-Hého ça va hein, pas besoin d’être désagréable !

-Mais je ne suis *pas* désagréable ! Je veux juste que vous m’expliquiez convenablement avec des phrases qui veulent dire quelque chose !

*Quelle bande de nullités. Comment ont-ils réussi à infiltrer l’Université ?*

Si elle mesurait son efficacité à l’aulne de leurs regards vides, la demoiselle avait une certaine marge et pas des moindres ! Sans avoir fait plus d’étude que le nécessaire, elle se trouvait bien plus éveillée que la masse. Masse incapable de lui indiquer son chemin à l’intérieur d’un bâtiment arpenté chaque jour. Ces idiots y vivaient même. Et mourraient avec. L’attaque qu’avait essuyé l’UMA n’était qu’une confirmation dans la croyance qu’entretenait Syn : s’engager c’était payer avec les autres moutons heureux de suivre le troupeau, même pour partir vers l‘abattoir. Certains étaient bien trop précieux et uniques pour vivre comme du bétail. Alors pour ce qui était de faire don de sa vie…

*Et c’est le futur de l’Angleterre…Ben, mes amours…J'ai l'impression de faire ce qu'on appelle une connerie, moi. *

Après être venue à bout d’une meute d’adolescentes méprisantes et de leurs comparses, les collégiens attardés et libidineux, elle posait enfin la main sur la poignée du bureau du professeur Thadeus…

*Mclipstouitch, Mcliptswitch..*

…du professeur de Magie Noire. Elle l'actionnait déjà avant de se rendre compte qu’il était de bon ton de frapper avant d’entrée dans un office quel qu’il soit. On ne savait jamais sur quoi on allait bien tomber.
Le professeur, Absynthe se l’était imaginée tel que son oncle Renatus, plongé dans la vinasse et la Magie Noire jusqu’aux cernes de ses yeux délavés enfoncés dans un visage blafard et décharné. Le tout perché sur un grand corps squelettique aux mains d’araignée étrangleuse. La représentation mentale était si forte qu’Absy prenait de l'avance sur son dégoût et frissonnait déjà avant même d’avoir totalement ouvert la porte.

-Oh…

Surprise, elle releva un sourcil. En vérité, elle ne savait pas vraiment si ce qu’elle avait sous les yeux était mieux. Oui, elle était loin du vampire exsangue, mais en contrepartie elle ne savait pas vraiment comment prendre ce genre d’homme. Le genre primitif…Plus garde-chasse que lettré et trop peu…pas assez…corrompu d’apparence. Non, ce monsieur avait tout l’air d’être franc. Ses yeux en étaient même blessés. A moins qu’il ne s’agisse en fait que de la rugosité de son apparence ?

*Alors on miaoute avec son ’ros minet ? How cute…*

-Bonjour. Je ne dérange pas j’espère…

*M’étonnerait. On a pas l’air de s’en faire.*

La jeune femme croisa les mains dans son dos en restant devant la porte, essayant de détailler le potentiel professeur sans avoir l‘air de douter fortement de son identité.

-Vous êtes bien le professeur McLips…McLipsouitch ?

*Bon. Mettons que je crois sur parole.*

"A nous deux" aurait-elle pu ajouter dans l’intimité de son esprit. Par quel bout partir à l’attaque ? Pour ce qu’il lui laissait voir, il n’était pas spécialement dérangé pour quelqu’un censé s’intoxiquer à la Magie Noire tous les jours de sa vie. De le voir en apparence aussi indemne de traces laissées par un usage supposé intensif de sortilèges interdits la dérangeait sans qu’elle ait pu dire pourquoi. En vérité, la jeune femme sentait quelque chose lui arriver dessus et elle se trouvait dans l’incapacité de savoir sous quelle forme la fourberie se présenterait. Le mieux à faire était de ne pas prendre de parti pris pour le moment et de rester le plus neutre et direct possible dans ses propos. Elle verrait si par la suite elle pouvait recueillir des informations susceptibles de faire pencher la balance en sa faveur si le besoin s’en faisait sentir.

-Je ne viens pas pour m’inscrire. Pas à l’UMA en tout cas…, commença-t-elle en prenant place

*Qui aurait envie ? C’est étonnant que l’université ne se dépeuple pas sous l’effet des lois du destin. Avec une telle concentration de demeurés en un même point du globe…C’est un peu un appel à la calamité tout ça.*

La sorcière fronça les sourcils lorsqu’elle croisa le regard fixe du chat, qui ressemblait plus à une panthère naine, en se demandant s’il n’avait pas vu une souris filer dans son décolleté pour qu’il la scrute avec ces yeux là…ou alors il était tout bonnement empaillé…

Surtout que son maître commençait à lui mettre des bâtons dans les roues. Son nom, Absynthe répugnait à le lui livrer, principalement à cause de son cousin Lucius qui pour ce qu’elle en savait avait participé à l’attaque de l’UMA avec ses confrères Mangemort. Elle se doutait bien que son parent ne l’avait pas braillé sur le champ de bataille, son manque d’ego étant particulièrement ahurissant et affligeant, mais elle ne pouvait se départir de la sensation désagréable qu’une fois prononcé son patronyme allait clairement l’identifier. Et pas en bien.

