Quelques mots à dire à Thadeus McLipswitch.

A une heure relativement avancée de la matinée, sa nuit de méditation s'étant bien malgré elle transformée en nuit de garde, Edwina transplana dans le hall d'accueil de l'université de magie avancée, s'attirant un drôle de regard de la part de la sorcière d'accueil, occupée à trier paperasses et formulaires, un air peu amène sur le visage. A sa décharge, il faut dire que les vêtements de la médicomage, semblables à des lambeaux de tissu noir savamment agencés entre eux, rehaussés de dentelles et lui découvrant une grande partie de la jambe droite, une épaule, le ventre, ainsi que le haut de son dos, n'étaient guère assortis à la sobritété toute scolaire des lieux. Rejetant en arrière ses longs cheveux noirs, elle marcha vers le bureau, ses lèvres tendues par un sourire mêlant le jeu et le défi, faisant claquer les talons de ses bottes montantes de cuir de dragon.

"Qu'est-ce que vous voulez?"

"Je souhaiterais vivement savoir où le professeur Mclipswitch est à l'heure actuelle?"

"En quoi ça vous regarde, ...Miss?"

"Affaire de famille...."

Les mots magiques avaient été prononcés, et c'est avec les renseignements voulus qu'Edwina pénétra plus avant dans l'établissement. Elle croisa une petit groupe d'étudiants sortant d'un cours, adressant un clin d'oeil au passage à l'un d'eux s'étant retourné pour suivre sa démarche un rien féline. Elle eut même un petit rire en apercevant derrière une jeune fille qui lui jetait quant à elle un regard courroucé. Ah, les jeunes...

Il lui fallut quelques détours pour atteindre la salle où enseignait habituellement son cher cousin les arcanes de la magie noire. S'adossant au mur en face de la porte, elle se prépara à attendre. Le prendre à parti devant ses élèves auraient pu être amusant, mais eux n'y étaient pour rien si leur professeur était un lâche... Les mâchoires un peu crispées, la chef du service de pathologie des sortilèges ressentait un amusement amer en se rendant compte que, même tant d'années après, la fuite de Thadeus face au danger de la première ascenscion de Voldemort attisait sa rage avec la même efficacité. Mis à part elle et son jeune frère, il était le dernier représentant des McLipswitch, et de loin le mieux armé pour lutter pied à pied contre les Mangemorts. Quelle pitié pour le descendant d'une si noble famille, qui avait tant sacrifié à la lutte contre les mages noirs...

Le cours se termina quelques dizaines de minutes après son arrivée. Immobile pendant tout ce temps, Edwina avait eu tout le loisir necessaire pour ressasser ses sombres souvenirs et sa rancune. Les élèves surpris la fixèrent longuement à leur sortie, certains jeunes hommes d'un regard plus appuyé. Mais elle n'avait pas vraiment le coeur à ce genre de jeu maintenant. Le dernier finit par quitter les lieux. Elle se contenta d'entrer dans la salle sans dire un mot, bras croisés, dans une posture nonchalante mais aussi méprisante. Sa décision était la bonne, elle en restait convaincue, mais les rapports entre eux n'avaient été que sécheresse et froideur depuis si longtemps... Elle lui laissa l'honneur des premières paroles, espérant lire sur ses traits la culpabilité, la honte...n'importe quoi qui pourrait l'apaiser quelque peu elle-même.

"...Ce qui explique que les mages noirs aient été nombreux à l'utiliser."

La cloche résonna dans les couloirs de l'Université, marquant la fin du calvaire pour les étudiants, d'après leurs mines sombres, et faisant réagir du même coup la porte magique de la salle de Magie Noire, qui s'ouvrit à la volée.

Thadeus eut un soupir à la fois soulagé et exaspéré. Soulagé parce que lui non plus n'était pas forcément ravi de faire cours à des inferi, exaspéré parce qu'à peine le son de cloche évanoui, les premiers élèves étaient déjà prêts à quitter la salle, toutes affaires rangées et leurs soucis évaporés.
Il se dépêcha de conclure avant que les premiers ne disparaissent dans le couloir.

