-Bon... alors... Dans trois heures ici, d'accord ? Soyez prudents, les enfants...

À contrecoeur, Andrew Craig regarda ses deux enfants s'éloigner tandis que lui-même s'apprêtait à franchir la porte d'un immeuble moderne. Son association professionnelle tenait une réunion importante à Londres, et les deux adolescents avaient insisté pour profiter du voyage ; incapable de rien leur refuser, le brave vétérinaire s'était résolu à se faire un sang d'encre pour eux pendant toute la réunion consacrée à la nouvelle gamme de vaccins pour chiens.
Susan et William, de leur côté, était plutôt contents de l'opportunité ; jamais encore on ne les avait laissés traîner dans Londres seuls, au moment des fêtes de fin d'année, avec, en prime, un billet de cent livres pour chacun... Susan s'était arrangée pour que son petit ami du moment soit à Londres aussi – il était d'ailleurs sur le trottoir d'en face à agiter bêtement la main – et elle annonça sans ambages à son frère qu'elle préférerait se passer de sa présence.

-Comme si j'avais pu avoir envie de rester à tenir la chandelle, ricana le garçon en s'approchant d'un grand plan du quartier affiché au coin de la rue. Fais gaffe qu'il t'arrache pas la langue avec son affreux piercing, papa n'aimerait pas ça... À tout à l'heure.

Il avait demandé à venir pour une seule raison : le lieu du rendez-vous de son père, en plein centre ville, était à deux pas de Charing Cross Road et du Chemin de Traverse... Depuis septembre, il avait été privé de sorties à Pré-au-Lard et avait besoin de racheter quelques petites choses introuvables chez les Moldus. Il n'avait pas très envie de retourner au collège après les fêtes, mais puisqu'il y était obligé, autant être pourvu de tout le matériel nécessaire...

Très vite, il traversa le désormais sinistre Chaudron Baveur, et se retrouva sur la ruelle magique avant que quiconque ait pu lui adresser la parole ou lui demander son statut du sang. L'horrible papelard était bien plié dans sa poche, prêt à être produit à toute réquisition ; c'était la loi, à présent. Ne pas avoir son statut sur soi était passible d'une convocation disciplinaire au bureau de contrôle des nés-moldus « pour rappel à la loi »... Le roux connaissait trop bien les méthodes de rappel à la loi de ces braves gens pour avoir envie de les réessayer, aussi se conformait-il scrupuleusement à la nouvelle directive. Elle était d'ailleurs affichée partout sur le Chemin de Traverse, avec quelques autres articles de lois et rappels à la communauté magique ; une affiche rouge vif dénonçant les voleurs de magie et invitant chacun à dénoncer ceux qu'il connaissait donna à l'adolescent une furieuse envie de tout faire flamber, et il pressa le pas pour ne plus la voir. Il marcha tête baissée jusqu'à la papeterie magique, vers le milieu de la rue, où il resta une bonne demi-heure à choisir cahiers, parchemins, encre, qui filaient à une vitesse impressionnante en année de BUSE, ainsi que deux nouvelles plumes, les siennes ayant eu un malencontreux accident. La vieille sorcière qui tenait l'échoppe semblait toute contente d'avoir enfin un client, et elle l'aida de son mieux ; au moment de régler la note, elle lui fit cadeau d'un petit agenda de poche sur lequel les mots « bonne et heureuse année 1998 » clignotaient en diverses couleurs. Le roux essaya de la remercier chaleureusement, mais son estomac s'était contracté en pensant au genre de voeux de bonheur qui l'attendaient à Poudlard. William stocka ses achats dans le sac à dos qu'il avait prévu, et enfonça son bonnet sur sa tête pour quitter la boutique (malgré la vieille dame qui avait apparemment envie de parler).

La sonnette tinta joyeusement, et l'adolescent retrouva le froid de la rue ; il serra autour de son cou l'écharpe Gryffondor qu'il portait, et se dirigea vers la boutique de l'apothicaire : Slughorn avait laissé entendre que les propriétaires de nécessaires à potions incomplets pourraient avoir des ennuis à la rentrée, ce qui avait permis à William de se rendre compte que le niveau de ses ingrédients baissait dangereusement.

Passant devant le magasin d'accessoires de Quidditch, il s'arrêta pour admirer la vitrine, et aussi pour essayer de trouver une idée de cadeau de Noël pour Page. La rouquine avait bien besoin de reprendre confiance en elle après le match contre Serdaigle...

