Suite de là


Consternation.
Découragement.
Désespoir.
Reproche.

L’atmosphère déjà chargée d’éther et de pus de Bulbobulb de l’infirmerie s’alourdissait en plus des mauvaises ondes envoyées par Harvey et Charles, assis près du lit de Lou, à espérer qu’elle se réveille avant leur septième année. C’est que ça faisait quand même un sacré bon bout de temps qu’elle était assommée !
Si, à leur arrivée, la Pomfresh n’avait pas jugé l’état de leur amie suffisamment inquiétant ne pas la laisser se réveiller tranquillement, les deux garçons se demandaient tout haut pourquoi cette vieille pelure ne l’avait pas quand même sortie de l’inconscience.

D’une, ils s’inquiétaient pour elle évidemment. Et de deux, cette histoire stupide était en train de lui gâcher son après-midi. Et elle n’avait même pas eu le temps de faire le plein à Honeydukes avec ça ! Elle râlerait tellement quand elle se réveillerait que c’était aussi pour eux qu’ils s’inquiétaient.

Pour la quinzième fois depuis leur arrivée, Harvey retroussa la manche de drap fin de sa chemise et regarda l’heure sur sa montre.

- T’es contente, la coincée ?, cracha-t-il avec toute la hargne du monde en lançant un regard mauvais à Wyncall qui attendait aussi, dans un coin.

Charles se leva avec un reniflement méprisant et s’approcha de la blonde.

- Tu sais qu’on va te faire payer ça ?

Avec un petit rire, il revint sur ses pas et se pencha à l’oreille de son copain.

- Son balai, on va le lui enfoncer plus profond encore, chuchota-t-il en se tordant de rire.

De gros rires gras, des claques dans le dos pour montrer que « Ouais trop forte ta blague mon cochon », et toute l’attention d’Harvey revint à Lou.

- Viens on va lui chercher de l’eau, lança-t-il à Charles en se levant à son tour, elle aura sûrement soif.

Et sans plus tarder, avec des regards lourds de menaces pour Wyncall, les deux grands garçons sortirent de la pièce.

Hayden soupira d'ennui. Ce qu'elle pouvait détester l'infirmerie. Et cette bécasse qui servait d'infirmière. Elle voulait sûrement paraitre attentionnée et gentille, comme toute bonne infirmière qui se respecte. Seulement, la seule chose qu'elle lui inspirait, c'était un profond dégoût pour sa personne et pour son affreuse blouse blanche.

Voilà maintenant plusieurs minutes que la jeune fille attendait patiemment le réveil de la belle au bois dormant, qu'on aurait pu aisément renommer, la peste au bois dormant pour l'occasion.

Seulement, Miss Brady avait décidé de pourrir la vie à Hayden et celle-ci aurait été pleinement satisfaite si la bienséance ne l'obligeait pas à rester au chevet de l'assommée. Elle n'allait quand même pas mourir d'un coup sur la tête. Peut-être qu'un baiser d'un des deux molosses qui lui servait d'amis pourrait la réanimer...

A creuser. D'ailleurs, un des deux effrontés eut l'audace de l'insulter. La fillette lui lança un regard torve, se redressant de toute sa hauteur.

Franchement, elle considérait que Brady avait, un tant soit peu de classe, mais ces garçons étaient de la pire espèce! Lorsqu'ils passèrent près de la fillette afin d'aller chercher de l'eau pour Brady, elle leur lança un vague "bande d'imbéciles" imperceptible.

Hayden soupira d'agacement, une nouvelle fois, se leva prestement de son séant, puis se rapprocha de la gamine et lui lança,

-Écoute bien Brady, ce n'est pas que la présence de tes chers camarades m'importunent, mais je n'ai pas que ça à faire, figure-toi. Et si par miracle tu m'entends, je vais tenter d'être la plus claire possible. Je ne vais pas rester indéfiniment dans cette infirmerie, commença-t-elle avec un air de dégoût, surtout pas avec ces deux choses tout ça parce que la belle au bois dormant n'a point daigné ouvrir l'œil.

C'est pourquoi je te serais gré de bien vouloir dans ton infinie bonté te réveiller avant le retour de tes deux énergumènes. Dans le cas contraire, j'espère pour toi que tu ne crains pas la vengeance. Je peux autant pourrir ta vie que toi tu puisses pourrir la mienne.