-C’est Absynthe Morden. On m‘a dit que vous cherchiez quelque chose. Vos étudiants sont de vraies pipelettes, ils parlent trop pour peu de chose à raconter, mais ce qu’ils disent s’entend de loin. Surtout si l’on sait que le vent qu’ils brassent n’est pas que de la jactance: Vous cherchez le Parchemin d’Alexandre, non ?

*Dis moi oui, confirme avec le sourire, que je ne me sente pas idiote à avoir perdu inutilement mon temps dans ce dédale de couloirs surpeuplés d’imbéciles.*

Oui, elle tenait au caractère positif de la réponse vu qu’elle n’avait pas d’autre point de départ pour se lancer dans…une magnifique aventure à laquelle elle tenait énormément, proportionnellement au bruit des Gallions tombant dans son escarcelle. Et il lui était difficile de ne pas paraître avide de réponses immédiates. Ce qui pouvait passer pour la nervosité d'une pauvre donzelle intimidée.

*Bordel !*

Il fallait toujours qu’elle soit là, toujours à mettre son long nez partout où Absynthe posait ses doigts de fée. Et cette fois ci, elle l’avait devancé. Prise de court par l’irruption soudaine du nom de sa sœur, Absynthe frappa du plat de la main sur le bureau avec un regard qui voulait tout dire sur sa colère. Indécrottable. Elle évitait la guérisseuse depuis leur première et dernière altercation datant déjà…d’Octobre. Mais même ça, ce n’était pas assez, Callista revenait lui pomper l’air par l’entremise…d’un professeur de Magie Noire.

*Attends un peu…*

Absynthe cligna des yeux. Mais qu’est-ce qu’elle pouvait bien lui avoir raconté sur la petite Absy et leur famille ? Comment cet homme avait-il pu rencontrer la pure et lumineuse Callista obstinément fourrée à donner soin et bectance aux miséreux et aux crèves-lentement dans son sanctuaire de Ste-Mangouste ? S’il n’avait fait que se croiser, Syn n’avait aucun soucis à se faire. Le joli et fin minois de sa sœur avait l’étrange propriété d’inspirer une confiance aveugle au plus paranoïaque des Gobelins. Associée à son caractère placide de boursouflet, Callista composait une boisson insipide que la plupart des gens buvait pourtant, le sourire béat aux lèvres. Elle lui aurait très certainement fait une excellente impression. A ses dépends elle se verrait à nouveau utilisée.

-Insultant ?! Elle est ma sœur aînée !, s’écria Absynthe en travestissant l’origine de son mouvement d’humeur précédent, pourquoi voudriez vous que ce soit insultant ?

Et avec un peu de chance il lui dirait où et comment il l’avait connu et en oublierait de se croire obliger de la fixer comme une évadée d‘Azkaban dans un déguisement qui ne trompait personne. Elle avait l’impression d’être la pire des tricheuses passant un examen sous l‘œil d‘un juré aussi raide que la justice. Dans tous les cas, sa justification commencerait par un mensonge éhonté...Elle pensait avoir déterminé quel facette montrer pour se faire écouter.

-Je ne vais pas vous mentir. Si je le cherche aussi, c’est que j’en ai fait une affaire personnelle. Et j‘ai bien peur de ne pas disposer d‘énormément d‘informations…Ou plutôt de ne *plus* en disposer.

Elle laissa tomber sur le bureau une liasse de document chiffonnés qu’elle avait récupéré chez un archiviste-historien. Dans l’idée, Absynthe avait simplement voulu lui poser quelques questions autour d’un thé et de petits gâteaux relevés au Véritasérum. Seulement d’autres étaient déjà passés avant elle et avait fait en sorte que le vieil homme ne parle plus jamais. Ou peut-être avait-il joué les martyrs. Sans importance, puisqu’elle avait simplement pu faire main basse sur d'insignifiants parchemins, assez creux mais parfaits pour son petit numéro. Et accessoirement, Syn avait compris qu’elle devait de toute urgence se trouver une organisation qui lui servirait de pare-feu.

-Un ami de notre famille a été tué la semaine dernière. Son étude a été mise à sac, tout était complètement retourné et la seule chose qui restait, c’était ça. Une liasse de documents qui n’a pas assez d’importance pour avoir été volée avec le reste. Mais c’est en lisant ces papiers que j’ai compris les desseins des meurtriers. Jusqu’ici nous le prenions pour un simple excentrique qui affabulait des chimères, mais apparemment il devait être plus que ça. Quant on est prêt à mourir pour cacher de simples informations c’est une preuve assez tangible qu’il y a une réalité et qu'elle est de taille ? Non ?

