La commedia des ratés [Ashley]

[ça ne fera que la troisième fois que je poste à l'infirmerie ... Une fois par an ? ]

L'année précédente, l'infirmerie avait été très fréquentée, c'était presque devenu un lieu de passage, où les gens entraient et ressortaient sans interruption. Pourquoi ? Parce que tout le monde souhaitait obtenir une dispense pour échapper aux terribles cours de l'affreuse Ombrage, le Crapaud qui s'était auto-nommée Reine de Poudlard vers la fin de l'année - peut-être pas Reine dans les termes, mais enfin ... Il y avait de quoi. Tout était là pour dégoûter, effrayer, traumatiser les élèves : le rose omniprésent, l'odeur, la mièvrerie du professeur, le tout donnant la même impression que lorsque l'on mange quelque chose de trop sucré, de gluant, de visqueux, de trop parfumé. Une envie de vomir. Personne ne pouvait avaler ça. Même les élèves de la BI ne pouvaient que faire semblant pour mieux vomir dans le dos du Crapaud.

La troisième année d'Emilien avait commencé dans le calme, et c'était étrange comme personne ne semblait s'y habituer de prime abord. Comment ? La délation n'était plus à l'ordre du jour ? Personne ne portait plus de rose dans le château ? Les anciens élèves de la BI n'avaient plus aucun pouvoir ? Dumbledore était de retour, Rogue avait pris le poste d'Ombrage et assurait les cours de DCFM, de nouveaux préfets avaient été nommés, les cours avaient repris normalement. C'était étrange ...

Le Serpentard, après avoir passé deux mois en Italie, était revenu à Poudlard en affichant un teint bronzé qui lui avait valu de nombreuses questions quant à sa destination de vacances. Hé non, il n'était pas resté en Angleterre ... Sa mère n'était plus aussi anti-magie qu'auparavant, sans qu'Emilien puisse vraiment expliquer ce qui l'avait poussée à changer ainsi. La naissance de son petit frère, qui serait certainement sorcier lui aussi ? D'un autre côté, il avait l'impression que ce revirement datait de plus longtemps, car il découvrait sans cesse de nouveaux membres de sa famille italiennes qui étaient également sorciers. C'était un mystère pour lui, mais il s'en occuperait lorsqu'il reviendrait à la maison. Pour le moment, il était à Poudlard, et ...

Aïe ! Il avait essayé de se redresser et s'était par réflexe appuyé sur son bras gauche. La douleur lui avait rappelé qu'il était cassé ... Oh, une histoire toute bête, des idiots avaient trouvé un cognard qui s'était échappé de sa boîte et s'amusaient avec, c'était Emilien qui en avait fait les frais ... Depuis, il était à l'infirmerie, allongé sur son lit, et avait même réussi à dormir, après avoir bu cette potion infecte censée réparer ses os. Il avait encore en tête le craquement affreux qu'il avait entendu au moment où le cognard s'était écrasé contre son coude ... Un peu plus et il en aurait des frissons. Enfin, résultat, il était presque vingt-deux heures et il s'ennuyait à mourir. Est-ce qu'il était tout seul à l'infirmerie ? Les lumières étaient éteintes et des rideaux étaient tirés entre les lits, alors il était difficile de voir quoi que ce soit ...

- Rendormez-vous, Mr Backhand, je ne vous laisserai pas sortir avant demain matin.

D'où sortait-elle ? Emilien n'avait même pas vu l'infirmière arriver ! Et avant même qu'il ait compris comment il n'avait pu ne pas l'entendre, elle repartait. Avec un soupir, le Serpentard se laissa aller contre son oreiller, dépité ...

S’il y avait bien une chose que Dash détestait, c’était avoir une envie pressante au beau milieu de la nuit, et là, alors que la nuit était tombée sur le château, la première chose à laquelle elle pensa fut qu’elle avait sérieusement envie. Elle se recala dans son lit, bien décidé à rester au chaud et à ne pas se lever, ça passerait bien au bout de quelques minutes, il n’y avait pas lieu de s’inquiéter, pas pour si peu… Elle ferma les yeux, mais déjà, au bout d’un temps qui lui parut infiniment long mais qui en réalité n’avait pas excédé deux minutes, elle s’avoua vaincu.