"Bon très bien, vous me rédigerez un parchemin sur les conséquences historiques de l'utilisation du sortilège Anaxio Bellem. Bonne journée."

On était seulement en fin de matinée, et il avait déjà l'impression d'être en fin de journée, las et fatigué. L'enseignement était décidément harassant. Plus que tout l'immobilité était une petite mort pour le voyageur émérite qu'il s'était habitué à être, passer des journées entières assis à un bureau ne lui faisait pas de bien. La preuve en était les quelques kilos qu'il avait commencé à prendre, et qu'il s'évertuait à perdre en pratiquant la marche à pied et quelques autres exercices. Si son aspect extérieur n'avait rien de très agréable, il pouvait néanmoins compter sur une forme olympique et des muscles développés, avec les événements actuels, il préférait rester en forme, pour parer à toute éventualité.

Peu à peu la salle se vida, en quelques minutes en fait. A croire que tout le monde le fuyait. Il n'y eut bientôt plus que Shadow, qui semblait trouver aujourd'hui un intérêt tout particulier pour la porte de sortie. Si lui aussi envisageait de fuir son maître, où allait le monde?
Thadeus s'évertuait à mettre un peu d'ordre dans ses fiches de cours, il avait perdu son sens de l'organisation quand il avait dû fuir, et n'avait malheureusement pas réussi à le retrouver depuis. Jusqu'à présent, il n'avait jamais vraiment eut à mettre en ordre quoi que ce soit, se contentant de vivre au jour le jour, sans prévoir ce qui pouvait se passer se lendemain.

Il retint un vieux réflexe quand une silhouette se glissa, presque sournoisement, à l'intérieur de la salle désertée, il se contenta de relever la tête, et eut quelque peine à dissimulée son expression surprise.
Thadeus avait appris à s'attendre au pire, à envisager les meilleures situations comme les plus pessimistes. Néanmoins, il ne s'était pas du tout attendu à cette situation là.
La dernière fois qu'il avait vu sa cousine, elle entrait à Poudlard, depuis son retour, il n'avait pas osé la rencontrer à nouveau, au vu des dernières lettres qui lui étaient parvenues, et du ton glacial et méprisant qui avait été employée. En réalité, elle non plus ne l'avait plus vu depuis. Le peu que l'on pouvait dire, c'était que l'un comme l'autre avait beaucoup changer, probablement trop. Il ne fallut néanmoins qu'un regard dans ces yeux pleins d'une rage à peine contenue pour reconnaître la splendide créature qui s'était faufilée dans sa classe, et l'observait désormais d'un regard toujours aussi brûlant de mépris.
L'Ecossais nota avec une pointe d'ironie, que malgré tous leurs différents, ils avaient en commun le goût vestimentaire, résolument sombre et mystérieux.

Il retrouva néanmoins contenance, et afficha un air désintéressé. Il ne nourrissait aucune rancœur envers sa cousine, et comprenait même en partie son ressentit. Lui-même ne se pardonnait toujours pas sa fuite, mais pouvait désormais la justifier, grâce à tout ce qu'il avait appris. Il aurait voulu pouvoir s'expliquer plus avant avec Edwina, la voir à nouveau lui sourire. Pas de ce sourire froid et hautain qu'elle servait aux inconnus, mais ceux qu'elle lui réservait quand ils étaient plus jeune, alors que l'insouciance existait encore.
Il fut le premier à parler, brisant le silence qui commençait à devenir pesant.

"Edwina... Tu as beaucoup changer depuis notre dernière rencontre. J'avoue que c'est assez inattendu, tout comme de te voir débarquer dans ma classe. Aux dernières nouvelles il me semblait que tu m'exécrais?"

Il aurait voulu être moins acerbe, mais l'attitude de sa cousine ne l'aidait pas à prendre des gants.

