Le hasard ne fait pas toujours bien les choses [terminé]

C'est souvent lorsque l'on ne désire par rencontrer les gens que l'on se retrouvait pas un malheureux hasard sur la route, au pire face à face avec la personne évitée.

Nous étions le deuxième mardi de la rentrée, et les cours s'achevaient pour tous les élèves de Poudlard. Le monde se pressait dans les couloirs, Aïlin y comprit, la tête basse, se frayant un chemin parmis les plus jeunes comme les plus âgés.
Cela faisait maintenant quatre jours que cela s'était produit, et pas une seule de ses nuits n'avaient été épargné par le cauchemar qui en avait découlé. Chaque nuit, il s'endormait l'angoisse au ventre, pour s'éveiller en sueur, l'image de sa soeur hurlant de douleur gravée devant ses yeux.

Il avait beau se concentrer sur les cours, la présence de son père planait à chaque instant, surveillant et guidant chacun de ses pas. Il sentait ses murmures, et parfois il se demandait si toutes ses décisions, chacun de ses pas étaient encore réellement contrôlé par lui, ou par l'être qui s'était emparé de son corps pour ruiner sa vie. Il avait eu ce qu'il voulait, pourquoi ne le libérait-il pas enfin ?!

La journée était achevée et Aïlin avait besoin de respirer, de prendre l'air. Mais dans le parc, il y avait du monde, bien trop de monde et Aïlin n'avait qu'une envie, être seul.
Presque instinctivement, Aïlin marcha jusqu'à la salle de bain, et s'enferma à l'intérieur, étouffant derrière la lourde porte le grondement des pas dans les couloirs et le bourdonnement des voix.
C'était un lieu qu'il s'était mit à affectionner, si l'on pouvait dire, depuis quelques temps. Un lieu où il se retrouvait seul, où personne ne viendrait le chercher, et où l'on ne se rendrait pas avant le soir, plus tard.
Il y resta longtemps, assit sur le bord de la baignoire vide, sans bouger. Il ne parvenait même pas à réfléchir clairement, il n'arrivait pas encore à réaliser l'ampleur des dégats... Pourquoi n'avait-il pas put être un peu plus fort, pourquoi n'avait-il pas sut résister ? Tout était de sa faute.

Les cloches sonnèrent, annonçant que le diner était sur le point de commencer. Les bruits des élèves provenant du rez-de-chaussé ne s'entendaient même pas à cet étage.
Aïlin resta là, il n'avait pas faim.

Deuxième carillon, annonçant la fin du repas.
Cette fois, Aïlin se décida à bouger. Une fureur incompréhensible commençait à remonter en lui, sans qu'il n'en sache la réelle origine. Prendre l'air lui ferait du bien, effacerait sûrement ce mal-être qui grandissait en lui. Pour un temps tout du moins.

Il se fondit dans la foule, d'étage en étage, jusqu'à parvenir à atteindre les deux imposantes portes qui menaient à la Cour, puis au parc.
L'air était froid mais le jeune homme ne parvint pas à s'en sentir revigoré, malgré le fait qu'il ne portait rien pour se protéger de la brise légère qui soufflait sur le parc qu'il traversait.
Il marchait jusqu'à la forêt interdite, sans même savoir ce qu'il allait faire là-bas. Les forêts étaient réputées pour apaiser de leur atmosphère, mais celle là, parviendrait-elle à affaiblir la colère qaui grondait en lui, où l'accentuerait-elle ?

C'est avec un sorte de défis qu'il y pénétra, priant même pour qu'il se fasse attaquer par une des créatures de la forêt, pour que tout le mal qu'il avait répendu en si peu de temps lui soit rendu. Il ne força cependant pas le Destin, et à peine sa silhouette disparut à tout oeil vigilent derrière les premiers arbres, qu'il se laissa tomber au pied d'un arbre, sur une grosse racine qui ressortait de la terre humide.
L'ambiance était lourde, oppressante, mais pas autant que la menace qu'il sentait constamment au dessus de lui comme une épée de Damoclès. Non, apparemment aucun lieu ne lui semblait menaçant, ni même apaisant. Plus rien ne semblait avoir de goût, et même son envie de pleurer n'était que secondaire.
Il ne serait jamais lui-même tant qu'il ne serait pas libéré.