Elle rejeta la couette en arrière et attrapa sa montre, elle n’indiquait que vingt-deux heure cinq, autant dire que la nuit n’était pas prête de se terminer, la jeune blonde soupira et se leva le plus discrètement possible. Elle passa à côté du lit voisin avec toute la discrétion dont elle pouvait faire preuve, elle n’avait pas envie d’expliquer aux autres que si elle restait cinq minutes de plus dans son lit elle allait se faire dessus, ce n’était pas un sujet facile à aborder…

Elle passa les chaussons roses et poilues de sa première camarade de chambre, elle avait au moins fait un tiers du trajet, et, avec les rideaux qu’on avait oublié de tirer, la lumière de la lune empêchait Dash de se prendre les pieds dans n’importe quoi. Elle enjamba un sac à dos, manqua de glisser sur un jean et se cogna un genou sur un coin de lit. Il se mordit la lèvre et son gémissement de douleur resta bien coincé dans sa gorge, elle se massa le genou pour faire évacuer la douleur et arriva enfin devant la porte. Waouh ! Dix minutes pour faire trois mètres, là elle avait fait fort.

* Bon maintenant il ne me reste plus qu’à monter au deuxième… Allez respire Ash, t’as fait le plus dur… *

Elle ouvrit la porte en tournant la poignée (bah oui XD) avec la précision d’un métronome, elle se trouva dans la salle commune juste après, elle respira un bon coup devant la sortie. Elle avait peur de se faire chopper par Rusard ou par Peeves, mais là, vous l’aurez compris, c’était un cas d’extrême urgence, elle n’en pouvait plus de se retenir ! Elle se baissa et retira ses chaussures, en chaussettes elle ferait beaucoup moins de bruit en marchant dans les couloirs. Elle se donna une claque mentale pour se ressaisir et sortit.

Elle se retrouva au beau milieu des cachots dans les cachots, humide, froid, hostile, s’il y avait bien un endroit où elle détestait se trouver, c’était bien là, cela lui faisait froid dans le dos. Elle avança et fouilla dans sa poche pour en sortir sa baguette, elle ne la trouva. Elle eut un instant de panique puis mit enfin la main dessus, elle soupira et arriva enfin au rez de chaussée. A présent, tant pis pour la discrétion. C’est ainsi que ce que l’on pourrait qualifier de folle en chaussette se mit à courir dans les marches. Elle déboula dans les toilettes du deuxième étage, tant pis pour Mimi, pipi d’abord !

Elle sortit des toilettes et eut l’impression d’avoir considérablement maigri, elle était contente, elle commença à descendre les marches lorsqu’un bruit se fit entendre derrière elle. Elle se mit à courir, c’était bien le problème parce qu’a force de se croire aussi légère qu’un papillon et à jouer à « I believe I can fly » en sautant les huit dernières marches, ça fait des dégâts. Dash se retrouva donc avec une cheville en miette en bas de l’escalier. Elle comprit à cet instant la douleur de Lucy lorsqu’elle s’était mise à danser avec une cheville cassée.

Bon, il fallait voir le bon côté des choses, elle était à l’étage de l’infirmerie, sa tête avait sacrément cognée sur la dernière marche, elle se sentait bizarre, comme plongé dans une autre dimension. Vous l’aurez compris, elle commençait à divaguer, pauv’ Milou, déjà que Dash est chiante quand elle est normale…

- Est-ce vous qui faites tout ce raffut jeune demoiselle ?

Ah bouse, le chevalier Catogan maintenant, mais ça, Ashley ne l’avait pas compris.

- C’est toi Seigneur ?, demanda t-elle, ahurie, en levant les yeux au ciel.

Sans attendre elle pris la fuite, enfin, c’était un bien grand mot, avec sa cheville elle n’allait pas très vite, mais qu’à cela ne tienne, elle prit la fuite à cloche pied, la porte de l’infirmerie se dessina enfin. Elle la poussa, essoufflée. Il faisait noir ici dis donc, Dash alluma la lumière, elle vit quelqu’un sur le lit, et ce quelqu’un, c’était Emilien. Pensant que peut être i n’apprécierait pas d’être tiré de son sommeil par une lumière si forte, elle en éteignit deux, c’était déjà mieux. Elle boita jusqu’au lit d’à côté.

- Salut… Je te dérange je suppose…

Aucune agressivité notoire dans sa voix, juste une sorte de lucidité désabusée, comme si elle s'attendait déjà à la réponse du Vert et Argent.

Emilien maudissait silencieusement l'infirmière. Il n'avait jamais eu beaucoup de chance avec elle. En première année, il s'était retrouvé là, dans un état plus que second et sans comprendre la moitié de ce qui lui arrivait. En plein délire, il avait été "secouru" par trois Serpentard d'une année supérieure à la sienne : en réalité, Brutus avait essayé de l'empoisonner, Néron avait passé son temps à tourner en rond et à élaborer des plans stupides pour tenter de sortir sans se faire prendre, et seule Vanloock avait eu assez de présence d'esprit pour trouver la bonne idée. Une excellente soirée, en fin de compte. Emilien était passé pour un taré aux yeux des trois autres et avait terminé la nuit sur le canapé de la salle commune, trop fatigué pour remonter jusqu'au dortoir.