Quoiqu'ait fait son cousin durant ses nombreuses années de pérégrinations, il y avait acquis une stature impressionnante, un corps de baroudeur rompu aux exercices et aux efforts. Sur son visage se lisait la marque d'épreuves dont elle n'aurait sans doute jamais une connaissance approfondie. Mais peu lui importait. Il aurait du gagner ces marques en se battant pour protéger sa famille, comme tous ses ancêtres avant lui. A en juger par son poste ici, ses muscles n'étaient pas et de loin la seule chose acquise dans ce long voyage. Elle le regarda l'observer, la reconnaitre, et retrouver dans ses formes de femme l'enfant qu'il avait abandonnée derrière lui. Elle lui laissa le temps d'évaluer sur son corps le passage du temps, espérant qu'il voit, là où tous ne s'arrêtaient qu'à sa beauté et au désir qu'elle suscitait, tout ce qu'il avait manqué pendant sa fuite, toute cette vie dont il avait été absent. Mais sur son visage où elle lut un instant la prévisible surprise, elle ne put n'y déceler par la suite qu'un masque soigneusement étudié et impénétrable.

"Edwina... Tu as beaucoup changer depuis notre dernière rencontre. J'avoue que c'est assez inattendu, tout comme de te voir débarquer dans ma classe. Aux dernières nouvelles il me semblait que tu m'exécrais?"

Se retournant brusquement pour ne pas lui laisser voir le sursaut de fureur qui la secouait à l'écoute de sa voix acerbe, elle fit quelques pas dans la classe, touchant du bout des doigts les tables qu'elle frôlait, le temps de reprendre contenance. Une pointe de tristesse la taraudait. Il était injuste qu'après tous les tourments de leur famille, ils s'en retrouvent réduit à ça... Mais elle ne pouvait oublier le déchirement de sa fuite, à l'annonce de la mort de sa famille, de la destruction de son foyer. Elle aurait voulu qu'il manifeste au moins un peu de culpabilité, mais apparemment lui n'en ressentait pas le besoin. Quand elle lui fit de nouveau face et parla, sa voix avait un ton calme, dédaigneux.

"Thadeus... Tu t'attendais à retrouver la gamine que tu as abandonné à son sort? Navrée, j'ai bien du grandir sans toi, sans personne d'ailleurs..."

Un silence, durant lequel elle observa les livres posés sur el bureau professoral.

"Tu as bien changé aussi cela dit. Je t'ai connu laissant nos pères et mères devant les mages noirs... Je te retrouve aujourd'hui enseignant leur art à des étudiants."

Un autre silence. Bien sur, Edwina pouvait comprendre aujourd'hui le jeune Thadeus préservant sa vie. Son propre petit frère lui-même tentait de temps à autres de lui faire oublier sa rancune, de l'inciter à pardonner. Mais lui l'avait eu, elle, pour prendre soin de lui. Les souvenirs remontant à la surface la troublaient, et elle dut se faire violence pour que ses yeux ne soient qu'humides, qu'aucune larme n'en coule. Comme pour mieux se reprendre, elle sortit d'une poche intérieure de ses vêtements si stylés la bague qui avait déclenché ses dernières mésaventures. Elle n'avait fait que circonscrire les sortilèges faisant de ce bijou l'artefact avorté qu'il était, et elle ne doutait pas que Thadeus reconnaitrait la véritable nature de l'objet. Elle lui lança, comme pour ne pas s'approcher plus près de lui.

"Tiens, regarde ça. Un étudiant est arrivé plus mort que vif la nuit dernière à Sainte Mangouste. Il avait ça au doigt. Tu devrais te montrer aussi prudent dans tes cours que tu l'as été il y a 17 ans tu ne crois pas?"

Un petit tic nerveux ajita sa joue lorsqu'elle ajouta, tout simplement, sans transition, la question qu'elle était venue poser. Nerveuse Edwina l'était. Et elle se demandait si elle allait pleurer, hurler, ou l'attaquer s'il continuait à se montrer aussi...impersonnel.

