Le Gallois ne savait pas du tout ce qu'il faisait là à cette heure des plus insolites. Ses nuits étaient courtes, agitées, difficiles, voir douloureuses. Les premières semaines, il était tout simplement trop choqué pour voir l'étendu des dommages que ce départ eu sur lui. En fait, il se sentait mourir de l'intérieur, très lentement. Elle ne le savait peut-être pas, mais elle lui avait arraché le cœur, en gardant une partie avec elle et laissant l'autre pourrir à l'intérieur de sa cage thoracique. Mais il sentait qu'il avait une partie de son cœur entre ses doigts. Elle était partie contre son gré. Et peut-être même qu'elle pleurait plus que lui, le soir.

Emmanuel vivait pour oublier, et cela fonctionnait. Il s'impliquait dans les activités de l'université, rencontrait des gens, buvait, jouait de la musique, chantait, criait à tue-tête. Mais depuis de départ de Lucy-Ann, jamais il ne s'était questionné, silencieusement. Le silence effraie puisqu'il crie la vérité, dit-on. Et c'était tout à fait vrai. Dans son cas, du moins.

Ce soir là, il voulait s'épuiser. Tomber à genoux de fatigue. C'est avec cette idée que le jeune homme ouvrit la porte menant à la piscine de l'université, à deux heures trente du matin. À peine la porte s'était-elle fermée derrière lui, il commença à se déshabiller sur le bord de la piscine. Il n'y avait personne, après tout. Et puis, il n'avait pas négligé de mettre son maillot de bain sous ses pantalons. L'étudiant se défit de ses oripeaux puis, une fois presque dénudé, lança les vêtements dans un coin de la pièce. La lumière bleutée que projetaient les lumières sous-marines venaient épouser les lignes de son corps, caressant ses muscles et son visage, celui-ci visiblement tendu. C'était silencieux, même mort.

Son regard normalement si doux était sévère, voir cruel. Il fixait l'eau de ses yeux d'émeraude comme pour la défier. Comme pour lui dire qu'il était plus fort, plus tenace qu'elle.

De se retrouver ainsi devant le calme lui faisait peur. Devant l'évidence qu'elle était partie je-ne-sais-où, qu'elle ne reviendrais probablement pas et qu'il devait faire avec. Vivre un deuil, encore une fois...Mais cette fois, c'était le pire, le plus douloureux qu'il n'eut jamais vécu.

Le Gallois se sentait mordre sa lèvre inférieure, toujours plus fort. Pour s'empêcher de pleurer, peut-être. Ses poings se serraient, les traits de son visage étaient tendus...

« Je t'en veux... »

Puis il plongea dans l'eau qui lui semblait si froide... Puis il nagea. Fort, vite, gracieusement et sauvagement à la fois. D'un côté à l'autre de la piscine, sans arrêt. Enragé...

Emmanuel sentait son cœur battre de plus en plus fort contre son sternum. Cela faisait déjà quelques minutes qu'il sprintait contre l'eau, sans ralentir, sans indulgence. Même s'il lui arrivait de sentir l'eau glisser jusque dans ses poumons. Il ne toussait ni ne bronchait. Il allait et venait, sans arrêt, comme un loup qui s'acharne, qui se débat. Lorsqu'il arrivait à une extrémité de la piscine, il plongeait, tournait sous l'eau puis se projetait à nouveau vers le côté contraire. Autant il en voulait à Lucy-Ann d'être partie aussi brusquement, il s'en voulait de réagir ainsi. D'être égoïste, de ne penser qu'à lui, à ses sentiments, à son cœur brisé et battant de toutes ses forces. Il s'en voulait de se laisser emporter dans ses sentiments primitifs, haineux.

Juste de penser à cela, il avait envie de crier, crier tellement fort...

-Hey ! Salut ! Ca te dérange pas, si je te rejoins ?

S'il n'avait pas été dans l'eau, le Gallois aurait probablement sursauté. Le jeune homme s'arrêta subitement, l'eau devenant tout d'un coup complètement immobile. Il haletait bruyamment, sentant peu à peu l'acide lactique atteindre ses muscles, les endolorissant. Ses yeux clairs scrutèrent curieusement l'endroit avant de se poser sur le jeune homme qui lui avait adressé la parole. Il avait un léger accent slave. Ah, oui, c'était ce mec de l'Élite Magique. Comment s'appelait-il déjà? Ça lui échappait. La seule chose qu'il voyait à ce moment précis, c'était son boxer. Il ne l'avait même pas entendu se changer... Encore un peu sous le choc, il l'observa subtilement pendant un peu plus longtemps, se disant qu'il était bel homme.