Pour sa deuxième année, il y était allé volontairement. Pour le plan des mousquetaires, ils avaient besoin d'essence d'ellébore, or l'infirmière en avait dans son armoire. Emilien avait donc dû se faire passer pour malade, et avait été envoyé à l'infirmerie en milieu d'après-midi. Tout s'était passé comme prévu jusqu'à ce qu'une sale fouineuse de Gryffondor ne l'interrompe et ne manque de tout faire rater. Finalement le Serpentard avait été plus malin et non seulement il avait obtenu tout ce dont il avait besoin, mais en plus il s'était bien moqué de la Gryffondor envers laquelle il n'avait pas tenu sa promesse.

Là par contre, c'était idiot. Un jeu qui avait mal tourné ... A croire qu'Emilien n'avait pas de chance, n'était juste pas très doué. Et cette stupide infirmière qui ne le laisserait pas partir ! La lumière s'alluma brutalement et il fut aveuglé un instant. Il n'avait pas entendu le bruit de la porte, mais par contre, il entendait très nettement le pas lourd de quelqu'un qui a du mal ... Lorsqu'il fut habitué, il rouvrit les yeux au moment où on lui parlait. Tiens, une apparition ! Enfin, une connaissance ! On venait le sauver ? Le tirer de là, le ramener vers des contrées plus accueillantes et où il pourrait vraiment dormir ? Non pas que les lits de l'infirmerie ne soient pas très confortables, mais ... Il y avait l'odeur. Une odeur de médicaments, c'était insupportable.

C'était Ashley, qui boitilla jusqu'au lit à côté de lui. Bon, elle ne venait pas le sauver, c'était clair ... Si elle le dérangeait ? Ce n'était même pas une question, elle avait l'air sûre d'elle sur ce coup. Heureusement, Emilien ne dormait pas. De plus, il s'ennuyait profondément et un peu de compagnie n'était pas de refus. Si encore ça avait été quelqu'un qu'il détestait profondément, quelqu'un de plus bête que ses pieds, il aurait fait semblant de dormir. Mais pour avoir déjà discuté avec Ashley, il savait que, malgré son appartenance à la maison de Poufsouffle, elle avait un minimum de conversation. Emilien tira donc le rideau qui séparait leurs deux lits et se redressa tant bien que mal sur le sien.

- Etant donné que je m'ennuie à mourir, que je ne peux pas dormir parce que j'ai horreur de ces draps qui sentent les médocs, et que l'infirmière veut à tout prix que je passe la nuit ici, on va dire que non, tu me déranges pas trop.

Non mais, il n'allait pas avouer directement qu'il avait juste envie de discuter avec quelqu'un et qu'elle tombait vraiment à pic. "Tu ne me déranges pas trop", c'était déjà bien, venant de lui. Un petit effort de sociabilité, ce serait trop lui demander ? Emilien jeta un coup d'oeil au pied d'Ashley, puisqu'elle boitait, c'était qu'elle s'était fait mal à cet endroit. Et en effet, sa cheville avait l'air un peu enflée ...

- Qu'est-ce que tu t'es fait ... ?

Elle pouvait avoir fait tomber un livre sur son pied, glissé sur une chaussette, frappé dans le mur en dormant, enfin il y avait tellement de possibilités et tellement peu d'entre elles lui paraissaient intéressantes et héroïques qu'en réalité, il posait surtout la question pour la forme. Quant à lui, il ne pourrait pas raconter n'importe quoi, quoique ... L'incident avait eu lieu en fin d'après-midi, et il n'y avait que des Serpentard qui avaient pu en être témoins. Mais si Ashley était au courant et qu'il racontait un mensonge, il aurait l'air fin. Enfin, tant qu'elle ne lui posait pas la question ... Changer de sujet, alors ?

- Sinon euh ... T'as passé de bonnes vacances ?

Si on lui avait dit qu’un jour elle se casserait la cheville à cause d’un truc aussi con, elle ne l’aurait pas cru, c’était tout simplement impensable d’imaginer Dash sauter autant de marche d’un seul coup. En fait, ça avait l’air trop compliqué pour une fille comme elle, encore, qu’elle se fasse mal en glissant sur un jean ou en se faisant broyer sous un tas de livres poussiéreux, c’était plausible, car la jeune blonde avait un potentiel certain pour attirer sur sa personne toutes les balles perdues. Il suffisait qu’elle passe quelque part pour provoquer un malheur, poursuivit par la malchance comme on dit.

