nord pour balayer la pièce. Le lit pivota de travers, sa tête heurta durement la table de nuit qui bascula avec sa lampe, laquelle roula jusqu’aux cheville d’une Jezabel, raide comme la justice qu’elle se proposait de rendre. Autrement dit, avide de choper l’intrus(e)…Et un adolescent à moitié planqué sous les lattes de son plumard apparut devant ses yeux coléreux. Incrédule, indignée de s’être autant bilée pour un boutonneux, Mrs Wilford poussa un cri à mi chemin entre le rugissement de la panthère et l’oiseau de proie fondant sur sa victime.


-C’est pas vrai, j'vais te faire la peau !!! Même pas la peine de tenter une bonne excuse, le morbac ! Qu’est-ce tu foutais sous mon pieu ?! , explosa-t-elle en le relevant par le col, sa baguette enfoncée dans sa joue blême, Et j’te conseil pas d’me mentir sinon j’te passe par la fenêtre et tes parents auront qu’à r'coller les morceaux, sale merdeux ! , continua-t-elle en le secouant sur le même volume de décibel.

Spoiler:
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyMer 18 Mar - 20:54:38

Le chat touffu en guise d’oreiller, Adrian patientait. L’espace réduit où il s’était faufilé ne lui permettait pas d’ausculter sa jambe blessée qui commençait à le lancer méchamment mais, comme un homme, il serrait les dents. Il ne pouvait qu’attendre que les pas se décident à se rapprocher ou à s’éloigner pour savoir s’il pouvait sortir de sous le lit. Or, il n’entendait plus rien, comme si la personne s’était arrêtée devant la porte et la fixait bêtement. Pourtant il n’y avait qu’une seule option, face à une porte. Qu’est-ce qui n’allait pas ? Les Wilford avaient invité des manchots ? Des manchots imbéciles alors, elle n’était même pas fermée correctement, il suffisait de pousser…

La bouche du Serpentard béat stupidement les cinq secondes où son esprit demeura paralysé sur ce constat. Mais oui ! La porte ! Elle était close lorsqu’il était entré dans cette chambre ! De honte, il enfouit son visage dans la fourrure de l’animal pétrifié.


*Stupide, stupide, stupide, strupide…*

A sa décharge, refermer une porte au nez de l’arrivant n’aurait pas fait croire à une pièce inoccupée et n’aurait donc pas été plus intelligent. Il était prisonnier d’une situation absurde, quoi qu’il tente. C’est alors que la porte, objet de toutes les craintes, coulissa sur ses gonds et Adrian tendit le cou en cherchant à voir sans être vu. Est-ce qu’on allait rentrer finalement ? Est-ce que la personne se doutait de quelque chose ? Peut-être qu’il pouvait tenter une autre cachette en se déplaçant dans les ombres, un truc plus proche de la sortie ?

L’illumination soudaine de la chambre le fit sursauter et se raccrocher au pelage jaunâtre du chat comme mort, ses projets d’évasion avortés. Alors qu’il n’était pas encore découvert, et ne tenait pas à le devenir, le Vert et Argent se sentait fait comme un rat, réduit à guetter les moindres bruits, à anticiper sans pouvoir rien faire de toute façon, le tout en tremblant qu’on le découvre.

Il avait choisi cette solution pour l’impunité, pour dévier le risque d’une correction exemplaire. Certainement pas pour qu’on lui tombe dessus. S’il avait voulu affronter la situation, il se serait fièrement dressé au milieu de la pièce, le chat pétrifié brandit à bout de bras par sa queue, et aurait bêtement attendu que les ennuis le trouvent. Ça c’était un truc de Gryffondor. Qui en plus avait Papa Gâteau comme géniteur et non Mr Moriarty Senior.

Il vit des pieds nus s’avancer sur la moquette et une voix de femme se mit à chantonner. N’ayant rien d’autre de plus sensé à faire, l’adolescent chercha à déterminer à qui pouvait bien appartenir ses pieds, son regard suivant fidèlement leur parcours. Avec la robe blanche qui les balayait, Mrs Wilford restait la première possibilité envisageable. Qui d’autre se sentirait aussi à l’aise en pénétrant dans une chambre qui n’était pas la sienne ? A part lui ? Le Serpentard n’osa pas avancer le bout de son nez pour vérifier l’identité de la personne, mais il était à quatre-vingt-dix pour cents sûr d’être en présence de la propriétaire des petites dentelles éparpillées sur les draps. Apparemment, si la porte entrouverte l’avait interloqué, elle avait l’air de ne plus y prêter attention et l’adolescent relâcha la pression. Elle ressortirait certainement dans cinq minutes et il pourrait reprendre sa recherche des lieux d’aisance comme s’il n’avait jamais failli être dévoré vif par un félin mutant.

L’élève de Poudlard en était là de ses réflexion quand il entendit distinctement le bruit que faisait un tiroir quand on l’ouvre. Allait-elle se changer ? Il amorça un mouvement tout ce qu’il y avait de spontané vers le rebord du lit où il aurait une meilleure visibilité avant de se rendre compte de ce qu’il était en train de faire. Mais…qu’est-ce qu’il lui arrivait depuis tout à l’heure !? Elle pouvait bien se promener toute nue avec des jarretelles autour de la tête qu’il n’en aurait été ému pour rien au monde, dixit la partie réflexive de son être. Elle n’était pas du tout, mais alors pas du tout son genre : trop brune, trop vieille, trop tout. Il n’avait pas la moindre chance avec elle.


*Mais non !*

En fait ce qu’il voulait se dire, c’était que trop de choses les séparaient pour que cela puisse jamais coller entre eux.

*Non, non plus !*

En réalité, il était sans doute rentrer sans s’en rendre compte dans une phase critique de la période adolescente où n’importe quelle créature féminine serait susceptible de nourrir sa curiosité. Surtout lorsqu’elle était aussi jolie, chose qu’il se refusait de reconnaître, mais un démon intérieur s’en chargeait pour lui. Finalement, il n’avait peut-être pas la mauvaise place ? Etre coincé dans l’intimité d’une charmante personne pourrait être intéressant, et pas seulement pour de ridicules délires adolescents. Bon, à moins qu’elle ne se mette à parler toute seule, il ne risquait pas d’en apprendre plus sur elle et personne ne dialoguait avec soi-même à part les clients de Ste-Mangouste…Mais si jamais…

"E pep tra e klask ped den
Tennañ begig e spilhenn."


Tiens. Elle parlait Gobelin ? C’est vrai, quand une jeune femme épousait un vieux barbon on se disait souvent qu’elle n’en voulait qu’à son argent ou qu’elle n’était pas assez intelligente pour se faire un chemin dans ce monde dallasien impitoyable sans vivre aux crochets de quelqu’un. Un bon point pour Mrs Wilford qui sortait du stéréotype de l’entretenue sans instruction puisqu’elle étudiait déjà à l’université de magie avancée. Elle gagnait sûrement à être connue en dépit de cette étrange alliance avec un homme d’au moins vingt ans son aîné s’il leur faisait grâce des unités.

*Ah, son vernis c’est écaillé.*

Et avant qu’il n’ait pu baisser la moyenne générale de l’épouse Wilford, une bourrasque soufflée de nulle part le roula sur le côté, le félin dans une main et une touffe de moquette dans l’autre. Trop surpris pour trouver le temps de paniquer (il se rattraperait dans quelques secondes), le Serpentard retourné comme une crêpe hors de sa poêle constata le net éclaircissement de son horizon. Hébété, son esprit ne put se remettre à fonctionner assez vite pour lui signifier qu’il était à découvert, peinant déjà sur la question du « Mais qu’est-ce qu’il vient de se passer ??? ». Un son qui annonçait tout un tas de choses horribles pour son cas lui fit décrisper ses poings, et c’est les mains vides qu’il se retrouva remis d’aplomb face à Mrs Wilford métamorphosée en harpie. Des tréfonds de sa peur, il trouva encore assez de jugeote pour camoufler entièrement le corps du chat en l’envoyant rouler sous le lit d’un coup de pied un peu vif.

*Pas mon visage !*

Pria-t-il silencieusement en sentant la baguette de la sorcière en furie s’enfoncer dans sa joue au grain de peau encore lisse comme un bébé. Dans quelques temps, la puberté commencerait vraiment ses ravages et il l’attendait de pied ferme, mais il doutait qu’une lotion traitante réussisse à recoller des bouts de son visage. D’instinct, il ouvrit la bouche pour sortir une bonne excuse qui pourrait amadouer la brune sauvageonne et lui épargner de se faire dépecer par la maîtresse du félin équarisseur…

"Même pas la peine de tenter une bonne excuse, le morbac !"

…Et la referma aussitôt. Morbac !? Les sourcils d’Adrian se froncèrent autant que le lui permettait son front anxieux. Il avait tout de suite vu qu’elle était d’un mauvais genre cette Mrs Wilford. A coup sûr, son époux l'avait cueilli dans le genre d’endroit où les parasites rendaient dingues. Jamais il ne s’était fait autant insulter en si peu de mots ni n’avait été autant brusqué de façon aussi surexcitée. De la part de la jeune femme, il s’était attendu à être sermonné, mais pas à se faire traiter de tous les noms et menacer. Ce qui le déprimait vraiment, c’était d’imaginer que son père prendrait le relais dans son style. Le troisième année releva les mains comme un bandit arrêté et plaida sa défense :

-Je n'ai rien fait, je le jure !

Il faillit ajouter "Ne tirez pas" à la suite de ses paroles creuses, mais il se mordit la langue. Que pouvait-il bien inventer maintenant ? Il préférait lui donner rapidement des raisons de se calmer avant qu’elle ne lui fasse dégringoler les étages montés. Ce n’était peut-être qu’une menace en l’air, mais il ne voulait pas tester la limite des excès sous le coup de la colère.

-Je ne voulais rien voler ! Je n’ai touché à rien ! Je jouais à cache-cache avec ma petite soeur !

De cinqs ans son aînée et en première année d'étude à l'UMA...
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyDim 22 Mar - 17:36:26

Phalanges ankylosées sur le col du fouineur, Jezabel fixait toujours le jeune garçon avec hargne. Ses yeux rageurs attisés par la colère passèrent sa face blancharde aux rayons scrutateurs, leur clarté habituelle aigrie en vert acide et inquisiteur dépassant de loin l’intensité meurtrière de l’Avada Kedavra. Donc, si elle croyait en la demie sincérité de ces explications, il y avait potentiellement de un à une ribambelle de mouflets en train de transformer sa magnifique demeure meublée de plein de jolies choses coûteuses, précieuses, irremplaçables et vulnérables en children’s square !? L’image apocalyptique d’une nuée de morveux s’ébattant à travers les pièces de sa maison comme dans une aire de jeu la frappa de plein fouet : des gnomes baveux accrochés à ses rideaux hors de prix, suspendus aux tringles fignolées de chez Applebaum’s Decoration, leurs doigts poisseux de sucre gras collés aux vitres, aux papiers peints, occupés à renverser des antiquités dans leur course folle au milieu de sa résidence retournée, chamboulée de désordre. Mais plus que ce chimérique chaos infernal, que son petit chez elle, le lieu de son intimité, fût gangrené à son insu de démons braillards lui déplaisait encore plus brutalement. Ils n’avaient pas assez des massifs piquants de roses du jardin pour jouer à cache-cache, ces sales mioches ?!

La politique laxiste de son mari consistant en un tour de clef dans des serrures magiquement protégées contre les intrusions aurait pu la rasséréner, seulement tout le monde était supposé rester dehors, en conséquence, il ne devait y avoir que leur chambre et son bureau hors de portée des petits ravageurs et autres fureteurs. On sentait tout de suite la tranquillité d’esprit de celui qui n’avait rien à cacher, ce qui n’était pas le cas de son épouse.
Et puis, ce n’était pas le genre de Geoffrey d’interdire aux mouflets de cavaler partout dans les couloirs, même s’ils n’avaient plus d’Elfe de Maison pour récurer les traces de terre, le Ministère tardant à leur retrouver un serviteur depuis la mort subite, mais pas surprenante si on s’appelait Jezabel, de leur laborieuse Mitzy. Soit disant qu’ils étaient d’avantage préoccupés par l’époque troublée. Ce qui n’était somme toute qu’une excuse facile et honteuse pour en foutre encore moins qu’avant, en plus de fournir la preuve de leur incapacité, enfin dévoilée. Leur manque d’organisation les rattrapait et ils étaient dépassés, même face aux demandes les plus simples à satisfaire. Elle attendrait longtemps le jour où la tête balafrée de Jugson lui serait apportée sur un plateau par son nouvel elfe domestique. C’était sûrement ça, ils attendaient de choper le Mangemort pour pourvoir lui faire un lot économique.

Le regard assombri à la considération de ses projets qui n’étaient pas près d’aboutir, la demoiselle retira lentement sa baguette de la joue du garçon aux cheveux noirs, plongée dans une réflexion saisie au hasard de celles se bousculant pour monter à sa conscience. Comment s’était-il blessé ? Etait-ce bien son sang qui avait entaché la plante de son pied ? Et disait-il vraiment la vérité ? S’il était venu en exploration, même sans l’idée de se remplir des poches sûrement déjà assez fortunées, ce n’était pas vraiment ce qu’on avouait tout de go. Elle le savait. Elle aussi, elle avait gambadé dans des couloirs interdits et avait dû s’inventer des raisons innocentes issues de méninges qui ne l’étaient pas.


-Mouais…

Perplexe, suspicieuse, elle observa attentivement les traits de l’adolescent qui ne devait pas être bien vieux, mais pas si jeune non plus. De son pouce, elle retraça l’axe sous la pommette encore marquée de l’empreinte de sa baguette en lui tournant délicatement le visage de côté, sourcils froncés et expression fermée. Ce n’était pas la première fois qu’elle voyait cette mine pâlotte. Et cette reconnaissance renforçait sa méfiance.

Elle se rappelait du garçon, de son visage plus enfantin alors, qu’elle avait déjà reconnu il y avait deux ans de cela, pris dans le faisceau délateur de sa baguette entre les tombes grises d’un cimetière. Aux mêmes heures du soir, car à l’horloge des marmots l’heure convenue du crime coïncidait avec celle de rencontrer Morphée et s’avançait en prévision de ce rendez-vous de minuit, mais par une tardive froidure hivernale qui contrastait avec la nuit clémente honorant ces retrouvailles, peut-être annonce de meilleurs auspices pour le jeune imprudent. Son prénom, elle l’ignorait, ou plutôt s’en souvenait vaguement, un petit nom plaisant rimant en "âne" au terme de trois syllabes harmonieuses. Ce devait être Alexian. Ou Adrian. L’unique et dernier descendant d’une lignée au nom voué à disparaître, dissimulé par les liens sacrés et machistes du mariage, s’il arrivait malheur au petit mâle de la portée, le seul apte à pouvoir transmettre les chromosomes Moriarty avec le nom certifiant leur noble origine. Chose banale toutefois inaccessible à sa sœur, qui avait bien plus l’âge de se retrouver cachée sous les draps que sous le lit en lui-même. Donc, ce petit rat de salon mentait.

Jezabel rejeta sa baguette sur la courtepointe damassée et joignit ses mains fraîches sous le menton du garçon, formant une coupole qui s’évasait sur les joues imberbes de son jeune intrus. Le bout de ses doigts effleurèrent les mèches noires de ses tempes avant de se rabattre en serre, égratignant la peau claire sans la blesser. Et lui ? Savait-il ? Avait-il pu la distinguer avant d’être ébloui par la lumière agressive de son sortilège ? Avait-il pu reconnaître sa voix lorsqu’elle avait crié ? Pourrait-il associer la cachectique Absynthe à l’élégante Mrs Wilford ? Elle-même était loin de se douter de ce qu’elle deviendrait, de ce qu’elle serait aujourd’hui. Si on lui avait dit que le mariage avec un homme de bien si fortuné l’attendait…Encore éprise de la sonorité vide de son nom certainement qu’elle aurait ri. Elle mariée. C’était bon pour Callista. Même si l’idée avait plus d’une fois effleuré son désespoir comme une solution facile, mais qui dévoilerait rapidement leur état de pauvreté à présent soignée puisque tous étaient au-delà des contraintes matérielles de ce monde.

Son regard pensif plongé dans l’acier vert-de-gris de celui du fils d’Arcadius, elle sourit légèrement, presque inconsciemment, bien décidée à lui extirper la vérité.


-Tu as grandi. Mais tu es encore un peu jeune pour que je te cache sous mon lit.

Les prunelles attentives de Jezabel scrutaient avec une acuité soutenue le visage du garçon, prêtes à intercepter le moindre frémissant des sourcils, le moindre pli au coin des lèvres.

-On dirait que tu as une tendance précoce à fréquenter des endroits compromettants pour un jeune homme de bonne famille…et la fâcheuse prédisposition d’y être bêtement découvert. Pas sans dommage, cette fois. Comment t’es tu fait bobo, mon chaton ?, demanda-t-elle d'une voix ronronnante, mais manquant de chaleur.


Dernière édition par Jezabel Wilford le Lun 27 Avr - 19:44:33, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyLun 23 Mar - 14:40:17

"Mouais" ? "Mouais"…Qu’est-ce que cela voulait dire ? Qu’il obtenait le bénéfice du doute ? Ou qu’il se prenait les deux pieds dans la barrière de soupçons érigée par la jeune femme en plein saut pour atterrir dans sa crédulité ? Adrian était toutefois soulagé de ne plus se sentir étouffé sous le poids du regard assassin qu’elle posait sur lui, sans quoi il serait ressorti de cette pièce avec son estime personnelle dans les chaussettes. Plier devant un regard n’était déjà pas évident, mais l’humiliation était encore plus dure à encaisser lorsqu’il s’agissait des beaux yeux d’une femme. La différence d’âge n’étant tout ou plus que de cinq ou six ans, exactement le même écart d’années qu’entre lui et sa soeur aînée. Merlin savait s’il n’avait jamais plié face à Venus. Comment aurait-il pu frimer devant elle quand une de ses congénères lui avait fichu l’Ego parterre avec le seul pouvoir de ses yeux verts ?

Heureusement, paralysé comme il l’avait été par les yeux de cobra braqués sur lui, il n’avait pu ni ciller ni fixer le bout de ses chaussures vernies et s’était limité à observer son reflet immobile dans les iris menaçants de Mrs Wilford. Il avait croisé les doigts mentalement pour que l’orage passe sans le foudroyer, et il était passé, le laissant aussi peu reluisant qu’un chien ayant subit l’averse, mais indemne. Au moins n’avait-il pas hurlé à la mort, ni couiné, ni jappé, ni aucune autre action indigne qui l’empêcherait de trouver le sommeil ce soir. Il pouvait recommencer à penser logiquement. Et se disait qu’il l’avait finement joué sur ce coup là.

Un très discret sourire triomphant fit tressaillir ses lèvres. Il était passé près d’ennuis cuisants, mais une fois encore il les avaient éloignés. C’était sûr, elle relâchait la pression et arrêtait de lui forer un trou dans la peau tendre de sa joue avec sa baguette. Peut-être qu’il devrait lui dire qui il était ? Il y avait une petite chance pour qu’elle s’excuse de son comportement absolument déplacé à son encontre…Sérieusement, elle s’en était pris à lui comme au fils boiteux d’un pochtron irlandais en train de déposer des bombabouses sous son noble lit. Un peu plus, et elle aurait pu lui tirer l’oreille ou une ânerie du genre. Mais ce n’était rien, il serait grand prince. Elle avait très certainement les nerfs fragiles et il lui avait fait une peur bleu, pauvre Mrs Wilford. On lui avait toujours dit de ne pas se moquer des moins favorisés, ce serait l’occasion de faire une première à l’application de cette règle de conduite.

Le Serpentard était déjà préparé à l’étape de réconciliation qui ne manquerait pas de suivre, mais la sorcière fit encore une fois capoté ses réflexions. A l’encontre de ses prévisions, elle fit quelque chose de tout à fait inhabituel et d’un peu...étrange. Elle continuait à le regarder comme si elle eut voulu peindre son portrait et restait sur ce qu’il convenait d’appeler la défensive. Au lieu d’un sourire, d’un mot d’excuse, il sentit son pouce caresser sa peau là où sa baguette s’était imprimée dans sa chair, tandis que de l’autre main elle lui faisait pivoter le visage. Le jeune garçon ne résista pas, même s’il était de toute évidence réticent à l’idée d’être manipulé par n’importe quelles mains que se fussent, aussi doux et subtil soit leur toucher.