La jeune femme marqua une pause dans son rôle de digne éprouvée qui ne venait pas demander la charité. Si elle avait suivi sa nature, son argumentation se serait résumée à pointer du doigt l'inutilité et la fatuité des dit étudiants. Voilà les véritables charges qui partaient seulement pour une grande aventure.

-Je ne demande rien d’autre qu'accéder à votre bibliothèque et à vous aider en contrepartie. Je suis déterminée, j’ai simplement besoin qu’on m’offre la chance de pouvoir progresser dans mes recherches qui ne sont pour le moment que des tâtonnements. Seule, je mettrai trop de temps et de toute évidence je n’en ai pas. Personne ne m’aidera, tout le monde pense qu’il faut laisser là cette histoire parce qu’elle porte malheur. Mais si votre seul but est d’encadrer ce Parchemin dans un couloir de votre université, je comprendrai que mon petit discours n’ait pas d’importance pour vous…

Absynthe dut mettre un frein à son enthousiasme qui l’aurait poussé à monter sur le bureau et à danser dessus en envoyant gaiement tout par terre pour exprimer la joie que lui donnait sa réussite. Elle se retint même de faire des petits bonds sur sa chaise ou d’avoir l’air trop ouvertement satisfaite. Après tout, rien était encore gagné. Mais ce premier pas pouvait être qualifié d’encourageant et de bon augure si ses espoirs osaient aller jusque là.
Ce monsieur n’était pas bien contrariant derrière des airs de vieil ours mal léché incorruptible. Soit il était réellement désespéré, soit il était du genre à verser sa petite larme intérieure sur la misère du monde. D’autant plus lorsqu’elle frappait les pauvres jeunettes, les petites colombes sortant du nid pour affronter ce monde cruel et prédateur. Ce qui était une vérité de toute façon. La jeune femme ne partait pas à la chasse au trésor par passion et avec le cœur en liesse. La nécessité seule la poussait. Ses ailes avaient été percées, mais on ne les lui avaient pas encore coupées.

-Oh, par affaire personnelle, j’entendais qu’il était important pour moi de le retrouver. Pas de le posséder. Qu’est-ce que j’en ferais ?

*Eh oui, hein ? Nous sommes bien gentillette.*

Non, c’était vrai. Quel que soit sa puissance elle ne s’y intéressait pas en tant que tel. Pourquoi ? Parce qu’un "artefact magique" réalisé pour des Moldus…Franchement, il fallait bien être stupide pour croire qu’il était si extraordinaire que ça. S’il s’avérait qu’il avait réellement ce pouvoir incommensurable, elle aviserait le moment venu. Et quel danger ? Elle avait bien survécu à l’Allée des Embrumes, à tout un tas de monstruosités inopinées, des hargneux, des dépravés et des désaxés complètement déments, tout ça avec cette merveilleuse alliée qu’était la Chance. Comme on disait chez elle : "Celui qui écorche le loup aura sa peau." Elle prenait des risques, elle en récoltait les fruits.

-Je ne pense pas pouvoir aller bien loin toute seule de toute façon. J’en suis même sûre, c’est-ce qui m’a attiré ici. Et je n’aurais aucun intérêt à vous cacher quoi que ce soit. , affirma-t-elle avec toute la conviction que lui donnait l’entrain d‘avoir enfin un point de départ pour s‘élancer dans la course.

Elle ferait en sorte de les aider au mieux. Tous ses gain résidaient dans leur progression, alors les démotivés, elle les motiverait. Eh puis, que croyait-il pouvoir surveiller ce cher Thadeus ? Elle serait prudente, sans doute allait-il chercher à la mettre à l’écart au début tant qu’elle n’aurait pas montrer ses jolies pattes blanches couverte d’innocence et de bonne volonté. Tellement contre sa nature…Toutefois, Absynthe était résolue à ce que son caractère…assez présent, ne gêne en rien son entreprise. L’enjeu n’était pas bien grand. Il était énorme. Dès que le professeur aurait cessé de jouer au pendule à travers la pièce elle était prête à remettre une couche de serviabilité à la sauce Callistienne.

-Bien sûr, je suis d’accord ! Je suis tellement heureuse que vous m‘acceptiez. Vous n’y perdrez pas soyez en sûr, récita-t-elle en attrapant la main qu’il lui tendait, refoulant au fin fond de son esprit la désagréable impression qu’il pourrait la broyer comme du petit bois trop sec.

*J‘ai un drôle de pressentiment .*

Absynthe recula, son enthousiasme légèrement entamé. Elle n’aimait pas ses pressentiments. Ils s’avéraient toujours justes d'une manière ou d'une autre, du métaphorique au physique.

-Bien…Hem…Je suppose que vous devez vous réunir sous peu avec tous les autres étudiants…?