Bien sur, ce n’était pas elle qui les provoquait tous ces problèmes, elle représentait toujours l’innocente persécutée par le destin. Si si, c’est possible. Elle avait le chic pour toujours se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, c’était comme ça, et elle ne s’en sortait pas trop mal, surement une question d’habitude… Mais avec le temps, on commence à trouver des détournements subtils pour éviter ce genre de désagréments intempestifs. Suivant le même mécanisme que le développement immunitaire du corps : à force d’être souvent malade, on développe des anticorps naturellement.

Bien sur ça ne marchait pas à tous les coups, mais ça ne coûtait rien d’essayer, c’était une technique comme une autre… Entre autre, elle évitait les endroits à risque, à savoir, les bibliothèque, les cuisines, les points d’eau, les forêt interdites, tous les endroits où il y a un risque, parce que même s’il est minime, elle peut être sur que ça va être pour sa pomme. Et si vraiment elle devait s’y rendre, elle y allait en groupe, en espérant que la bonne étoile des autres brille assez fort pour recouvrir le tout. Cette technique avait déjà fait ses preuves dans beaucoup de cas, même si on avait déjà pu observer quelques défaillances dans le système. Par exemple ? La fois où elle s’était retrouvé dans la forêt interdite en compagnie de Bill, ils s’étaient immédiatement fait prendre en chasse par un monstre de boue qui se révélait finalement être une Poufsouffle qui s’était vautrée dedans.

Alors qu’elle était tranquillement installée sur son lit, attendant calmement que vienne pour elle l’heure d’allez rejoindre Dieu le père, car elle savait qu’elle allait mourir, elle l’avait entendu lui parler tout à l’heure. Elle était… Le nouveau messie ! Bref, elle fut dérangée dans son attente du jugement dernier par un bruit de glissement sur son côté gauche. Ca y est ! Dieu était en train de lui envoyer une corde pour qu’elle puisse monter le rejoindre au ciel, la rédemption avait sonnée pour la Poufsouffle. Elle allait aller au Paradis, elle aurait des petites ailes blanches dans le dos, elle chanterait en jouant de la lyre, elle réciterait des cantiques, elle veillerait avec amour sur les p’tits humains, elle dresserait des pigeons pour qu’ils chient sur Milou.

.Bref, apparemment ce n’était pas pour tout de suite, car c’était juste Emilien qui devait être en train de vivre un grand moment de solitude et qui avait décidé de lui adresser la parole. Qu’est ce qu’il pouvait bien lui vouloir encore ? Lui mettre son divorce d’avec Lucy sur les bras ? Parce que si c’était ça, Milou ou pas Milou, il pouvait bien aller se faire tatouer Ombrage sur les fesses, Dash n’était pas disposée à subir les accès d’humeur de son… ami ? Elle ne savait même pas comment le qualifier tant leur rapport était flou. Il lui annonça de manière subtile qu’elle tombait bien, il manquait un peu de tact, sans doute était-ce volontaire, mais au moins, il avait fait un petit effort.

- J’ai de la chance alors… soupira t-elle, une pointe d’ironie dans la voix.

Bon, il ne fallait pas non plus mettre le feu aux poudres, inutile de vouloir glisser quelques remarques implicites, Dash ne rajouta donc rien d’autre, même si elle n’en pensait pas moi.

- J’ai glissé dans les marches à cause du chevalier Catogan, il m’a parlé et m’a fait sursauté…

Mensonge, pur mensonge, parce qu’elle se voyait mal lui dire qu’elle avait sauté huit marches d’un escaliers parce qu’elle avait cru entendre Dieu, et même si son invention ne la valorisait pas vraiment, c’était déjà moins bête. Elle sentit qu’il n’avait pas envie de parler du fait de pourquoi il était là, elle ne chercha pas à approfondir le sujet. Vint le sujet des vacances.

- Et bien… C’était... Convenable… J’ai passé les deux mois en France, vers une ville qui s’appelle Toulon… Ce n’était pas riche en rebondissement, je dois dire que c’était un peu ennuyeux… Et toi ?

Emilien était enfermé avec une fille qui attirait tous les ennuis du monde sur elle. C'était un bon présage, non ? Heureusement, il n'avait pas encore classé Ashley dans la catégorie des personnes à catastrophes, il ne s'était donc pas enfui en courant en s'apercevant de sa présence. Elle n'aurait sûrement pas apprécié, mais au moins, aucun risque qu'elle lui courre après, avec sa cheville. A retenir : en cas de danger, il pouvait toujours s'enfuir. Sait-on jamais, une fenêtre qui se casse, l'armoire qui se renverse - sur lui, bien sûr -, un sortilège qui tourne mal, une crise de folie de la Poufsouffle ... Emilien tenait à sa vie, tout de même.