« Je t'en prie... », se contenta-t-il de dire.

Le Gallois nagea vers le bord de la piscine et s'y hissa avant de glisser sa main dans ses cheveux, les tira vers l'arrière. L'eau perlait délicatement contre son corps, le long de son torse et de son dos, sans épargner son visage toujours un peu tendu. Il se redressa sur ses deux pieds et marcha vers le tremplin, silencieusement. Il regardait toujours le slave, à la fois déçu et rassuré. Déçu de ne plus être seul, rassuré de ne plus être seul. Par Merlin, il se sentait tellement bipolaire en ce moment... Il monta chaque petite marche jusqu'en haut du tremplin.

Du haut de son perchoir, il regarda l'eau puis Andrzej avant de plonger.

Cette sensation de vide, de surdité, de fraicheur, de bleu...

Il espérait, au fond de lui-même, que la mort était semblable à cela.

[HJ : ce post est une conséquence désastreuse d'un message écrit en regardant la chatbox tard le soir... La faute en revient donc aux activités illicites de Manu et de Zazack... Je décline par conséquent toute responsabilité :sifle: ]


Il aurait du y aller un peu plus mollo, le gars avait bien failli se noyer. Bon il exagérait un petit peu mais il avait vraiment eu l’air surpris. En même temps, il n’y avait pas cinquante façons d’annoncer sa présence et il doutait que la réaction aurait été moins vive s’il avait nagé direct jusqu’à lui. Il avait l’air tellement éperdu dans sa nage effrénée qu’il aurait fait certainement une attaque s’il s’était soudainement retrouvé en face de lui. Il n’osait imaginer la pagaille que ça causerait si on trouvait un cadavre dans la piscine...

- Je t'en prie...

Le gars s’était quand même remis assez vite de sa surprise et s’avançait vers lui tout en le détaillant du regard. Oh, le slave connaissait bien ce genre de regard, un vrai regard lubrique. Sans se vanter, il était séduisant et plutôt bien fait de sa personne, et savait donc reconnaître des yeux appréciateurs. Ce n’était pas pour rien qu’il arrivait à attirer les filles sans problèmes et avait un nombre incalculable de conquêtes. Ce type, qu’il identifiait à présent, caressait son corps de ses yeux tel les effleurements langoureux et torrides d’un amant, laissant une trace enflammée sur son passage. Le soviétique n’était pas gay évidemment, mais il avait été très souvent dragué par la gent masculine. La rançon du succès ? En tout cas, Andrzej ne s’était jamais laissé tenté. Hormis un baiser échangé avec un autre mâle pour honorer un gage, le russe n’avait eu aucune relation charnelle avec un autre homme. Bien sûr, on ne pouvait jamais savoir de ce que l’avenir sera fait et peut-être qu’un jour il succombera à la curiosité... Cependant, ce n’était pas dans ses prévisions actuelles. Andrzej aimait les femmes et ne s’en cachait pas, c’était un amoureux des courbes féminines et il ne pensait pas que quiconque pourrait changer ça.

L’étudiant qui se nommait d’après ses souvenirs Emmanuel, continua son petit jeu de séduction. Sortant de l’eau, il s’ébroua, laissant de fines gouttelettes ruisseler sensuellement sur son corps athlétique. Jouant avec ses cheveux, l’étudiant essayait de l’attiser plus ouvertement en lui lançant un regard des plus concupiscents. Andrzej était dans une impasse. Allait-il rester ici et jouer ainsi avec le feu ? Est-ce que Emmanuel ne considérerait pas cela comme une invitation à aller plus loin ? En attendant, l’autre garçon s’était dirigé vers le plongeoir, l’air déçu. Comme s’il s’attendait à ce qu’il réponde à ses avances. Le slave avait vraiment envie de se défouler dans la piscine, nager jusqu’à l’épuisement total, mais il craignait de donner de fausses idées à son partenaire aquatique. Le jeune homme aux yeux verts, du haut de son perchoir, le défia à nouveau du regard et plongea dans l’eau.

Que faire ? Andrzej hésita encore un moment puis décida quand même de plonger lui aussi dans le bassin. Après tout il n’avait rien fait pour l’encourager dans quoi que ce soit. Il était venu pour nager tout simplement, et ce n’était pas parce qu’il se baignait dans ses boxers qu’il avait de mauvaises intentions. Du moins, il en avait eu plus tôt dans la soirée mais malheureusement cela avait été interrompu. Se secouant, le soviétique essaya de chasser toutes ses pensées érotiques qui lui trottaient dans la tête et fit à son tour quelques longueurs de piscine.

