Première année ? Au début cela choquait Wat, mais au bout d'un moment, il reprit ses esprits. Son visage toujours sans la moindre trace d'étonnement, il se demandait si cette personne était un géant ou bien un élève de très grande taille. Dans tous les cas, il ne faisait pas son âge. Wat soupira et tourna son regard vert émeraude en direction du garçon. Celui-ci se présenta. Ross Silverback. Poufsouffle. première année.

Egale à lui-même, Wat ne répondit pas tout de suite. Apparemment le Poufsouffle semblait vouloir amener une discussion avec le Serpentard. N'avait-il jamais entendu parler de la rivalité entre Serpentard et les trois autres maisons, ou bien voulait-il seulement prouver que la percévérance faisait partie de ses qualités ? Wat détourna le regard, il réfléchit et attendit. Ce n'était que très rarement que le garçon voulait se lier d'une discussion avec une personne, pour lui, le silence était la meilleure des paroles. Il ne souhaitait pas lui parler et en classe, il lui était très simple de rester silencieux avec comme excuse de ne pas vouloir se prendre des points en moins, de la part du professeur des enchantements.

Soudain, une idée lui vint en tête. Apparemment cette personne, bien que Poufsouffle voulait parler avec Wat, c'était donc l'occasion rêvée pour mettre en place un attachement profitant à Wat. Utiliser ce garçon pour lui faire faire les sales besogne à sa place et ainsi, ne pas être encombré de quelques tâches immondes auquel le garçon pourrai être confronté.
*Non ! Non ! Il ne faut pas !*
Un grand sourire aux lèvres, Wat se tourna vers le dénommer Ross et lui dit:
-- Salut, moi c'est Wat Daragon.

Rien n’était plus redoutable qu’un fou rire en classe. Isaac avait essayé sans succès de reprendre son sérieux, mais Qare, ce grand comique refusait de le laisser en paix. Ne s’étaient-ils pas montrés suffisamment explicites ? Comment cet idiot osait-il les charger à nouveau ? L’impression d’avoir un public peut-être. Ce devait-être une nouveauté pour ce Serdaigle ignoré qui gagnait à être méconnu. Les imbéciles se sentent toujours encouragés par le regard des autres. Ils se trouvent des destinés de héros, s’illustrent de la manière la plus éclatante possible, guettent les hourras, prennent l’exaspération ambiante pour une approbation commune. Il ne fallait pas attendre un repli intelligent de la part du deuxième année. Le sens des réalités lui faisait cruellement défaut, en cela, il ressemblait à ses camarades de maison. Face aux deux Serpentard, il n’avait aucune chance. Le dédain était une technique facile mais efficace, surtout lorsqu’elle s’exerçait à plusieurs. On parlait alors d’un lynchage en règles, et même le plus caustique éprouvait parfois des difficultés à faire front. Qare tombait droit dans le piège. Il avait commencé ridicule, finissait sur une note navrante. Le hors sujet se poursuivit. Il les traita de donneurs de leçon alors qu’ils n’avaient fait que contourner son discours. Isaac avait l’impression d’entendre une conversation sur deux niveaux. Les propos se renvoyaient sans se rencontrer. En bon boulet, le bleu et bronze leur envoyait tout ce qu’il brûlait de dire et ne prenait pas du tout en considération sa position. Echec critique. Il donna néanmoins une très drôle définition d’Ange. L’adjectif acariâtre, impropre dans la phrase lui arracha un nouveau rire. Mais, lorsque le petit garçon s’en prit à lui, un vent glacé passa sur son visage et son regard se durcit instantanément. Si le sens d’inverti lui échappait encore, la suite de la phrase le définit clairement. Ce n’était plus drôle. Le Serpentard s’était montré sensible très tôt à se genre d’attaques. Elles ne le blessaient pas, parce qu’il avait appris à s’en protéger, mais il ne les tolérait pas, ni sur un autre, ni sur lui. L’argument n’aurait pas été plus bas s’il s’était tourné sur son sang moldu. Ses penchants sexuels ne le regardaient pas. Il s’assumait, merci bien, il se sentait presque capable de l’affirmer haut et fort, et il connaissait les enjeux, il les avait longuement évalués à force de subir ces remarques désobligeantes, tous les jours, de plus en plus. Il n’était pas question de s’accepter, juste d’être prêt à supporter des retours plus virulents.