Il ne releva pas l'ironie d'Ashley, ils n'allaient pas se disputer quand même, ce serait idiot. Surtout pour lui. Si ça se trouve, elle, elle avait envie de dormir et rien d'autre. Quoi qu'il faudrait qu'elle attende que l'infirmière la soigne ... Elle était peut-être allée se coucher, la vieille ... Après tout, il était tard, ses vieux os avaient besoin de sommeil. La compagnie de la Poufsouffle n'était pas celle qu'il avait le plus espérée, mais c'était mieux que rien ! Le temps que l'infirmière arrive et s'occupe de l'affreuse cheville d'Ashley, ça l'occuperait, de discuter. Et non, il n'avait absolument pas l'intention de parler de son "divorce" avec Lucy, et encore moins d'en attribuer la faute à la Poufsouffle ! Vraiment, n'importe quoi !

Mais quand elle lui raconta comment elle s'était cassé la cheville, Emilien ne put retenir un éclat de rire qu'il tenta d'étouffer en plongeant sa tête dans son oreiller. Comment avait-elle pu avoir peur d'un tableau ? Surtout de celui-là, que la plupart des élèves connaissaient ? L'autre question, c'était : que faisait-elle en dehors de son dortoir à cette heure ? Certes, maintenant qu'Ombrage était partie, il était beaucoup moins dangereux de se promener dans les couloirs après le couvre-feu, mais il restait la menace de Rusard ... Qui, probablement, paraissait dérisoire par rapport aux actes du Crapaud. Le Serpentard aurait préféré ne pas rire pour éviter de vexer Ashley, mais il n'avait pas pu ...

- Pardon, j'ai pas pu m'empêcher ...

Ashley ne lui retourna pas sa question, et il en fut soulagé. Que lui aurait-il raconté ? De toute façon, s'il avait tourné son histoire de manière héroïque, elle ne l'aurait même pas cru ! Les deux troisième année étaient en réalité tout aussi capables de s'attirer des ennuis. Emilien avait aussi croisé un aimable monstre dans la forêt interdite - avec Lucy -, s'était pris du cake dans la figure - à cause de Lucy -, avait failli se prendre un lustre dans la tête - mais si ! - ... Oublions Lucy ! Sa vie à Poudlard ne tournait pas autour de cette blonde hystérique ! Il avait d'autres amis, bien plus importants, et avec qui il avait vécu plein de choses aussi ! Beaucoup plus intéressantes, qui plus est.

Ses vacances à lui ? Oh ... Avait-il déjà parlé à Ashley de sa situation familiale un peu particulière ? Quoi qu'il en soit, ça avait changé. Sa mère s'était remise à la magie, et Emilien doutait que ce soit très récent. Son beau-père était très peu présent, mais une autre partie de sa famille faisait surface. Entre autres, le cousin qui l'avait accompagné à King's Cross. Il était spécial, celui-là ...

- J'ai passé toutes mes vacances en Italie, chez ma mère. Niveau "rebondissements", c'était pas trop mal.

Il y eut un blanc. Après le sujet des vacances, de quoi pouvaient-ils bien parler ... ça faisait assez longtemps qu'ils n'avaient pas discuté, alors bon, du coup ... Ils n'avaient pas grand chose à se dire ... Des amis en commun ? Emilien était à la fois curieux de savoir si Ashley avait reparlé à Lucy depuis le bal, et comment elle avait pris les accusations de la Serdaigle. Ce qu'elle pensait de cette hystérique, également ... Mais comment lui poser la question sans avoir trop l'air de s'intéresser à Lucy ? Si cette dernière et la Poufsouffle se parlaient toujours, il ne voulait pas leur faire ce plaisir ! Il ne s'intéressait pas à elle, c'était juste ... De la curiosité, voilà. Mis à part ça, elle pouvait crever, ce serait toujours bien fait pour elle.

- Et euh ... Dis moi ... Tu as reparlé à Lucy depuis le bal ?

Alors qu’elle expliquait tous ses malheurs nocturnes au Serpentard, elle fut coupée par un éclat de rire assez bruyant et surtout assez vexant quand on sait de qui il provient. Dash lança un regard désespéré de pitié à son camarade, il n’était vraiment pas cool… Elle faisait tout pour qu’il n’est pas à faire ce dont il n’avait pas envie, soit dit en passant, lui raconter comment il s’était fait ça au bras, et lui la remerciait en lui riant au nez sans aucune retenu.