Elle semblait calmée pour de bon, ça, c’était le point positif et inaltérable sur lequel il devait se baser pour réfléchir à cette situation qu’il trouvait étrange sans trop vraiment savoir pourquoi. Peut-être le contraste entre le branle bas de combat de tout à l’heure et ce quasi état de stase contemplative. D’ailleurs avait-il enclenché un sortilège de garde ou quelque protection du même style pour qu’elle décide de tout retourner dans sa chambre ? L’entrebâillement de la porte l’avait-il dénoncé à lui seul ? Des questions qu’il serait intéressant de poser lorsqu’il saurait pour de bon ce qu’elle lui voulait en l’auscultant de la sorte.

Lorsqu’elle eut un mouvement pour jeter sa baguette sur le lit décalé derrière lui, il se raidit légèrement, méfiant tout autant qu’elle l’avait été quelques secondes auparavant. A nouveau yeux dans les yeux avec la maîtresse de maison, il sentit ses joues le picoter par-delà le contact des mains féminines posées sur elles, leur fraîcheur salutaire bienvenue pour apaiser ces démangeaisons brûlantes sur sa peau qu’il devinait d’un joli rouge. Nerveux, Adrian déglutit, gêné de montrer une faiblesse douteuse au semblant de caresse de la jeune femme, embarrassé par le sous-entendu qu’il percevait dans ses mots et plus encore, perturbé parce qu’il imagina alors que les doigts graciles taquinaient sa peau bizarrement fourmillante. A tel point qu’il en oublia ce qu’il aurait dû noter, ce qu’il aurait obligatoirement intégré s’il n’avait pas été aussi troublé. L’épouse d’un autre était tout de même en train de lui dire qu’avec quelques années de plus, ils auraient pu ajouter leur variante à la scène rabattue de l’amant dans le placard !


*Oh.*

Il…il devait avoir mal compris, surinterprété ce qui n’était rien d’autres que des paroles en l’air, ambiguës, mais sans fondement. Elle devait se moquer de lui à dessein de le mettre mal à l’aise tout en éprouvant son charme sur une cible jeune donc inexpérimentée, sur laquelle l’effet produit serait plus apparent. Il tenait le profil presque certain de la Mrs Wilford. Et le connaître n’atténuait rien de sa séduction. Bien qu’il restât honteux d’éprouver de l’attirance envers la jeune femme, bien qu’il n’appréciât pas de perdre un peu de la maîtrise de ses sentiments à son contact, il serait préparé et ne risquait plus de passer pour un imbécile muet. Le "mon chaton" glissa sur lui, son esprit clarifié s’arrêtant aux paroles précédent le ridicule petit surnom.

-Comment ?

Ajouta-t-il, très pertinent. Elle parlait comme si elle pouvait tirer une conclusion d’une seule erreur. Cette fois ses sourcils se froncèrent de perplexité. Et comment savait-elle qu’il était blessé…? Les estafilades rougeoyantes sur sa main gauche ? Oui, sans doute. Pourtant, comparé à la douloureuse plaie ouverte sur son mollet qu’elle ne pouvait voir, ce n’était guère plus que trois minces coupures sur le dos de sa main et empiétant sur ses doigts fins, trois filets de sang, irritants, tout en restant supportables, assez larges pour avoir été fait par une plume cruellement taillée. Mais il n’avait aucune envie de tomber dans le cliché de l’ado automutilateur. Tout le monde était parfaitement sain chez les Moriarty.

Il releva sa main avec un sourire contrit, comme lorsque l’on sait avoir agi stupidement. Le tout était de se construire une excuse plausible, même si le surnom qu’elle lui avait donné était peut-être un aveu de ses doutes livrés à demi-mot et qu’elle risquait de ne pas apprécier son acharnement à dissimuler. Le tout était de ne pas reperdre son sang froid, quoi qu'il arrive.


-Ce n’est rien, Mrs. Le vent a emporté des cartes de Chocogrenouille dans les rosiers et je crains d’avoir été maladroit en voulant les récupérer. Mais…Sauf votre respect, ce n’est pas dans mes habitudes de me trouver là où il serait mal vue que je sois. Peut-être me confondez vous avec un autre.

*Sans doute possible, tu me confonds.*

Qu’est-ce qu’elle en savait ? C’était la première fois qu’il la voyait d’aussi près. Personne ne pouvait lui avoir rapporté quoi que ce soit sur lui puisque personne n'avait rien à redire...
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyMer 25 Mar - 22:25:20

Non ? Pas de morbides sorties nocturnes pour le très digne Adrian Moriarty ? En tous les cas, soit il possédait d’ores et déjà l’habilité paternelle à camoufler ses sentiments, soit il ne l’avait vraiment pas reconnu. Une lueur amusée dansa au fond des prunelles de la brune demoiselle. Le plus drôle, bien sûr, était qu’il ne savait pas ce qu’elle savait. Il y avait quelque chose de comique à écouter une fable éhontée, une innocence affirmée, tout en sachant pertinemment qu’elles étaient éloignées au possible de la vérité constatée.

De plus, la trame se complexifiait en une joyeuse confusion. Lorsque le pâle jeune homme répondit à ses soupçons et releva sa main, élément apparemment censé avoir attiré sa question, Jezabel attrapa l’extrémité des longs doigts blancs, son regard intéressé scrutant les marques de sang sur la peau. Des épines de rose, hein ? Et donc…C’était la faute des aiguillons végétaux s’il avait parsemé son sang au goutte à goutte sur le velours de sa moquette ? De toute évidence, il n’y avait pas que la raison de sa présence ici qu’il désirait lui taire. Le sourire de l’ex-française vacilla sans disparaître. Il pensait à la totale crédibilité de son mensonge, et si elle n’avait pas senti le sang sous ses pieds, ni vu les taches carmin, sans doute n’aurait-elle pas cherché plus loin que ses explications, somme toute plausibles.


-Les vilaines fleurs. C’est une blessure de guerre que j’aurais pu te faire, mon pauvre chéri., lui dit-elle d’une voix neutre, les doigts de son autre main repliés en araignée, mimant la griffure, frôlant la peau égratignée sans toucher aux blessures.

Leur provenance n’était qu’une demi énigme, entre la potentielle cause inconnue et celle presque certaine du kneazle de la maison. Il était fort probable que le jeune Adrian est croisé la hargne du Colonel Pinch. Travestir des écorchures félines en maladresse couverte par la plus banale des actions…Simple, efficace. Crédible, en un mot.


*Talentueux.*

Les doigts délicats de la sorcière serpentèrent entre les mèches sombres du jeune menteur, traçant un chemin ondoyant de sa tempe au côté de son crâne. A demi rabattues sur ses yeux verts, ses paupières ne laissaient filtrer qu’un faible éclat de jade entre leurs interstices voilés de cils langoureux. Vraiment un talentueux jeune homme. Son papa l’avait bien éduqué selon les préceptes douteux garantissant l’irréprochable qualité de l’élevage Moriarty. Du fourbe de race, à l’apparence et au comportement haut placés dans les standards réglementés de la courtoisie, du simulateur de compétition capable de décrocher n’importe quelle médaille en vrai toc.

Dire qu’elle aussi avait été comme ça. Moins à l’aise à cette petite comédie des mœurs, avec une conviction toute mécanique posée sur de plates politesses fourrées de jolis mots bien tournés. Réticentes, souvent, mais comme lui. Ses hypocrisies semblaient porter par son souffle. Celles extirpées de la bouche de la Sang Pur n’avaient jamais rien fait d’autre que l’étouffer. Aujourd’hui encore, elle civilisait en apnée sa nature profonde. Ce n’était pas la duplicité qui la débectait jusqu’à l’écoeurement, mentir pouvait être un plaisir, parfois. Non, ce qui l’insupportait c’était de cacher sa personnalité, son vrai tempérament, ses convictions obscures, cette elle réelle que peu acceptait et qui ne s’exprimait que dans la solitude. Ou face aux rebuts de l’Allée des Embrumes. Face à Rod, dans toute sa splendeur, jamais plus sincère envers elle-même que lorsqu’elle lui avait menti pour se venger. Face à son père qui n’avait eu de cesse d’entretenir ce qu’il percevait comme une force à dissimuler, un avantageux outil pour ses projets, un caractère adoré, puis craint et méprisé. Face à sa sœur qui en était morte. Face à sa mère et à son volatil équilibre mental, ses dérangements hystériques trop souvent confondus avec la colère folle de sa fille.

Non, elles n’étaient pas pareilles, excepté dans la superficialité de l’apparence, la creuse ressemblance de leurs états ! Séraphine n’avait jamais été que la proie de sa maladie psychique, la pauvre victime de ses nerfs sans aucunes des capacités de sa progéniture. Même Callista avait été plus efficace que cette gourdasse, uniquement vomie sur cette terre pour la descendance qu’elle pourrait donner, ne trouvant d’utilité que dans la transmission de son sang.

Et des vices immanents de ce sang.

Oh...Qu’elle n’aimait pas quand ses pensées étaient montées en boucle, toujours prêtes à rejouer l’air qui lui déplairait d’entendre, à conceptualiser l’idée qu’elle n’aimerait pas réaliser.

La main qui avait quitté la joue de l’adolescent pour se saisir de la sienne se serra sur du vide tandis que son opposée gauchère se refermait sur la matière douce des cheveux noirs pris sous sa poigne. Sans tirer, sans mal, simplement crispée. Elle ne savait pas si elle voulait s’énerver ou rire de cette histoire criblée de mensonges. Le souvenir récent de l’héritier Moriarty, rougissant sous son jeu involontaire de séduction qu’elle n’avait réalisé qu’au constat de son malaise, fit pencher la balance côté sourire.


-C’était bien tenté, joliment feint, seulement mon petit doigt me dit que tu mens. Mais tu es chou, alors je te pardonne !, s’exclama-t-elle en relâchant ses prises, tant immatérielles que tangibles, la main enfouie dans la chevelure trop bien coiffée du jeune garçon s’agitant pour l’ébouriffer joyeusement. Et à moins que tu ne préfères que je t’appelle Sir, tu n'es pas obligé de me donner du Mrs...Adrian.

*C’est là qu’en fait c’est Alexian.*

Où comment faire un flop en espérant taper fort. Sûre au soixante/quarante de ce qu’elle insinuait, elle poursuivit sur un ton dégagé, léger.

-Si tu me parlais un peu de cette vie parallèle où tu fais plein de méchantes choses. Comme aller voler des fleurs au cimetière ou tirer la queue de gros chat. Je t’écoutes , ajouta la jeune femme sur le ton du "ne me déçois pas", replaçant derrière ses oreilles les mèches folles échappées de son chignon desserré.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyDim 29 Mar - 12:33:10

Personne n’aimerait être un insecte. De sales petites bestioles au trépas encore plus insignifiant que leur vie, bourrée de dangers aussi élémentaires qu’une toile d’araignée, simplement désagréables pour les créatures évoluées, mais pour eux synonyme de mort affreuse parce qu’incommensurablement débile. Adrian avait précisément l’impression d’avoir été ramené au stade du moucheron emprisonné dans les fibres gluantes d’une toile. Il s’était tellement bien débattu pour se sortir de sa situation honteuse qu’il s’était surempêtré et s’était amené l’attention de la Veuve Noire en tirant sur les filaments censés le libérer.

Ce constat rendit le jeune garçon aussi peu fier qu’un marionnettiste tombé aux ordres de son pantin et obligé de danser la gigue ridicule qu’il lui réservait. Heureusement que son champs de vulgarités était réduit, autrement il se serait copieusement insultés pour ne pas avoir su trouver quoi dire et berner une fille qui n’était vraisemblablement pas qu’une idiote petite poule de luxe venue couver les œufs d‘or d’un imbécile. Trop retorse, il reconnaissait en elle une intelligence brute clairement perceptible dans le clair de ses yeux. La même que son père, cet esprit qui tombait comme un couperet sur la langue des menteurs, signe d’une mentalité supérieurement rusée et sinueuse. Ses cils avaient beau se recourber si joliment pour adoucir son fascinant regard vert, ce n’était pas le moins du monde celui d’une innocente, elle pouvait bien lui sourire, elle n’avait rien de doux ni de naïf.

Il n’avait pas totalement menti alors. Il s’était bel et bien piqué à l’épine d’une rose. La séduisante Mrs Wilford aux yeux langoureux lui parue soudainement aussi laide qu’un Filet du diable, cette plante à tentacules qui réduisait à néant les efforts actifs pour s‘en tirer et avait en plus l‘ironie malsaine de les retourner contre soi-même. Mais cette horreur du monde végétal se laissait abuser par la passivité. Il savait donc ce qu’il lui restait à faire, aussi éloignée que soit l’inaction léthargique de sa nature aimant le contrôle. Il se rendait bien compte qu’elle ne lui mangerait pas dans la main...et qu’elle pourrait rapidement redevenir beaucoup plus menaçante s‘il persistait à la prendre pour une imbécile. Sa seule chance était que, contrairement à son père hérissé de sévérité austère, Mrs Wilford était joueuse. Mais son caractère ne devait pas non plus être perclus d‘indulgence, il en avait déjà eu des preuves…décoiffantes.

Adrian entama un mouvement de retrait pour enlever sa main de l’emprise de la jeune femme. Il n’appréciait pas du tout d’être tombé sur quelqu’un d’aussi minutieux à vérifier tous les petits éléments qui crédibilisaient son mensonge car ils pourraient tout aussi bien jouer en sa défaveur. Ce n’était pas pour le plaindre ou pour le soigner qu’elle voulait avoir le nez dessus, comme n’importe laquelle des gourdes mariées en train de moucher le nez à leurs marmots, en bas, dans le jardin. Non, elle était en train de vérifier. Et de se moquer de lui.

Lorsqu’elle repassa de ses ongles les triples sillons de ses griffures, le Serpentard sentit une étrange sensation courir des blessures à son ventre, relié par un incompréhensible lien fourmillant. Il appréhendait qu’elle ne fasse véritablement ses griffes sur les plaies bénignes pour lui montrer qu’elle doutait de ses dires, mais en même temps…


*Prémisses de pulsions masochistes maintenant ?*

Non, c’était impossible. Il n’irait pas jusqu’à lui donner sa main à mordre, cependant…quelque chose lui plaisait en elle. Que ce soit ses gestes, ses paroles inhabituelles…Sans vraiment savoir d’où lui venait une telle idée, il sentait qu’il soulevait un pan de voile de l’épais mystère recouvrant cette femme, qu’il percevait un bout de sa personnalité qu’il mourait d’envie de découvrir dans sa totalité. Elle n’avait pas la réputation d’être facile et d’avoir la réplique aussi cinglante que véridique. Il n’y a bien que la vérité qui blesse. Mais au-delà ? Etait-ce son attirance qui lui créait une profondeur qu’elle n’avait pas ?

La situation dépassait l’incongrue. Bien que ses mains fussent douces, ô combien si douces, en sentir une s’aventurer entre ses mèches de cheveux provoqua presque un pique de panique chez l’adolescent. Presque. En apparence, il resta calme, pâle et droit face à elle.


-Mrs Wilford… , la rappela-t-il à l’ordre d’une voix trop faible à son goût. Un peu plus et elle croirait qu’il n’attendait que ça !

*Eloignez vos griffes de ma personne, shit !*

Ses jolies griffes…Est-ce qu’elle avait la moindre petite idée des intentions qu’elle laissait croire ? Il n’avait tout de même pas les hormones à ce point en ébullition pour voir le mal là où il n’y avait que de l’anodin. Devant la trentaine de convives dehors, il était sûr et certain qu’elle ne se serait pas permise de glisser aussi amoureusement sa main dans ses cheveux. Sujet de déjà tellement de ragots, elle aurait pu s’en voir ajouter un tout nouveau sur son amour des jeunes garçons. Adrian commençait d’ailleurs à se demander s’il n’y avait pas du vrai dans certains d’entre eux. Notamment celui de l’incube et de la vélane.

Mal à l’aise de nouveau, autant par l’attitude de cette femme que par ce qu’il pouvait ressentir, il se tendit lorsqu’il vit ses yeux si clairs s’assombrir au moment où sa main se refermait plus fermement sur ses cheveux. Sans s’en rendre compte, il retint sa respiration le temps de deux battements de cœur, sachant d’instinct qu’elle prenait une décision…Pas nécessairement la meilleure pour lui.

Pause dramatique.

S’il souffla lorsque tout le visage de la brune beauté se détendit et s’illumina d’un sourire, il n’en était pas moins déçu et piteux devant sa défaite. Pourquoi ne l’avait-elle pas cru puisqu’il avait été sans défaut ? En plus, l’intelligence qu’elle venait de lui reconnaître ne rentrait même pas en ligne de compte dans les arguments l’ayant sauvés d’un aboutissement regrettable à toutes ses tentatives. C’était vexant pour lui qui cherchait toujours à faire prévaloir son esprit logique et aimait à penser qu‘il le favorisait par rapport au dernier abruti de chez Poufsouffle.


-Le vilain rapporteur, sermonna-t-il le petit doigt délateur sur le ton le plus léger qu’il pu formuler, copiant l’ironie de la maîtresse de maison lorsqu’elle avait "réprimandé" ses vilaines fleurs. Mais Mrs, je vous jure…Holy crap, no ! , lâcha-t-il inopinément en se tordant pour échapper à la main folle en train de sauvagement saccager sa coupe soignée.

Non mais qu’est qui lui prenait encore ?! D’un coup elle lui distribuait des caresses amoureuses, le suivant elle le taquinait comme un bon chien. Ou un brave gamin, les deux s’assimilant dans l’esprit du Vert et Argent.

Avec l’impression d’avoir été attaqué et infantilisé dans le même geste, le troisième année rabattit rageusement ses cheveux fous sur son crâne.


*Je dois ressembler à un pouilleux de clébard mouillé.*

Méchante pensée qui le conduisit à décoller chaque mèche avec application. Les paroles de la jeune femme interrompirent son geste.

S’il ne sursauta pas, ni ne s’écria au miracle devant les suprêmes talents de devineresse de l’épouse Wilford, il fut néanmoins assez surpris et interloqué pour prêter une attention soutenue à ce qu’elle allait dire. En soit, c’était à peine plus surprenant de l’entendre dire son prénom que de mourir à la suite d‘un Avada Kedavra. Elle savait tout de même qui elle allait inviter. Après, elle devait connaître sa mère. Qui ne lui ressemblait pas du tout selon lui. Mais elle avait très sûrement identifié son père. Ce qui lui donnait un si mauvais pressentiment, c’était le souvenir de ce qu’elle lui avait confié. Elle l’avait simplement reconnu parce qu’elle l’avait déjà vu sans que lui ne se rappelle lui avoir été présenté. Rien de ce qu’il aurait donc pu lui inventer n’aurait su la convaincre de sa sincérité, ce qui expliquait peut-être en partie sa perspicacité. Il y avait pire.

Il n’avait pas trente six souvenirs à mettre en relation avec les mots de la belle sorcière. Il n’en voyait même qu’un, clairement gravé dans sa mémoire...Un souvenir d’une nuit désastreuse de novembre qui aurait pu être fatale. Rien que l’incertitude de cette hypothèse suffisait à lui donner des défaillances dans les membres inférieurs. Après sa fuite inespérée du cimetière sans emporter ce qu’il était venu y chercher, il avait pu suivre la suite dès le lendemain dans les journaux. Deux hommes étaient morts. Savoir que sa précieuse petite personne aurait pu elle aussi dire adieu à son âme si particulière l’avait rendu plus blanc que sa chemise en plein déjeuner familial. Et l’avait laissé assommé à fixer les haies taillées de son jardin par la fenêtre de sa chambre, étourdi par sa chance, confirmé d‘être béni de naissance, mais bien retourné. Une chance qu’il devait à une femme. L’expédition du fils Moriarty n’avait en elle-même rien de dangereux. D’interdit, de scandaleux, mais un gamin de onze ans aurait pu sans problème accomplir ce qu’il s’était proposé de faire avec un an de plus. Tout avait simplement très mal tourné.

Et si la femme du trio apparu dans le cimetière, l’ombre noire découpée sur un ciel opaque, dont il ne se souvenait que d’une voix aigre, perdue dans le temps, certainement altérée…était Mrs Wilford ?