Finalement, il alla rejoindre Emmanuel pour lui proposer une activité sportive qui lui fera oublier à lui aussi toutes les idées qu’il pouvait bien avoir sur sa personne.

- Hey Emmanuel, c’est bien ça au fait ? Ca te dirait de faire une petite course ?

Le jeune homme nagea jusqu'au fond de la piscine, venant y effleurer la céramique du bout de ses doigts. Mais il sentait que l'eau dans ses oreilles pesait contre ses tympans, une douleur lancinante s'étendant jusqu'à ses tempes. Il leva les yeux vers la surface, voyant les jambes du slave s'avancer vers l'endroit où il avait plongé. Pour un instant, l'idée de se laisser noyer traversa son esprit, mais il n'en avait ni l'envie, ni le motif. De toute façon, cela aurait été une mauvaise surprise pour Andrzej, il ne voulait pas l'embarrasser avec son cadavre. Le Gallois remonta à la surface, surgissant aux côtés du jeune homme, lui adressant un simple sourire, plutôt fin par rapport aux mille et uns autres qu'il pouvait esquisser en une journée. Car c'était un fait connu chez les premières années, même chez les autres étudiants, Emmanuel Perks était un bout-en-train, toujours souriant, rigolo et tout à fait aimable. Mais cette nuit là, à la piscine, il n'eut pas envie de mettre son masque.

Hey Emmanuel, c’est bien ça au fait ? Ca te dirait de faire une petite course ?

Une course? Pour quoi faire? Est-ce que son compagnon avait lui aussi besoin de se défouler un peu? Ça ne pouvait pas faire de tort. Bien que Manu n'avait pas particulièrement envie de socialiser, de savoir que quelqu'un de bien vivant se tenait à côté de lui était un peu rassurant. Il hocha gauchement la tête et nagea paresseusement vers l'une des extrémités, regardant Andrzej de ses yeux d'émeraude.

« C'est indiscret de te demander ce que tu fais à la piscine à cette heure? J'étais convaincu que j'allais être seul, apparemment tu croyais la même chose. »

Le Gallois lui adressa un sourire bienveillant, enfin, plus que le précédent, et s'accouda sur le bord de la piscine.

« Que le moins fatigué gagne... »dit-il avant de se mettre en position de départ.

Les deux jeunes hommes comptèrent à l'unisson... Trois, deux, un...

Le départ fut rapide, même étonnant. Cela ne fut pas long qu'Emmanuel dépassa Andrzej. Il nageait avec la même intensité qu'il ne l'avait fait auparavant lorsqu'il était seul. Normalement, il n'était pas du genre à être très orgueilleux, mais là, c'était différent. Pas d'alternative, il devait gagner. Il respirait à peine tandis que son corps semblait presque flotter par dessus l'eau...

Jusqu'à ce qu'il ne puisse plus bouger la jambe droite.

La douleur qu'il ressentit passer dans son mollet était comparable à celle qui avait déchiré ses tempes un peu plus tôt. Mais elle le figea. Il ne pouvait plus bouger du tout. Cette souffrance lui arracha un faible gémissement.

*Eh merde, qu'est-ce qui je fais maintenant...*

Mais de quoi avait-il l’air? Jamais, ou du moins il le pensait à cet instant-là, n’avait il eu honte comme cela de sa vie. Honteux et totalement impuissant, puisque sa jambe ne semblait pas vouloir se réveiller de si tôt, le jeune homme fut pris d’une envie de pleurer des plus puissantes. Non, bien entendu qu’il ne le ferrait jamais dans un endroit public et si près d’un jeune homme de son âge, mais il en avait envie. Son corps lui disait finalement que s’en était assez de se battre contre les ombres, contre l’eau. Dans ce bref moment de silence, il vit plus clairement dans quel état il était, un état qu’il s’était, en quelque sorte, imposé. Il vit que cette douleur qu’il s’infligeait ne venait que de lui, que de son obsession, de sa manie. Et Dieu qu’il s’en trouvait ridicule, maintenant qu’il y pensait. Cela faisait déjà un mois que le Gallois se flagellait, se malmenait, se torturait à l’idée d’avoir à vivre sans la douceur de la peau de lait de Miss Donovan. Mais il était grandement temps de se redresser. De vivre autre chose, de s’amuser, de sourire sincèrement, de se donner le droit d’embrasser une autre fille. C’était cependant si dur à envisager lorsqu’il pensait que d’autres mains pourraient se glisser sous les jupons de la belle. Non, son deuil n’était pas du tout terminé. Même qu’il était tout juste entamé…

Et secrètement, il rêvait toujours qu’elle resurgisse de nulle part.

