Il fait froid, et alors ? [libre]

Un samedi après-midi de début février. Un élève de Septième Année qui marche, rêveur, dans un couloir du Troisième étage, sans but précis. Le corps est là, avançant entre un mur percé de vastes fenêtres et un autre couvert de tableaux. Les occupants desdits tableaux regardent passer ce garçon, qui est à Poufsouffle. Ou pas. Certains somnolent, ou discutent avec leurs voisins. L'esprit, quant à lui, doit se situer quelque part d'où il est difficile d'aller le déloger. Quelque chose comme le subconscient, ou une connerie psychologique du genre. Et donc, le propriétaire de ce corps et cet esprit, c'était Kael. Il n'avait aucune idée de ce qui avait pu l'amener ici, maintenant, et à vrai dire, il n'en avait rien à faire.

Pendant l'espace d'une demi-seconde, son regard pivota vers l'une des fenêtres. Ce qui le fit s'arrêter, après quelques pas supplémentaires, le temps qu'une idée ne vienne germer dans sa tête blonde. Et cela fit un bel arbre. Et cet arbre se mit à lui parler : "va faire un tour dehooors même s'il fait frooooooid, il devraaaait t'arriver plus de choooses que dans ce couloooooir." Ou quelque chose dans ce goût-là. Le Celte se planta devant la vitre. Le parc était tout blanc, la cime des arbres de la Forêt interdite aussi. Le lac, qu'on apercevait plus loin, avait apparemment gelé sur les bords. Et il eut envie d'aller faire un tour dans ce magnifique paysage hivernal. Parce que bientôt, tout ça disparaîtrait, le beau manteau blanc fondrait. Fallait en profiter.

Décision prise, il ne restait qu'à mettre ce plan de génie à exécution. Première étape : descendre quatre étages. Les passages secrets menant à l'extérieur avaient été condamnés, mais ceux à l'intérieur même du château ne l'étaient pas. Aussi en emprunta-t-il un maximum avant d'arriver au sommet du grand escalier de marbre. Deux minutes après, il passait la porte de son dortoir, dans la salle commune des Jaunes et Noirs. Deuxième étape : s'habiller chaudement. Kael portait un jean et un t-shirt, pas suffisant. Il sortit donc de sa malle un pull, une écharpe, un bonnet, une cape d'hiver et une paire de gants. Ainsi qu'une grosse paire de peupons. Une fois qu'il eut enfilé tout ça, il était prêt.

Troisième étape, sortir. Retournant au rez-de-chaussée, le Celte fit face aux grandes portes. Là, il y avait Rusard, qui lui lança un regard mauvais. Le Poufsouffle leva les bras en signe de bonne foi, il ne faisait rien de mal, il voulait juste sortir, m'sieur. Il sembla que ce simple geste d'innocence fonctionna, puisque le concierge cracmol, après un regard suspicieux, alla ouvrir un des hauts battants.

"Merci m'sieur Rusard !"

A peine eut-il mis le nez dehors que l'ancien Préfet-en-Chef regrettait sa décision. Merlin, qu'est-ce qu'il faisait froid ! Mais quelque part à l'intérieur de ce blaireau, il y avait un lion. Prenant son courage entre ses deux mains gantées, décidé à ne pas le laisser tomber dans la neige, au risque de le perdre, le Celte s'élança dans le froid. Fort heureusement, il n'y avait pas trop de vent. Complètement emmitouflé, il descendit vers le lac. Parce qu'il était curieux de savoir si la glace était solide.

Arrivé sur la rive, il regarda de chaque côté. Personne à l'horizon. Ou du moins, personne de visible. Observant la rive à droite et à gauche, il chercha un renfoncement, un endroit protégé du vent, et où la glace avait plus de chance d'être épaisse. Choisissant d'aller à senestre, Kael fit crisser la neige sous ses pas. Il aimait bien ce bruit. Trois minutes après, il trouva une toute petite crique. Et comme il l'avait espéré, là, il n'y avait pas de vent ! Aussi, il enleva sa cape d'hiver, qu'il laissa au pied d'un arbre, et s'avança du bord de l'eau gelée.