Le Serpentard détailla la silhouette fine de la jeune femme, sa grâce raffinée, ses traits délicats sous sa masse de cheveux bruns…Non, il l’aurait forcément remarqué. Ça ne pouvait tout simplement pas être elle, fourrée avec des patibulaires sortis tout droit des caniveaux de l‘Allée des Embrumes ! Mais la suite lui ôta tout ce qu’il aurait pu encore nié. Ils songeaient bien tous les deux à la même chose. C’était totalement inconcevable !


-Je…C’est…Comment…C’était vous ?! Attendez cinq secondes !

Adrian porta ses doigts à une tempe en fronçant les sourcils. Tout s’emballait bien trop là-dedans.

Il était bas les masques. D’accord. Très bien. Elle savait pour son escapade nocturne. Elle était très certainement avec ces types, deux exemples
(im)parfaits de la vermine du monde magique. Et elle savait pour le chat. Il se souvenait aussi que le groupe de sorciers était revenu chercher la petite gourde totalement ahurie venue se réfugier entre les tombes, qu‘il avait effrayé par jeu. Quelle sinistre histoire avait-il frôlé ? Un règlement de compte ? La petite idiote ne lui avait rien dit de probant, à l’entendre elle avait simplement eu l’envie de se promener entre les pierres tombales pour faire chanter le gravier. Une flopée de phrases hurlées s’engouffra dans sa conscience avant que sa réflexion n’ait pu freiner. Dans quoi la foutue saleté l’avait-elle entraîné par sa seule présence parasite ?!


-Je ne sais rien d’elle ! Je ne me rappelle même plus son imbécile de prénom ! Et je ne cherche pas à la protéger, je vous assure ! Si je le savais, je vous dirais tout avec un grand plaisir, croyez moi Mrs ! Je…ce que je faisais là-bas cette nuit là n’avait rien à voir avec…vous.

"Vous". Il était loin de parvenir à réaliser toutes les implications que cela entraînait. Mrs Wilford…jamais il ne s’était interrogé sur elle et maintenant elle occupait toutes ses pensées.

-Ma tante Ulda…Enfin, je suppose que je dois l’appeler tante, même si je pense que chancre serait plus juste. Si vous l’aviez vu manger, c‘était à vous couper l’appétit à vie…Enfin…Nous l’avions enterrée dans la journée et j’étais venu récupérer ce que j’avais oublié. Je ne déterre pas les morts pour conquérir le monde à la tête d‘une armée d’Inferi, Mrs.

C’était vrai. En partie. Il répugnait à tout lui relater. Que voulait-elle vraiment ? Pourquoi se dévoiler ? Pourquoi l’avoir épargné ? Réveillée par son agitation, la douleur lancinante de sa jambe sembla se faire plus présente pour l’empêcher de penser.

-Mrs…Pourquoi…Je dois vous remercier, mais…

Adrian baissa les yeux jusqu’à sa jambe qu’il retourna légèrement afin de jeter un œil à sa blessure. Les bords déchiquetés de son pantalon de toile noire poisseux de sang collaient à sa peau et laissait voir la plaie déchirée de la chair sauvagement mordue. Son teint vira au verdâtre.

-Si je lui ai marché sur la queue, il m’a déjà puni.

Alors il prendrait juste les soins qu’elle ne manquerait pas de lui donner et ensuite elle aurait des tas de chose à lui dire. Et qu’il arrête de l’appeler Mrs.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyLun 6 Avr - 1:09:05

Tellement, tellement chou. Cette pensée avait de quoi faire sourire, et pas seulement de tendresse, si on la comparait à sa rage passée, elle qui avait été prête à lacérer la peau qu’elle prenait maintenant plaisir à effleurer. Ce n’était d’ailleurs pas au goût du jeune garçon, si elle se fiait à son regard réprobateur et à l’indifférence froide de son visage resté pâle sans la délectable rougeur qui l’avait saisi tout à l’heure. C’était évident, elle avait aimé le sentir troublé, lui qui, comme son père, semblait avoir une prise quasiment impeccable sur ses émotions. Sa gêne en réaction à des gestes anodins pour la jeune femme l’avait agréablement surprise, et si elle l’avait d’abord touché sans y prendre garde, elle recherchait à présent par jeu un contact équivoque. S’entendre sermonner par son vis-à-vis de treize ou quatorze ans lui amena un bref gloussement irrépressible et ses yeux pétillèrent d’une gaîté ravie. Il aurait presque pu passer pour un homme, n’était son jeune âge et le manque de conviction dans sa voix. Quel contraste adorablement amusant…Impossible de ne pas l’asticoter !

-Oui, oui, c’est bien mon nom., chantonna-t-elle.

Elle appréciait moins de l’avoir en son pouvoir que de le sentir doucement chaviré et un rien effarouché, options beaucoup plus divertissantes ! Son formalisme était absolument craquant, mais avait également un effet comique pour qui savait qu’il ne s’embarrassait pas tant que ça des bonnes mœurs. Un peu comme si un meurtrier se dégoûtait du sang répandu sur ses mains. C’est qu’il avait sa petite dignité le jeune Mr Moriarty, et lorsqu’il se contorsionna pour éviter la main folle ébouriffant ses cheveux bien en ordre, sa réaction spontanée et décalée de son attitude policée fit à nouveau rire la sorcière. S’ils n’avaient pas eu à parler de choses sérieuses, elle l’aurait sans aucun doute poursuivi dans l’idée de tester la sensibilité de ses côtes aux chatouilles.

Et ses paroles firent mouche. La petite hostilité perceptible dans les yeux gris-vert d’Adrian céda lentement la place à une lueur de surprise, mais non une surprise dû à l’incompréhension de ce qu’elle avançait, comme tout à l’heure. Au contraire, son esprit alerte commençait à assembler les pièces éparses du puzzle et parvenait à la seule conclusion possible. La demoiselle inclina la tête et haussa ses sourcils bruns à la façon du professeur accueillant le bon raisonnement de l’élève, encourageant, par sa subtile mimique, l’adolescent à comprendre et à accepter la vérité découverte.

Vérité qui lui fit un choc non étonnant et le priva de son verbe soignée quelques secondes où elle l’observa avec un grand intérêt. Ils s’étaient enfin reconnus. Maintenant, allaient-ils s’entendre ? Elle avait toutes les cartes en mains pour s’assurer de la discrétion du petit fouineur, du chantage à l’amnésie totale. Et peut-être la reconnaissance qu’il lui vouerait ? Certes, elle ne l’avait pas laissé filer par miséricorde, mais simplement parce qu’elle avait reconnu en lui le fils de son père et que dégommer la famille des clients, même dans une hypothétique impunité, n’était pas recommandé. En premier lieu, pour les affaires, bien sûr. Et en deuxième lieu pour sa santé. Elle se méfiait des a+b d’Arcadius Moriarty, de la longueur d’avance qu’il semblait conserver sur tout et de sa ténacité inflexible à découvrir l’identité du trio ayant fait la couenne à son seul, unique et précieux héritier, si meurtre il y avait eu.
Elle brûlait de mettre son rejeton au parfum, pourtant. Devrait-elle ?
Savait-il ? S’il gardait ses ballades nocturnes confidentielles par ce qu’elle avait pu en juger à la mesure de son entêtement à nier, il y avait de fortes chances pour que son père ne soit pas plus transparent à son égard que lui au sien. Confier ses secrets était toujours prendre un risque de fou et Jez avait préféré s’étouffer avec nombre des siens. Même si depuis quelque temps, l’un d’entre devenait passablement harassant.

Son "je dois/je dois pas" cessa avec ce que lui déballa le beau garçon, visiblement en train de s’inquiéter quant au sort qu’elle lui réservait, sauf que l’étudiante ne comprenait pas où il voulait en venir. Sa perplexité l’empêcha de se moquer de lui, occupée qu’elle était à fouiller dans ses souvenirs à la recherche de cette "elle" qu’il pensait préjudiciable à la préservation de sa bonne santé.


*Mais bien sûr ! La cervelle de piaf !*

-Oh ! Ashley ! Ne t’inquiètes pas pour cette petite oiselle, elle n’a aucune importance et est peut-être déjà morte à l’heure qu’il est ! C’est une histoire avec un médaillon…Il faudra que je te raconte. Tu la connais peut-être de vue ? Elle m’a dit qu’elle était de la famille de Narla Lee…C’est une moldue fourrée avec un petit commerçant du Chemin de Traverse, Je-sais-plus-trop-quoi Robins.

Elle n’avait pas repensé à elle depuis si longtemps ! L’aîné Buchanan avait-il remonté sa piste à sa sortie d’Azkaban ? Son retrait des "affaires" l’avait empêché de suivre cette histoire, totalement reléguée dans un trou de sa mémoire face à l’ébranlement et l’effondrement fatidique de tout ce qu’avait été sa vie, ne laissant que des remembrances disloquées de mois douloureux et incertains. Ashley…Il fallait absolument qu’il lui dise si elle parasitait encore cette terre ! Peut-être qu’elle pourrait…Qu’elle pourrait quoi ? En tirer profit ?

Ce constat retentit sourdement en Jezabel, son cœur paru se décrocher de ses artères pour venir cogner contre la paroi interne de sa poitrine, d’un coup unique, fort, comme annonçant quelque chose de radical. Elle avait quitté ses anciennes activités pour ne plus jamais y revenir ! Qu’elle recommence à utiliser ses talents à titre personnel lui permettrait de maîtriser les évènements intolérables qui se produisaient sous son nez, de s’approprier un contrôle sur ce qu’elle n’avait pas et d’influencer ce qui était écrit, ce que personne ne devait pouvoir changer. Mais pourquoi envisager à nouveau ces alliances douteuses ? Oui, il y avait un certain mariage à empêcher, peut-être quelques commères à faire taire, mais le luxe, le nom, ce qu’elle avait tant et tellement voulu était enfin à elle.


*Vieux réflexe.*

Et pourtant…L’histoire du garçon l’attirait inexplicablement, réveillait des instincts depuis longtemps endormis. "Récupérer ce que j’avais oublié". Elle n’avait fait que cela pendant un an. Récupérer. Et même avant…Même à Beauxbâtons, même avant ses premières classes.

Les yeux verts de la cadette des Morden luisaient avec une intensité détonante que ses traits immobiles ne pouvaient exprimer tandis qu’elle considérait fixement le visage de son incorrigible menteur, découvrant au-delà du plaisant masque de chair une possibilité qui excitait une fibre indéfinissable dans son être, plus intense, plus brûlante que la curiosité. Poursuivant ses réflexions par-devers elle, elle cligna des paupières et la lueur disparut, ne laissant qu’un lustre humide sur ses prunelles, alors que le jeune garçon continuait sa semi fiction. Il ne lui ferait pas avaler ces couleuvres-ci. L’héritier d’une puissante famille obligé de s’enfoncer dans la froide nuit de novembre pour reprendre un bien qui à l’attendre n’avait pas plus d’importance qu’une écharpe ? Honnêtement…

Mais il y avait plus urgent à s’occuper. Suivant le regard d’Adrian devenu incohérent, Jezabel, sur une exclamation traduisant son écoeurement, porta ses mains jointes à ses lèvres, répugnée par le vilain aspect de la blessure qu’il venait de lui dévoiler. Ses yeux rebutés ne pouvaient cependant pas décrocher de l’horrible spectacle et virent un filet de sang, soudainement expulsé de la plaie affreusement déchiquetée, s’écouler sur la peau bizarrement indemne, à point nommé pour la levée du rideau. Un nouveau gémissement dégoûté franchit ses lèvres.


-Oh my…que c’est moche ! C’est le Colonel Pinch qui t’a fait ça ?! Je veux dire, mon fléreur ? "Oh là là", mon pauvre ! On dirait qu’il t’a carrément arraché un bout de jambe ! C’est incroyable ! Tu aurais dû me le dire tout de suite !

Pas sûr qu’elle l’aurait pris de la même façon. Hé oui, elle ne l’appréciait que depuis peu…Mais parce qu’elle avait de la sympathie, même passagère, envers lui, elle n’allait pas salement l’enguirlander parce qu’il avait foutu du sang sur sa moquette et probablement brutalisé son fidèle kneazle.

Son premier réflexe fut de frapper dans ses mains pour appeler sa servante, mais se rappelant que Mitzy, aussi grande que fût sa dévotion de son vivant, ne pourrait pas se relever de la tombe et accourir à sa volonté, elle extirpa sa baguette de sa masse de cheveux châtains pour faire apparaître ce dont elle avait besoin. Or de question de le laisser là sans surveillance, et or de question qu’il étale son sang partout, même si un Récurvite nettoierait aisément les tâches. Elle n’était pas une ménagère.


-Attends, c’est quoi le nom du truc déjà ? Ah oui…Apparecio Aqua Phoenicis !

Un petit flacon se matérialisa en suspension dans les airs, un phénix aux ailes grandes ouvertes ornant l’étiquette où s’étalait le nom de l’antiseptique cicatrisant. La brune étudiante tendit la main et la fiole arrondie se laissa tomber au creux de sa paume ainsi qu’un fruit trop mûr chuterait de sa branche, puis elle se rapprocha de l’adolescent pour lui donner son remède miracle.

-Tu verses un peu dessus et tu laisses faire ! Assieds toi sur le lit, tu seras mieux.

Se dégageant une place à ses côtés parmi les sous-vêtements éparpillés, elle resta un instant à le regarder faire, une main posée sur son épaule, son pouce animé d’un léger mouvement caressant. Sans penser à rien, elle continua son geste aussi longtemps que durèrent les soins de l’élève de Poudlard. Quand il eut fini, doucement, elle releva la main et se saisit du lobe de son oreille sous une mèche ébène qu’elle pressa sans la pincer, simulacre de réprimande aux mensonges d’un garnement. Elle n’avait pas oublié et reprenait leur conversation là où ils l’avaient laissé, sur un ton plus froid, zieutant avec une feinte légèreté le profil irréprochable du jeune garçon.

-Adrian, Adrian…C’est très bien de ne pas jouer avec les morts, mais c’est très vilain de me mentir, surtout quand je suis toute disposée à t’apporter mon aide. Il faut te fouetter pour avoir la vérité ? Tu serais toi-même allé chercher ce que tu avais "oublié" ? En pleine nuit d’hiver ? Dis moi, ta mère se charge-t-elle de repasser les chemises de ton père pendant que votre Elfe de Maison sirote un brandy ? Tes précédents mensonges étaient mieux construits. Et accessoirement, dis moi ce que tu as fait de mon fléreur…Oh, et plus de "Mrs", hein. Sinon je te fais quelque chose de monstrueux.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyDim 12 Avr - 9:07:56

Ashley. Ashley Lee Robins. Synonyme d’inconnu. Le jeune garçon fit non de la tête après un bref instant de réflexion. Il ne se rappelait même pas l’avoir recroisé dans les couloirs de Poudlard, alors peut-être bien que oui, elle pouvait être morte et enterrée, incinérée ou pulvérisée. "Affolant" comme il n’avait jamais cherché à en savoir plus au sujet de cette pauvre fille, il ne se souvenait pas non plus avoir pensé à son sort ignoré lorsqu’il avait suivi l’affaire dans les journaux où rien de sa présence, comme de son cadavre, n’apparaissait. Certainement le signe qu’il était en train de perdre son temps à réfléchir sur le cas d’une stupide gamine insignifiante, puisque de toute façon il n’y avait aucun lien entre eux qui eut pu l’avantager ou lui nuire, et il n’irait pas fleurir sa tombe le cas échéant. « Aucune importance » avait dit la Mrs Wilford. Jezabel…

Le Serpentard se rendit compte qu’il ne pourrait tout simplement pas l’appeler par son prénom, comme une vieille bonne copine. Il n’y en avait qu’une à ce rang, ils partageaient un même sang et ils se connaissaient depuis le berceau. Pourtant, la belle sorcière n’était pas exagérément âgée, elle devait même probablement être la seule personne de vingt ans qu’il considérait de cette façon. Elle était mariée, c’était tout simple et insurmontable. Mrs Jezabel faisait trop tenancière de maison close dans son esprit et en plus elle l‘épinglerait avec ses ongles s’il lui ressortait le terme interdit. Peut-être pourrait-il trouver un compromis avec Miss ? Mademoiselle dans la langue maternelle de la jeune femme. Cela pourrait lui faire plaisir d’entendre quelques mot de français. Adrian le parlait assez bien, si l’on omettait son petit accent, ses fautes d’accord et son intonation à jamais so british, mais moins bien qu’elle ne s’exprimait dans la langue du jeune homme. Lui ne connaissait pas les registres les plus bas du français, chose qu’elle semblait assez bien maîtriser en anglais…Ce détail anodin avait de quoi interpeller chez une fille prétendument sortie du giron d’une bonne famille, surtout avec ce qu’elle lui laissait deviner sur elle. Qui avait-elle fréquenté pour ajouter ce vocabulaire coloré à sa langue d’emprunt ?


"Oh my…que c’est moche !"

Merci à toi, le démiurge qui créa le tact. Le jeune homme serra les dents, plutôt accablé par ce constat tombant sur lui comme le couperet qui ferait de lui un unijambiste, cible des jets de pierre.

-Le…?

Ils étaient sur écoute et elle employait un langage codé ? Au nom énigmatique du Colonel Pinch, le Serpentard imagina un petit vieux frappant le sol avec sa canne, son dentier dans un verre , pouce et index vicieux en crochet prêts à pincer la première fesse de demoiselle passant à leur portée.

"Je veux dire, mon fléreur ?"

Lumière et compréhension. Bien sûr ! Cette grosse chose à la queue pelée et aux oreilles dressées en pavillon ne pouvait pas être le banal félin du commun des mortels ! Sa fierté fut rassérénée de ne pas avoir été maîtrisé par un pauvre chat, mais il s’en voulu de ne pas avoir reconnu une variante particulièrement agressive de ces archi fidèles compagnons du sorcier et détecteurs de personne louche. Cette sale bestiole avait de quoi légitimer son attaque à son encontre avec cette réputation de capteur à fourberie et autres corruptions ! Mais il n’avait véritablement rien fait de répréhensible, s’il ne l’avait pas agressé jamais il n’aurait fini figé sous un lit et Adrian ne se serait peut-être jamais retrouvé dans la situation adéquate pour les révélations de Mrs Wilford. Il ne savait d’ailleurs pas où elle allait le mener, au final.

Certes, la très séduisante maîtresse de l’horreur à fourrure avait l’air de compatir, ce qui eut pour effet d’étaler un air stupidement brave et digne sur le visage blêmi du jeune garçon, comme s’il pourrait encaisser la même à l’autre jambe sans verser de larmes de douleur ni appeler sa mère. Pourtant, s’il appréciait les petites intentions de la jeune femme, il n’arrivait pas à se fier à son apparente bienveillance à son égard. C’était le même principe que le baigneur trempant ses pieds dans cinq centimètres de gentilles vaguelettes et qui ne voit pas arriver la déferlante de dix mètres de haut avant d’être engloutie par elle. Il ne pouvait se détendre car il guettait cette déferlante sur les traits joliment dessinés de Jezabel.

Saisissant le flacon qu’elle lui tendait en prenant garde de ne pas toucher ses doigts, il vérifia tout de même le nom sur l’étiquette et se promit d’en sentir le contenu dès qu’il aurait ôté le bouchon. On était jamais trop prudent. Sa mère lui appliquait la même lotion lors de ses très rares accidents d’enfance et il se rappelait de cette odeur qui n’en était pas une, une sensation neutre et saine de fraîcheur qu‘il pensait impossible à travestir.

Un peu hésitant, il s’assit sur le rebord du lit, sans un coup d’œil pour la lingerie, bientôt rejoint par Mrs Wilford. Suivant les instructions reçues, il se pencha sur sa blessure et inclina par à-coup le flacon au dessus de sa jambe, assez distrait de l’ empreinte froide du liquide gouttant sur les chairs à vif par la chaleur de la main posée sur son épaule. Alors que la potion retirait la douleur en même tant qu’elle cicatrisait les couches de l’épiderme, il hésita à entremêler ses doigts avec ceux de la jeune femme, simplement pour qu‘elle ne retire pas sa main. Il l’entendait déjà rire. Il appréciait son geste caressant, un geste fait de réconfort qu’il n’avait pas l’habitude de recevoir et qui le fit sourire, ses yeux baissés sur l’arrière de sa jambe presque régénérée. Bien entendu, elle veilla à lui passer cet air trop doux, inhabituel sur sa figure.