Surprise ? Dash ? Pas le moins du monde, et Milien et bah il n’avait qu’à s’étrangler avec sa langue, ça lui ferait les pieds. D’ailleurs pourquoi riait-il ? Elle n’avait absolument pas eu peur du chevalier Catogan, il l’avait surprise, juste surprise, et puis de toute façon elle n’avait pas glisser le moins du monde, alors il pouvait rire jusqu’à s’en décoller la plèvre si ça lui faisait plaisir. Après tout, tout le monde ne pouvait pas avoir le tact et l’intelligence de la jeune blonde, et ça, Emilien en était le parfait exemple.

Au grand étonement de la miss Robins, il s’excusa. Oui, oui, je vous l’accorde, ça fait un choc quand on lit ça la première fois, mais c’est comme le flood de Mariana, à la longue on s’y fait. Enfin bref, elle n’allait pas lui en vouloir, il lui avait demandé de le pardonner, et puis la blonde n’était pas dans le genre rancunière, il fallait laisser couler, on n’avait pas le droit aux excuses de Milou comme ça en claquant des doigts. Il s’excusait aussi rarement que Rogue distribuait des points aux Gryffondor, il ne fallait pas demander la lune.

- C’est rien… J’ai l’habitude avec toi maintenant…, ajouta t-elle avec un sourire.

Après tout c’était dans le caractère du Serpent d’être moqueur et de manquer cruellement de délicatesse, on ne pouvait rien faire contre, et de toute façon ça ne valait pas le coup. Emilien était comme il était, et en aucun cas Dash n’avait la prétention d’essayer de le faire changer, elle l’aimait avec son caractère parfois un peu dure, mais elle se voyait mal avec un Milou avec une toute autre personnalité. Celle là collait parfaitement avec l’image qu’il renvoyait.

Imaginez Emilien en train de sourire, de rire, de remercier, de complimenter, d’être sympa, tout le temps ! C’est comme si Rogue se mettait à faire des muffins à longueur de journée et à les distribuer à tous les petits enfants avec un sourire de Papy gâteaux placardé sur le visage ! Ce n’était tout simplement pas envisageable, ça serait traumatisant pour son entourage, habitué à subir ses accès d’humeur et les aléas de ses démonstrations d’amitié ou de haine, il ne fallait pas chercher plus loin.

* Oh moins c’est pas un hypocrite… C’est déjà ça de gagner… *

Et puis il n’avait pas que des défauts le Milou, il avait aussi beaucoup de qualité comme… euh… bref . Meuh non, c’est vrai qu’il a plein de qualité, il est gentil dès fois, il est pas bouffé par les préjugés, il est mignon, et puis plein d’aut’ chose ! Mais bon, c’est assez recouvert par ses défauts, il faut creuser un peu avant de le voir sous son vrai jour, parce que c’est vrai qu’il est chiant parfois Milien, faut pas s’le cacher. Et pis tout le monde il n’est pas parfait, ~~sauf Orion~~.

Il y eut un long silence lorsque Emilien eut finit de lui raconter ses vacances, les deux adolescents ne savaient pas trop quoi se dire, parce qu’une si longue absence mine de rien ça laisse des traces. Et ils installaient entre eux sans vraiment en être conscients une sorte de mur, une sorte de gêne, la gêne de ne pas savoir comme considérer l’autre sans avoir l’air d’en faire trop. Dash qui essayait du mieux qu’elle pouvait de croire qu’Emilien était son ami et lui qui s’évertuait à dire que s’il parlait avec elle, c’était juste parce qu’elle tombait bien et non parce qu’il en avait envie. La petite blonde avait toujours beaucoup de mal à réagir face à lui et ce depuis le début.

- Lucy ? demanda t-elle avec une pointe d’amertume dans la voix. Non, je ne lui ai pas parlé depuis… depuis le soir du bal. Mais tu sais, si tu veux savoir des choses, tu peux toujours allez lui demander, elle est la mieux placée pour te répondre tu ne crois pas ?

Elle le regarda.

- Tu sais Lucy, elle est comme ça, c’est normal qu’elle soit jalouse… Et puis il ne faut pas s’arrêter à cause des défauts des autres, il faut allez chercher plus loin… Je suis sûre que derrière la colère il y a encore beaucoup de sentiments.