- Mais quand te décideras tu à le faire ? Qu'est-ce que tu attends encore de moi ? Hein ?!

A ce moment, une silhouette se devina entre des arbres, mais Aïlin ne prit même pas la peine de se relever. Qu'on l'attaque, il ne méritait que ça...

Mais que faisait-il là, à pareille heure?... Que faisait William, élève généralement plutôt discipliné, dans un lieu interdit aux pensionnaires de l'école?... Il avait dîné en quatrième vitesse, engloutissant sans y penser ce qui lui tombait sous la main, puis était remonté dans son dortoir prendre sa cape et sa baguette magique.... Discrètement, le rouquin avait pris la direction de la sortie, alors que tout le monde, ou presque, se dirigeait vers les salles communes. Il était huit heures passées, et à neuf heures les élèves n'avaient plus le droit d'être dehors... Argus Rusard et Miss Teigne étaient sur la brèche dès neuf heures et cinq secondes, prenant en chasse quiconque avait le malheur de se trouver sur leur chemin.
D'ordinaire, William n'était pas un adepte des balades nocturnes- trop fatigantes, trop risquées. Mais ce soir, donc, il faisait exception... Une drôle d'idée, aller cueillir des fleurs dans la forêt... des jonquilles à changement de couleur, une espèce qu'il avait découverte récemment dans un grimoire de la bibliothèque et qui feraient drôlement joli sur la table de nuit de... de quelqu'un qu'il aimait bien. Depuis la rentrée, le Gryffondor avait de plus en plus souvent ce genre d'idées, et il s'étonnait lui-même. Aller cueillir des fleurs dans la forêt interdite, écrire une espèce de petit poème minable, se mettre du parfum avant de descendre en salle commune... mais qu'est-ce qui lui prenait?...
Bref, le rouquin avait réussi à quitter le château sans être vu, et il avait traversé le parc en courant, au cas où. Il ne tenait pas à rentrer à minuit du soir... Une bonne demi-heure devrait largement suffire à cueillir ses jonquilles.
Parvenu dans la forêt -pas trop loin non plus, il y a des loups-garous et des champignons cruels dans la forêt- il alluma le bout de sa baguette et commença à chercher... Mais les jonquilles étaient rares. Elles fleurissaient en août, et il n'en restait que quelques-unes, plutôt défraîchies... William chercha ainsi cinq bonnes minutes, et il n'en avait trouvé que six vraiment valables lorsqu'il se redressa brusquement, alerté par un bruit.
Un loup? Un loup-garou? Rogue? Un phacochère en furie? Un ours?
Complètement paniqué, il jugea qu'il était temps de se replier, et se hâta en direction de la lisière de la forêt...
Avant d'avoir pu atteindre l'orée du bois, cependant, il trébucha sur quelque chose, et s'étala. Risquant un regard en arrière, il vit ce qui lui avait barré le chemin... Une jambe.
Une jambe... mais à qui pouvait-elle appartenir? Qui pouvait bien avoir l'idée de traîner dans la forêt en pleine nuit, sinon quelqu'un de redoutable?... Le Gryffondor retint les mots qui lui venaient ("s'il vous plaît, ne me tuez pas") et posa les yeux un peu plus haut... Le visage de la personne ne lui était pas inconnu... Même dans le noir, il reconnut Aïlin Bower, le frère de Lynn, qui avait eu un comportement étrange au bal de rentrée. Partagé entre l'inquiétude pour Aïlin et la crainte pour son propre sort, William demanda doucement:

-Aïlin?... ça va?...

Au cas où, il se releva d'un bond, et assura sa prise sur sa baguette magique. Et si le Serdaigle se remettait à être violent, comme avec Lynn?