Le masque semblait ne pas tenir aussi bien qu'à l'accoutumée sous ce regard où s'entrechoquaient tant d'émotions, dont certaines, avait cru deviner Thad, étaient contradictoires. Chaque jour depuis sont retour, il avait réussit à ne rien dévoiler de ce qu'il pouvait penser ou ressentir, et voilà qu'aujourd'hui, face à une petite fille qui avait bien grandit, qui l'avait autrefois considéré presque comme un grand frère, le masque voulait exploser, révélant à la face du monde toute la souffrance et la culpabilité qui rongeait les entrailles du professeur pourtant si solide.

Chaque remarque d'Edwina était comme un couteau rouvrant de vieilles plaies et s'y glissant pour larder plus profond encore. Plus encore que d'avoir fui, il s'en voulait d'avoir laisser une jeune fille connaître de tels ressentiments. Il aurait voulut la prendre dans ses bras, lui dire qu'il était désolé, qu'il préfèrerais mourir en protégeant les siens, s'il pouvait tout recommencer, plutôt que d'avoir fui, et d'avoir découverts des secrets certes utiles, mais au prix d'un telle souffrance. C'était un fardeau qu'il ne souhaitait à personne. Il avait vu et fait des choses dont il n'était pas fier, qu'il aurait voulu oublier, mais les remords et les regrets étaient bien présents, il n'y a pas de pire châtiment que celui de la conscience.

Pourtant, le masque tint bon, comme une ultime plaie dans l'âme de Thadeus, il ne pourrait probablement jamais révéler à sa cousine tout ce qu'il voulait lui avouer, tout ce qu'il voulait se faire pardonner. La colère succéda à la peine, et le colosse eut une bouffée de chaleur, qui le fit se redresser et serrer les poings.

"J'ai fait une erreur il y a longtemps Edwina, mais ça ne te donne pas le droit de venir ici me cracher ton venin. Tu ne sais rien des circonstances, ni des événements. Tu ne sais pas..."

La désinvolture avait disparut, ne restait qu'une colère sourde, le sentiment d'être injustement traité pour des actes qu'il regrettait déjà assez. Si elle était venue simplement pour passer ses nerfs, elle allait être reçue comme il se devait. Thadeus déplorait que leurs seuls échanges se déroulent ainsi, à s'invectiver et à se lancer des piques, il avait chaque fois l'impression de perdre un peu plus l'une des deux seules personnes auxquelles il tenait vraiment.
Elle finit par lui coller une bague sous le nez, affirmant qu'à cause de lui un étudiant s'était retrouvé à l'hôpital.
Thad pris la bague entre ses gros doigts et l'examina. Il pointa sa baguette dessus et murmura quelque formule inaudible, l'artefact rayonna d'une douce lumière rouge sang. Il la déposa sur sa table.

"L'artefact a été ensorcelé, un sort basique, plutôt brouillon, probablement une vengeance. Mais mon artefact marche très bien. J'y suis pour rien si les élèves ne sont pas capables de régler leurs comptes à la loyale..."

Il eut un regard énigmatique pour sa cousine, avant d'enchaîner.

"Mais je suppose que tu n'est pas venu pour me parler de ma façon d'enseigner? Dis-moi ce qui t'amène, ou laisse-moi tranquille, je ne suis pas certain de supporter tes reproches plus longtemps."

C'avait été plus fort qu'elle. Tout comme sa rancune ne lui laissait pas le choix teintant ses mots et sa voix de venin, elle l'obligea, à la vue de son cousin serrant les poings et cédant à la colère, à tirer sa baguette magique d'une poche latérale pour la pointer sur son âiné. Par Merlin, qu'elle haïssait la situation où ils s'étaient enfoncés, ou ce qui restait de sa famille s'était enlisée. Qu'elle le haïssait d'être la cause de toute cette souffrance! N'aurait-il pu au moins revenir après l'attaque, la prendre en charge, la consoler de ces pertes tragiques? Elle l'aurait pardonné alors... Peut-être pas tout de suite, mais les liens du sang l'auraient emportée s'ils avaient été assistés de douceur et de regrets... Aujourd'hui ces liens n'étaient qu'une brûlure supplémentaire. Et tout au fond d'elle, elle se haïssait de ne pouvoir dépasser cette amertume pour tenter de rassembler les lambeaux qu'ils leur restaient...