N'attendant pas réellement de réponse de la part de la Serpentard, elle se rassit rapidement, les deux comparses auraient pu mal prendre le faire que Hayden fusse près de leur amie.

Alors que la coincée courait se rasseoir comme une voleuse, les lèvres pleines de Lou, qu’elle avait eu tout le mal du monde à empêcher de trembler de rire, s’étiraient lentement, passant progressivement du rictus narquois au grand sourire franchement moqueur.

Bien sûr qu’elle ne s’était jamais évanouie ! En lui tombant sur la tronche, l’énorme bocal lui avait simplement sonné les cloches, rien de plus. Elle avait juste voulu donner une touche plus dramatique à la scène en « perdant connaissance », et, à entendre les cris désespérés d’Harvey et de Charles, son petit plan avait réussi...

- Les mecs c’est vraiment trop con, commenta-t-elle en se redressant et en s’étirant paresseusement comme un chat, comme si elle continuait une agréable discussion.

Avec un petit bâillement, et sans se départir de son sourire joyeux, elle lança un clin d’œil à la Serdaigle.

- On n’a qu’à leur promettre de leur montrer nos tétés et ils tombent amoureux, continua-t-elle en désignant du menton la porte par laquelle ses deux copains venaient de sortir.

D’ailleurs, d’après ce que sa mère et Conchita disaient, ça ne s’arrangeait pas en grandissant. Ca valait bien la peine de prendre des gants avec eux !

Tout en s’asseyant un peu plus confortablement dans l’horrible lit qui puait l’hôpital, Lou continuait à deviser gaiement comme un pinson, ne se souciant même pas de continuer de jouer la comédie pour donner un peu plus de crédibilité à sa guérison miracle.

- Mais franchement, jsuis dég, reprit-elle en pointant Hayden de son doigt fin, je pensais que le gros bonhomme de Honeydukes te tirerait les oreilles, ou qu’il raconterait tout à la Pomfresh pour que tu te fasses pourrir, mais rien du tout.

Petit haussement d’épaules.

- C’est vraiment une bande de glandus.

Il faut bien l’avouer, Lou s’était attendue à tout de la part de la coincée. Qu’elle trépigne en tapant du pied, qu’elle se mettre à crier à la supercherie, même à ce qu’elle lui cogne un autre bocal sur la tronche.
Mais l’éclat de rire qui résonna soudain dans la pièce immaculée la fit sursauter. Elle ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes et observa la Serdaigle qui s’esclaffait comme une bossue.

Oui, la situation était drôle, mais c’était marrant pour elle, Lou, et aussi pour Harvey et Charles quand ils sauraient qu’elle n’avait fait que jouer la comédie (bien sûr ils n’apprécieraient peut-être pas tout de suite l’idée de s’être fait du mouron et d’avoir cavalé pour lui chercher de l’eau pour rien).
Par contre, elle ne voyait pas du tout pourquoi cette espèce de nunuche coincée continuait de lui sourire.

A moins que...ooooh, on veut jouer les dures à cuire ? Très bonne initiative. C’était déjà plus marrant que si elle s’était mise à pleurer « Mais je croyais que tu t’étais évanouuuuuiiiiiieeeee ! ».

- Pourquoi, on a les chocottes ?, demanda-t-elle d’un air narquois en croisant les bras, c’est bon ils tapent pas sur les filles. C’est pas des bêtes non plus.

Sourcil haussé, elle observa la coincée des pieds à la tête.

- Par contre pour les vieilles filles jsais pas trop...Ouais ça vaut peut-être mieux pour toi que tu décampes.

Et quant à l’accompagner...elle croyait qu'elles avaient élevé les trolls ensemble ? Lou prit un air éploré et joignit les mains dans une attitude pieuse digne de tous les saints du calendrier.

- Tu voudrais quand même pas forcer une malade convalescente à sortir de son lit, alors qu’elle vient de guérir miraculeusement ?

Avec un petit rire, elle haussa nonchalamment les épaules et continua.

- Et si tu veux qu’on me voie en public avec toi, arrête déjà de parler comme la grand-mère de Shakespeare. Ca fait vraiment trop pitié.