Le bruit des feuilles mortes qui s'écrasaient sous des pas précipités ne fit même pas réagir Aïlin. Il n'avait aucune intention de prêter attention à qui que se soit, que l'individu soit dangereux ou innofensif. Hélas, dans la vie on avait pas toujours le choix...
Le pied de la personne sembla s'être précipité sur sa jambe étendue devant lui. Il poussa un léger grognement, alors qu'il rabattait sa jambe que la semelle d'une chaussure venait de rendre douloureuse et ne fit pas un mouvement pour aider la personne qui était maintenant étalée à terre.

*J'ignore combien d'hectares fait cette forêt, et pourtant il faut qu'au mètre près quelqu'un parvienne à se trouver le même soir au même endroit que moi... Le destin a le sens de l'humour...*

Il n'imaginait pas encore à quel point, car alors que la voix du garçon retentissait, il n'avait pas encore reconnut la personne qui s'était malencontreusement précipité sur lui.
« Aïlin, ça va ? » L'envie de répliquer méchamment lui brûlait les lèvres. Avait-il l'air d'aller bien ? Que ferait quelqu'un qui allait bien à la lisière de la forêt, seul sur une racine pleine de terre ?

- Et toi ?
Répliqua un peu sèchement le Serdaigle, parlant dans la continuité de sa pensée.
A présent, l'autre jeune homme s'était relevé, et lorsqu'Aïlin posa son regard sur le visage inquiet du garçon aux cheveux roux, il ne put retenir un mouvement de recul, nerveux.
- William ? Tu ne devrais pas rester ici, la forêt est dangereuse.
Et il n'y avait pas que la forêt...
L'air inquiet, le jeune homme se redressa lentement tandis que son regard bleu nuit se posa sur la baguette de William, sur le mouvement de doigts qu'il venait de faire pour affermir sa poigne. Le Gryffondor ne devait pas lui faire confiance, auquel cas il aurait sûrement abaissé sa baguette, mais Aïlin était plus soulagé de ce fait, plutôt que du contraire. Il savait mieux que personne qu'on ne pouvait plus lui faire confiance, et bien qu'il luttait pour faire taire ses pensées, pour ne pas attirer l'attention de Devin, il savait que ça n'était qu'une question de temps avant que l'identité entière du jeune ne traverse l'esprit de son père... Et Aïlin craignait d'imaginer ce qu'il pourrait lui faire dire.

- Rentres vite te coucher... mais... que fais-tu avec ces fleurs ?
S'interrogea-t-il alors qu'il apercevait le bouquet dans l'autre main de William.
Il aurait mieux fait de ne pas poser la question, encore moins sur le ton glacé qui semblait être devenu le sien, mais il n'avait pas retenu sa pensée de s'échapper par ses lèvres.

Le plus jeune des frères Bower n'avait donc pas renoncé à son étrange attitude. Il toisait William, d'un regard glacial qui rappelait Ultan, son frère aîné psychopathe, et lui parlait avec une froideur inhabituelle. Bien sûr, les deux garçons ne se connaissaient que peu, et ils étaient loin d'être des amis proches, mais leurs relations, l'année précédente, étaient tout de même beaucoup plus cordiales. Will se souvenait de sa première conversation avec Aïlin, quelques jours à peine après son altercation avec Ultan... Le Serdaigle lui avait promis de tout faire pour protéger Lynn, et il avait d'ailleurs usé du même ton protecteur avec le rouquin... C'était bien fini. Désormais, il n'hésitait pas à brutaliser sa soeur, et adoptait avec William un ton presque hostile. Un peu désemparé, le Gryffondor songea qu'Ultan avait réussi à contaminer son frère... dommage, un garçon normal dans cette famille, ce n'était pas du luxe...
Le ton d'Aïlin était froid, certes, mais ses paroles étaient somme toute assez banales... Il se contentait de conseiller au troisième année de regagner le château, conseil de bon sens quand on savait que la forêt était extrêmement dangereuse à la nuit tombée...

"mais... que fais-tu avec ces fleurs ?"

William se rendit compte, soudain, qu'il serrait encore ses six jonquilles dans sa main gauche. Il les regarda un instant, puis les jeta derrière lui, en répondant:

-Rien, rien...