"J'ai fait une erreur il y a longtemps Edwina, mais ça ne te donne pas le droit de venir ici me cracher ton venin. Tu ne sais rien des circonstances, ni des événements. Tu ne sais pas..."

Elle aurait voulu lui hurler qu'il n'avait qu'à lui dire ce qu'elle ignorait, qu'elle puisse au moins comprendre! Que c'était à lui de tendre cette main, de construire les fondations de ce qui aurait pu leur permettre de se rapprocher! Qu'elle lui en voulait autant pour son si long silence, sa si longue absence, que pour son erreur d'un jour... Une simple lettre, durant toutes ses anées, où il se serait livré, où il aurait tenté de lui expliquer... Mais l'orgueil et la colère lui interdisaient de telles paroles, et elle abaissa lentement sa baguette.

"Non je ne sais pas... Personne n'a été là pour me le raconter, tu te souviens?"

Si la colère n'avait pas continué de bouilloner en lui, peut-être son cousin aurait-il plu percevoir l'infime note de supplications dans cette remarque lâchée d'un ton bas et acide. Mais rien n'était moins sur... Après tout, il n'avait guère eu le loisir de connaitre la voix d'Edwina ces dernières années. La bague offrit une distraction sans doute bienvenue pour eux deux. Il sortit à son tour sa baguette, mais dans le but d'examiner l'artefact qui l'avait conduite ici. Apparemment la douteuse tentative d'un étudiant pour assouvir une vengeance quelconque... Au moins Thadeus était-il compétent dans son art, elle-même n'aurait su identifier la nature exacte de l'artefact. Il ne semblait en revanche pas très choqué par l'incident.

"Sans doute pas, mais tu leur as donné des armes plutôt dangereuses. Bon sang, Thadeus, si je n'avais pas trainé à l'hôpital jusque tard dans la nuit, ce gosse serait mort à l'heure qu'il est, ou pire! Tu ne vas pas fuir tes responsabilités au point de refuser de leur en parler à ton prochain cours? Raconte-leur ce qui s'est passé, histoire de les faire réfléchir, c'est tout ce que je te demande!"

Edwina paraissait plus sereine dans son rôle de médicomage, mais Thadeus eut tôt fait de les ramener sur un terrain plus corrosif. Elle inspira un grand coup avant d'aborder le véritable sujet de sa visite à l'improviste.

"Ce qui m'amène? Devine... Ca recommence, je suppose que tu es au courant non? Bien sur que tu le sais. Tu-sais-qui est revenu, et j'ai l'impression de retrouver l'atmosphère de mes débuts à Poudlard. Tout le monde a peur, chacun se méfie... Il y a quelques jours, un patient a refusé de se faire soigner par moi parcequ'il craignait que je sois une mangemort..."

Un petit sourire aux lèvres, désabusée, Edwina se remémora le regard de l'homme ce jour là. Croyait-il qu'elle serait aussi tape-à-l'oeil si elle était en mission pour Voldemort?

"Et au milieu de tout ça, te revoilà qui débarque. Toi qui avait fui le pays lors de sa première ascenscion. Je suis venue te voir pour te demander...pourquoi tu es revenu?"

Elle fit à nouveau volte-face, irritée de cette apparente dépendance à cet homme qui l'avait abandonnée. Sa voix était soigneusement neutre, mais vibrait malgré tout de multiples sentiments, colère, espoir, rancune...

"Je n'ai pas l'intention de rester plantée en attendant qu'un nouveau miracle se produise et en comptant tous les innoncents que je n'aurais pas pu sauver! Il y a des rumeurs... Le ministère et les aurors tournent en rond, la lutte serait ailleurs. Qu'est-ce que tu sais?"

C'était dit. Maladroitement, difficilement, mais le message était passé. Elle se retourna lentement, s'asseyant au passage sur une table de la classe, de telle façon, par habitude, de dévoiler au maximum ses jambes par les diverses échancrures de sa -ou ses, difficile de dire- jupes. Mais son regard évitait celui de Thadeus. Elle avait peur de lire la moquerie dans les yeux de son cousin, devant son orgueil ou bien son impuissance apparente. Et il y avait suffisamment de contentieux entre eux pour qu'elle ne soit pas sure de se contrôler si tel était le cas. Dans sa main droite, sa baguette reposait, inerte, mais prête à servir.