Tournant vers elle, et son visage et ses yeux, il retira d’un mouvement de tête son oreille à la prise de cette main qui avait su se faire si caressante. S’il doutait encore des réelles capacités de réflexion de la jeune femme, il savait à présent avec certitude qu’il était tombé sur une coriace. Une belle demoiselle dotée d’un esprit pointu. Une combinaison dangereuse qui ne devrait pas exister. Pourquoi n’était-elle pas juste jolie et sans esprit ? Une partie de lui s’enthousiasmait de cette intelligence quand l’autre partie, dominée par l’orgueil, s’agaçait d’être toujours recalé.


-Vous savez, il y a une loi stipulant que toutes les belles jeunes femmes doivent être stupides. Vous avez conscience d’être en infraction ?

Son expression en accord avec son ton irrité, il écarta les mains, désarmé.

-La vérité, alors ? Non, c’est vrai, ce n’était pas quelque chose que j’avais oublié. Mais je ne vois pas en quoi cela vous concerne, comme ce que vous faisiez avec ces hommes ne me regarde absolument pas.

*D'abord.*

Un point, tout de même, l’intéressait. Il fallait juste qu’elle en clarifie le sens pour les soupçons du Serpentard méfiant.

-Quelle genre d’aide vous pensez m’apporter ?

Il ne savait pas encore s’il appréciait de la voir se mêler de ses affaires et s’énervait d’être à sa merci. Elle pourrait lui faire cracher tout le morceau sans problème. Ce qu’il lui restait à jouer était d’autres mensonges sur l’objet véritable qu‘il pourrait dire avoir déjà récupéré. Ses yeux dans les siens, il regarda furtivement de côté avant de lui annoncer le sort de son flaireur et aperçut des tâches de sang sur le revêtement de sol. Voilà donc ce qui l’avait alertée…Et lui, tout enfariné, qui lui avait montré ses petites mains éraflées…Elle devait bien s’amuser depuis tout à l’heure. Maintenant, il devrait lui dire pourquoi il était rentré ici, mais le croirait-elle étant donné qu’elle savait qu’il lui avait menti dès le début ?

Adrian recroisa le regard émeraude de l’épouse Wilford, essayant de paraître sincère.


-Et…heu…Votre flaireur est sous le lit, j’ai dû le pétrifier, je suis désolé…Miss. , ajouta l’adolescent d’une traite, appréhendant la réaction qui suivrait son aveu. Mais je vous assure que je n’ai pas posé un pied plus loin que cette porte ! Et je n’avais pas non plus de mauvaises intentions…En vérité, je cherchais les toilettes…Je sais que ça sonne comme une excuse, mais c’est vrai. J’avoue que j’espérais ne pas être attrapé, d’où mon excursion sous votre lit quand j’ai entendu des pas. C’est tout.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyMar 14 Avr - 20:58:16

Une légère exclamation amusée franchit les lèvres de Jezabel. Le pauvre lapin, c’était tellement mignon de voir sa petite dignité orgueilleuse se vexer. Il n’avait pas à rougir de ses aptitudes réflexives et dissimulatrices pour autant, à son âge, ils étaient encore nombreux à ne pas avoir autre chose que du vent dans leur petite cervelle creuse. Certains logeaient même une tornade entre les parois de leur boîte crânienne, qui chambardait les idées écloses on ne se savait trop comment dans ce milieu hostile, les désorganisait, les retournait les secouait, les révolutionnait…et, au final, rendait maboule. Le troisième fils de son mari, par exemple. Elliot donnait pleinement son sens au surnom de cette détestable adolescence : l’Âge Ingrat. Il l’incarnait de façon magistrale, avec une virtuosité rare que personne n’envierait aux Wilford. Martin, arraché à la raison par l’ouragan de la rébellion, n’était pas loin derrière le petit monstre, mais plus supportable car il logeait chez sa maman adorée et ne rentrerait que l’année prochaine à l’UMA. Donc, l’année prochaine, Jez le détesterait sûrement au même niveau que son cadet.

Elle replia une jambe sous l’autre et s’accouda au matelas moelleux, à moitié allongée. Les yeux dans le vague et le sourire ambigu, elle tritura un instant la mince aiguille oubliée, retenue par l’anneau de sa bague, avant d’envelopper le jeune homme d’un regard complaisant.


-Mais ça, mon chéri, c’est parce que je suis à ce point merveilleuse que, si je m’étais pliée à cette loi, j’aurais écopé du QI d’une huître. Je vaux mieux que ça, non ?, demanda la sorcière d’une voix feutrée.

Il ne pourrait qu’être d’accord. Son esprit scellait l’attention que son corps pouvait attirer. De désirable, elle devenait captivante, de simplement joli, son regard vert devenait, précieux, ensorcelant, parce qu’on y lisait quelque chose de si peu commun. Elle le savait, Geoffrey le lui avait dit. C’était ce côté "inhabituel" qui l’avait séduite chez Jugson, ce qui faisait que malgré tout son dégoût de sa propre faiblesse, de son ressentiment envers lui, elle l’avait désiré irrépressiblement, follement, sauvagement, un sentiment si inhumain qu’elle n’avait jamais ressenti jusqu’alors et ne ressentirait sans doute jamais plus.

Oui, elle avait eu cet homme, autant qu’il l’avait eu, chacun détestant si profondément l’autre, mais ne pouvant contrer ce désir, frustrés par l’échec de leur volonté alors qu’ils se repaissaient l’un de l’autre. Mais on n’était jamais gavé que du corps. Elle aurait pu oublier les mains de n’importe quel bellâtre insignifiant, cracher avec dédain sur la plastique d’un imbécile Adonis, de n’importe qui, sauf Lui. Rod avait cette aura de puissance, ce charisme si fort, cette personnalité si méprisable et irrésistible à la fois, qu’elle s’était sentie fondre au simple souffle sur son cou, qu’un seul de ses regards enflammait ses sens, que ses baisers sur sa peau humide de sueur avaient eu toute l’ardeur de brûlures. C’était cela qui les avait réuni. L’intensité de leurs passions. Eux qui étaient des êtres d’extrême, jusque dans leur indifférence. Même la haine mortelle qu’elle lui vouait à présent était charnelle. Cette haine brute, accrue par ses aspirations blessées qu’elle refusait encore de reconnaître…

Comme Adrian était différent de lui. Trop jeune pour avoir une personnalité encore arrêtée, il était déjà analytique, froid, pas de cette froideur intraitable sur le modèle de son père, mais lointain. Rien ne semblait véritablement le concerner, même s’il avait l’air d’hésiter, même s’il était troublé, il y avait toujours en lui une part d’inaccessible, autour de sa personne, sur les traits réguliers de son visage à l’image de sa tempérance, à la surface de ses yeux pers qui ne laissaient pas entrevoir le fond de son âme.

Jezabel inclina la tête, une boucle châtaine venant caresser son épaule dénudée, alors qu’elle prenait la mesure du garçon lui exposant très clairement son refus de collaborer. Un refus incertain, puisque son offre anodinement placée dans la conversation avait été correctement interprétée. Mais ce qui l’avait saisie au sujet de ce mystère, cette curiosité impérieuse venait de se tarir. Elle s’intéressait déjà à quelque chose d’autre, quelque chose qui venait surpasser son attention première. Ce quelque chose, c’était lui, l’héritier Moriarty.


-Humhum.

Distraitement, elle commença à attraper les brins duveteux de sa moquette avec son pied nu, les édifiants en petites touffes hirsutes avant de les lisser et de recommencer. Elle lui dirait pour son père. A petit coup d’allusions joueuses.

-Toute l’aide que tu me laisseras t’offrir., fut sa réponse sibylline à sa question.

La demoiselle accrocha le regard éperdu de sincérité du jeune homme, son visage prétendant l’innocence perdait dans cette expression de franchise absolue un peu de sa prometteuse maturité pour redevenir celui d’un jeune garçon. Un sale gosse qui ne voulait pas prendre un coup de baguette sur les doigts et qui essayait, non pas de l’amadouer par une petite bouille contrite, mais de se revendiquer plus blanc que neige. Elle savait très bien qu’il ne l’était pas. Mais cette fois, il était possible que tout ce soit passé comme il le déclarait.

Les Wilford avaient très vite remarqué que le Colonel Pinch, trouvé errant et piteux aux abords de la petite crique non loin de la demeure, avait un caractère exécrable. En parfaite osmose avec Jez, il ne supportait ni Martin, ni Elliot, ni la petite Melody, celle-ci ayant pourtant tout tenté afin de gagner l’affection du "matou" borgne, au moyen de ces mignardises dégoulinantes de mièvrerie que la sorcière aux yeux clairs ne se rappelait pas avoir eu gamine.
On ne comptait plus le nombre de feulements dissuasifs, coups de patte et légères griffures qu’avaient encaissé les trois mioches avant qu’ils ne cherchent plus à le cocoler. Les garçons avaient par contre compris en une fois que le félin n’avait pas non plus le sens de l’humour. Ces deux glands avaient essayé de le coincer sous un seau que la boule de poils avait proprement éventré pour les prendre en chasse. Les voir cavaler comme des dératés entre les allées du jardin, la bestiole furieuse aux miches, resterait un de ses plus grands moments de pur fou rire à enrubanner d’or dans sa mémoire. Son mari était très vite intervenu, mais la jeune femme avait eu le temps de prendre quelques clichés qu’elle chérissait et considérait comme des biens précieux.

Le kneazle avait sa personnalité, son tempérament grincheux et ses habitudes, ainsi qu’un vieux greffier habitant sous le toit de la maisonnée depuis des lustres. Sa dictature impériale et sa rigueur à faire respecter sa tranquillité lui avait valu le rang de colonel, auquel fut presque aussitôt ajouté "pinch", puisque le félidé magique leur dévoila dès les premiers jours sa manie de pincer entre ses crocs les mollets et bras des enquiquineurs.

Personne ne savait vraiment pourquoi il avait décidé de s’installer avec eux, mais depuis le mois de février, le fléreur au poil moucheté patrouillait dans les couloirs de la maison. Un inconnu débarquant dans la chambre de sa maîtresse, même si on venait de l’y pousser tel l’esclave condamné au châtiment des lions, avait toutes les chances d’être reçu aussi bien que le seau tombé sur la tête renfrognée de l’animal. Seulement, Jezabel était épatée par les dégâts qu’il pouvait causer et de la virulence avec laquelle il s’en était pris à Adrian. Il y avait tout de même plus intimidant et menaçant que cet adolescent pâlot ! Elle allait même jusqu’à se demander s’il n’aurait pas été capable de l’esquinter encore plus gravement…Et s’il lui avait sauté à la gorge ? Elle pouvait comprendre l’éventuelle panique du jeune homme ! Elle-même était mitigée quant à cette nouvelle ahurissante. Le Colonel Pinch était une merveilleuse machine de guerre, mais aussi dangereuse. La petite affection ressentie envers le fils Moriarty rendait désagréable cette prouesse guerrière, même si l’ex-française s’en frottait véritablement les mains. Elle dormirait à poings fermés en sachant qu’un tel gardien veillait à ce qu’aucun intrus ne pénètre le périmètre de sécurité et reste entier. Quelle brave bête !


-Tu as très bien réagi, au contraire ! Tu sais, il est vraiment asocial et de savoir qu’il y a autant d’étrangers chez lui, ça doit le rendre bien nerveux. Je suis aussi désolée que tu l’es. Et je pense qu’il va rester un petit moment sous le lit, le temps qu’on discute…

Pas envie qu’à peine sorti de sa pétrification il ne reparte à la charge. Non vraiment, le gamin l’avait tiré d’un mauvais pas. Imaginons le malaise s’abatant sur l’assemblée si Jezabel était redescendue avec une charpie en forme d’Adrian Moriarty dans les bras ? Même si elle trouvait ses raisons de faire du tourisme dans sa chambre louches de simplicité. Peut-être parce qu’elle était menteuse elle-même et qu’au cours de situations similaires dans ses jeunes années, la petite Absy inventait souvent des histoires savamment ficelées et échappait à la correction quand sa sœur avouait la banale vérité et était accusée de mensonge. Pauvre Calli...

-Mouais. En tout cas, je suis contente de t’avoir retrouvé entier. Ça va mieux ? Tu as quand même de drôles de jeux de petit garçon. Ce doit être héréditaire.

L'air de rien, l'air de tout...
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyDim 19 Avr - 3:40:20

Là, il aurait pu soupirer, lever les yeux au plafond en regrettant qu’une araignée ne pende pas à celui toiturant l’esprit fourbe tapi derrière les deux beaux yeux verts qui le fixaient. Au lieu de cela, il s’entendit répondre d’une voix un peu réticente, mais pas sans conviction :

-Oui, vous méritez mieux.

Qu’aurait-il pu dire d’autre ? Même si son avis était loin des certitudes de la maîtresse de maison, ce n’aurait pas été très fair-play de le lui balancer. Quoique..elle lui aurait certainement offert le spectacle d’une expression impayable...Avant de lui faire ravaler sa franchise mal placée. La vérité ou comment ruiner votre chance. Mais, déplaisir de l’instant mis à part, il approuvait la jeune femme, bien au-delà de sa plaisanterie. Mrs Jezabel Wilford était une perle. Pour une fois que se présentait l’occasion de ne pas mentir à une question appelant son jugement, il devait honorer l’inopinée concordance entre ses pensées intimes et les prétentions de l’élégante.

A moitié allongée, l’échancrure de sa robe remontait sur sa cuisse de façon à ce qu’il peine à soutenir son regard, son attention étant inexplicablement attirée par la peau dévoilée, sans oser s’y arrêter pourtant. Au contraire, il fixait ses yeux au sien avec une détermination plus forte, sentant qu’il était en train de replonger et ne voulant pas qu’elle se rende compte qu’il admirait sa beauté. Après tout, ce n’était que de la chair, aussi sensuelle qu’une cuisse de lapin dans son assiette. Seulement, le lapin en question n’avait pas ce corps…intéressant, ni ces attitudes…recherchées.

Une fois encore, il se sentit bizarre, pas tellement sûr d’être à sa place sur le lit décalé de l’épouse Wilford, pas certain d’être assis où il fallait sur le même matelas qu’elle, où traînait des petites culottes et soutiens-gorge en pagaille. Une étrange situation. A vrai dire, cela le gênait bien plus que leur conversation douteuse sur le ton de la pluie et du beau temps. Les mots ne l’embrouillaient jamais comme la jeune femme pouvait l’embrouiller par sa seule proximité, cette présence contre laquelle la logique ne lui servirait à rien, il ne pouvait pas débattre de la réalité constatée par sa vue. Tout au plus pouvait-il tenter d'en nier les effets. Il se rendit compte qu’il aurait aimé se rapprocher d’elle, la toucher à son tour. Rien de bien méchant, juste une boucle de ses cheveux, celle qui caressait son épaule, ou le contour de ses lèvres.

Les fourmillements revinrent, et pendant un instant, il lui sembla qu’il serait capable d’avoir un geste vers elle, mais ses mains restèrent en position sur ses genoux, clouées par son intraitable volonté. Adrian s’en félicita. Il avait la très désagréable impression d’être le jouet de la féline. Une impression confirmée par son petit air de malice mêlée d’ironie et la réponse à sa question. « Toute l’aide que tu me laisseras t’offrir » ? Oui ? Devait-il lui demander des précisions ou ne rien ajouter ? Devait-il la tourner en dérision, reprendre avec légèreté ? Sous ses questionnements, le jeune homme perplexe se mordilla la lèvre. Une réaction tellement évidente de ses réflexions intérieures qui donnait tout le loisir à la charmante et venimeuse épouse de Geoffrey Wilford d’apprécier son incertitude. Le pire : il ne se rendit même pas compte de cette ouverture inhabituelle sur ses sentiments qu’il tentait de toujours tenir hors de portée des autres. Jezabel l’avait désarçonné, mis sur la défensive.


-D’accord…

Il était assez insupportable pour lui de ne rien trouver de plus étoffé à rétorquer. Elle n’aurait pas pu faire pire en lui jetant un sort de mutisme ! Il se sentait pris au piège d’un tribunal pervers où la seule autorité était celle de la sorcière allongée près de lui, et tout ce qu’il dirait pourrait être retenu en sa défaveur. Il n'avalait vraiment pas le fait de ne pas être de taille face à elle. C’est pourquoi le changement de sujet le soulagea, d’autant plus que la réaction de mademoiselle Jezabel lui fit un réel plaisir.
Décrispé, il eut un sourire de circonstance, monté automatiquement à ses lèvres, mais réchauffé de cette conviction qui lui était venue tout à l’heure. Il eut un hochement de tête assuré quand elle s’inquiéta de son état, comme si tout ceci n’avait, en fin de compte, été aussi mouvementé et éprouvant qu’un coup de soleil attrapé lors d’une partie de golf.


-Bien mieux, je vous remercie. C’est gentil.

Il était d’ailleurs tellement content de sa sollicitude et de son approbation que son esprit caustique ne pensa pas à remettre en cause l’intérêt qu’elle portait vraiment à son bien-être, ni la sincérité de ses excuses. Cerise sur le gâteau : le kneazle restait dans le noir, sous le lit, tandis que lui bavarderait avec sa maîtresse, sur ce même lit. Tout compte fait, il s’y sentait bien, en sachant qu’il écrasait l’horrible félin avec le favoritisme de la jeune femme à son égard. Même le « mouais » lui aussi revenu à la charge ne le troubla pas. Il aurait dû.

Quand on disait que les sentiments rendaient idiot. Il suffisait qu’une belle femme le flatte et il démarrait au quart de tour à lui sortir des imbécillités et à se réjouir de ses sourires, guidé par sa vanité et cette stupide adolescence. Qu’avait-il cru ? Qu’ils étaient en train de forger des liens spéciaux derrière leur conversation en demi ton ? Qu’un respect mutuel jaillirait de leurs échanges ? Il n’était qu’un pauvre gamin pour elle. Son petit bouffon de l’instant, le hochet qu’elle agitait ou caressait au gré de ses désirs. Rien de plus.


*Crétin*

Son expression se blinda graduellement, mais il ne pu contrôler la lueur d’accusation dans ses yeux. Il aurait simplement eu envie de…de parler normalement pour une fois. Sans devoir se surveiller, sans compter le nombre de points de suspension à laisser après une allusion. Il voyait très clairement arriver les siennes.

C’était idem que lorsqu’elle lui avait parlé de « sa tendance précoce à fréquenter des endroits compromettants ». Elle savait ce qu’elle avançait. Et ces « drôles de jeux héréditaires » devaient également trouver une certitude. Que pouvait-elle savoir des agissements de son père ? Que venait-il même faire là dedans ? Car elle ne pouvait pas lui parler de sa mère. Il savait que son géniteur n’était ni le plus généreux des hommes, ni le plus tolérant. Pas même avec les siens. Il ne voyait pas où elle voulait en venir et craignait que ces révélations ne le mènent trop loin, qu’il découvre quelque chose qu’il n’aimerait pas découvrir. Et d’un autre côté…

Le Serpentard brûlait de savoir ce que pouvait trafiquer cet homme, cet inconnu pour lui. Leurs rapports se limitaient trop souvent à une simple évaluation, comme s’il était une bête prête à passer un concours. Arcadius Moriarty, en dépit d’une malhonnêteté qu’Adrian percevait évidente, semblait, non pas au-delà de tout soupçon, mais sans faille. Parfait comme il reprochait à son fils de ne pas l’être. Quelles affaires louches traînait-il accrochées à son prestige ? Le jeune homme espérait que c’était bien ce genre de « jeux » qu’évoquait Jezabel. Et pas quelque chose en rapport avec son attirance mal dissimulée envers elle qui lui faisait tracer une parallèle avec son père. Un bloc de glace lui tomba dans le ventre. Toute cette histoire prenait une complexité et une tournure qu’il n’appréciait plus et il ne se cacha pas de le lui montrer, reprenant la parole d‘un ton froid accordé à son regard. Qui avait-il de si amusant pour donner envie à la jeune femme de vouloir monter ses révélations en énigme ?