La douleur dans sa jambe lui rappela bien vite la situation dans laquelle il se trouvait. Emmanuel commença à battre des bras mais il réalisa bien vite que ce n’était pas tout à fait suffisant pour garder son corps musclé à la surface de l’eau. Il ne put s’empêcher de paniquer un peu, ayant de plus en plus de mal à respirer calmement, doucement.

Le bruit distinct de l’eau en mouvement le sortit de sa torpeur, reprenant conscience qu’il n’était pas seul dans la piscine. Il était à la fois très heureux et très embarrassé de savoir qu’un serbe qu’il ne connaissait que de nom aurait à le hisser hors de l’eau fraîche. Certes, il n’était pas du genre à être extrêmement retissant aux contacts entre hommes, mais la situation était des plus douloureuses pour son orgueil. Et par Merlin, il était orgueilleux. Le Gallois jeta un regard à la fois reconnaissant et timide à Andrzej, baissant bien vite ses beaux yeux verts sur l’eau claire.

Aux instructions du serbe, Emmanuel s’exécuta du mieux qu’il ne pouvait, laissant glisser d’entre ses lèvres quelques gémissements de douleur. Il s’accrocha un peu au jeune homme en le tenant par l’épaule et se laissa guider vers le bord de la piscine. Une fois arrivé, il se hissa, avec la grande aide d’Andrzej, sur la céramique glaciale du bord de la piscine et lui adressa un sourire timide, ses joues en rougissant.

«Merci mille fois… Je suis vraiment désolé… En fait, j’ai plutôt vraiment honte, ça ne m’arrive jamais. Seulement quand j’en ai vraiment pas besoin…»

Il rit nerveusement, cherchant en quelque sorte une source de réconfort à ses maux d’âme et de fierté.

«En tout cas…. Tu as gagné!», ajouta-t-il, sourire aux lèvres.

Le Gallois hissa sa jambe tendue hors de l’eau et commença à la masser le plus doucement possible, réalisant que n’importe quel contact était difficile et irritant pour ses muscles.

Emmanuel sourit légèrement à la tentative sincère du serbe pour le faire sentir un peu mieux. Non, ça n'arrive pas à tout le monde, pas du tout. La majorité des gens sont assez logiques ou sains d'esprits pour ne pas laisser leur haine passer sur leur propre corps, d'une façon ou d'une être. C'était une mutilation indirecte mais tout aussi douloureuse à long terme. Qui le frappait autant à l'intérieur, du moins. Fatiguer, épuiser son corps jusqu'à ce qu'il en tombe, c'est ce qu'il souhaitait en entrant dans la salle de la piscine cette nuit-là. Lorsque Andrzej ramena le sujet de la course, le regarde du Gallois se leva pour rencontrer le sien, échangeant un rire léger avec lui. Ouais, il aimerait bien reprendre cette course. Les deux hommes n'étaient peut-être pas en état de se faire de la compétition ce soir là et Emmanuel trouvait intéressant de voir qui était le meilleur nageur d'entre les deux. Certes, il avait confiance en ses propres capacités de nageur et il vit bien que le serbe n'était pas meilleur que lui, mais ne sait-on jamais, peut-être que les deux jeunes hommes pourraient être de bons adversaires de force.

« Ouais, c'est un rendez-vous... Ça pourrait être très intéressant à voir. Les deux en pleine forme, ça promet d'être beau. », dit-il en lui adressant un sourire complice.

Dans sa douleur et sa légère dépression, Emmanuel oublia pratiquement le fait qu'il s'était fait, à ce moment-là, un nouvel ami. En temps normal, il le réalisait et le sentait instantanément, comme un sceau, un diplôme d'ami. Mais là, il était trop engourdi par tout ce qui se passait pour ressentir quoique ce soit.

Il hocha simplement la tête lorsque l'étudiant parla de sa jambe, acquiesçant. Certes, ce serait assez étrange. Mais peut-être que c'est de cela qu'il aurait besoin. Après tout, l'infirmerie était fermée et un massage que l'on se donnait n'était pas assez efficace. Il continua ses mouvements en vain, sentant bien que la tension ne faisait qu'empirer, lui arrachant quelques grimaces. À ce mpment-là, il regarda timidement Andrzej et soupira.