[ Mon clavier remarche ! Mais c'est surement ma dernière réponse vu que je pars demain matin très tôt ]

Rogue en papi-gâteaux ?! Quelle horreur ! Remplacez le contenu puant et gluant de son vieux chaudron et remplacez-le par de la pâte à muffins, oubliez la mauvaise odeur des cachots et respirez le doux fumet du chocolat fondu, imaginez Rogue avec un grand sourire affectueux, les cheveux propres - si ça vous choque trop, vous n'êtes pas obligés - mélangeant les oeufs, la farine et le sucre avec une grande cuillère en bois, un tablier blanc et une toque, tant qu'à faire. Vous trouvez ça crédible ? Et Emilien sympathique, c'était aussi étrange que ça ? N'exagérons rien ! Il lui arrivait de se montrer sympathique, comme lorsque ... lorsque ... demandez à Isaac et Samael, ils le confirmeraient ! Enfin, Ashley venait de dire qu'elle avait l'habitude avec lui. Que ce n'était rien. Alors on changeait de sujet.

Et le sujet qui suivait était un peu plus délicat … Lucy. L’année dernière, une amie commune. Et maintenant ? Emilien ne pouvait plus la supporter – et la Serdaigle le lui rendait bien – mais qu’en était-il d’Ashley ? Après tout, la Poufsouffle avait été la première à être insultée, au bal, devant tout le monde, et à sa place, Emilien aurait eu du mal à pardonner à Lucy. Mais bon, elle était à Poufsouffle, elle possédait peut-être un gène spécial pour ce genre de choses. Dans le même genre, elle avait bien pardonné au Serpentard de l’avoir aimablement envoyée promener en première année au milieu d’un couloir – mais bon, ce n’était pas grand chose … Question de nervosité … Bref. Ne lui cherchons pas d’excuse, à Emilien, c’était du passé et puis il avait eu raison de le faire.

Ashley lui répondit que non, elle n’avait pas parlé à Lucy depuis cette fameuse soirée qui avait tourné au désastre. Etrangement, Emilien avait ressenti une sorte de soulagement, peut-être même de satisfaction, en apprenant ça. Parce que ça prouvait qu’il n’avait pas tort, que c’était bien Lucy qui avait été insupportable et qu’il n’était pas le seul à le penser – certes il y avait aussi Isaac mais on ne pouvait pas dire que l’avis de son ami soit très objectif. Un peu comme … Une personne de plus de son côté. Bien sûr ils ne cherchaient pas à diviser toutes leurs connaissances communes en leur demandant de choisir l’un ou l’autre – ils n’étaient pas en maternelle quand même – mais ça fait toujours plaisir, une personne qui vous approuve. Même si Ashley ne l’approuvait pas vraiment. Si ça se trouve, c’était Lucy qui ne voulait plus lui parler ? Bah … Des histoires de filles …

Par contre, lorsqu’elle ajouta que le mieux c’était d’aller demander directement à Lucy s’il voulait savoir quelque chose, Emilien se demanda s’il n’avait pas fait une erreur quelque part. D’abord Ashley croirait qu’il s’intéressait toujours à Lucy – et même si ce n’était pas totalement faux, pas question de l’avouer – et en plus elle se sentirait inutile et juste bonne à donner les dernières infos. Donc, c’était plutôt mauvais pour le Serpentard. Il haussa donc les sourcils et répliqua :

- Qu’est-ce que tu racontes ? Lucy, je m’en fiche, je voulais savoir comment tu allais toi, pas elle. Après tout elle a pas été franchement sympa avec toi non plus …

Bon, à moitié rattrapé, non ? La suite des paroles de la Poufsouffle plut beaucoup moins à Emilien. Normal que Lucy soit jalouse ? Mais non ! Jalouse d’une amie ? C’était ridicule ! En plus, c’était la Serdaigle qu’il avait invitée au bal, pas Ashley … S’arrêter aux défauts des autres ? C’était facile pour elle de dire ça, Emilien avait déjà subi tant de fois les défauts de Lucy … « Derrière la colère il y a encore beaucoup de sentiments. »

- Ah oui, sûrement. Du mépris, c’est clair, une jalousie inexplicable. Et puis si les défauts l’emportent sur les qualités, qu’est-ce que j’y peux ? Tu l’as vue toi-même se mettre à hurler pour rien au milieu de la salle !

Dash était à présent dans une position inconfortable –pas dans son lit patate ! Face à Emilien, nondidju qu’est qu’ils sont bêtes !-, elle était en plein milieu d’une relation conflictuelle entre une Serdaigle enragée et un Serpentard complètement buté. Elle avait peur qu’en prenant la défense de l’un, elle s’attire les foudres de l’autre, il fallait rester le plus neutre possible, sans pour autant paraître girouette ou hypocrite, ou encore pire, passer pour une fillette sans personnalité qui ne cherchait qu’à se faire accepter par les autres.