Emmitouflé dans un manteau rouge vif, témoignage de l’héritage gryffondor de sa mère et accessoirement porteur des couleurs de Noël grâce aux discrets boutons verts, Hayden tapait du pied, impatient d’aller au Chemin de Traverse. Évidemment, le petit garçon n’avait aucune idée de ce que c’était, tout ce qu’il savait c’était que c’était là où il y avait plein de choses qui brillent et qui bougent, et bien sûr des tas de bonbons fabuleux. Un monde merveilleux pour un enfant de deux ans. Criant de toute la force de ses poumons, le blondinet appelait sa maman, les joues rosies par tous ses efforts.

- Maman arrive, mon chéri ! cria soudain Mallory, espérant calmer ainsi son petit monstre.

Comme d’habitude, la jeune femme courrait dans la maison, à la recherche d’un objet perdu. Cette fois-ci, il s’agissait du bonnet spécial Noël de son fils, un bonnet marron orné de petits bois de cerf. Elle rangeait pourtant, du moins le plus souvent... Mais il s’avérait que les choses qu’elle croyait sagement à leur place ne l’étaient plus et de ce fait elle devait tout le temps partir à leur poursuite. A croire qu’ils avaient une vie propre et que ça les amusait de la voir s’agiter ! Si la blonde ne savait pas mieux, elle jurerait que sa demeure avait été ensorcelée. Hélas, ce n’était malheureusement pas un prétexte qu’elle pourrait avancer vu que cela lui arrivait depuis toujours et lui avait posé problème quand elle faisait encore ses études. Ce n’était vraiment pas drôle quand on égarait sans arrêt des devoirs sur lesquels on avait passé des heures dessus, et être obligé de les refaire. Bien sûr, c’était même encore pire maintenant au boulot quand cela concernait des dossiers qui évidemment étaient toujours considérés ultra importants par ses supérieurs...

Finalement, Mallory réussit à trouver le bonnet de son fils qui avait échoué pour on ne savait quelle raison dans un placard de la cuisine. Ne cherchant pas à résoudre ce mystère, la sorcière regagna l’entrée où un bolide se précipita aussitôt vers elle. Le réceptionnant, elle termina rapidement de le préparer, lui enfila ses moufles et enfonça le bonnet qui les avait tant retardés sur sa tête blonde. Puis, le prenant dans ses bras, elle se dirigea vers sa cheminée et jeta de la poudre de cheminette dedans. C’était le moyen de transport le plus sûr quand on avait un enfant en bas âge avec soi.

Arrivés à bon port au Chaudron Baveur, Mallory ne perdit pas de temps pour rejoindre l’allée. Le bar avait bien changé et les regards inquisiteurs qui se levaient à chaque venue de la cheminée n’étaient pas fait pour mettre à l’aise. Tout le monde était surveillé et la méfiance était de rigueur à présent. Cependant, la jeune employée du Ministère n’avait pas l’intention de se laisser gâcher la journée par tout ça. C’était son jour de repos et elle était déterminée à passer du bon temps avec son petit garçon et, si tout allait bien, faire quelques emplettes de Noël.. Entre son travail et l’Ordre, leurs moments ensemble étaient de plus en plus rares à son plus grand regret. Hayden grandissait tellement vite qu’elle avait l’impression qu’elle ratait des instants précieux. Pourtant, elle n’avait pas le choix...

Tenant fermement la main gantée de son fils, Mallory se fraya un chemin jusqu’au magasin de jouets magiques. S’il y avait bien une chose à faire pour être un tant soi peu tranquille et d’éviter un gros caprice en plein milieu de la foule, c’était de garder le garçonnet occupé. Se promenant un peu dans les étagères, elle choisit finalement un hippogriffe en peluche de couleur bleu pâle et le donna aussitôt à son fils une fois sortis de la boutique. Le petit Clarks aux grands yeux ravis approcha le jouet de son visage et rit aux éclats quand l’animal battit des ailes, le chatouillant.

L’enfant ainsi distrait, ils flânèrent un long moment sur le Chemin de Traverse, regardant les devantures et à l’occasion entrant pour acheter un présent. Fatigué, le blondinet reposait à présent dans les bras de Mallory qui s’approchait de la boutique de Quidditch, arrêt obligé pour l’ancienne poursuiveuse qu’elle était. Même si elle n’avait plus trop le temps de voler, sauf bien sûr aux réunions de famille dans quel cas elle faisait toujours des courses et parties impromptues avec ses frères, l’anglaise aimait se tenir aux courant des dernières nouveautés. Un autre curieux était déjà devant la devanture et, à sa surprise, son visage ne lui était pas inconnu. Elle revoyait très bien sa photo parmi les nombreuses qu’il y avait eu dans un dossier concernant une mission de l’Ordre à laquelle elle avait été volontaire, une mission si elle ne se trompait pas concernait son père. Avançant à côté de l’adolescent, la blonde engagea tranquillement la conversation, histoire de l’aborder le plus discrètement possible.