« J'te jure que j'le dirais à personne... Mais c'est vraiment la seule chose qui va me permettre de retourner au dortoir ce soir... »

Et oui, il était vraiment désolé Parce que lui aussi devait s'avouer qu'il trouverait ça un brin étrange, mais c'était vraiment et réellement la seule solution possible. Même qu'il devait se dépêcher puisque le jeune homme semblait avoir de plus en plus de mal à sentir ses orteils, eux aussi très tendus. Le Gallois rit un peu et le regarda avant de dire d'un ton complice:

« Je te donne ce que tu veux en échange. Notes de cours, devoir, argent... Allez, penses-y »

C’était un peu rigolo de voir à quel point de devoir poser ses mains sur un autre homme était quelque chose de gênant pour le Serbe. On aurait dit qu’il n’avait pas été élevé de la même façon que lui, qui ne trouvait absolument rien de mal à faire accolade, à rassurer et à masser le mollet d’un autre homme. Et pour lui, ce n’était pas une question d’orientation sexuelle. Enfin, il ne s’en faisait pas trop avec cela, on pouvait arriver à tout avec un peu de corruption, dans ce cas-là l’offre d’une faveur scolaire ou d’argent. Mais déjà, Emmanuel savait qu’il n’aurait pas besoin de débourser un seul sous pour avoir un massage. Oui, il aurait préféré se retrouver avec une fille dans la piscine s’il avait su qu’il aurait eu besoin d’un massage, mais peut-être que la fille n’aurait pas été capable de le hisser sur le bord de la piscine. Comme prévu, le Serbe ne fut pas retissant à l’idée d’obtenir quelque chose en retour de ses services.

Aaaah, étude des moldus! Andrzej n’eut pas de chance là-dessus. Parce que non seulement il ne prenait pas le cours par choix, mais il détestait ce cours plus que n’importe lequel autre lorsqu’il était à Poudlard. Il n’allait quand même pas prendre un cours optionnel pour son programme qui, par-dessus tout, le répugnait! Beeeuuurk, l’étude des moldus. Juste d’entendre le russe dire ce nom de cours le fit frissonner.

«Alors là, pas de chance mon pauvre. S’il y a un cours que je déteste plus que rien d’autre en ce bas monde, c’est l’étude des moldus. Absolument aucun intérêt à aller dans un cours qui ne me servira pas et qui me répugne... Désolé!»

En fait, il n’était pas vraiment désolé. Même si, par il-ne-savait-trop quel malheur, il avait été dans l’obligation de participer à ce cours, jamais il n’aurait accepté de faire un devoir en double. Non, non, vraiment pas.

- Où c’est exactement ? Le mollet ?

« Ouais, tout le long du mollet. Encore une fois, je suis désolé. Je suis certain que tu aurais préféré passer la soirée à faire autre chose, ou encore avec quelqu’un d’autre qu’un pauvre taré qui s’amuse à nager comme un diable dans l’eau bénite. »

Le Gallois s’allongea, supportant le haut de son corps à l’aide de ses coudes et regarda attentivement Andrzej faire afin de reproduire ses gestes lorsqu’il serait seul. Déjà, en seulement quelques minutes de massage, il sentait la tension se dissiper légèrement. Il ne savait pas trop quoi dire pour le remercier, optant finalement pour un simple sourire et un merci chuchoté.

Afin d’alléger un peu le moment, Emmanuel se racla doucement la gorge et demanda d’un ton confortable et peu formel :

«Y’as une raison pour laquelle tu prends plaisir à venir à la piscine à deux heures trente du matin ou bien c’était quelque chose de spontané? »

Bien que cette question avait pour motif premier de briser la glace, il voulait également savoir sous quel prétexte quelqu’un était venu déranger son moment de solitude nocturne. Bien que, maintenant qu’il y pensait, il serait peut-être mort à cette heure si Andrzej n’avait pas été là.