Il valait mieux qu'Aïlin ne sache pas à qui les fleurs étaient destinées. Les frères Bower devenaient cinglés dès qu'il s'agissait de leur soeur, et Will n'osait imaginer quel traitement subirait l'inconscient qui oserait lui offrir des fleurs -en tout bien tout honneur, bien sûr, simplement un geste d'amitié... mais même l'amitié était taboue chez eux...
Sans quitter Aïlin des yeux, William leva sa main gauche pour lire l'heure, et murmura:

-Tu as raison, je vais aller me coucher.

Le Gryffondor ne bougea pas, cependant. Il avait vraiment envie de demander à Aïlin ce qui lui avait pris, le soir du bal, pour se montrer aussi odieux, mais quelque chose l'en empêchait. Si Aïlin était vraiment décidé à suivre les glorieuses traces de son frère aîné, cette conversation pouvait très vite tourner au massacre...
D'un autre côté, pour regagner le château, il devait tourner le dos au jeune Bower, et cette perspective ne l'enchantait guère. Par expérience, William savait qu'Ultan n'hésitait pas à attaquer un adversaire sans méfiance, et il se demandait si Aïlin le ferait aussi. Il lui avait semblé que le Serdaigle était moins méprisable que son frère, mais il devait reconnaître qu'il s'était trompé.

*Il va falloir te décider, Will... soit tu lui parles, soit tu t'en vas...*

William jeta les fleurs à terre, et Aïlin fronça les sourcils. Que cachait-il à travers sa méfiance ?
S'interrogeant malgré lui, il acquiéça sans un mot alors que William déclarait qu'il allait se coucher, et attendit, presque impatient, que le garçon s'en aille.
Il ne devait pas rester près de lui, personne ne le devait et pourtant, Will ne fit pas mine de bouger.
Ces fleurs, étaient-elles destinées à Lynn ? Aïlin avait sentit à travers les paroles des deux jeunes gens qu'il semblait y avoir quelque chose, entre eux.
Aussitôt sa pensée formulée, la présence de son père s'accrochait à ses pensées comme une sangsue s'attache à la peau.

*Non... Pas ça non...*

- Interressant.
D'un geste lent, Aïlin se releva et marcha jusqu'au bouquet de jonquilles gisant sur le sol. Il se baissa et le ramassa. Dans ses mains, les fleurs changèrent de couleur, virant au noir.
- Tu veux décorer ta salle commune ? A moins que ce ne soit pour une jeune fille ?
Demanda-t-il, son regard sombre se reposant sur le jeune Gryffondor avec un sourire qui se voulait innocent. Mais le ton de sa fois, bien qu'une trace d'humour était présente, gardait le ton froid qu'il avait auparavant.
- J'ai l'impression de prendre un petit garçon sur le fait, avec l'expression que tu m'adresse. Tu aurais quelque chose à me dire ?

William. C'était le sang-de-bourbe qui s'était fait briser sa baguette. Encore un intru à éliminer du champ de bataille qu'était devenu sa vie, à cause d'elle.
Hélas, il ne pouvait pas satisfaire l'envie meurtrière qui s'emparait de lui à la vue de cet enfant de bourbe. C'était trop risqué de s'en prendre à un élève. Quoi qu'il était dans la forêt interdite, il pourrait toujours faire passer ça pour un accident... Hélas, c'était sans compter sur la violence avec laquelle l'esprit de son jeune et lache de fils se débattait déjà.

*Restes calme et obéis-moi !*

Aïlin le savait, il n'avait déjà plus le contrôle de lui-même. Si quelque chose arrivait à William, Lynn ne s'en remettrait pas... Son coeur se serra ; tout était de sa faute. S'il était plus fort, mais il était impossible de contrer l'ordre menaçant de son père. Et il se sentait calme, terriblement calme alors qu'il aurait dût-être paniqué.
Sans savoir pourquoi, il sourit, un sourire presque naturel et qui n'était plus apparut sur son visage depuis des jours. Il devait obéir, il n'avait pas le choix, et puis Devin ne pouvait pas lever la main sur le jeune Gryffondor comme il l'avait sur Lynn.