"Allez, ç'doit pas être trop fragile..." s'encouragea-t-il, en posant le pied droit.

Rien. C'était donc assez solide. Deuxième pied. Toujours rien. Et maintenant ? Il n'était pas arrivé si loin pour s'arrêter. Encore un pas.

"Un petit pas pour moi, un grand pas pour la connerie."

C'était finalement plus solide qu'il ne l'aurait cru. Le seul moyen de connaître la véritable épaisseur de cette glace, c'était de la casser. Il sortit donc sa baguette magique, et la pointa devant lui, à ses pieds, mais pas non plus juste devant. Un informulé après, la glace... craqua, mais sans se casser. Bigre, c'était plus dur qu'on aurait plus le croire.

"Gast ! C'est du béton, c'truc-là !" s'exclama le Celte, en Français.

Et là, il lui passa un truc pas clair par la tête. Il fit un pas de plus. Il y eut un bruit inquiétant et... non, en fait, ce qui arriva n'eut aucune conséquence dramatique. Son pied s'enfonça en fait un peu, sans atteindre l'eau froide dessous. Un nouveau coup de baguette, et cette fois, un joli rond apparut. La glace faisait une bonne vingtaine de centimètres d'épaisseur.

"Ah ouais quand même, dis donc." commenta Kael pour exprimer sa surprise.

S'asseyant au bord de son trou, il... retira ses chaussures, puis ses chaussettes, et passa les jambes par dessus le bord. Après une dizaine de secondes, il plongea l'extrémité de ses orteils dans la flotte...

"Ouh ! C'est froid !" cria-t-il, de façon peu virile, en retirant ses petons.

Retournant sur la rive, pieds nus, il prit sa cape qu'il étala sur la glace, à côté du trou, enleva ses gants, son bonnet et son pull, et il s'allongea. Ca ne servait strictement à rien, mais il n'aimait pas faire comme les autres.

[Navrée, je n'ai pas posté depuis un moment, alors il se peut que le niveau laisse ici à désirer... ^^ Je me remets tout doucement à niveau...]

Non loin de là, une silhouette immobile.

Ambre était là depuis un certain temps déjà, malgré le froid. Oui, évidemment, elle souffrait de la température autant que les autres, voire probablement plus, puisqu’elle avait plutôt l’habitude de la chaleur. Elle en souffrait, mais elle aimait bien ça, justement parce que pour elle ça n’était toujours pas ordinaire.

La jeune serdaigle était donc installée dans la neige depuis plusieurs heures, en tailleur. Elle était seule, et si Kael ne l’avait pas vue en arrivant, c’était tout simplement parce que la jeune indienne était cachée par les arbres. A vrai dire, perdue dans ses réflexions, elle non plus n’avait pas fait attention au nouvel arrivant. Elle était toute pâle. Paradoxal pour une indienne, certes, et pourtant… Pâle d’avoir consacré, durant presque toute l’année passée, tout son temps libre planquée à la volière à dessiner ou écrire, ou bien à la bibliothèque le nez dans les livres.

Depuis le départ de son meilleur ami, Ambre n’avait pas vraiment eu le cœur à sortir. Aujourd’hui n’aurait pas du être bien différent… Mais ce matin, elle avait reçu un courrier. Inattendu. De son ami, justement. Qui subitement avait décidé de reprendre contact avec elle, après toute une année de silence. Oui elle lui avait écrit, sur tous les tons, mais aucune de ses lettres n’avait attiré ne serait-ce qu’un semblant de réponse.
Jusqu’à ce matin. Elle l’avait lu en long en large et en travers. Il s’excusait platement de son silence, et ne souhaitait plus la voir. Point. Rien de plus, pas d’explications, pas d’adieux, rien. Vraiment rien de plus. Elle ne comprenait pas, avait beau se creuser les méninges, repasser tout le film de ces quelques années d’amitié, rien n’avait laissé présager cette lettre.