- Le nouveau modèle des Brossdur est bien plus rapide et aérodynamique mais on y perd pas mal en stabilité...

Avec un léger sourire, Mallory se tourna alors vers lui. Une main portant le jouet à sa bouche, et l’autre agrippée autour des boucles de sa maman, le garçonnet quant à lui regardait le rouquin d’un air intrigué.

- Tu t’appelles bien Craig, n’est-ce pas ? Le fils d’Andrew Craig... lui demanda-t-elle sur un ton plus bas.

Un magnifique balai de course était exposé dans la vitrine, orné d'un ruban rouge et vert aux couleurs de Noël ; un petit panneau explicatif récapitulait ses performances éblouissantes, mais William n'y avait jeté qu'un coup d'oeil indifférent. Les balais ne l'intéressaient guère. Il avait été membre de l'équipe de Quidditch de sa maison, pourtant, et possédait encore le balai offert par son père ; mais il ne s'en servait plus guère que pour des promenades paisibles, bien loin des fulgurantes accélérations du Quidditch. Page revenait parfois à la charge pour qu'il réintègre l'équipe de Gryffondor, mais le rouquin lui opposait toujours, très gentiment, un refus définitif. Il avait perdu toute motivation à la mort de sa mère, et en était venu à rejeter ce sport qu'elle n'aimait pas parce qu'il était dangereux. Lui qui s'était ingénié à la rassurer, qui avait convaincu son père de lui offrir un balai en cachette, ne suivait plus les matchs que par affection pour Page et par loyauté envers les autres joueurs.

C'est donc sans la moindre passion qu'il examinait la vitrine, à la recherche d'un cadeau pour Page. Une magnifique paire de gants de Quidditch était exposée, noire à coutures rouges, une petite Union Jack sur le dos de la main, et une étiquette précisait « autres coloris disponibles à l'intérieur »... Ils devaient avoir le drapeau irlandais... Enfin, ce pourrait être drôle d'offrir à Page des gants portant un drapeau britannique. Le seul risque était juste de se les reprendre en pleine tronche... Le garçon se tordit le cou pour apercevoir l'étiquette ; ce n'était pas donné, signe de bonne qualité, mais ça restait dans ses prix. Parfait.

Avant d'entrer dans la boutique, il acheva d'observer la vitrine, au cas où un autre cadeau, plus approprié, s'y trouve ; rien n'accrochait réellement son oeil, mais il s'attardait tout de même, hésitant encore sur le cadeau à Page. Les badauds allaient et venaient autour de lui, sans qu'il y prête attention, jusqu'à ce qu'un commentaire sur le balai exposé lui soit directement adressé par une voix féminine. Surpris, William se tourna vers la femme ; elle avait dû croire qu'il était un de ces passionnés de balais de course toujours prêts à entrer dans un débat, mais il n'avait rien à répondre. Il se contenta d'un « ah bon ? » maladroit, tandis qu'il détaillait la jeune femme et le petit garçon qui venaient de s'arrêter près de lui. Le gamin portait un bonnet avec des bois de cerf qui fit sourire le garçon : il y avait, quelque part à Brighton, une photo d'un petit garçon roux avec un bonnet étrangement semblable. Il avait maintes fois maudit ses parents pour les tenues abominables qu'ils lui faisaient porter dans ses premières années, mais les photos étaient là comme autant de preuves.

William pensait que la femme, déçue par son manque de répartie au sujet des balais, allait se détourner, mais au contraire ; elle s'approcha, et posa une question qui fit blêmir l'adolescent. Pourquoi lui parlait-on de son père ? Qu'était-il arrivé ? Depuis le passage à tabac d'Andrew, le rouquin était particulièrement inquiet à son sujet. Il essaya de se rassurer en se disant que son père ne risquait rien, dans sa réunion de vétérinaires, mais une sorte de boule s'était formée dans son estomac. D'une voix tendue, il répondit :

-Oui... C'est bien ça... William Craig. Pourquoi ? ajouta-t-il avec un brin de hargne due à l'inquiétude.

Le petit garçon ne détachait pas son regard de lui, et William commençait à trouver cette insistance un peu gênante. Qu'avait-il de si intéressant ? Le bleu qui s'étalait sur son cou et jusqu'au bas de son oreille ? Ses cheveux roux ? Les préjugés sur les roux s'étaient peut-être répandus hors de Poudlard...