Thadeus décida de ne pas relever la dernière remarque d'Edwina, autant éviter de repartir dans le débat du cousin indigne, qui visiblement les usait tous les deux psychologiquement. Il ne put s'empêcher une vague fierté en entendant la petite fille d'autre fois dans son rôle de Médicomage aguerrie. Il retrouvait là tout le tempérament des McLipswitch, s'inquiétant plus pour les autres que pour eux-mêmes, même ceux qu'ils ne connaissaient pas. Il nota également qu'il ne partageait plus la compassion ancestrale de sa famille... Peut-être ne méritait-il plus d'y appartenir.
Il se força à chasser ces sombres pensées, et à revenir sur ses paroles.

"Ce n'est pas moi qui ait enseigné le sortilège qui enveloppait cette bague, c'était un bricolage grossier, probablement une reproduction incorrect d'un sort appris dans un livre. Ce qui expliquerait le résultat un peu trop catastrophique...
Mais si ça peu te rassurer, je leur en toucherais un mot. J'ai beau leur répéter que la Magie Noire ne doit pas être prise à la légère, j'ai l'impression de hurler dans le vide intersidéral. Mais, c'est promis, je leur en parlerais..."

Son ton s'était radouci, se faisant presque réconfortant. La tension avait quelque peu diminuée, l'atmosphère était moins électrique, enfin une discussion d'un adulte à un autre. Même s'il avait toujours un peu de mal à réaliser qu'il s'adressait bel et bien à sa cousine. Il ne put que reconnaître la suite de ses paroles, lui-même n'était pas revenu totalement sans raison, du moins n'était-il pas repartit. Lui aussi avait droit aux regards en coin et aux murmures dans son dos, quant aux rumeurs qui circulaient sur son compte, elles étaient toutes d'accord sur un point, il était un Mangemort. Des fois il pratiquait des rituels dans du sang d'innocents, d'autres fois il mangeait des bébés. En même temps, son apparence ravagée jouait pour beaucoup. Il déplorait cet amalgame qui avait tendance à se faire dès qu'une personne portait trop souvent du noir, ou ne souriait pas assez.

Puis elle lui posa enfin la question qui devait lui brûler les lèvres depuis son arrivée. Encore une fois, il retrouvais bien là le caractère des MacLipswitch, mais cette fois-ci, lui aussi s'y retrouvait. Quand elle eut posé sa question, il eut un geste lent, et la porte se referma dans le dos de la Medicomage. Un autre mouvement vint y ajouter un sort d'insonorisation. Il fit le tour de son bureau et vint s'y adosser, prenant pratiquement la même position qu'Edwina, il prit son temps avant de parler, et quand il le fit, ce fût d'un ton de confidence.

"Il existe effectivement un mouvement indépendant de résistance, appelé l'Ordre du Phénix. Les informations sont vagues et peu précises, mais tout porte à croire que l'Ordre serait dirigé par Albus Dumbledore, l'actuel directeur de Poudlard. Je n'en sais pas beaucoup plus, si ce n'est que quelques agents se dissimulent parmi les élèves et professeurs. Je suspecte quelques personnes, un de mes collègues tout particulièrement, il s'appelle Arsène Yawdrey.
Néanmoins, je sais également que les Mangemorts sont infiltré dans l'Université, et j'avoue ne pas disposer d'assez d'éléments pour suspecter qui que ce soit, même si je me permet quelques présomptions sur tels ou tels élèves, rien de sérieux pourtant. Toi qui parlais d'un climat de méfiance, je crois que nous avons notre compte ici aussi..."