-De drôles de jeux qui doivent valoir les vôtres. Dites moi ce que vous voulez me dire. Clairement. De qui parlez vous et quel est le rapport avec moi ?
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyDim 19 Avr - 22:34:41

Eh bien, eh bien, eh bien…Comme il devenait acerbe tout à coup ! Peut-être savait-il déjà ce qu’elle voulait lui dire. Avait-il le culte du Père ? Croyait-il en sa glorieuse image jusqu’à protéger ce précieux modèle de sa langue trop vive ? Ou bien avait-il déjà connaissance des turpitudes de celui à qui il devait la vie et leur intolérabilité morale les rendaient tabous ? Le cher petit…Mais c’était une banalité ! Y avait-il en ce monde une seule lignée au sang pur qui n’ait pas de secret inavouable ? Ce n’était jamais que les interdits sociaux qui bannissaient certains comportements, certains désirs, certaines actions funestes. Comment empêcher un homme d’embrasser sa vraie nature ? Proche de soi-même dans le meurtre ou dans la bonté, cela n’avait d’importance qu’aux yeux des lois, pas de l’individu. Jezabel n’avait jamais ressentie la honte que dans la misère, jamais dans la violence et la trahison qui pourtant la condamneraient selon les règles établies par le ministère. Elle avait toujours fait ce qu’il fallait faire. Et lui, son beau garçon, s’il n’était pas stupide, s'il devait haïr son père, que ce ne soit pas pour ses actes, mais pour d’autres raisons personnelles. La sorcière aurait mille fois préféré être la fille d’un homme tel qu’Arcadius Moriarty. Il lui rappelait son propre père. Son père qui n’aurait pas été vaincu par la peur, qui n’aurait pas craint d’aller jusqu’au bout des choses.

Jezabel se retint de glousser et d’exposer son amusement trop clairement. Ce n’était pas la bonne carte à jouer. Adrian était sur la défensive, plus loin d’elle qu’il ne l’avait été jusque là, car sa colère froide le mettait hors de son influence et il ne craignait plus le châtiment. Au contraire, la brune jeune femme prit un air de douceur attristée et ramena sa main à ses lèvres, comme pour retenir les paroles malheureuses qu’elle regrettait d’avoir prononcées.


-Adrian, tu es fâché ? Je ne voulais pas te vexer, mon chat.

De tendresse jusqu’au bout des ongles, elle se redressa et se pencha vers l’adolescent, ses bras venant amoureusement entourer ses épaules où sa joue avait trouvé un appui confortable. Câlin de réconciliation.

-Pardon. Je ne veux pas que tu sois en colère contre moi.

Comme si cela avait la moindre importance. Elle voulait simplement poursuivre le jeu et lui faire cracher le morceau. Une de ses mains quitta l’épaule où elle s’était posée pour replacer quelques mèches noires tombées trop près des yeux clairs d’Adrian.

-Tu sais, je n’ai pas dit que ces jeux étaient une mauvaise chose…

Un sourire taquin réapparut sur son visage alors qu’elle regardait le jeune homme par en dessous. Sa petite scénette en tête, elle se hissa jusqu’à ce que ses lèvres frôlent l’oreille du fils d’Arcadius et y murmure l’amorce de ses confidences.

-Je vais te révéler ce que je n’ai jamais révélé à personne…

Avant qu’elle n’ait pu songer à se retenir, ses dents mordillèrent le lobe de son invité surprise, s’imprimant délicatement dans la chair particulièrement tendre de cette partie de l’anatomie, qu’elles laissèrent filer doucement entre leur émail tandis que l’étudiante se reculait. Pas si fière, cette fois-ci.

Un peu troublée par son dernier geste qu’elle n’avait pas prémédité, elle reprit sa place et leur conversation, tapie comme un félin, souhaitant étouffer les questions sans réponses qu’aurait pu susciter son mordillement irréfléchi.


-Tu vois, ces hommes qui étaient avec moi, ils étaient en quelque sorte des clients. Pas les plus prestigieux. Vraiment, vraiment pas…Mais en se faisant connaître de types comme ça, on attire l’attention du dessus du panier.

La demoiselle se redressa, ses mains prenant appui derrière son dos incliné, ses doigts fins entremêlés à la dentelle et aux voiles de ses dessous répandus sans ordre. Elle fronça légèrement les sourcils, le vert tendre de ses yeux altéré par ses considérations sur son passé.

-Franchement, j’en ai bavé. Surtout que je ne suis pas née pour servir de larbine., gronda-t-elle en relevant ses mains vers lui, paumes exposées, Regarde mes mains. Tu trouves que ce sont des mains d’esclave ? Si tu savais le nombre d’incapables pas foutus de se sortir eux-mêmes de leurs problèmes, ceux qui n’ont pas le courage ni le talent pour se débarrasser d’un gêneur ou pour s’approprier ce qu’ils désirent. C’était moi qui faisait tout ça pour eux, tout le sale travail. Pendant plus d’un an, j’ai passé mes journées à préparer des rituels, des poisons et autres conneries du genre, et pendant mes nuits j’étais toujours fourrée à droite ou à gauche pour "rendre service" à quelqu’un.

Débectée, Jez marqua le temps d’un soupir avant de reprendre sa tirade.

-Ton père était plus un associé. Du moins, il a eu le tact de me considérer comme je le méritais et pas comme une pauvre petite boutiquière de l’Allée des Embrumes. Je te jure, ce coin est totalement invivable. On essaye toujours de te faire la peau pour un oui ou pour un non, de t’arnaquer, les gens sont sales, ils parlent mal ou alors c’est des espèces de psychopathes, des tueurs, des moins que rien. Tu peux être certain que tous les spécimens de rebus de l’humanité y sont représentés. C’est vraiment un bonheur d’y habiter...

Une expression indéfinissable tombée sur ses traits, la Sang Pur observait le jeune homme sans vraiment le voir, des souvenirs plein la tête.

-Surtout quand tu es une étrangère.

Nouvelle pause. Sa voix portait le venin de cette époque aux allures de vie antérieure pour la Jezabel d’aujourd’hui.

-Surtout quand tu es une femme.

Un sourire, un vrai sourire retroussa ses lèvres. Pourtant, il y avait plus de revanche que de joie dans l’ivoire dévoilé. La magie abolissait ces petites mesquineries sexistes, le supérieur étant celui du bon côté de la baguette quand l'autre gisait à terre. Et ça, elle l'avait prouvé.

-Mais ton père est quelqu’un de bien. Avec des valeurs que j’apprécie. Il respectait toujours nos arrangements, pas comme les autres demeurés que je devais remettre en place. Non, parce que tu en laisses un t’escroquer d’une noise et après c’est fini, t’es bon pour être dépouillé.

Et dire qu'il n'y avait ici qu'un bout de la vérité.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptySam 25 Avr - 15:26:38

Adrian resta interdit face à la petite mine dépitée, tout à fait adorable, apparue sur le visage fier de la jeune femme. Il ne s’était pas vraiment attendu à ce qu’elle cherche à l’amadouer, mais il était en tout cas certain que ces pseudos remords ne l’empêcheraient pas de faire de jolis rêves cette nuit, confortablement lovée contre son mari. En bonne vipère, sa langue fourchue adoucissait les mots de son discours et ses excuses le touchaient comme des caresses, bien qu’il refusât de croire. Il appréciait le ton, sa douceur à son égard. Qu’elle prit la peine de jouer les fautives repentantes cherchant à regagner ses bonnes grâces lui plaisait beaucoup.

Ce qui ne l’empêcha pas de se raidir lorsqu’elle passa doucement ses bras autour de ses épaules. Il n’esquissa pas un geste, ni pour l’encourager, ni pour la repousser, mais ses muscles imperceptibles rappelèrent leur existence dans le corps du Serpentard indolent en se contractant, comme s’ils se préparaient à encaisser un maléfice et cherchaient à se protéger de la douleur. Pourtant absente du toucher de la jeune femme, l’effleurement de ses doigts sur sa peau ne le détendait nullement et l’empêchait de raisonner. Ce n’était plus le flou d’un adolescent troublé, mais un arrêt définitif du cours de ses réflexions. Il ne pensait plus à rien, il ne pouvait plus que ressentir la chaleur de Jezabel, si près de lui.

Percevant un sourire poindre dans la voix de la belle _beaucoup trop belle_ sorcière, il abaissa enfin son regard gardé fixe, ses yeux parcourant les traits si joliment dessinés à la recherche de l’intention véritable dissimulée derrière cette prévenance. En cet instant, il trouva son air joueur si délicieux qu’il maudit ses parents de ne pas l’avoir conçu en premier. Quelques années, quelques malheureuses petites années de plus et il aurait embrassé l’occasion. En l’occurrence, il se sentait plus intimidé qu’autre chose et tenta un pauvre sourire de pardon après avoir dégluti ce qu’il lui restait de salive. Sa main amorça un mouvement pour caresser le bras nu qui avait quitté son épaule, mais il rattrapa son geste instinctif, les entrailles nouées que son corps ait eu l’audace d’agir sans le consentement de sa volonté.

Ce mouvement inconsidéré lui permit de se botter mentalement les fesses et de réfléchir à la situation. Elle ne le câlinait que comme le gamin qu’il était, simplement pour se faire pardonner. Il devrait sérieusement songer à mieux analyser les idées absurdes que lui envoyait son bouleversement hormonal pour les reconnaître et ne plus s’emballer pour si peu. Même si le murmure et le souffle à l’intérieur de son oreille défirent le nœud au creux de son ventre pour le remplacer par l’étrange sensation d’avoir avaler des papillons, tous foudroyés quand les dents de la jeune femme le mordillèrent. Ce ne fut que l’espace d’une seconde. Peut-être deux. Il eut à peine le temps de tressaillir que Jezabel s’était déjà éloignée de lui pour reprendre sa place. Comme si rien ne s’était passé.

Le Serpentard releva la main et toucha le lobe légèrement humide de son oreille tandis que Mrs Wilford se mettait à lui raconter ce qu’elle avait promis de lui dire. Il fut sur le point de l’interrompre, mais rien ne lui vint à l’esprit, rien de sensé, ni rien d’assez percutant afin d’essayer de la troubler comme elle l’avait troublé. De toute façon, sa première phrase l’amena à se poser d’autres questions.


*Des…clients.*

Mais quelle horreur. Voilà d’où lui venait ces automatismes cajoleurs, ces poses affriolantes ! Le pire ne se confirmait pas. Il était dépassé. Que son père eût une maîtresse, c’était déjà une chose difficilement tolérable. Qu’il achetât le corps d’une femme en était une autre, dégradante et honteuse. Persuadé d’avoir très bien compris ce qui n’était pas clairement dit, Adrian fit un geste de la main pour arrêter l’étudiante avant qu’elle ne lui explique par le menu détail la teneur de son activité nocturne, ne souhaitant vraiment pas connaître ce qui avait pu la faire "baver". Ni de quoi ses mains s’étaient occupées.

-Non, non, elles sont…, commença-t-il sans pouvoir achever le réflexe courtois, échouant à trouver une politesse imméritée. Il ne mentait jamais pour rendre service. Ni pour apaiser une mauvaise conscience qui aurait dû se sentir plus mal que cela.

Il amorça un mouvement pour se relever, remarquant l’aiguille coincée dans l’anneau d’une bague aux doigts féminins sans en prendre conscience. Elle avait eu de la chance d’attraper son mari dans ses filets, quelqu’un qui avait assez peu de fierté pour remplacer son épouse par une prostituée. Penser qu’il aurait pu s’agir de son propre père l’amena à détester cette traînée en plus du mépris qu’il concevait déjà pour elle. Et dire qu’il s’était laissée à avoir un faible pour une…Ah. Comment avait-elle osé le toucher ? Comment avait-elle pu trahir la noblesse de ce sang qu’elle prétendait pur ? Comment pouvait-elle se pavaner dans ces robes bien trop élégantes pour préserver la pudeur inutile d’un corps qu’un peu d’argent suffisait à découvrir et à utiliser selon l’envie ?

Si tu savais le nombre d’incapables pas foutus de se sortir eux-mêmes de leurs problèmes, ceux qui n’ont pas le courage ni le talent pour se débarrasser d’un gêneur ou pour s’approprier ce qu’ils désirent.

*Oho.*

Chute libre dans les tréfonds de la mortification. Aurait-il le courage de s’auto-injurier pour son énorme méprise ? Camouflant son mouvement pour se relever en changement de position, il espéra que son regard n’aurait pas trahi la virulence et la profondeur du dédain ressenti quelques instants plus tôt. Mais, malgré sa certitude d’être une des personnes les plus intelligentes sur cette terre, Adrian ne se considérait pas mieux que le roi suprême des crétins dans les minutes qui suivirent. Bien qu’il fit tout pour ne pas y penser, l’impression venait le parasiter sur tout les tons, parfois très insultants pour son orgueil.

Il s’en voulait d’avoir pu envisager un passé aussi abject pour cette belle jeune femme qu’il appréciait, de plus en plus, mot après mot. Elle le captivait, le séduisait, plus qu’il n’aurait dû l’être à son âge. Partager son secret le flattait. Maintenant, il savait ce que tout le monde ignorait, ce qu’avait été sa vie avant de devenir Mrs Jezabel Wilford. Elle lui confiait toute la dureté et l’harassement de ces jours et de ces nuits, et il était…étrangement compatissant à ces malheurs abandonnés au souvenir. Il l’imagina, aussi radieuse qu’elle l’était devant lui, perdue au milieu de cet univers crasseux et hostile qu’elle lui décrivait, avec son style…très personnel. Très vite, il se rappela de la façon dont elle l’avait cueilli sous le lit et, bien que ce ne fut pas aussi agréable à se rappeler que la fois où sa sœur avait dérapé sur la baguette dont elle venait de désarmer son frère lors d’une joute à mort amicale, il eut un sourire. Il plaignait un peu tout ces pauvres bougres qui n’avaient pas vu le dragon sous son costume de demoiselle.


-Ça explique des choses.

Et le rassurait. En partie. Bizarrement, ce qui concernait son père ne l’avait pas autant touché que ce qui concernait son interlocutrice. Il s’agissait de confirmations, non de révélations et, quelque part, il s’était toujours douté de tout, sans jamais parvenir à déterminer le degré atteint dans la bassesse, la cruauté. Il n’avait ici qu’une simple description sommaire, mais sûre, tangible derrière l’immatérialité des mots. Craindrait-il encore plus son géniteur maintenant qu’il savait avec certitude ce qu’il avait toujours présumé ? Peut-être. L’affirmation de ses suspicions ne lui faisait pas plaisir sans le catastropher. Il n’avait jamais été un idiot illusionné. Son père lui-même y avait veillé. Cependant, découvrit une façade aussi noire, qui allait jusqu’à l’acte dans ses ressentiments, jusqu’à tuer sans doute…Oui, il en avait peur. Pas honte, mais peur. Il ne devrait pas y penser et se concentrer sur sa jolie Jezabel.

-Les commères sont vraiment au large de la vérité. Je ne pense pas qu’elles pourront ramer jusque là.

Il peinait à la visualiser il y a un an de cela. Mais il sentait qu’elle disait la vérité. Les regards qu’elles avaient eu, le son clair de sa voix et les preuves constatées de ses yeux corroborait tout son discours. Il la détailla encore un instant, silencieux.

-Il faut avouer que lorsque l’on vous regarde, ce ne sont pas les premières choses qui viennent à l’esprit.

Et hop, les deux pieds dans le plat de l’humour gras. Adrian essaya de la devancer, de retirer la perche qu’il venait de tendre avant qu’elle ne le pousse à l’eau et qu’il ne se retrouve piteux encore une fois.

-Hum…On voit tout de suite que vous êtes une femme respectable. Ça saute aux yeux, ça s’impose avant toute opinion personnelle.

Tout autant que sa beauté, mais ça, il n’était pas assez fou ni assez masochiste pour le lui rappeler. Il restait encore des zones d’ombres qu’il aurait aimé éclaircir. Pourquoi s’était-elle lancée dans ce genre de marchandage, elle qui venait d’une grande famille ? Ce n’était pas par plaisir, pas besoin de lire entre les lignes pour le comprendre. En fait, pourquoi lui avait-elle dit tout ça ? Pour qu’il se confit à son tour ? Bien sûr…Un nouveau sourire en coin apparut sur le visage de l’adolescent, réjoui d’avoir su percer à jour la démarche de l’intrigante.

-Maintenant, je suis supposé me lancer dans les confidences, c’est ça ?

Finalement, ce qu’elle lui avait dit…peut-être n’était-ce qu’un morceau choisi parmi le plus honorable de ses secrets, un secret qui l’intéresserait car son père en était acteur, simplement pour lui montrer qu’ils avaient des similitudes, qu’il y aille de ses révélations lui aussi, et pas dans le besoin de s’épancher auprès de quelqu’un. Certainement pas pour le besoin de s’épancher.

-Je vais le faire. Mais si vous pouviez me parler de mon père avant. Que savez-vous de lui ? De ce qu’il fait ? Et vous, miss…Comment vous êtes vous retrouvée dans l’Allée des Embrumes ?

Il ne put sortir de platitudes à la « Oh ma douce, ça n’a pas dû être facile pour
toi », mais il était clair qu’il pensait que la jeune femme valait tellement plus que ce par quoi elle était passée.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyDim 26 Avr - 16:40:21

L’attention. Très peu de gens l’accordaient. Que ce soit aux lointaines calamités qui affligeaient ce monde, aux vies inconnues piétinées ou à la misère quotidienne et pitoyable de ceux qui tendaient la main pour une mornille. Quel intérêt si l’on n’était pas concerné, touché soi-même par le désastre, vaincu par la même désolation que son voisin ? Sans être pris dans les rets de la fatalité, beaucoup se fichaient éperdument du sort frappant leur prochain. Qu’il meurt donc ce mendiant malade et seul, je lui offre mon palier pourvu que le mal s’arrête à ma porte. Le tiers de l’humanité indifférente. Mais de ce nombre, ils étaient moins de la moitié à oser afficher leur dédain face à l’hypocrisie du monde. Combien parmi les méprisants se piquaient de fausse compassion ? Combien restait-il de "belles" âmes, de purs sauveurs du genre humain en perdition, prêts à la mort pour que le Bien triomphe ? Les Callista de cette terre que seule l’idiotie rendait charitable ? Jez n’était pas de ceux-là. Elle n’appartenait pas non plus à l’autre espèce. Non, si un loqueteux sur le point de crever venait traîner sa misère sur le pas de sa porte, elle le clouerait sur celle du voisin. Elle n’allait pas se laisser emmerder, non ? Chacun ses petits tracas.

Dans le même registre, mais à plus petite échelle, l’attention donnée aux paroles et histoire d’autrui était rarissime. Sauf pour les rats de la curiosité maladive, mais il s’agissait d’une pathologie, alors cela ne comptait pas. Ils n’écoutaient jamais vraiment ce qui était dit, le but étant de pouvoir répéter ensuite à une autre oreille inattentive crue…attentive. Et la boucle était bouclée. Combien de centilitres de salive gaspillés en une vie simplement par la parlotte dans le vide ?

Adrian l’écoutait. Comme Geoffrey savait écouter, comme sa sœur avait su écouter. Mais à aucun des deux elle n’aurait pu confier ce qu’elle pourrait confier au jeune garçon. Elle sentait que ses mots trouvaient un écho en lui, qu’il n’était même pas gêné, ou en train de préparer un laïus pour lui faire la morale. Non, il s’était laissé attrapé par son discours, cette vérité que peu accepterait comme il le faisait. Normalement, simplement. Et avec ce qu’il lui semblait être de l’attrait. Quel dommage qu’il fut encore si jeune, un adolescent loin de l’enfance et qui deviendrait vite un homme, mais à la frontière où rien n’était possible bien qu’il possédât déjà l’ébauche des désirs de sa future plénitude masculine.

Elle sentit qu’il comprenait, qu’il percevait ce qu’avait pu être cette partie détestable de son ancienne existence, autant que pouvait le lui permettre sa nature protégée qui n’avait jamais eu à vivre dans l’ordure, jamais connu l’indigence et la honte de son nom. Protégée, oui…Mais sûrement pas dorlotée. Cette intelligence précoce ne se déclarait pas chez les petits bichons élevés dans du coton, lui savait comment fonctionnait le monde, tout comme Jezabel l’avait compris très tôt. Ce n’était pas un idiot. Et le constater fit un grand plaisir à l’épouse Wilford dont le visage se fendit d’un large sourire, franc et un rien attendri, le même qu’elle aurait adressé à un jeune renard trouvé écorché entre les rosiers épineux de sa foutue prédécesseure. Ce renardeau, elle allait en prendre grand soin, le cajoler et épingler de ses griffes ceux qui voudraient tanner le cuir d’une si adorable petite bête.