Finalement, ça allait. Ce n’était pas aussi étrange que ce qu’il avait cru. Il s’était vraiment fait une montagne pour rien. En fait, Andrzej pensait que cela avait été la partie à masser qui lui avait posé problème au départ. Il lui était souvent arrivé d’enlacer ou de faire des accolades à d’autres hommes, de manière tout à fait amicale bien entendu, mais toucher une autre partie du corps... Il était vrai que le russe équivalait souvent les contacts physiques avec le sexe, et qu’un massage pouvait s’avérer tout à fait sensuel et servir comme préliminaire. Toutefois, à la base un massage était tout à fait innocent, ce que le slave n’était certainement pas, aussi il s’était fait violence pour effectuer un massage fonctionnel. Et cela semblait marcher. Il utilisa sa technique pour appliquer des points de pression aux endroits les plus douloureux de la jambe d’Emmanuel. Bien que concentré sur sa tâche, le jeune homme ne put s’empêcher de rire à la réaction du gallois sur sa question et lui répondit tout en secouant la tête, envoyant par la même occasion une multitude de gouttelettes autour de lui.

- Toi aussi tu détestes l’Etude des Moldus ! J’ai pas chance sur ce coup-là ! J’ai vraiment horreur de cette matière et normalement je ne l’aurai jamais prise mais... En fait, c’est tout bête. J’ai perdu un pari contre un ami, et malheureusement c’est mon gage ! Enfin, plutôt ma punition... Je dois me forcer pour y aller...

A présent, il n’y avait plus de gêne dans les mouvements du soviétique. Il massait consciencieusement et sans retenue le mollet, sentant au fur et à mesure les muscles se détendre.

- Mais c’est pas grave, je trouverai bien quelque chose d’autre pour que tu puisses régler ta dette !

Même si finalement ce qu’il lui avait demandé de faire n’était pas si terrible, Andrzej n’était pas sur le point de refuser un service. Il ne savait pas encore ni quoi ni quand, mais il comptait bien être repayé. Il ne fallait jamais refuser un cadeau qu’on voulait vous offrir.

- Encore une fois, je suis désolé. Je suis certain que tu aurais préféré passer la soirée à faire autre chose, ou encore avec quelqu’un d’autre qu’un pauvre taré qui s’amuse à nager comme un diable dans l’eau bénite.

Le gallois semblait à présent plus à l’aise. S’allongeant, il semblait plus serein, il ne grimaçait plus de douleur en tout cas. Andrzej continua quand même le massage en souriant légèrement, il était doué.

- Non, c’est okay. De toute façon, je n’avais rien d’autre à faire et puis c’était sympa la course...

Il y eut un petit moment de silence entre eux mais qui n’était pas pesant. Le russe continuait ses mouvements réguliers au son du clapotis de l’eau. Les deux hommes semblaient perdus dans leurs pensées, et Andrzej se disait qu’il était loin de s’imaginer quand il était parti en ville et qu’il avait dragué cette fille, qu’il finirait par terminer sa soirée à masser la jambe d’un type. Ce n’était pas son genre de soirée idéale mais en même temps, ça lui permettait de faire mieux connaissance avec un autre étudiant. Cela serait bien s’il en résultait une amitié. Emmanuel finalement le remercia et reprit la parole.

- Y’a une raison pour laquelle tu prends plaisir à venir à la piscine à deux heures trente du matin ou bien c’était quelque chose de spontané ?

Andrzej avait déjà répondu à cette question mais visiblement Emmanuel voulait plus de détails. Que dire ? La vérité ? Après tout, pourquoi pas. S’il voulait poursuivre une amitié avec lui, la moindre des choses serait de partager des choses, même si elles n’étaient pas très flatteuses pour lui.

- Comme je t’ai dis tout à l’heure, j’ai eu une soirée agitée. En fait, c’est compliqué... enfin plutôt humiliant... Quoique avec le recul ça peut être drôle... Enfin bref, j’étais avec une fille et les choses étaient bien avancées entre nous et juste au moment où on allait passer à plus d’action, voilà que ses parents débarquent ! J’ai du m’enfuir comme un voleur pour pas qu’ils me voient !

Il était vrai que maintenant le russe trouvait cette situation vraiment risible. Franchement, passer par la fenêtre... ! Normalement, Andrzej n’aurait pas confié ce genre de mésaventure à quiconque mais finalement à quoi bon ! L’étudiant n’allait certainement pas le répéter à tout le monde, il n’aurait aucun intérêt à le faire et, après tout, ça pouvait arriver à tout le monde.

- En tout cas, dans l’état où j’étais, je ne serais pas arrivé à dormir... Alors j’ai décidé de venir nager pour me calmer et me fatiguer un peu. Et toi alors ? Pourquoi tu es ici à cette heure-ci ? Et ta jambe au fait, ça va mieux ?