Edwina ne remarqua pas la fierté de son aîné devant le statut auquel elle était parvenue. Il en était sans doute mieux ainsi... Elle ne devait qu'à elle seule sa réussite, et nul doute qu'elle aurait pris ces vesties de liens familiaux comme un obscur désir de la part de son cousin de s'arroger une place qui ne lui revenait pas de droit. Elle nota en revanche le caractère adouci de la puissante voix du professeur de magie noire, qui l'apaisait elle-même, en partie du moins. Finalement, l'affrontement inévitable n'aurait guère pu mieux se dérouler. Ils avaient au moins ça en commun, ils étaient capables de se dominer suffisamment pour ne pas se perdre en vaines luttes. Elle l'écouta préciser l'origine probable de cet artefact et promettre de leur raconter cette triste histoire. Elle-même se contenta d'un signe de tête énergique accompagné d'un regard vif, à valeur d'avertissement. Edwina avait bien l'intention de le prendre au mot, et nul doute qu'elle vérifierait par elle-même.

L'atmosphère quelque peu allégée des tensions d'il y a un instant se chargea alors de la pesanteur du secret nécessaire. Ils en arrivaient enfin à ce qu'on pourrait nommer, faute de mieux, les choses sérieuses, bien que leurs différents personnels n'étaient pas chose futile pour la médicomage. La porte se ferma silencieusement dans son dos, et elle n'eut pas besoin d'explications pour comprendre que Thadeus avait du prendre les précautions nécessaires. Alors même l'université n'était pas à l'abri des oreilles indiscrètes? Quand on y réfléchissait, c'était logique : là était formée l'élite des sorciers britanniques, les sorciers destinés à des postes de pouvoir et de responsabilité. Où trouver meilleures recrues, pour l'un ou l'autre des camps?

Son cousin s'installa à son tour, dans une position douloureusement semblable à la sienne, signe que le temps ne peut apparemment rien contre certaines choses... Ils restaient du même sang.

"Il existe effectivement un mouvement indépendant de résistance, appelé l'Ordre du Phénix. Les informations sont vagues et peu précises, mais tout porte à croire que l'Ordre serait dirigé par Albus Dumbledore, l'actuel directeur de Poudlard. Je n'en sais pas beaucoup plus, si ce n'est que quelques agents se dissimulent parmi les élèves et professeurs. Je suspecte quelques personnes, un de mes collègues tout particulièrement, il s'appelle Arsène Yawdrey.
Néanmoins, je sais également que les Mangemorts sont infiltré dans l'Université, et j'avoue ne pas disposer d'assez d'éléments pour suspecter qui que ce soit, même si je me permet quelques présomptions sur tels ou tels élèves, rien de sérieux pourtant. Toi qui parlais d'un climat de méfiance, je crois que nous avons notre compte ici aussi..."

Elle l'écouta attentivement, reservant ses réactions pour la fin de ces confidences. On n'apprenait jamais rien de valable si l'on ne savait écouter. La mention de Dumbledore n'était guère etonnante, ni, maintenant qu'elle en avait la confirmation, de l'Orde du Phénix qui avait mis tant de bâtons dans les roues de Voldemort lors de la dernière guerre. La dernière phrase lui arracha un sourire amer. Elle prit le temps d'ostensiblement considérer l'allure de Thadeus, si en accord avec la matière qu'il enseignait.

"Climat de suspicion? C'est étonnant qu'aucun Mangemort n'ait tenté de te recruter..."

Son ton devint plus neutre, professionnel en quelque sorte.

"Je connais Arsène Yawdrey, nous travaillons dans le même service à Sainte Mangouste. Un excellent médicomage, qui ne cache pas ses idéaux. Je ne sais s'il est en contact avec le Phénix, mais à moins d'une superchierie montée depuis des années, il est sur qu'il n'est pas aux ordres de Tu-Sais-Qui... Qu'attends-tu pour l'approcher?"

Elle avait ajouté cette dernière phrase avec passion, impatience, comme si la flamme couvant derrière ses précédents mots avait brusquement jailli. Elle brûlait de pouvoir enfin agir. L'idée que sa confiance dans les soupçons de son cousin pourrait être infondée ne l'effleura même pas. Elle ne lui pardonnait pas, et mépriserait peut-être à jamais sa lâcheté. Mais elle n'était pas idiote au point d'envisager qu'il soit passé de l'autre coté.