Elle couva le jeune garçon d’un regard câlin qu’elle n’avait jamais offert aux enfants de son mari. Sans doute parce que ce n’était pas l’œillade langoureuse que l’on lançait à un adolescent de sa famille. Elle avait conscience que son comportement n’était pas anodin, mais elle s’en moquait impérialement. Avait-elle déjà posé ses yeux sur Geoffrey avec autant de douceur sans faux-semblant ? Elle savourait ce sentiment, cet instinct affectueux qu’il lui était si exceptionnel de ressentir ainsi.

Son sourire se mua en rire à la première plaisanterie d’Adrian. Il avait diablement raison, le petit ! Les radoteuses accrochées à son prestige dérivaient en haut trouble. Trouble de leurs commérages saugrenus et grotesques, trouble de leur stupidité de bonniches au foyer aveuglées par le phare trompeur de la Wilford Beach. De toute façon, celles un peu trop malignes pour s’approcher suffisamment du mystère seraient certaines de faire naufrage sur les récifs dissimulés à l’ombre de sa belle apparence publique.


-Eh bien, mon chéri, je t’interdis de leur lancer une bouée. Sinon, c’est toi que j’envoie par le fond en premier.

Redevenue à moitié sérieuse, la jeune femme le cribla de ses yeux verts où le rire jetait encore sa joyeuse étincelle. Elle déciderait s’il devrait repartir avec ses secrets ou pas au terme de leurs échanges. Mais sa façade réfléchie se lézarda à nouveau lorsqu’il eut une de ces phrases dont on ne perçoit le double sens qu’après les avoir prononcées. La demoiselle gloussa, amusée de le voir essayer de rattraper le tir, ni vu ni connu.

-Respectable, oui. N’aie pas peur de me dire ce que tu imagines d’une femme respectable. Il y a peu de chance que je me choque. , le taquina-t-elle avec un clin d’œil.

L’envie de badiner lui passa rapidement. Non pas que l’ex-française ait eu la pulsion subite et incontrôlable d’étrangler l’adolescent trop finaud pour son propre bien avec son étole abandonnée sur le fauteuil près de la porte…Toutefois, les considérations légères quittèrent son esprit.


*Merlin, c’est pas vrai.*

Le petit géni avait parfaitement compris son stratagème. Jezabel parut surprise, et elle l’était réellement. Elle ne le fixait pas avec des billes larges comme des rapeltouts, mais ses paupières à moitié rabattues sur ses iris clairs et sa bouche sans faux pli rieur ou boudeur constituaient l’expression de celle qui vient de voir sa ruse pensée habile tomber à l’eau. Le sale gosse ! Et pourtant, cette mise à mal de sa manœuvre, destinée à l’amener aux confidences, accrut son respect pour lui. Car il fallait bien avouer que, si elle l’avait trouvé plus éveillé que la masse de ses copains boutonneux, elle l’avait aussi sous-estimé.

-C’était l’idée. Si je te donne une sucette, tu veux bien faire semblant de n’avoir rien vu venir ? En tout cas, on peut dire que nous nous comprenons.

Etrangement bien. Il faudrait qu’elle redouble de prudence. Quoi qu’il en soit, il venait de gagner un peu de sa patience et elle lui devait un peu de son temps. Un peu seulement.

-Bien, mon grand, c’est d’accord. Je vais te raconter ce que je sais de ton papa. Mais ce qui me concerne, et crois bien que je suis flattée de ton intérêt pour moi, glissa-t-elle comme une pique doucereuse, sera pour plus tard si nous avons l’occasion de devenir plus intimes.

Elle savait très bien qu’elle ne le lui dirait jamais. Enfin, pas dans toute la vérité nue.

-Ton père…

Que dire ? Que voulait-il entendre ? Son visage impénétrable ne lui permettait pas de juger de l’émotion et des attentes cachées sous ce masque. Il n’avait pas l’air bouleversé, la déception et le désarroi n’avait pas amener une seule ride disgracieuse gâcher son mignon petit air de jeune premier. Il était toujours beau, avec cette neutralité affectée, à tel point qu’elle pourrait prendre ses questions comme de la bonne et franche curiosité.

-Tu sais, je ne le connais pas vraiment. Je ne vis pas avec lui, moi. Il était toujours courtois, mais…même quand il plaisantait, il avait toujours l'air de…comment te dire ? Tu vois, on sent qu’il n’aime pas les autres gens. Il est froid.

Ça ne l’avait jamais vraiment dérangé. Il payait bien et avait un point de vue tout à fait juste sur le monde, en plus de la traiter convenablement. Elle ne faisait pas pote avec les distributeurs de monnaie.

-Puis tu sais, quand tu lui parles, tu sens qu’il est vraiment en train d’analyser tout ce que tu dis ! Alors, je ne sais pas s’il est comme ça tout le temps ou si c’était juste avec moi parce qu’il n’avait pas envie de se faire arnaquer, mais à mon avis il est de l’étoffe des bons gros calculateurs.

Sérieusement.

-Et malgré ça, il est toujours insaisissable parce que même si tu as l’impression que ce qu’il pense est négatif, tu ne peux pas du tout savoir s'il est juste austère ou si tu vas te prendre un maléfice sur le coin de la face. Moi, ça ne m’a jamais concerné, puisque je me sentais réglo, mais pour certains autres quand je l’accompagnais, je me demandais vraiment à la place du pauvre gars. Son regard est vraiment flippant. Tout son air, en fait.

Sans être la grosse brute vociférante, Moriarty senior arrivait à instaurer un climat de crainte respectueuse autour de lui. Un climat qui avait rejailli sur elle les fois où elle s’était trouvée à ses côtés, et qui donc, avait toutes ses faveurs.

Sur le point de révéler une partie conséquente, elle hésita. Quelle serait la réaction d’Arcadius si junior venait l’accuser dès ce soir pour ses vilaines actions ? Quel sort aurait-il envie de lui faire s’il réalisait qu’elle pourrait blablater sur sa vie devant n’importe qui ? Enfin, pas n’importe qui, c’était tout de même son fils. Le petit cadet qu’il n’avait jamais mis au courant. Quant à l’aînée, elle n’en savait rien. Sans rentrer dans les détails sordides, elle décida d’édulcorer ses indiscrétions et de se laisser le loisir d’aviser. Si le jeunot devait écoper d’un sortilège d’Oubliette, ce ne serait pas pour rien.


-Ça lui est arrivé d’éliminer des fâcheux. Mais il est loin d’être le seul, tu sais, et il n’y a rien de psychotique chez lui. Il se maîtrise totalement, j’en suis sûre. Il s’agissait surtout d’histoires d’influence. Tu es d’accord pour dire que les sangs de bourbe et associés n’ont rien à faire dans notre monde ? Il a fait place nette là où ils le gênaient et a su museler certaines grandes gueules. Tu vois, les partisans de la sacro-sainte égalité entre sorciers. La plupart du temps, ce sont des impurs. Il faudrait vraiment être con pour prêcher ces évangiles à la mords-moi-le-jonc quand on fait partie de l’élite.
Il y a d’autres choses aussi, il s’intéresse beaucoup à…notre patrimoine et je l’aidais à mettre la main sur ce qu’il voulait. Dès fois, c’était juste des enchères undergrounds hein, faut pas voir le mal partout.
, conclu t-elle en plantant des yeux interrogateurs dans ceux d’Adrian.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyVen 1 Mai - 23:39:32

Evidemment qu’il n’allait rien répéter. Il ne voyait vraiment pas quelle autre personne mettre dans la confidence. Peut-être plus tard, un jour lointain, mais pour le moment, le passé secret de Mrs Wilford ne serait même pas drôle à dévoiler. Les lanceurs de rumeur étaient tellement bien inspirés qu’il aurait été dommage de freiner leurs élans artistiques. Il préférait, et de loin, s’en amuser avec elle, lui qui savait la vérité. La menace de lui faire payer une langue trop pendue glissa un peu sur lui, car le désir de la trahir ne le titillait pas, mais il prit bonne note de ne jamais s’épancher auprès de quelqu’un qui ne tiendrait pas un minimum à ce qu’il reste indemne La liste en peau de chagrin des personnes de confiance s’amenuisait encore plus à ce constat.

-Loin de moi l’idée de faire échouer votre subterfuge. Au contraire.

Un aveu de protection ou tout comme. Jezabel n’était pas agréable au sens homologué par beaucoup, mais ceux-là n’y connaissaient rien et n’avaient aucune notion de la bonne compagnie. Sans en prendre conscience, il cherchait à se faire apprécier d’elle, il voulait que dans cette foule de gens insipides réunis dans le jardin, elle se rende compte qu’il était aussi exceptionnel qu’elle pouvait l’être à ses yeux énamourés.

Pause.

Enamourés ? Mais bien sûr, il avait tout à fait envie de lui faire apparaître un bouquet de roses et de lui demander de l’épouser tout de suite après avoir sorti son mari de l’échiquier. L’enthousiasme si peu fréquent d’avoir rencontré quelqu’un remportant haut la main la confrontation avec son sens critique l’emballait un peu trop. Qu’elle le traite en presque adulte lui faisait gagner des points, certainement. Il n’était pas coupable de sa date de naissance, il n’y pouvait rien s’il n’avait pas encore atteint la majorité salutaire où enfin on ne vous considérait plus comme un gamin. Pourquoi le traiter en diminué jusque là ?


-Je veux un sac de grains de café chocolatés et peut-être que j’arriverai à sourire bêtement si ça peut vous rassurer.

Amusant. La réflexion de la jeune femme faisait écho à celle qu’il avait eu tout à l’heure. Elle n’avait vu que sa jeunesse comme lui ne s’était arrêté qu’à sa jolie silhouette pendant longtemps. Avant cette soirée qui avait bizarrement tourné depuis son escapade sous son lit. Elle avait raison. Contre toute attente, ils se comprenaient et il était fier d’avoir su faire un zeste d‘impression. Malgré lui, sans que son être le formule clairement, il espérait qu’elle ne lui donnerait pas d’autres occasions de lui en vouloir, de le décevoir. Son beau regard vert surtout, il désirait tant ne pas le détester et tenait à l’espérance folle que cette affection posée sur lui soit réellement ressentie. Mais qu’un déclic lui fasse réaliser ses émotions et le Déluge s’abattrait sur l’Angleterre car la face de son monde en serait changée.

Sa curiosité un peu frustrée d’être poliment, mais purement rembarrée, il se prépara à écouter sa vis-à-vis sans se laisser désarçonner par ce qu’elle pourrait dire. Premièrement, il n’aimait pas l’ironie du terme "papa". Il n’avait jamais appelé Arcadius Moriarty ainsi, et les syllabes sonnaient comme de mauvaises plaisanteries même si Jezabel n’avait pas fait attention à ce détail. Ce dont il doutait. Il était évident qu’elle connaissait bien le père d’Adrian, malgré qu’elle ne soit rien de plus qu’une partenaire d’affaire. De quoi devait-il être fâché ? Qu’elle compte autant que lui aux yeux de son géniteur ou bien qu’il vaille aussi peu qu’elle dans le cœur froid de "papa" Moriarty ? Au fil des phrases, il reconnaissait le portrait de celui qu’il côtoyait depuis sa naissance, sans remarquer de fausses notes, sans surprises ni traits de personnalité cachés. Jezabel aurait pu être sa sœur tant le comportement de son père était resté le même devant l’énigmatique boutiquière de l’Allée des Embrumes qu’en présence de ses enfants. Non, il avait tort. Elle était en mesure de lui rapporter ce qu’il ignorait, alors qu’il ne pouvait qu’approuver chacune de ses paroles comme du vécu. La française en avait appris plus, en moins de temps.

Vinrent les vraies révélations, celles qu’il avait appréhendées tout le long. Le Serpentard s’assura qu’il ne laisserait rien paraître, arborant sans s’en rendre compte la même expression que son père, évoquée un peu plus tôt par la jeune sorcière. Expression figée qu’il garda jusqu’à la fin, jusqu’à ce que les yeux lumineux de Jezabel interrogent les siens qui n’avaient rien à répondre à ce stimulus dont le charme ne le toucha pas. Quelle conclusion posée à présent ? Pas de dégoût, mais une gêne indéfinissable, toujours cette même peur qui ne le quittait jamais lorsqu’il était question de son père, cette crainte viscéralement ancrée en lui, qui l’empêchait de parler en mal de cet homme et de s’opposer à ses décisions. Il n’y pensait jamais qu’après avoir obéi.


-Sans doute. Je me demande s’il arrivera à me surprendre un jour…, laissa-t-il filer sans s’appesantir, ce qui constituait déjà une audace.

S’il devait réfléchir à tout cela, il y réfléchirait plus tard. Lorsqu’il serait seul.

-A mon tour, donc.

Le flacon tournaillait lentement entre ses longs doigts fins tandis qu’il réfléchissait à l’organisation de son récit. Il savait déjà où tout ceci le mènerait : elle voudrait retourner sur les lieux de leur premier face-à-face s’emparer de ce qu’il avait renoncé à prendre. Cela ne le gênait plus. Ce serait l’occasion de la revoir, d’obtenir un rendez-vous personnel s’il n’était pas intime, elle qui n’aurait prêté aucune attention à lui s’il n’avait eu son propre secret à lui dévoiler. Il avait conscience de l’irréalisable et de l’absurdité de ses fantasmes des idées tantôt folles ou sottes parsemant son imaginaire et espérait qu’il en serait libéré dès qu’il serait loin de la beauté brune de Jezabel. Il ne manquerait plus que ce petit faible inconséquent se transforme en stupide béguin d’adolescent. Se retrouver à halluciner des moments tendres et une complicité amoureuse avec une femme telle que Mrs Wilford le ferait presque descendre au niveau de ses camarades attardés de Poudlard, tous frémissants d’émotion stérile pour leur nouvelle professeur de métamorphose. Il était bien trop raisonnable pour cela, voyons. Voyons…

-Vous savez comment sont les vieux ? A partir du moment où ils comprennent que leur avenir à court terme c’est la fosse, ils commencent à radoter. Ils revivent leur passé en déconnection totale du monde réel et j’ai dû subir la nostalgie de ma tante Ulda à chaque fois qu’elle nous rendait une visite surprise. Sous prétexte que j’étais le plus jeune et que j’avais plus de temps à lui sacrifier…Parce qu’à ce niveau, on peut parler de sacrifice, oui. C’est qu’elle en a fait des trucs inutiles pendant sa vie…Enfin, tout n’a pas été perdu puisqu’une fois lancée elle ne s’arrêtait plus et m’a confié certaines choses que je pense être intéressantes.

Une monnaie d’échange dont il ne pouvait que soupçonner la valeur, un gain qu’il espérait supérieur aux heures définitivement gâchées de ses plus jeunes années. Des années improductives, il est vrai, mais côtoyer ce fossile d’une autre ère aurait pu nuire à son développement personnel s’il n’avait été paré dès la naissance à contrecarrer toutes formes d’attaques abrutissantes à la faveur d’une génétique avantageuse.

-Son père, Miss. Elle rabâchait beaucoup sur sa période en jupette courte. Elle m’a dit que dans son enfance il la quittait souvent pour se consacrer à ses vagabondages à l’étranger et je crois qu’elle lui en tenait rigueur même si elle a été plus que gâtée. J’ai eu le droit à l’énumération de toutes les breloques qu’il lui avait ramassé dans les attrapes-touristes, mais dans le tas de futilités, il y avait des petites choses qui pourraient encore servir et faire des heureux plutôt que de croupir dans le caveau Eveleigh.
Pour tout vous avouer, je ne sais pas clairement ce que c’est, simplement qu’elle en avait peur et que ces gris-gris, quels qu’ils fussent, venaient du Mexique. Cette vieille folle les a enterrés avec son père à sa mort, soit disant qu’on ne touchait pas à ce genre de sorcellerie dans la famille, que l’Angleterre était un pays civilisé et que tous ces rites de sauvages n’y avaient pas leur place. Alors, je me suis dit que, puisqu’elle renonçait à ses droits dessus, je pourrais toujours jeter un œil…Vous savez, les Eveleigh enterrent leurs morts dans une fosse commune à toute la famille et en dessous, ils entreposent de vieux reliquats. C’est un peu une tradition de laisser un objet spécifique au défunt. En l’occurrence, Ulda s’est permise une entorse à la coutume et a bazardé ce qui la gênait quand son père est passé dans l’autre monde.


Ce qui arrangeait bien le jeune aventurier de treize ans d'âge. Ce n’était pas comme d’aller jouer les pilleurs de sarcophages à même le macchabée. Il n’aurait sans doute pas eu le cœur assez accroché pour rouvrir une tombe et extirper ses biens à un cadavre en putréfaction parfumé aux effluves rancies de l’au-delà.

-Il faut être de leur sang pour y pénétrer. En temps normal, et n’ayant qu’Ulda comme référence du prestige des Eveleigh, j’essaye d’oublier que c’est mon cas, mais je suis une des seules personnes à avoir accès à l’intérieur du caveau.

*Et oui, tu auras besoin de moi, ma douce Jezabel.*

Il la prévenait d’avance. Qu’elle ne perde pas son temps à camper devant la porte du sépulcre en essayant de défoncer la pierre de l’entrée à coup de barre à mine. Un petit sourire souleva les coins de ses lèvres à cette pensée. Il inclina légèrement la tête pour considérer l’épouse Wilford, une courte mèche de cheveux retombant près de son œil avivé d‘une lueur joueuse.

-Je dois dire que je suis moi aussi très flatté de l’attention que vous accordez à mes petites histoires de gamin. On se morfond dans le mariage ?

Trop tard pour se mordre la langue et il n’en avait guère le désir. Lui renvoyer sa pique était une occasion bien trop facile pour qu’il la laisse passer, mais il y avait autre chose : La volonté larvée de l’irriter sur sa situation maritale qui déplaisait au Serpentard. Dans le fond, il aurait préféré qu’elle ne soit pas déjà liée à un homme.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyDim 3 Mai - 16:52:17

Eh bien, on y arrivait, finalement. Le fils Moriarty se décidait enfin à lui lâcher son secret, la raison qui avait amené leurs petites vies respectives à se croiser ce soir de novembre. Pour finalement se retrouver de façon aussi étrange qu’elles s’étaient quittées. Contrairement à Mrs Wilford, jamais l’ancienne Miss Morden ne s’était interrogée sur les raisons ayant poussé le petit garnement à enfreindre le couvre feu parental. Elle s’était contentée de reconnaître et d’épargner le mioche d’un client, sans perturber ses méninges surchargées sur le pourquoi de sa curieuse virée nocturne en terre mortuaire. N’était-ce pas la preuve que son existence était bien meilleure aujourd’hui qu’elle ne l’avait été hier ? Elle pouvait trouver assez de temps perdu pour se soucier de la vie des autres ! C’était prodigieux.

A vrai dire, elle aurait été prête à tergiverser encore quelques instants sur le père d’Adrian, mais le jeune garçon avait clairement indiqué, bien que sans l’exprimer de vive voix, qu’il ne désirait ni poursuivre sur ce sujet, ni commenter. Ni lui dévoiler un peu de ses ressentis, ce qui avait agité son petit cœur palpitant après toutes ces révélations, pas franchement faites pour réjouir le mouflet type. Comment voir au travers d’un mur de fer ? Avait-il été froidement ironique afin de camoufler sa détresse ou bien par indifférence totale et amusée ? Voulait-il éviter qu’elle y aille de ses appréciations personnelles car il n’aurait pu souffrir qu’elle fût désobligeante envers Pôpa ? Sa chère âme saignait-elle de découvrir l’obscurité paternelle ou glissait-elle sur du déjà-vu et revu, du cicatrisé en acier trempé ? La brune ne le savait pas et les yeux pers du gamin ne lui livreraient pas la clef lui permettant d’interpréter le ton. Sans doute le découvrirait-elle plus tard, s’ils devenaient des réguliers. Et si elle s’en souciait encore.