Emporté par sa tirade, Qare échappa aux emportements de l’interverti vert et argent. Isaac ne riait plus. Enfermé dans une colère froide, il haussa les sourcils avec mépris en écoutant la suite. Ce crétin congénital avait la prétention de croire qu’ils lui accordaient assez d’importance pour chercher à atteindre son cœur… A ce stade, ce n’était plus de la paranoïa mais de la suffisance. La conclusion se passait de commentaire. Ses poings se crispèrent, et il se demanda un instant ce qui le retenait de lui envoyer un sort à la figure. Il avait perdu l’envie de se moquer, le Serdaigle n’était qu’un personnage insupportable, qui ne méritait rien d’autre que des coups. Heureusement, sa voisine gardait une bonne maîtrise. Sa réponse parfaite et sans appel réfréna ses pulsions meurtrières. Il sourit doucement. Le ton n’était plus au rire. Ange ne jouait plus non plus. Il était temps de couper court à cette joute stérile, d’achever la victime. La lassitude seule rendait cet instant satisfaisant.

- Et toi dans l’oubli tu y retournes quand ?

Ange avait été parfaite, qu’ajouter de plus ? L’esprit moins échauffé, il se donnait aussi le droit de répondre à la remarque qui le touchait. Qare se trompait lourdement. Lorsqu’on le visait sur ce registre, il ne laissait rien passer lâchement. Il ne pouvait pas, comme il ne pouvait pas laisser passer une insulte qui toucherait les sang-de-bourbes. Pour son caractère enflammé, ce ne serait rien de plus qu’un honteux reniement.

- Et tu sais, lança-t-il soudain d’une voix grinçante, le jour où je « m’assumerai » comme tu dis, on me reprochera, de trop m’afficher. Moi, je n’ai pas de problème avec ça, ce sont les autres, comme toi, qui me dresseront toujours un procès selon ce qui les arrange ou les dérange. Et comme eux tu ne sais même pas de quoi tu parles, alors la prochaine fois ferme-la pauvre tâche.

La conclusion était aussi tranchante que son regard. Derrière ses rires éteints, se tapissait une incroyable violence.
Il soupira, libéra sa baguette de son étreinte trop étroite pour se concentrer sur le Tp du jour. Il n’avait pas très envie de faire voler les affaires à ranger en tous sens à cause des ondes néfastes que lui avaient transmises cet idiot de Qare. Utiliser la magie sous l’effet de la colère lorsqu’on ne la maîtrisait pas très bien provoquait toujours de mauvaises surprises. Son caractère acrimonieux avait souvent l’occasion de le constater. La réussite d’un sortilège dépendait trop de l’humeur du lanceur. C’était pour cette raison qu’il ne brillait jamais très longtemps dans cette matière. Même un sortilège de faitlamalle, d’une facilité déconcertante, lui résistait. Vu son état, il ne s’attendait pas à des miracles. Sans convictions, il prononça un :

- Failamalle.

Les vêtements se précipitèrent dans la valise, comme si un incendie les menaçait et le couvercle se ferma en laissant dépasser la moitié d'un écharpe. Sans l'aide de la magie, il n'aurait pas mieux fait. Agacé, il ouvrit la malle, qui, capricieuse, résista un peu, et contempla son contenu. Rien n'était plié, les chaussettes et les mouffles s'étalaient à côté d'autres paires. N'était-ce pas suffisant ? De toute façon, quand sa mère pliait correctement sa valise il finissait systématiquement par tout retourner à la recherche d'une affaire qui, bien sûr, se trouvait au fond. Hélas, il ne pouvait pas espérer une bonne note avec une telle démonstration. Même les premières années et surtout, ce Serdaigle inutile, y arrivaient... Un coup d'oeil vers Qare suffit à lui rendre toute sa motivation. Il n'y avait rien de plus stimulant qu'opposer sa fierté à une personne qui Devait vous être inférieure.

- Failamalle !

Le deuxième essai fut plus convaincant. A son souvenir, il n'avait encore jamais obtenu un résultat aussi bon. L'écharpe le plia presque parfaitement, les mouffles se mirent en boule ensemble et les chaussettes s'associèrent avec la mauvaise paire... Il haussa les épaules. Tant pis, de toute façon, à moins de mettre des sandales complètement ringardes, qui se soucierait d'avoir des chaussettes dépareillées ?