La fumée blanche envahissait sa vision de la façon la plus horripilante qui soit. Elle qui avait attendu si longtemps, rêvé de si nombreuses fois de ce premier apercu devait attendre encore quelques secondes. De plus, les gros nuages blancs étaient épais, masquant la vue mais piquant aussi les yeux. Enervée, la jeune fille sentie une petite larme glisser le long de sa joue ce qui eut le don de l'énerver encore plus. Mais qui avait eu l'idée de donner à ce train un aspect aussi … moldu ? Non mais franchement, le train pouvait bien avancé grâce à quelque sortilège sans avoir besoins de cette épaisse fumée qui gâchait le paysage, piquait les yeux et commençait sincèrement à agacer Anna.
Rangeant contre cette fumée, ce train sordide et avant gardiste, contre ces idiots au ministère de l'éducation qui n'avaient jamais eu l'idée de supprimer cette fumée, contre les anciens élèves de l'école magique qui n'avaient certainement jamais protesté, contre ses parents qui l'envoyait seule ici, sans même un elfe de maison pour l'aider ou lui apporter une maigre compagnie. En un mot, la petite fille pestait contre tout le monde et haïssait déjà ce château.
Coinçant sa lèvre inférieur entre ses deux rangées de dents blanches, Anna ravala difficilement sa haine car elle n'avait pas franchement le choix. Elle replaça méticuleusement la lanière de son sac qui glissait le long de son épaule et suivit le groupe des plus jeunes. Malgré ses recherches oculaires nombreuses, elle ne parvenu pas à retrouver les deux garçons avec lesquels elle avait passé le trajet. Peut être étaient-il plus devant dans la queue ? Il fallait reconnaître qu'elle ne pensait pas qu'ils seraient aussi nombreux. Lors du voyage, par pure curiosité elle avait tenté d'arpenter le train, dévisageant les plus agés (avec quelque envie à l'évidence), souriant aux plus jeunes mais elle avait renoncé au bout de dix minutes de traversée à bonne allure car elle n'avait pas atteint l'autre coté et savait avoir démarrer sa promenade au milieu. Vaincue par ce stupide train, trop long, trop grand, trop vieux, trop puant.
Suivant tranquillement les autres, elle faisait surtout attention à ne pas abîmer ses nouvelles chaussures. Celles-ci étaient un cadeau de sa grande soeur pour son entrée à Poudlard. Il était vraiment rare que son aînée lui offre quoi que ce soit, Anna donnait donc à ces chaussures une valeur sentimentale toute particulière et elle entendait bien ne pas arriver les pieds boueux au château (ce qui aurait sans nul doute constitué sa plus grande honte). La traversée se poursuivie par quelques minutes de navigation sur un bateau – ou plutôt radeau – qu'elle partagea avec trois autres premiers années : deux filles et un garçon. L'une des filles avait l'air franchement snob et passa tout son temps à raconter ses vacances « merveilleeeeeuses » avec des élèves de Poudlard « mais pas des premiers années évidemment ! ». Anna réussit tout de même à se détendre devant l'air médusé et apeuré de l'autre fille qui regardait l'eau du lac comme si l'idée de s'y jetter pouvait se révéler réconfortante. Ce qui sembla étrange à notre fillette qui elle n'aurait pour rien au monde même trempé un doigt dans cette eau noire.
En sortant de la barque, le garçon qui partageait leur barque se sauva presque en courant vers les escaliers. C'est alors que Anna le vit, resplendissant de toutes sa splendeur, dressé sur son rocher : Poudlard. C'était exactement le même que sur toutes les photos qu'elle avait vue ; les tours semblaient lancées dans une course du style « celle qui touchera les étoiles » s'abandonnant dans une architecture des plus anarchique et le bloc principal aussi majestueux que magnifique. C'était un spectacle à couper le souffle, la jeune fille resta ébêtée quelques instants, laissant à peu de choses près sa mâchoire choir sur ses chaussures neuves. Il fallait qu'elle décrive à Henri, son jeune frère, cette splendeur le plus vite possible (demain peut être, ou ce soir si elle n'était pas trop fatiguée). D'ailleurs ou allait-elle dormir ?
L'angoisse saisit ses entrailles, elle avait jusque là oublié le rituel de la répartition auquel elle allait se livrer dans quelques minutes. Un frisson la parcourue dans sa totalité, la secouant. Ou allait-elle aller ? Franchement, elle n'en avait aucune idée et personne dans sa famille n'avait réussi à se prononcer. Elle était bucheuse et interressée par les études mais clairement pas autant que sa mère qui avait accompli ses études à Serdaigle. Elle était courageuse comme son père et n'hésitait pas à se fourrer dans les situations dangereuses pour le frisson qu'elles pouvaient apporter. Mais principalement, elle était très capricieuse et quelques fois un peu snob à la manière de sa soeur aînée qui avait sans doutes beaucoup influé sur elle au moins autant que leur cadre de vie hautement privilégié. Ce coté un peu égocentrique l'effrayait car elle trouvait les gens hautains à proprement parler détestables à croire qu'elle seule pouvait avoir ce genre de caractère. Mais ceci n'empêchait en nul point ses attaches sociales, étant d'une nature très joueuse, elle ne pouvait pas faire autrement si elle ne voulait pas jouer seule (et ainsi elle ne pourrait plus tricher).
Elle monta docilement les escaliers à la suite des autres nouveaux qui semblaient aussi effrayés qu'elle. Elle failli même manquer une marche mais une petite blonde à sa droite lui attrapa la main in extremis. Reconnaissante, Anna lui envoya son plus beau sourire. Arrivés devant la porte, elle entendit une voix de femme dire quelque chose qu'elle ne parvint pas à entendre et les deux grandes portes en bois massif s'ouvrirent. Songeuse, la jeune fille ne fit pas attention à la décoration ou même aux autres élèves, instinctivement elle enfonça ses deux points dans ses poches et avança à la même allure, essayant de réprimer les frissons qui l'asseyait en permanence.
La répartition commença sans trop de cérémonie, juste une chanson bizarre qu'elle ne comprit pas, certainement à cause de son inattention criante (les objets auxquels on prétendait une âme ne l'intéressait pas, pour elle il ne s'agissait ni plus ni moins d'un chapeau ensorcelé).
Elle n'eut pas longtemps à attendre avant d'entendre son nom ; « Ackerley Anna  »