La réalité était que les Mangemorts avaient tentés de le recruter lors du premier conflit déjà, la mort des derniers membres de sa famille n'était pas qu'un simple coup porté aux ennemis des Ténèbres, mais bien une vengeance face à un refus catégorique. Thadeus se savait fiché chez les Mangemorts, l'un des "hommes à abattre" encore plus maintenant qu'il avait acquis tout ce savoir, qui pouvait à tout moment se retourner contre eux. Il trouvait d'ailleurs étonnant qu'ils n'aient encore rien tentés.

Quant à approcher Yawdrey, Thadeus hésitait encore. Ce n'était pas le fait de s'adresser à la mauvaise personne qui lui posait problème, c'était surtout de révéler au grand jour ses propres intentions. Certes avec son casier chez les Mangemorts il n'était pas vraiment nécessaire de la jouer subtile, néanmoins, il nourrissait l'espoir qu'on l'avait plus ou moins oublié, et surtout qu'on n'était plus totalement au fait de son apparence physique. Après tout, seuls les Mangemorts les plus vieux lui avaient donnés la chasse, probablement les nouvelles générations n'étaient-elles pas intéressées par la fuite en avant d'un homme seul et à première vue sans danger. Après tout, l'affaire n'était qu'une question de vengeance, et ne devrait pas mobiliser tout le monde. Du moins c'est ainsi que Thadeus espérait que les choses s'étaient déroulées.

En plus de cela Thadeus n'était pas certain de savoir s'y prendre pour aborder le sujet. Il doutait qu'un "Bonjour collègue, alors vous êtes membre de l'Ordre du Phénix ou pas? Vous resterait-il des places par hasard?" soit la façon la plus appropriée. Il avait beaucoup perdu en ce qui concernait les relations sociales après toutes ces années d'errance et de solitude, la subtilité n'était déjà pas son fort avant, elle avait été pratiquement abolie de son comportement depuis qu'il était revenu.

"Je ne sais pas, je ne vois pas comment amener le sujet dans une conversation. Qui plus est, je parle assez peu aux autres professeurs, et encore moins des discussions importantes. C'est peut-être idiot, mais je n'ai pas envie de compromettre ma couverture de simple professeur de Magie Noire en m'adressant à la mauvaise personne, qui irait ensuite tout déballer dans un autre conversation. Qui plus est, l'Université n'est pas un endroit sûr pour ce genre de conversation, je suspecte les Mangemorts de bien surveiller les discussions, comment je ne sais pas. Néanmoins j'ai noté que les secrets ne se gardaient pas longtemps dans ses murs."

Il y eut un moment de blanc, car Thadeus réfléchissait. Il tentait de se souvenir d'une autre personne dont il avait entendu des rumeurs, qui serait à la recherche de membres de l'Ordre du Phénix. Cette informations semblait un peu tirée par les cheveux, il voyait mal un bureau de recrutement auquel s'adresser, mais il se souvenait s'être intéressé à cet ancien professeur de Poudlard... Quel était son nom? Lupin! Remus Lupin! Peut-être serait-il la bonne personne à contacter.

"J'ai aussi eu des informations, plutôt vagues et à mon avis peu fiables, sur un dénommé Remus Lupin. j'ai fait quelques recherches et j'ai découvert qu'il était professeur de Défense contre les Forces du Mal, à Poudlard, il y a quelques années. Il aurait démissionné suite à des accusations de lycanthropie. Il aurait approché plusieurs personnes, notamment des élèves concernant l'Ordre du Phénix. Ca vaut ce que ça vaut, mais ça serait une alternative plutôt intéressante. La rencontre se ferait ailleurs qu'au sein de l'Université, et pas de répercussions au niveaux d'oreilles indiscrètes...
Qu'en penses-tu?"

Il posa à nouveau son regard dans celui de sa cousine, attendant presque machinalement les remarques acerbes, qu'il savait devoir subir...