Mais au fond, ce n’était pas ce qu’elle était ? Une fille qui se débattait pour ne pas se laisser engloutir par le flot intarissable de tous les élèves en essayant de prouver aux autres qu’elle était l’amie qu’il leur fallait au détriment de ce qu’elle pouvait vraiment penser ? Ce n’était peut être pas une attitude admirable mais c’était déjà ça, une solution rudimentaire dans l’attente d’en trouver une plus efficace. Après tout, elle pouvait bien se contenter pour l’instant de penser, de voir si elle était capable de donner son avis sur quelque chose sans s’appuyer sur les envies de quelqu’un.

Tiens d’ailleurs, qu’est ce qu’elle en pensait vraiment de toute cette histoire entre Emilien et Lucy ? A défaut d’exprimer ce qu’elle ressentait vraiment, elle pouvait commencer par se l’avouer à elle-même, après libre à elle d’avoir le courage de le dire, mais il fallait quand même commencer par quelque chose. Voyons, commençons par Lucy. Cette petite blondinette aux allures frêles et angéliques étaient en fait une véritable bombe à retardement, on la fréquentait pendant pas mal de temps sans se rendre compte de rien, peut être parfois quelques signes qui ne trompent pas. Et puis un jour ça vous explose à la figure sans que vous y soyez vraiment préparé et la on ne comprend pas vraiment ce qui se passe. Malgré tout, elle était aussi une amie très sympa et fidèle, Dash était heureuse de l’avoir rencontrée.

Milou ? Oh, bah lui il était toujours fidèle à lui-même... Selon Dash, c’était un adolescent tiraillé entre tous ses amis, il ne pouvait se rapprocher de l’un trop ouvertement sans risquer de blesser l’autre. Enfin ça c’était surtout lorsqu’il était encore en phase « je t’aime moi non plus » avec Lucy et Isaac, maintenant, ça s’était un peu calmé. Il était aussi quelqu’un d’assez manipulateur si on y réfléchissait bien... Mais derrière un masque un peu bourru et borné, il y avait un garçon que Dash aimait particulièrement.

Restait maintenant à savoir pour la jeune blonde de quel côté elle était, c’était encore une question difficile à laquelle elle se sentait encore incapable de répondre, et peut être était-ce mieux comme ça. Peut être que cette question devrait rester sans réponse jusqu’au bout, pour le bien de tout le monde. Finalement, Milou lui soutint qu’encore une fois elle s’était trompée sur toute la ligne et qu’il se fichait de Lucy comme de sa dernière paire de chaussettes sales. Elle allait répliquer qu’il ne fallait pas la prendre pour une poire mais la phrase qui suivit la stoppa.

* Yeux

C’est gentiiiil ! *

Elle ne savait pas si Emilien avait dit ça juste pour ne pas qu’elle se sente trop transparente dans cette histoire ou s’il pensait vraiment ce qu’il avait dit et qu’il s’intéressait à son état moral. Quoi qu’il en soit, elle ne voulait pas le savoir, elle préférait se perdre dans ses illusions et se blottir dans l’idée qu’elle pouvait compter Emilien parmi ses amis et qu’il s’inquiétait pour elle. Une qualité ou un défaut, chacun pensait ce qu’il voulait, mais jusque ici, refuser d’admettre une vérité qui fait mal était le moyen le plus sûre que Dash avait trouvé pour se protéger du monde qui l’entourait.

Naïve ? Ashley ? Cette année plus que jamais, rien n’était facile pour personne, et en particulier pour la petit blonde qui était plus vulnérable encore qu’un moineau tombé du nid. Elle était très seule, elle perdait tous ces repères, elle doutait, tout ce dont elle aurait pu juré il y a encore peu de temps devenait aussi incertain que sa bonne humeur. Déjà mal en point, sa dispute avec Lucy l’avait fortement fragilisé, non pas qu’elle tenait à l’amitié de Lucy comme à la prunelle de ses yeux –quoique...- mais elle se rendait compte à quel point s’était dur de conserver une amitié, même en y mettant toute la volonté du monde.

- J’avoue qu’elle y a été un peu fort, c’est vrai... Mais tu sais... Des fois... L’amour ça nous conduit à faire de drôle de chose qu’on ne contrôle pas vraiment... Elle s’arrêta quelques secondes, comme si elle cherchait ses mots. Je ne dis pas que Lucy a eu raison de réagir comme ça, loin de là, mais tu ne devrais pas prendre se manifestement d’affection à ton égard trop au sérieux.

Elle ne savait trop que dire à Emilien.

- Tu sais... Il n’y a que toi pour savoir ce qui est le mieux pour vous deux... Mais si tu veux un conseil, laisse donc ta fierté de côté et va lui parler, vous en mourez d’envie tous les deux...