*Vous ne pouvez rien faire contre lui, c'est trop dangereux. Ne lui faites rien... Ne lui faites rien...*

[Désolé c'est court et nul mais j'ai eu du mal Sad

]

[HJ : mais non c'est pas nul, lapin^^]
DJ:

Etrangement, William avait les yeux fixés non sur Aïlin lui-même, mais sur les fleurs qu'il venait de ramasser. Il était interloqué de voir qu'à son contact, elles étaient aussitôt devenues noires... Dans les mains du rouquin, les fleurs ne cessaient de changer de couleur, passant d'une teinte vive à une autre, ce qui était leur comportement habituel, d'après ce que William avait lu. Pourquoi, avec le Serdaigle, restaient-elles obstinément noires?...
Le moment n'était pas venu, cependant, de se plonger trop profondément dans cet épineux problème. Toujours de cette voix glaciale, Aïlin venait de lui demander ce qu'il comptait faire des fleurs. Sans se démonter, William répliqua, narquois:

-Pour une jeune fille?... Tiens... pas bête, ça... Qui sait?...

Mieux valait ne pas répondre ouvertement, car il sentait qu'Aïlin lui sauterait à la gorge s'il avouait ses intentions. Curieux, d'ailleurs, pour un garçon qui s'était réjoui quelque temps avant de l'amitié qui unissait sa soeur au jeune rouquin...
La suite des propos du Serdaigle fut aussi rafraîchissante que le reste. Non content de rappeler son jeune âge à William, il lui demanda, sur un ton condescendant, s'il avait quelque chose à dire. Cette fois, le Gryffondor ne répondit pas immédiatement. Il se demandait comment prendre cette question, prononcée avec ces lèvres retroussées de dédain... Mais soudain, le rictus méprisant se changea en un sourire beaucoup plus naturel, celui que Will avait déjà vu sur le visage d'Aïlin... Ce type n'était pas normal. Passer ainsi d'une mine menaçante à un sourire innocent démontrait soit de la folie, soit du machiavélisme. Quoi qu'il en soit, William avait désormais quitté les jonquilles des yeux, et il observait Aïlin. Le cadet des Bower était tout pour Lynn, malgré ce qu'il lui avait fait le soir du bal... S'il était malade, Lynn en mourrait d'inquiétude. Le rouquin avait envie de demander à Aïlin si tout allait bien, s'il pouvait l'aider en quoi que ce soit, mais les mots refusèrent de sortir de sa bouche, et il répondit simplement:

-Tu te trompes... Le "petit garçon" n'a rien à te dire.

Il recula d'un pas, mais il hésitait toujours à tourner le dos à cet étrange jeune homme...

*Ne fais pas l'imbécile William, je t'en prie...*

Comment osait-il faire preuve de moquerie ? Ces sang-de-bourbe étaient tous pareils, insolemment orgueilleux, fiers de savoir manier une baguette alors que jamais ils n'arriveraient à la cheville des vrais sorciers. Le jeune homme commençait à lui tapper sur le système, mais il refoula ses envies de passer à l'action, ordonnant à Aïlin de rester calme.

Aïlin était calme, mais au fond de lui la colère grondait. A nouveau ses émotions se mélangeait, si bien qu'il ignorait lesquelles étaient les siennes, si encore il était capable de sentir les siennes propres...
-Tu te trompes... Le "petit garçon" n'a rien à te dire.

Le sourire d'Aïlin disparut, laissant place à un masque de froideur et de colère contenue. Il s'approcha, les fleurs virant au gris dans sa main, d'une démarche qui n'avait rien de rassurante, pour se planter devant William qui recula d'un pas.

- Vraiment ? Que fais-tu encore là alors ? Demanda-t-il d'une voix curieuse, son sourire renaissant tant bien que mal sur ses lèvres.
D'un geste lent, il tendit les fleurs au jeune Gryffondor alors qu'elle prenaient une teinte rouge sang.
- Elles ne seraient pas pour Lynn, par hasard ? Je ne suis pas stupide au point de ne pas voir ce qu'il se passe entre vous deux, tu sais... Je connais ma soeur mieux que personne. Et je ne vais pas te mordre, par contre je risque d'attraper une crampe au bras si tu ne les reprend pas. A moins que tu préfères qu'elles décorent le sol...