Le jeune Russe semblait beaucoup plus à l'aise qu'il ne l'avait initialement été Peut-être réalisait-il qu'il n'y avait rien de sexuel à masser un autre gars qui s'était blessé. En tout cas, Manu n'aurait pas hésité un instant. Il n'avait pas ce réflexe de réticence face aux hommes qu'une bonne partie de ceux-ci avaient. Peut-être parce que, pour lui, tomber amoureux d'un autre homme était si impossible qu'il n'y voyait même pas l'ombre d'une alternative. Il n'avait absolument rien contre les homosexuels, tant mieux même, s'ils pouvaient s'aimer. Mais lui, personnellement, ne se sentait absolument pas capable de ressentir des sentiments amoureux envers un autre homme. Sa curiosité lui donnait cet aspect explorateur en ce qui touchait aux relations sexuelles, mais il n'y tenait pas du tout. C'était le genre de question qu'Emmanuel se posait juste avant de s'endormir... Qu'est-ce qu'elles voient, les montagnes? C'est comment, baiser un autre mec? Tout ce qu'il y a de plus banal...

-Toi aussi tu détestes l’Etude des Moldus ! J’ai pas chance sur ce coup-là ! J’ai vraiment horreur de cette matière et normalement je ne l’aurai jamais prise mais... En fait, c’est tout bête. J’ai perdu un pari contre un ami, et malheureusement c’est mon gage ! Enfin, plutôt ma punition... Je dois me forcer pour y aller...

Aïe! Le pauvre... devoir prendre ce cours après avoir perdu un pari. Cela rendait la chose d'autant plus douloureuse et amère. Beurk...

« Ouais, choisis autre chose... Pas besoin d'être tout de suite. On peut juste se dire que je t'en dois une, d'accord? »

La douleur se dissipait de plus en plus vite. Décidément, Andrzej savait ce qu'il faisait, tout cela pour le plus grand bonheur d'Emmanuel. Pas qu'il voulait partir, même qu'en fait, de ne pas être seul lui permettait de s'éclaircir l'esprit, de penser à autre chose qu'à la faucheuse qui lui avait volé sa joie de vivre. Il écouta le russe lui raconter sa mésaventure de la soirée, un sourire franc naissant sur ses lèvres. Aaaah, il connaissait bien les joies de la famille trop envahissante. Surtout lorsqu'elle s'appelle Sally-Anne.

« Ah la chance, hein! Ouais t'inquiète, je connais ça... Ma petite sœur, c't'ait une vraie peste dans ses situations-là. Je compatis, mon vieux. Ce que je fais ici...? C'est une longue histoire... »

Il hésita un instant. Lui s'était bien confié, il pouvait bien faire de même. Après tout, ce n'était pas un secret dans l'université, et ça lui faisait le plus grand bien d'en parler un peu. Ça lui vidait le cœur un peu.

« En fait, je suis frustré. Parce que ma copine est partie sans dire un mot, sans m'écrire, sans me visiter. Je ne sais pas où elle est, si elle est partie parce qu'elle ne m'aime plus, si elle pense encore à moi parfois. Ça m'obsèdes un peu, parce que tu vois, je l'aimais, elle... Enfin, aimais.. Je l'aime. Vraiment... »

Le jeune homme soupira bruyamment. La douleur dans sa jambe était presque partie, mais cela importait peu.

« Ouais, ça va pour ma jambe, je crois que je peux retourner au dortoir sans crainte... »

Il adressa au Russe un sourire distant et se redressa, attendant qu'il fasse de même, question de pouvoir discuter encore un peu avant de quitter pour les dortoirs des garçons.

Les mots du russe le faisait réaliser à quel point il avait raison. Si elle était partie c'était pour une raison. Sans le lui dire, même chose. Sans écrire, sans faire de visite... Elle ne l'aimait plus. Et il devait faire avec la simple évidence qu'il ne contrôlait pas la situation. Il réalisait peu à peu que c'était inutile pour lui de se faire mal, de creuser sa tombe pour quelque chose qui était totalement hors de son contrôle. Car, avant qu'elle parte, il avait été le plus gentils des gentleman. Doux, attentionné, ouvert d'esprit, généreux. Et peut-être qu'elle ne se plaisait tout simplement pas dans leur relation. Ce n'était pas de sa faute.