Pourquoi pas après tout ? Ce serait en quelque sorte une première, mais ce jeune monsieur si clair de peau était sacrément intéressant. Au moins sur cette affaire, il avait réussi à retenir son attention par sa personnalité tout à fait plaisante, son humour et ses considérations sarcastiques, mais le fond de l’histoire se joignait à la forme, créant un ensemble irrésistiblement séduisant aux oreilles Jezabelienne ornées de boucles en cristal blanc.

La jeune femme fit scintiller la breloque lorsqu’elle rejeta une mèche indisciplinée tombée sur ses cils allongés de mascara, une expression sérieuse sur son visage décidé. En effet, les projets de l’adolescent étaient tout à fait réalisables, s’il lui racontait bien l’idée authentique née dans son cerveau d’opportuniste il y avait deux ans et des poussières. Ce devait être le cas. Il n’était qu’un gamin à l’époque. Enfin, plus gamin que maintenant. Même avec le pedigree de génie du crime dont il avait hérité, il restait un être humain aux facultés intellectuelles dans le haut de la norme, certes, mais en rapport avec son âge. De plus…Elle ne lui sentait pas la même froideur implacable que son père, bien qu’ils aient en commun des attitudes et une ressemblance physique assez évidente. Adrian était plus faillible, plus avenant. Moins…extrême, moins…radical. Qu’elle en profite donc avant qu’il ne grandisse !

Elle l’accompagnerait. Pour se distraire, pour passer le temps, pour rompre la monotonie d’un quotidien trop bien ordonnancé depuis son mariage en mai dernier. Ce ne serait pas comme autrefois et cette perspective la réjouissait autant que l’annonce d’un bal imminent pour la ménagère confinée au foyer n’ayant d’autres occasions de se montrer que les réjouissances publiques. Pas d’obligation, pas de salaire si ce n’était ce qu’ils découvriraient au terme d’une expédition qui ne serait pas plus contraignante qu’une promenade d’été. Les seules choses à surmonter seraient les lois de ce pays. Au pire, si jamais des difficultés apparaissaient, elle serait un atout pour le fils Moriarty et elle se désencrasserait l’intellect par la même occasion. Depuis combien de temps n’avait-elle pas fait de "vilaines" choses ? Enfin, de vraies vilaines choses ?

Le mystère des anciennes acarnes, le savoir oublié et l’inconnu l’avaient toujours attirée avec la force d’une lueur vive dans l’obscurité de ses jeunes années, de son enfance stoïque à son adolescence sauvage. Indirectement on l’avait poussée vers l’intrigue et la clandestinité par une éducation trop stricte qui avait étranglé ses libertés et n’avait laissé à son esprit sans brides que l’intolérable et désespérante sensation d’étouffer. Mais au fond, son essence profonde n’avait cherché qu’à s’exprimer. Sa charge d’occultiste dans l’Allée des Embrumes n’avait été que l’expression directe de son talent, de son intérêt pour ces aspects de la sorcellerie et des connaissances inexploitées par leur époque moderne. Toujours, elle avait suivi sa nature. Toujours. Personne ne l’y avait poussé. Son père avait simplement exploité cette facette de virtuosité particulière inopinément décelée chez sa cadette. Elle n’avait pas menti à Callista, laquelle aurait voulu se fourvoyer jusqu’à sa mort, accrochée à l’espoir inutile que sa sœur n’ait été que le jouet d’un père qu’elle aurait voulu haïr, mais dont la soudaine acceptation consolait trop son âme de fille rejetée pour pouvoir obéir aux dictats de ses nobles principes moraux et le condamner, ainsi qu'elle l'aurait fait de n'importe quel criminel.


-C’est d’accord., fit-elle en claquant ses mains baguées l’une contre l’autre, comme répondant favorablement à une invitation, A part du temps de perdu, ça ne nous coûtera rien d’aller découvrir ce que c’est vraiment, et peut-être que ce que nous dénicherons pourra avoir de la valeur et de l’intérêt. Nous pourrions facilement nous retrouver demain soir ou début juillet après tes derniers cours…et tes examens. Tu es en quelle année au juste ?

Il devait être à peine plus vieux qu’Elliot, mais son cœfficient d’intelligence réflexive l’aurait fait passé pour un centenaire vénérable et sage comparé au rejeton numéro trois de Geoffrey et Rosaly. Le couple désuni par ses soins, sans qu’elle n’ait eu d’autres choses à faire qu’apparaître dans la vie du mari. Si tout pouvait être aussi simple. Elle n’en était pas heureuse, elle en était satisfaite. Elle ne se "morfondait" pas plus en compagnie de son époux que sous l’autorité de son défunt père. Elle y gagnait même. Cependant, si son tempérament ne pourrait plus se plier à l’indifférence morose des jours passés à se nier, ces heures, ces mois, ces années, tristement perdus et dépourvus d’émotions positives, elle s’énervait de devoir restée muette, non par une dictature de Geoffrey sur elle, comme avait pu l’exercer Ophédius Morden, mais pour ne pas choquer sa philanthropie imbécile. Quelque part, n’était-ce pas pire ? Qu’espérait Adrian en jouant à ce jeu ?

La demoiselle fronça légèrement les sourcils, ses yeux imperceptiblement plissés observant avec attention la figure pâlotte du jeune homme. Etait-ce du mépris ? Croyait-il rabaisser une coureuse de fortune ayant convolé avec un ennuyeux, simplement attirée par l’appât d’un gain facile au détriment de ses aspirations ? L’argent, elle en avait tellement manqué. Elle exultait encore d’être aussi riche. Mais jamais les piécettes dorées ne furent le but ultime de sa démarche. Seulement le bonus gratifiant d’un acte qu’elle aurait dû accomplir de toute façon pour sauver sa peau lentement gangrenée par le maléfice de Jugson. Ceci associé au Sang Pur et au nom de Wilford, ce nom clinquant dont elle n’avait pas, de prime abord, mesuré l’importance, une importance plus forte que la richesse qu’il sous-entendait, une importance diminuée par Geoffrey à cause de ses premières noces infamantes et des naissances dégradantes ayant succédé. A multiples reprises, pour persister et signer dans le déshonneur.

L’anglaise d’adoption avait depuis quelques mois commencé à comprendre le rayonnement de ce nom qu’elle portait, un lustre terni par les mauvais choix de son époux et ses interventions détestables au profit des impurs. Le premier acte en faveur de la réhabilitation de cet honneur déchu avait été de réunir le Sang au Sang en épousant Jezabel. Son voile de mariée avait servi à astiquer le nom de Wilford pour le faire étinceler à nouveau aux regards des grandes familles intouchées et des plus modestes. Et elle n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Elle s’était d’ailleurs retirée des réjouissances printanières pour empêcher une autre tache de s’étaler sur leur prestige en reconstruction.

En tout cas, elle voulait remettre Moriarty junior à sa place. Le réfuter aurait été trop banal, en plus, son esprit rusé devait s’y attendre, prêt à la riposte maligne. Non, elle avait mieux, beaucoup mieux pour lui apprendre que, s’il commençait, elle n’aurait pas de limite à ce jeu du plus fin. A lui de voir s’il voudrait entamer une partie.

Un sourire presque invisible à ses lèvres maquillées, elle se coula une fois de plus aux côtés d’Adrian. Accompagnée dans son déplacement par le frémissement de sa robe sur le couvre-lit, elle s’approcha jusqu’à sentir la chaleur tiède émanée de son corps fin d’adolescent. Penchée vers lui, son sourire s’élargit, son visage à distance respectable du sien, bien qu’il ne lui aurait fallu qu’incliner légèrement le buste pour pouvoir l’embrasser. Une main en appui sur le matelas souple où elle s’enfonçait mollement, elle laissa sa jumelle se glisser distraitement sur la cuisse de son jeune prétentieux, le revers de son index allant jusqu’à effleurer son entrejambe d’une caresse suggestive, glissée sous le repli de tissu dissimulant la mince fermeture du pantalon que son geste suave proposait d’ouvrir.


-On voudrait me consoler ?

Ses yeux verts luisaient d’une convoitise aguicheuse qu’elle ressentait réellement, plus excitée par son geste licencieux que par l’élève de Poudlard, trop jeune pour la satisfaire.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyLun 4 Mai - 13:12:41

C’était d’accord. Il ne lui avait absolument pas proposé de lui tenir compagnie quand il lui viendrait l’envie de mener à bien son excursion avortée, mais elle tenait à en être aussi. Le Vert et Argent avait parié sur ce résultat et force était de constaté qu’il avait eu raison. Jezabel s’invitait d’office et Adrian en était content. Non seulement il la reverrait bientôt, mais en plus il était capable de prévoir certaines de ses réactions en analysant son caractère de souveraine despotique. Voilà qu’elle se mettait à vouloir décider de la nuit, en plus. Elle ne désirait pas qu’il lui amène une boîte de chocolats triple crème avec ça ?

Interne à Poudlard, le jeune homme n’avait pas de grandes disponibilités et il ne lui restait que deux jours avant la reprise de son train-train d’écolier appliqué. Il faudrait d’ailleurs qu’il pense à lire ce chapitre en potion et à terminer son devoir de métamorphose. Il lui semblait avoir laissé un problème d’arithmancie en suspens, également. A tout prendre, autant opter pour demain soir si elle lui laissait choisir l’heure tardive de leur rencontre. Juillet l’aurait sans doute plus arrangé, toutefois son impatience à se retrouver à nouveau en compagnie de la belle sorcière ne l‘entendait pas ainsi. Juillet, c’était lui laisser le temps de se dire qu’elle avait mieux à faire que de s’occuper des intrigues d’un pauvre adolescent de Poudlard. Peut-être était-elle sous le joug de cette engouement qu’amenaient les choses nouvelles, disparu aussi vite qu’il était apparu. Le Serpentard préférait ne pas prendre le risque et la revoir au plus vite. Parce que si son engouement à lui devait se perdre, promener la femme de Wilford dans le cimetière où pourrissait Ulda serait une corvée des plus pénibles. Sans compter qu’il faudrait partager le butin, si jamais il valait quelque chose, et abandonner une part de qualité à une fâcheuse qui aurait grignoté de son temps et de son humeur ne l’enthousiasmait guère. Il n’était pas un Poufsouffle que l’on exploitait à loisir.


-Je suis en troisième année à Serpentard. Avec l’un de vos beaux-fils. Elliot.

Qu’il n’appréciait pas particulièrement, mais ne sachant pas l’attachement que pouvait ressentir la nouvelle épouse Wilford envers la progéniture d’une autre, il préféra ne pas plonger tête la première dans les sables mouvants après avoir avancé aussi loin sur le pont de corde traître, métaphore de la sympathie de Jezabel. Il était peu probable qu’elle, brillante et subtile, ne le porte, lui, fada et ballot, dans son cœur. Mais si elle le trouvait inexplicablement "chou", aberration toute féminine, il serait fichu. Perdre tous ses avantages patiemment gagnés à cause de cette buse de sang mêlé…Il n’avait tout de même pas été assez méchant cette année pour mériter un tel coup rageant dans sa fierté. Mieux valait rester laconique sur ce point.

-Demain soir, ça me parait très bien. Je pense que j’arriverai à pouvoir m’esquiver vers minuit. Minuit et demi au pire. Ah, et si je peux vous demander un service, miss. Le portoloin que j’avais utilisé la dernière fois est légèrement périmé, n’ayant pas eu de mort dans ma famille récemment. Si vous pouviez m’attendre devant chez moi pour que nous y allions ensemble…? J’aimerais éviter de subir le magicobus. Ce serait désagréable et pas très pratique. D’autant plus que la ville la plus proche où s’arrêter sans paraître suspect est à une demi heure de marche à travers la lande déserte.

Il serait obligé de faire un détour. Demander qu’on le dépose dans un cimetière à l’heure nocturne perçue comme étant celle de tous les crimes…Il voyait déjà les regards suspicieux le cataloguant comme mini aspirant mage noir en herbe, de ceux qui traçaient des pentacles sanguins au sol des terres consacrées et parlaient aux crânes des morts surmontés de bougies à flamme noire. Son père irait le ramassé au bureau des aurors le lendemain matin. Ou il resterait penaud sur le bord de la route après qu’on lui ait conseillé d’aller se refaire un équilibre psychique à Ste-Mangouste. Et puis, traverser tout seul des étendues vides peuplées d’ombres…Il n’était pas particulièrement inquiet de nature, néanmoins son unique et dernière visite entre les tombes lui avait prouvé que l’improbable pouvait s’amener très facilement dans la vie la plus parfaitement orchestrée. Jezabel serait…rassurante. La nuit, les créatures les plus dangereuses étaient de sorties. Eh bien, pour l’avoir vu en action, il savait que l’explosive jeune femme en faisait partie. Elle dégagerait les éventuels obstacles de sa route en deux temps trois sortilèges.

Finalement, l’entière totalité de cette confrontation de choc tournait à son avantage. Il avait su maîtriser le fléreur, il ne souffrait plus, le seul accroc témoignant de cette lutte acharnée n’étant plus béant sur sa peau, mais dans le noir tissu déchiré de son vêtement, il ne serait pas puni, et demain soir, sa charmante vis-à-vis serait à nouveau près de lui. Une expectative qui le rendait nerveux. Bêtement, délicieusement nerveux. Qu’est-ce qu’il pourrait bien lui dire pour lui donner l’envie de ne pas le reléguer au débarras des personnes sans intérêt dans sa mémoire qu’il devinait si sélective ? Non, mais qu’il s’arrête un peu ! Elle allait avec lui par intérêt envers leur potentiel découverte. Et peut-être, un peu pour lui, quand même.


*Evidemment, tu lui es indispensable.*

Le pire : toutes les stupides illusions que sa logique cynique s’acharnait à dégonfler ne pouvait entamer son plaisir à l’idée d’être son complice. Il partageait quelques secrets avec elle et de par son père, elle était déjà en quelque sorte liée à sa famille. Leur rapport se nouait aussi sur une sombre affaire, de celles qu’on ne racontait pas à l’heure du thé. Peut-être l’utilisait-elle. Autant qu’il l’utilisait dans cette aventure à mener à terme. Sa compagnie le réjouissait, autant pour sa conversation que par sa…Le troisième année jeta un discret coup d’œil à ses épaules nues, son regard censé être léger s’attarda pourtant sur l’ouverture de sa robe qui n’avait d’innocent que la blanche couleur. Autant que par sa plastique présence, donc. Le reste, le sentimental n’avait pas d’importance.

En la voyant de nouveau se glisser vers lui, Adrian se sentit afficher une mine ouvertement amusée. Elle lui avait déjà fait le coup une fois, il était paré à encaisser le deuxième câlin et à tapoter sa bien jolie petite tête pour avoir eu l’initiative de répéter ce beau geste. En fait, s’il avait vraiment su ce que cette outrageuse de jeune garçon avait en tête, il serait allé se cacher sous le lit avec le fléreur plutôt que de l’attendre bien gentiment. Pendant quelques secondes, il crut naïvement qu’elle allait se pencher pour l’embrasser et la sensation étrange revint faire un nœud avec ses intestins. Il s’inclina légèrement vers elle, le bout de ses doigts effleurant sa main enfoncée dans le matelas en se rapprochant sans avoir la stupidité de la recouvrir de la sienne. Il fut tenter de lui tendre son oreille à mordiller pour lui rappeler son écart, elle qui avait semblé ne pas vouloir s’appesantir dessus. C’est à ce moment qu’il comprit que tout ce qu’elle avait pu faire et dire jusque là était resté bien mignonnet.

Il n’y avait eu que des allusions, une tension plus ou moins gênante, plus ou moins intimidante, une promiscuité qui l’embarrassait tout autant qu’elle lui plaisait, mais là…mais ça…Il n’aurait su dire lequel, de son geste ou de son regard, le choqua pour de bon. Le contact de ses doigts fins sur sa cuisse le brûla à travers la toile, faisant naître un sentiment, ou plutôt une pulsion, en totale contradiction avec son exaspération d’être encore touché. Une indignation fugace qui ne résista pas lorsqu’il croisa son regard si…indescriptible d’un désir qu’il sentait projeté sur lui. L’aplomb de ce regard et de son geste _attouchement_ évocateur, renforcé par l’invitation éloquente à lui apporter un certain "réconfort" le heurta, mais au lieu de franchement s’offenser, il apprécia la sensation, troublante et forte malgré sa légèreté, de ce premier contact réellement intime avec une femme. Aguiché par son attitude, flatté qu’une aussi jolie femme le détaille ainsi et profondément scandalisé pourtant.

Trop confus et désorienté, il ne prit même pas la peine de rougir et attrapa aussitôt le poignet de la main baladeuse avant que ses doigts ne décident d’approfondir la promenade sur son corps qu’il considérait comme son entière propriété. S’étant relevé d’un soubresaut impulsif, comme si elle l’avait griffé au lieu de le caresser, il se tenait à présent debout hors du lit, un regard troublé posé sur Elle, où un grain de désir le disputait au reproche. Il savait bien. C’était sa réponse à sa question qu’elle avait dû trouver trop envenimée d’une ironie malvenue. Et il ne l’avait pas vu venir. Et quand bien même, il n’en aurait pas été moins…remué. Jezabel était définitivement et désespérément déroutante. Mais, sa gêne évidente lui donna paradoxalement assez de culot indigné, contre lui et contre elle, pour ne pas rester comme une carpe cette fois-ci.


-J’en déduis que Mr Wilford devrait rapidement songer à mieux accomplir ses devoirs d’époux, sinon d’autres pauvres garçons risquent d’être sacrifiés aux appétits contrariés de sa belle. Je…je crois que je ferais mieux d’y aller. , ajouta brusquement le jeune homme un peu plus pâle encore, relâchant doucement sa prise sur le poignet de Jezabel.

Non, il ne prenait pas la fuite...
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyLun 4 Mai - 18:43:40

Alors comme ça, Adrian avait le même âge qu’Elliot ? Si ce n’était pas la preuve que le sale chieur y mettait vraiment de la mauvaise volonté ! Il était tout à fait possible de rentrer dans l’adolescence et d’être vivable ! Ou alors, la génétique jouait vraiment plus en la défaveur du jeune Sang Mêlé qu’elle ne l’aurait cru. Après tout, elle ne savait rien de la puberté de Geoffrey, toujours si calme et si raisonnable dans l’âge mûr…Peut-être était-il chromosomiquement responsable des déséquilibres pas seulement hormonaux de son fils, ce qui expliquait pourquoi il était aussi magnanime face à son crétinisme surexcité. Comme Jezabel aurait aimé pouvoir échanger l’héritier Moriarty avec ce rejeton inutile qui lui vrillait les nerfs ! Le jeune garçon aux cheveux noirs faisait nettement plus mature, et de visage et de comportement. Hum…Arcadius n’avait pas non plus dû élever son unique descendant mâle, son transmetteur de flambeau, de la même façon que son mari copinait avec Elliot. Si l’intelligence était innée, il aurait sans doute au moins été possible de le rendre plus supportable en prenant les bonnes mesures restrictives. Toutefois, une intuition lui disait que même éduqué à la Geoffrey, Adrian n’aurait pas aussi mal tourné que les autres enfants du ménage. Bien sûr, des facteurs biologiques avantageaient ou désavantageaient, mais il y avait aussi le caractère propre à chacun et la façon de gérer les atouts et les inconvénients légués par les parents. Elle en savait quelque chose.

Et Serpentard…La française savait que cette Maison de Poudlard avait mauvaise réputation auprès de beaucoup, ce qui ne voulait pas dire qu’elle était minable. Depuis quand la majorité pensait convenablement en terme d’efficacité et non de morale ? N’ayant eu qu’Elliot et quelques anciens coéquipiers sortis de cette Maison pour se faire une idée, Jez en avait tiré la conclusion qu’on y envoyait les emmerdeurs, les fourbes, les hypocrites, les opportunistes, les profiteurs, les éventuels mangemorts, les asociaux, les combinards, les méthodiques, les subtils, les rusés, les astucieux, les retors, les tortueux, les finasseurs, les rancuniers, les diplomates arrivistes, les ambitieux, les cupides, les avides, les pas nets, les sadiques, les déviants, les beaux esprits…En bref, toute une humanité qui se répartissait les qualités et les défauts selon deux types : le Serpentard noble et évolué et le Rampant primitif. Son Adrian était sur le bon sentier. Rien qu’à écouter son argumentation en faveur de sa flemme, on sentait le potentiel de manipulation à exploiter de mieux en mieux au cours des années qu’il lui restaient à traverser pour devenir un adulte accompli.