La voix d'Ailin, avait presque perdu toute la froideur qu'elle contenait pour devenir un susurrement velouté, presque égal à sa voix d'autrefois. Un sourire sans joie apparut sur son visage et ses yeux maintenant vides se détournèrent de William alors qu'il engageait quelques pas dans la forêt, non loin de William ni sans lui tourner le dos. Il ne comptait pas le laisser s'échapper.

- Je n'ai pas envie de tourner autour du pot plus longtemps, William. Il faut que nous parlions tous les deux. Je sais que ce qu'il se passe dans la vie de Lynn et dans la mienne ne te regarde pas, mais il faut que tu saches... Il marqua une pause, fausse hésitation où il eut l'air de chercher ses mots, ce que j'ai apprit, cet été...

*Voilà qui est bien de mettre un peu de bonne volonté...*

Aïlin marqua un détour pour s'approcher de William, sur lequel il posa une main puissante sur son épaule, le forçant à lui emboîter le pas.

- Marchons un peu si tu veux bien, et si tu veux bien m'accorder un peu de ton temps avant de rentrer offrir ces fleurs... Son regard fixé sur William étincela. Ou les laisser là.

Malgré la politesse placée dans la formulation de ses phrases, l'air qu'il arborait n'avait pas l'air de demander une requête mais bien d'imposer un ordre.

Aïlin s'était rapproché, tendant les fleurs à William, mais le Gryffondor ne les prit pas. La mine perplexe, il observait le jeune Bower, et écoutait ce qu'il lui disait. Vraiment, il avait remarqué quelque chose entre Lynn et lui? Le rouquin secoua la tête et répondit:

-Je ne les veux pas, ces fleurs. Et non, elles ne sont pas pour Lynn, mentit-il. En plus, je ne sais pas ce que tu t'imagines, mais il n'y a rien entre elle et moi, ajouta-t-il, très sincèrement cette fois. Nous sommes amis, c'est tout.

William estimait que ses relations avec Lynn n'étaient qu'amicales, rien de plus. Bien sûr, il était vraiment proche de la jeune fille- y compris au sens physique du terme- mais il n'y voyait rien d'extraordinaire... Ils étaient amis, point. Mais comment expliquer cela à Aïlin, ou à toute autre personne qui ne croirait pas un mot de cela? Comment le convaincre de son entière bonne foi? Il n'y avait rien entre Lynn et lui, sinon de l'amitié... mais le cadet des Bower ne le croirait pas.
Aïlin avait repris la parole, avec une hésitation qui attira l'attention de William. Que voulait-il donc dire, quel sujet voulait-il aborder pour qu'il soit si difficile de parler?... Will le regarda d'un air intéressé, et hocha la tête pour l'encourager à poursuivre.
Lorsque le Serdaigle posa sa main sur son épaule, le rouquin essaya de se dégager (il n'aimait vraiment pas ce genre de contacts) mais la poigne d'Aïlin était trop puissante. Marcher ainsi auprès du jeune homme lui semblait légèrement vexant- avec cette main sur son épaule, il sentait mieux que jamais qu'il avait une tête de moins que son interlocuteur... En plus, il avait l'impression qu'Aïlin le manoeuvrait aussi facilement qu'une poupée, et il n'aimait pas ça. Mais les paroles du garçon avaient éveillé son intérêt... Sa méfiance s'estompa, et il baissa sa baguette, sans la ranger néanmoins.

-Je t'écoute, Aïlin.

Aïlin ne jeta pas les fleurs. D'un geste lent, il se contenta de sortir sa baguette et de les brûler, sans même prononcer un sortilège. Puisqu'il refusait de les prendre, il n'aurait ainsi même plus la possibilité de les récupérer lorsqu'il l'aurait laissé à son sort.
Lorsque le jeune homme tenta de se dégager de la prise d'Aïlin, celui-ci ressera ses doigts sur ses épaules tout en engageant la ''promenade''. Avoir un contact physique avec une personne que l'on cherchait à manipuler était un atout, et il avait assez d'expérience en la matière pour le savoir.
Il n'avait pas écouté les mensonges du garçon, et n'avait même pas fait un commentaire à ce sujet. Peu importait les relations qu'il entretenait avec elle, du moment qu'elles se brisent.
Un sourire affligé se dessina sur ses lèvres, lorsqu'enfin, le curieux annonça qu'il était toute ouïe.