« Tu sais quoi...? Tu as totalement raison. J'en ai assez d'être triste, déprimé, auto-destructeur. Elle est partie, c'est un fait. Je ne devrais pas passer des nuits à ne pas dormir et des jours à avoir envide tout casser pour une fille qui, on le dirait bien, ne m'aimait tout simplement pas. Ça n'en vaux pas la peine... »

Le Gallois regarda Andrzej dans les yeux et lui sourit sincèrement. Il avait besoin que quelqu'un d'autre lui remette les pieds sur terre. Parce que lorsque cela venait de quelqu'un d'autre, il n'y avait pas de place pour des remises en question du genre « Mais tu ne sais pas, peut-être qu'elle arrive demain » ou bien encore le classique « Elle a été forcée à partir ». Les faits étaient ce qu'ils étaient. Un point, c'est tout.

Lorsque l'étudiant lui demanda plus amples informations à son sujet, Emmanuel réalisa qu'ils n'avaient pas été présentés en bonne et due forme. Il ne vit aucun inconvénient à ce qu'il en apprenne plus sur lui, même que cela lui faisait plaisir. Il considérait maintenant Andrzej comme un ami, quelqu'un de bien. Mais ne n'était pas comme si Manu était un être timide pour débuter.

« Fillière académique, en voie de devenir Langue-de-Plomb... C'est vraiment un métier qui me fascine, j'me vois bien faire ça pour le reste de mes jours »

Il esquissa un sourire...

« Et vous, monsieur Miaskovski, qu'est-ce que vous voulez faire de votre vie? Et puis, tant qu'à être en mode questionnaire, lequel de nos magnifiques enseignants vous fait le plus grincer des dents? »

Le jeune homme ne comptait pas éterniser la conversation puisqu'il était déjà suffisamment tard, mais pendant que les deux étudiants marchaient en direction de leur dortoir, il n'y avait pas de mal à en apprendre un peu plus l'un sur l'autre.

Arrivé à ses vêtements, le jeune homme enfila rapidement son pantalon, qui serait bien vite tout trempé par l’humidité de son maillot de bain. Mais ce n’était qu’une façon de ne pas se faire accusé d’attentat à la pudeur si un enseignant faisait la ronde près des dortoirs. Il jeta son chandail sur son épaule et continua sa marche vers les dortoirs. Une fois la porte franchie, le jeune homme y pointa sa baguette de peuplier et murmura une faible incantation qui permettait de barrer la porte. Pas qu’il tenait à ce que son escapade soit secrète, mais si les enseignants pouvaient rester dans l’illusion que la piscine était restée intouchée pendant la nuit, c’était pour le mieux.

« Hmm, Élite Magique. J’te verrais bien finir tes jours comme briseur de sorts, en fait. Je ne sais pas pourquoi, ça te va, je trouve… », Dit-il en lui adressant un sourire

Andrzej lui semblait comme un homme simple. Pas que c’était quelque chose de mal, au contraire. C’était très bien comme ça. Même que Manu aimait bien la compagnie des gens plus simples, qui ne se font pas de soucis pour grand-chose et qui aiment bien vivre et profiter de chaque moment de leur journée. C’était les gens qui le ramenaient sur terre, lui qui avait souvent la tête dans les nuages et dans ses idées folles. Il en avait d’ailleurs eu la preuve seulement quelques minutes auparavant. Le salve lui avait fait réaliser que cela devenait inutile de se battre contre quelque chose qui se trouvait dans le passé et surtout pour laquelle il ne pensait honnêtement pas avoir eu d’influence.

Le visage du brun s’éclaira en entendant son confrère parler des enseignants qu’il aimait le moins. C’était la même chose pour lui, en fait. Van Muller était certes tout de même gentil, mais sa matière était la plus ennuyante. Il avait prit un cours, une seule fois. Et il ne remis jamais les pieds dans sa salle de classe. Par contre, pour Wyrd, il n’avait pas le choix. Il se souvint de son premier cours. Wyrd avait osé gifler un autre élève et Manu ne put se retenir d’intervenir.

« J’ai pas osé prendre plus qu’un cours pour Van Muller, mais Wyrd… Je dois l’endurer pour le reste de mes études. Premier cours, il a giflé un élève et je lui ai dit ce que j’en pensais… C’est tout un cas, on peut dire… »

Les jeunes hommes continuèrent de gravir les escaliers jusqu’au dortoir, discutant de tout et de rien. Emmanuel se sentait bien. Ou mieux, du moins. Il se sentait vraiment, vraiment mieux. Arrivés aux dortoirs, le Gallois sourit à son nouvel amis, lui tapota amicalement l’épaule et lui dit tout bas, question de ne pas réveiller la populace :

« Merci, Andy. Sincèrement. »


[Terminé !]