Le magicobus, c’était amusant. Cette sensation de vitesse vertigineuse, ces virages comme des loopings, ces coups de frein comme des coups de massue dans le dos qui vous coupaient la respiration. C’était les sensations fortes des petits gosses de riche. Elliot adorait. Martin aussi. Et Jezabel pouvait y trouver un certain divertissement si elle n’était pas préalablement irritée. Etre bringuebalée de tous les côtés, en haut, en bas, à droite, à gauche, lorsque la colère vous agitait déjà, était comme de secouer une bouteille de champagne volcanique au bouchon tueur. Quand la pression explosait la contenance de ses émotions les plus hargneuses, elle faisait tsunami. Mais il avait raison, le fils Moriarty. On ne laissait pas un adolescent de treize ans vagabonder en pleine nuit quand on savait ce qui se passait dans cette triste époque incertaine. D’autant plus qu’ils auraient droit à l’effet surexcitant full moon demain. Adrian lui plaisait trop pour qu’elle se refuse à le protéger, telle une féline veillant sur son chaton favori.


-Cours, ça ne te prendra plus que quinze minutes., le taquina la brune demoiselle avec un sourire, Ça ne me dérange pas, bien sûr. Tu sais, je tiens à ce que ta peau toute douce reste sur tes os. Ne serait-ce que pour m’ouvrir galamment la porte du caveau.

Jezabel fit un effort de mémoire pour se rappeler le mur d’entrée de chez les Moriarty. Elle connaissait assez bien le salon et le cabinet du patriarche, mais l’extérieur de la demeure restait un peu flou. Il faudrait faire avec.

-Par contre, je risque d’avoir du retard. Il faut qu’il s’endorme, mon Geoffy. Tu vois, le week-end il n'est pas tellement du genre tisane-dodo et si je commence à le droguer au bout de presque un an de mariage, aux noces de bois, Merlin sait ce que je pourrais en faire. Vraiment au pire, je serais là vers deux heures du matin. Je te ferai un signal en envoyant des étincelles, comme ça, tu n’auras pas à prendre racine au cas où.

Elle revivait ses quinze ans, sa période de codes secrets avec sa sœur et ses cousins. L’étudiante aurait très bien pu inventer une excuse, mais elle préférait ne pas trop attirer l’attention susceptible de son mari sur ses activités nocturnes. Geoffrey était sourcilleux, jaloux des fréquentations que pouvait entretenir sa jeune épouse, même si la retenir à la maison ne lui aurait pas traversé l’esprit. Mais pour peu qu’elle lui parlât d’une relation universitaire, son visage se faisait soucieux et elle voyait arriver le doute dans ses yeux sombres, malgré son expression qu’il gardait aimable et ouverte à une discussion sans arrière-pensée de soupçon adultère, aucune...

Sauf Jugson, qui n’avait pas vraiment laissé d’alternative à la sorcière, elle n’avait jamais été fauter dans les bras d’aucun autre homme. Pour quoi faire ? Les individus de sexe masculin se valaient tous en ce qui concernait l’essentiel de leur anatomie. Même un jeune garçon comme Adrian.

Sa réaction lui plu. C’était la première fois depuis le début de leurs échanges qu’il posait la main sur elle. Bien que ce ne soit pas pour l’effleurer timidement, mais pour la retenir fermement, son impulsivité et sa poigne la firent sourire à un avenir prometteur. Elle devenait très impatiente de voir le résultat, une fois son adolescence passée. Pourtant, loin de vouloir user de la force, le cadet des Moriarty n’avait qu’essayé de se "protéger" de son geste entreprenant, une situation que Jezabel trouva comique et un mince filet de rire passa la frontière de ses lèvres. Elle lui plaisait, depuis tout à l’heure, c’était une évidence. Mais à présent, elle pouvait lire quelque chose de plus "homme" dans ses jeunes yeux, cet éclat qui n’avait rien à voir avec la platonique admiration de la beauté, mais bien plus avec le désir de la posséder.

Vraiment, très, très impatiente.

Si elle avait visiblement choqué le petit garçon encore en lui, il n’en restait pas moins que son adversaire n’avait pas dit son dernier mot. Cette fois encore, l’épouse Wilford en était ravie, heureuse d’avoir trouvé quelqu’un qui l’amusait, qu’elle appréciait pour lui-même et pas pour sa distraction personnelle. Souriante, elle s'abstint de railler l'escampette du jeune homme hors de sa chambre. Ses prunelles moqueuses et triomphantes parlaient pour elle.


-Ne t’inquiètes pas, darling. Il ne se jette jamais hors du lit quand je le touche. Mais quelque part, tu as raison, continua-t-elle en se levant à son tour pour passer son bras autour des épaules du Serpentard, Il a beau avoir toutes les meilleures attentions du monde, ce n’est pas l’homme qu’il me faut. Grandis vite.

Ponctuant sa déclaration enjôleuse d’une petite caresse de l’index sur le bout du nez d’Adrian, elle le raccompagna jusqu’à la porte. Geoffrey aurait pu décrocher haut la main la palme du mari en or. Cependant, ce qu’il faisait, ce qu’il pensait ne concordait qu’exceptionnellement avec ce que pouvait réellement désirer sa moitié. Et les paroles du jeune homme, son intrus si intelligent, si proche de ses idées, auraient peut-être un sens prophétique. Les aspirations de Jezabel étaient contrariées. De pauvres garçons pourraient être sacrifiés. Elle allait déjà s’occuper de cette belle-fille inacceptable qu’on voulait lui refourguer.

-Oh, et n’oublie pas, mon chéri : si tu racontes quoi que ce soit à quiconque, je ne t’aime plus. , le prévint-elle, dernier ultimatum avant qu’il ne la quitte jusqu’à demain soir, un baiser sur sa joue blême allégeant sa menace voilée, A bientôt.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyDim 10 Mai - 16:13:21

Hors de l’antre des carnassiers. Enfin. Il s’était beaucoup trop attardé auprès de l’élégante jeune femme. Maintenant qu’il était dans le couloir emplis d’obscurité, il se sentait bizarrement confus, comme si ses pensées planaient à des milles au dessus de son crâne sans qu’il puisse les atteindre pour les comprendre. Le Serpentard détestait cela. Cette situation était nouvelle pour lui, jamais vraiment désarçonné face à quiconque. Sans doute parce que les "quiconque" de ce monde l’émouvaient encore moins qu’un Doxy dans son potage. S’il analysait ce qu’il ressentait, et bien que ce ne fut pas vraiment désagréable, loin de là en vérité, les émotions troubles qui le hantaient et l’empêchaient de clairement réfléchir amenait Mrs Wilford au rang de Mr Moriarty.

Il n’y avait que son père pour le paniquer à un point qu’il ne fut plus capable d’envisager que faire et que dire. Dans ces instants détestables, Adrian ne pouvait qu’attendre nerveusement la sentence, le jugement ou la parole, encaisser et c’était tout. De même, il n’aurait pu faire autre chose qu’apprécier les caresses de la jeune femme, anticiper avec une nervosité sans anxiété, une nervosité étrangement agréable, ce qu’elle allait faire ou révéler. Et l’écouter et réclamer toujours plus de ses attentions et de son intérêt, vouloir qu’elle le touche pour simplement ressentir un peu plus de ce plaisir nouveau, en expérimenter les variations.

Il n’était jamais proche des gens, jamais à se perdre dans de grandes embrassades qui, pour tout dire, le répugnaient un peu. Prendre quelqu’un dans ses bras et faire le tour du parc de Poudlard en tenant Machine par la taille sous prétexte qu’ils s’entendaient bien…Eurk. Non, vraiment non. Adrian minimisait les contacts physiques, sans doute parce qu’il n’y avait pas été habitué, mais aussi par éthique personnelle. Je ne te touche pas et tu n’essuies pas tes paluches sur mes affaires sans faux pli. Mais avec Jez…

Jez. Quelque part, au-delà de son dernier bonheur idiot qu’elle l’ait embrassé sur la joue comme le faisait banalement ses cousines, ses tantes, ses grands-mères, sa mère et quelques camarades de classe, il aurait préféré qu’elle garde ses mains chez elle. C’était un peu comme s’il s’était mis à enlacer et peloter les cuisses d’une fillette de six ans, une idée qui amena une ride de dégoût à se former au coin de son nez. Pourtant, sachant qu’ils se reverraient demain, le Serpentard s’interrogeait déjà sur le déroulement de leur nuit, pas tant leur petite expédition que le futur comportement de la belle sorcière à son égard. Il ne savait pas quoi espérer.

Le troisième année se rendit brusquement compte qu’il faisait le piquet devant la porte depuis qu’ils s’étaient dit au revoir. Bravo, très futé, il pouvait aussi gratter au battant en couinant...Enfin, Jezabel ne devait pas le scruter par le trou de la serrure ou attendre, l’oreille collée au bois, à guetter le bruit de ses pas. Jetant un dernier coup d’œil au rayon de lumière orangé sous la porte, il entama la traversée du couloir en sens inverse, jusqu’à l’escalier qui le ramènerai au rez-de-chaussée, sa main longeant le mur recouvert de tapisserie. Ses yeux désormais habitués à l’obscurité, il distinguait chacune des marches jusqu’en bas et descendit la première, la suivante et ainsi de suite, aussi raide qu’un condamné à mort en visite dans son futur tombeau. Il était refroidi.


*Geoffy, quel surnom débile.*

Il lui allait très bien, d’ailleurs. Mr Wilford, pour qui il n’avait qu’indifférence en se rendant à cette soirée avec ses parents, voyait le crédit, accordé parce qu’il était, parait-il, appliqué à son travail, baissé en flèche et devenait digne d’être cordialement méprisé. Il avait épousé une bombonne moche en premières noces, une sang impur qui avait abâtardi sa lignée à défaut d’avoir trop enlaidi ses enfants. Tous des demi-sang, une portée de cinq dégénérés. Il prônait des valeurs imbéciles d’égalité pour ceux qui ne pourraient jamais être égaux, question de génétique sélective. Enjoignait ses rejetons à ne pas relever son erreur et à s’engager maritalement avec encore plus vicié qu’eux, le tout avec le sourire. Et, comble de tous les crimes, il avait réussi par il ne savait quel procédé à épouser une femme aussi magnifiquement belle et altière que Jezabel. Laquelle possédait un passé bien mystérieux et obscur, doublé d’une personnalité qu’il qualifierait d’énigmatique à ce stade. "Son" Geoffrey, intègre et bien comme il faut, que savait-il vraiment d’elle ? En tout cas, Adrian s’accordait avec l’étudiante aux yeux verts : Bien sûr que l’employé du Ministère n’était pas le genre d’homme qu’il lui fallait. "Grandis vite", lui avait-elle dit. Si seulement il avait pu y faire quelque chose.

L’air frais de la nuit l’accueillit dès qu’il eut passé la porte de l’imposante demeure, s‘infiltrant sous son col et par les déchirures de son pantalon. Le jeune garçon baissa les yeux sur sa jambe. Oh. C’était particulier…Il n’avait pas la moindre petite idée du sortilège à utiliser pour recoudre le tissu et on aurait dit qu’un sadique s‘était amusé à taillader son vêtement en lamelle, visibles lorsqu’il pliait la jambe. Autrement, les tranchées ouvertes dans la toile noire n’était pas des plus perceptibles et il s’avança jusqu’au pavillon bondé de monde pour se rasseoir discrètement à côté de sa mère. L‘air totalement absent, elle faisait tourner le pied de son verre entre ses doigts fins et ne lui jeta pas le plus petit coup d’œil, le regard lointain, très lointain. De son père, qui lui ne le ratait jamais, il n’y avait plus la moindre trace. Tant mieux.

Il n’eut pas le temps de se saisir un toast que la raison pour laquelle il s’était introduit dans la demeure se rappela à lui. Son premier réflexe fut d’ignorer la pression, mais ce combat contre l’envie pressante était de ceux perdus d’avance. Et dire qu’il avait eu la maîtresse de maison sous la main et n’avait pas demandé où il pourrait trouver des toilettes sans se faire dépecer. Légèrement énervé de devoir refaire tout un parcours, il se releva, direction le manoir.


-Ah, te revoilà. Où étais-tu ?

Cette voix inattendue l’aurait presque fait sursauter. Melia Moriarty avait tourné son visage incolore vers lui et avait de toute évidence interprété son nouveau départ pour son retour.

-J'ai oublié quelque chose. Je reviens.

-Tête en l’air. , souffla sa mère sans s'apercevoir qu'il éludait la question ni sans lui demander ce qu'il avait bien pu semer en route.

Quand Adrian tourna le regard vers elle, elle fixait à nouveau un point vague sur l’horizon de toiles blanches tremblantes au vent et d’invités bien habillés. Sans trop savoir d’où lui venait un tel sentiment, il se sentit gêné. Mais là encore, il ne pouvait rien y faire, sauf s'éloigner d'elle.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} EmptyMer 13 Mai - 22:13:12

Jezabel s’appuya à la porte close et s’étira avec délice, comme après une dure journée de travail. Elle resta un moment à contempler sa chambre, meublée de divers babioles onéreuses et inutiles, sombrement satisfaite de ce qu’elle considérait être sa réussite. Elle était devenue dépensière, autant que les finances de Geoffrey le lui permettait, et ces dernières lui laissaient mener une existence confortable.

Son pied nu traça un arc de cercle dans les brins duveteux de la moquette recouvrant le sol de la pièce.

Très confortable.

Jamais elle n’accepterait de perdre ce qu’elle avait acquis, ce qui lui revenait de droit par sa naissance, cette aisance qu’elle avait attendu toute une vie. Oh, oui, elle était bien née, vraiment bien née, bien sûr, de quoi se plaignait-elle, la pauvre petite Sang Pur ? D’avoir gazouillé dans un berceau baroque aux langes antiques ? Petit lit de bébé ayant survécu à toutes les fesses potelées qu’il avait endormies au rythme de ses oscillations hypnotiques, durant des siècles. Aussi prodigieux qu’ait pu apparaître les meubles anciens du château de son père aux yeux mystifiés des invités, ils, eux, elle, sa famille, n’avaient fait que vivre de leurs restes, échus d’une gloire dépassée bien avant sa naissance. Elle avait perdu son temps avec les Morden. Elle ferait en sorte de ne jamais perpétrer la même erreur avec les Wilford. Il n’était pas trop tard pour eux, ils n’avaient qu’entamer leur imperceptible déclin, mais tout ce qu’elle ferait cette nuit ne serait qu’en son nom. En son propre honneur, de sa propre volonté qui n’attendait pas de gains substantiels, qui ne craignait pas la honte, si jamais celle-ci devait s’abattre sur son nom d’emprunt. L’argent ne servait plus qu’à ses loisirs et elle avait sa dignité personnelle, inaltérable par quoi que ce fut sur cette terre.

La sorcière releva la main dissimulant l’aiguille à hauteur de son visage pensif. Depuis combien de temps n’avait-elle pas fait usage de cette magie ? Combien ? Car, même si elle ne ferait pas sien le déshonneur de Geoffrey, on l’offensait avec cette bru au sang de bourbe. Elle ne l’aimait tout simplement pas, en plus du mépris qu’elle concevait déjà pour elle. Son visage trop long et masculin, son air nullement intimidé, et ses yeux luisant d’une satisfaction provocante. Elle exultait réellement de défier toutes ces vieilles susceptibilités que les bonnes mœurs empêchaient d’exposer, elle une Impure qui n’attendait qu’une réflexion sur ses fiançailles ou son sang pour clouer le bec à l’audacieux.
Jezabel frémit de rage contenue en se remémorant le regard farouche de cette garce lorsqu’elle lui avait serré la main, le défis irradiant autour de sa tête comme un écoeurant halo de sainteté. Elles brûlaient de s’affronter. La bourbeuse de Nathan se croyait assez forte, assez puissante pour remporter une victoire sur la Sang Pur. Et celle-ci sentit grandir en elle l’irrépressible désir de broyer cet orgueil prétentieux sous son talon.

Elle attrapa l’aiguille dont le bout piquant était recouvert d’un minuscule capuchon vert la rendant inoffensive. Ses doigts glissèrent sur les pampilles ornant l’abat-jour d’une lampe à pied. Les délicates pendeloques frémirent et leur scintillement ondoyant lui rappela les rayons du soleil sur les flots d’une eau calme. Calme…Au bout de cette pointe d’acier, c’était la mort. Trop violent et surtout bien trop suspect en cette époque néfaste aux Impurs. De plus, ce ne serait pas la victoire qu’elle espérait. Elle voulait pouvoir se repaître de l’arrogance saccagée de cette idiote, mettre sa fierté en lambeaux, faire d’elle la larve qu‘elle méritait d’être. Il n’y avait pas que la mort physique pour assombrir un horizon. La Sang de Bourbe porterait le deuil d’elle-même ce soir. Jezabel était prête à s’y risquer.

Focalisée sur ses pensées négatives qui s’enchaînaient follement les unes aux autres, jusqu’à composer un fouet mental avec lequel elle flagellerait l’esprit de la dégradante fiancée de Nathan, l’ancienne occultiste s’était rapprochée du tiroir ouvert sur son jeu d’aiguilles. Comme par instinct, elle échangea celle en sa possession contre une tige de métal aux reflets noirâtres semblant suppurer un liquide qui ne coulait pas.


μελαγχολία


La bile noire, l’humeur sombre qui perçait le cœur alors empoisonné de regrets, voilé d’apathie et crevé par la Peur. La sourde désolation d’un avenir vide et froid, tristement banal. La maladie de l’esprit s’étiolant en un tædium vitæ et pavant le monde d’incertitudes, jusqu’à faire du doute la seule vérité, la seule assurance. L’amère conviction d’être égaré toujours plus loin, de ne pouvoir se soutenir à rien ni à personne et encore moins à soi, cet être sans mérite ni fierté. Une irrésolution de toutes les secondes vécues comme les affres d’une douloureuse appréhension sans nom ni forme, hantant un corps vide de son ancienne personnalité, et qu’on ne pouvait chasser ni comprendre, car toujours dissimulée derrière un millier de tracas, de peines et d’inquiétudes. L’infini du désespoir sans grandeur lorsque le clair et l’obscur se mêlaient en ombre grise.

La pathétique mélancolie.

Elle ne pouvait pas trouver de meilleur tombeau à cette suffisance insolente. Il ne lui faudrait qu’un cheveu de l’orgueilleuse Jenny, et alors, elles sauraient toutes les deux qui dominait le jeu. N’importe quel sorcier, qu’il soit jeune ou vieux, novice ou confirmé dans l’art magique, possédait ses propres défenses inconscientes qui pouvaient le sauver de la mort ou de toute autre destin aussi peu enviable. Parfois, cette capacité innée arrachait le faible à un destin mérité, car elle n’avait rien à voir avec une quelconque force d’âme, bien qu’elle y fut souvent liée. Ce ne serait pas le cas ici, il n’y aurait rien d’autre entre les deux femmes que leur force respective lorsqu’elle planterait l’aiguille dans le cœur substitué d’une Jenny de parchemin. Si l’autre s’avérait la plus forte, l’ex-française subirait le contrecoup à la mesure de la puissance affrontée et la Sang de Bourbe n’en saurait jamais rien, à part un léger mal au crâne. Ou une bonne grosse migraine, Jezabel était coriace. Mais si la brune l’emportait, l’humeur ne serait certainement plus aux épousailles. Oh, non.


L’esprit clarifié, la perspective de ce nouveau combat à remporter tranquillisa l’irritante agitation de la jeune femme sans lui retirer de son entrain. Elle remit le fond de son tiroir en place, ainsi que le lit de travers, et sortit à pas vifs de sa chambre…en oubliant son fléreur pétrifié à l’endroit où Adrian l’avait dissimulé. Elle n’avait en tête que les yeux noirs de sa "belle-fille", ses yeux si glorieux et suffisants noyés par un vague à l’âme qui l’engloutirait totalement.
Revenir en haut Aller en bas
  • Contenu sponsorisé
MessageSujet: Re: In nomine Jezabelis {fini}   In nomine Jezabelis {fini} Empty

Revenir en haut Aller en bas
 Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» Une chouette [fini]
» Comtemplation nocturne
» En retard? [Fini]
» La CQR, ça se mérite ! [PV BL](97/98)[FINI]
» ["RP" fini] Rencontre.

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le Miroir du Riséd :: Hors-Jeu :: Archives :: Années passées-