Qu'allait-il lui faire dire maintenant ? Redoutant le pire, Aïlin était forcé d'observer ce qu'il se passait, et l'impuissance qu'il éprouvait tordait son ventre d'une angoisse insoutenable.

- Lumos.
Un rayon de lumière fusa de la baguette du jeune Bower, qui éclaira le sol afin d'éviter les ronces et les racines nombreuses dans la forêt. La lumière plongeait également leur visage dans l'ombre d'un contre-jour, ce qui arrangeait également les choses.
- Ca me fait mal de le dire, mais j'ai été manipulé. Lynn a toujours compté pour moi, mais aujourd'hui je regrette amèrement de ne pas avoir vu la vérité plus tôt.
C'est une menteuse, William. Elle m'a utilisé pour faire ce que bon lui semblait loin du manoir, et je l'ai défendu... Cette cicatrice sur ma joue est le résultat d'avoir voulut défendre l'indéfendable.
Tu as vu le comportement d'Ultan envers elle. Je ne l'excuse pas, mais aujourd'hui je comprend pourquoi il est si en colère contre elle. Elle a discrédité toute la famille pour avoir l'attention sur elle, et quand elle disait ses mensonges à propos de mon père et de ses frères je l'ai crut. Tout ce qu'elle voulait était semer le trouble au sein de la famille et elle a réussit.
Je doutes que tu aie entendu ce qu'elle m'a dit au bal, tu étais trop loin. Mais elle se fichait totalement du fait que j'avais reçut une correction pour l'avoir défendu auprès de mes frères.
Ne fais pas la même erreur que moi en la croyant plus sainte qu'elle ne l'est. C'est plus qu'un conseil, William. Oublies là pour ton bien, elle serait bien capable de te faire le même coup qu'à moi.

Aïlin se dégoutait. Il ne luttait même plus. Il ne savait même plus s'il pensait ou non ce qu'il venait de dire, il n'était même plus sûr de ce qu'il avait dit, mais il sentait son regard flambloyer dans la nuit, alors qu'il fixait le sol comme si ce qu'il avait dit lui faisait mal.
Et il avait mal, mais celui qui le contrôlait, non. Il jubilait intérieurement d'avoir cette occasion de ruiner la vie sociale de Lynn, et ne devait pas louper son coup en laissant transparaître sa cruauté à travers le corps d'Aïlin.
Sa main était toujours posée sur l'épaule de William, mais elle ne le serrait plus tandis qu'il faisait un pas en avant pour se mettre face à lui.

*Tu es malheureux.*

Aïlin jeta un regard désespéré au Gryffondor. Il regrettait, mais ne parvenait même plus à savoir si c'était ce qui était sortit de sa bouche qu'il regrettait, ou le fait d'avoir été manipulé. Un soupir s'échappa de ses lèvres.
- Crois-moi, tu n'es pas en sécurité avec elle.

Lorsque le Serdaigle avait levé sa baguette, William s'était raidi, instinctivement, redoutant ce qui allait suivre... mais Aïlin se contenta de brûler les fleurs, et le rouquin en éprouva une intense tristesse. Pourquoi les brûler?... N'était-ce pas la preuve de la malveillance d'Aïlin?... Ces fleurs ne lui avaient rien fait... William sentit une bouffée de haine pour le Serdaigle monter en lui. Ce n'étaient que six fleurs, mais il trouvait que c'était vraiment révélateur d'une personnalité malsaine.
Bon gré mal gré, il s'engagea dans une "promenade" avec le cadet des Bower, dont la main lui serrait très fort l'épaule. Les yeux fixés sur le sentier devant eux, William écoutait les paroles du garçon...
Il mentait. Will ne savait pas comment il pouvait en être si sûr, mais il était persuadé qu'Aïlin ne disait pas la vérité. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il était bien avec Lynn, et qu'elle ne pouvait pas lui mentir. Personne ne pouvait mentir ainsi... Le rouquin savait qu'avec lui, au moins, elle ne mentait pas, même si elle le faisait avec sa famille.
Un immense soulagement s'empara de William lorsque le Serdaigle le lâcha enfin, et vint se placer face à lui. Il termina son petit discours en essayant de convaincre William de couper les ponts avec Lynn, mais le petit rouquin ne l'entendait pas de cette oreille. D'une voix glaciale, il répliqua:

-J'ai vu ce qu'Ultan lui faisait. Et personne ne mérite d'être traité comme ça. Surtout pas elle.

Dire que s'il n'avait pas brûlé les fleurs, William l'aurait peut-être écouté plus attentivement... Mais là, ce geste inutilement destructeur avait complètement discrédité Aïlin aux yeux du troisième année... Fermement décidé à partir, cette fois, Will fit un pas en arrière et déclara:

-J'en ai assez entendu pour ce soir. Bonne nuit.

Tournant le dos à Aïlin, il s'éloigna à grands pas, furieux, l'image des jonquilles de Lynn brûlées pour rien restant dans son esprit.

Aïlin, l'Aïlin qui ne parvenait pratiquement pas à penser par lui-même jeta un nouveau regard désespéré à William, lorsqu'il l'eut sur ses traits la colère qui commençait à le consumer. L'épreuve nouvelle qui venait de lui être imposée était cependant moins douloureuse que la précèdente, mais perdre la confiance de William, qui en parlerait sûrement à Lynn lui faisait un nouveau coup.
Mais il n'eut à peine le temps de se rendre compte que déjà le Gryffondor siffla que Lynn ne méritait pas un tel traitement. La partie de lui qui était d'accord fut bien vite étouffée.

- C'est ce que tu crois pour l'instant.

Mais William ne l'entendit pas de cette oreille, et rétorqua qu'il ne voulait plus rien entendre, tournant le dos à Aïlin pour s'en aller.
La main du jeune homme se crispa sur sa baguette alors que la rage ébouillantait ses veines, coulant dans son sang avec une puissance qui le faisait frémir de la tête aux pieds. Il avait envie de le briser, de mettre à jamais hors d'état de nuire le parasite qu'il était... pourquoi pas... le tuer ? Personne n'en saurait rien, jusqu'à ce que l'on retrouve son corps... Ou un simple os enterré dans la forêt...
Lui jeter un sort, le faire souffrir pour son impudence devenait une perspective de plus en plus séduisante, mais il se contenta de baisser sa baguette à contre-coeur, jugeant qu'attaquer n'était guère la meilleure solution. Non, il valait mieux le laisser mariner ce qu'il venait d'entendre, insinuer le doute.

- Tu verras bien que je ne mens pas. Bonne nuit.

Se contenta-t-il de dire, assez fort dans son dos pour que William l'entende. Un sourire mauvais se dessina sur son visage, invisible dans l'obscurité environnante. Il ne suffisait plus que de laisser le temps au temps, prouver qu'il était de bonne foi en ne le retenant pas était la meilleure solution qui s'offrait à lui.

Lorsque William fut disparut dans l'obscurité, Aïlin eut l'impression de s'éveiller d'un rêve dont il n'avait que quelques vagues souvenirs. Fébriles, il s'appuya contre un arbre avant de se rendre compte de l'endroit où il se trouvait.
Que faisait-il ici ? Will... Le souvenir du Gryffondor, son air froid, haineux, lui revint. Que lui avait-il dit ou fait, pour qu'il lui aie adresser un tel regard ? Il en était persuadé, cela n'était pas un rêve, mais bien la réalité, bien que les derniers évènements lui eurent échappés.
Guidé par une envie irrépréssible de dormir, Aïlin marcha d'un pas mal assuré jusqu'au château, pour gravir avec difficulté les nombreuses marches qui le menait à la tour des Serdaigle.
Encore une fois, Devin avait frappé et il n'avait rien fait, il n'avait même pas sut combattre l'engourdissement de son esprit. Il s'était pitoyablement laissé posséder, il était un faible...