Elle avait donc décidé de sortir un peu, espérant que le vent balaierait tout son chagrin. La jeune serdaigle avait rapidement troqué la tenue traditionnelle qu’elle portait sous sa robe de sorcière, trop légère pour le temps qu’il faisait, pour quelque chose de plus chaud, mais non moins coloré. En revanche, ses pieds restèrent décidément nus. Elle n’avait toujours pas de chaussure. Non qu’elle n’avait pas d’argent pour en acheter, mais plutôt parce qu’elle n’y pensait jamais habituée à marcher pieds nus chez elle, quel que soit le temps.

Ambre sentit quand même la douloureuse morsure du froid sur ses petons, mais s’y habitua relativement vite, en fait. A ses chevilles tintaient les traditionnelles chaines dorées ornées de grelots, faisant écho, à chacun de ses pas à la multitude de bracelets assortis, qu’elle portait aux poignets. Et bien sur, l’éternel bindhi noir continuait de la protéger des mauvais esprits.

La jolie bleue et bronze avait, détail étonnant, laissé ses immenses cheveux noirs libres, et ils flottaient dans le vent. Elle avait coutume de croire que cela aidait le vent à trouver le chemin de ses pensées. Laissant le souffle glacial courir sous ses vêtement elle rêvassait.

Ambre entendit à peine Kael commenter la glace :

"Allez, ç'doit pas être trop fragile..."
"Un petit pas pour moi, un grand pas pour la connerie."

Mais cela ne suffit pas à la tirer de ses pensées, ce ne fut que lorsque le Poufsouffe s’exclama :

"Gast ! C'est du béton, c'truc-là !"

Qu’elle sursauta, et revint brutalement à la réalité. La langue elle ne la comprenait pas, mais ses accents lui rappelaient la langue maternelle de son ami...

Regardant vers l’origine de cette voix inconnue, elle repéra Kael, mais ne se manifesta pas, curieuse de voir ce qu’il allait faire ensuite. En l’occurrence, elle ne comprenait pas vraiment quel était son but… Il cherchait à rompre la glace, prenant le risque que si celle-ci était trop fine, elle se dérobe sous son poids. S’il voulait évaluer son épaisseur, il aurait pu le faire, en toute logique depuis le bord…

"Ah ouais quand même, dis donc."

Ambre écarquilla les yeux en le voyant s’asseoir au bord du trou qu’il venait de faire, retirer chaussures puis chaussettes, et tremper son orteil dans l’eau, évidemment glaciale… La réaction logique ne se fit pas attendre :

"Ouh ! C'est froid !"

La jeune serdaigle rit silencieusement, amusée par le caractère peu viril de ce cri… Tout en saisissant sa baguette, elle le regarda s’allonger sur sa cape. Se concentrant l’espace d’un instant, elle jeta à son tour un informulé, et regarda l’effet de son sort : l’équivalent d’une grosse poignée de flocons de neiges s’éleva, et se dirigea vers Kael. Le petit nuage blanc tourbillonna un instant, et forma dans l’atmosphère au dessus de la tête du garçon les mots suivants :

Tu t’attendais à quoi ? A ce que ça soit chaud ?

[HJ] je m'impose aha

[/HJ]

Il faisait froid, très froid, beaucoup plus qu'il n'aurait dû. Les chouettes et les hiboux se serraient frileusement les uns contre les autres dans la volière ouverte aux quatre vents. Ils restaient immobiles, comme s'ils étaient congelés et ne sortaient plus que pour chasser. Même l'intrusion de Velours ne suffit pas à les faire bouger. Erin eu du mal à convaincre Sky, la chouette effraie de son frère Pavel, à emporter sa lettre à la maison. L'oiseau n'était pourtant ni faignant ni peureux.

Erin avait eu un peu mal au coeur quand elle avait lancé la chouette dans le froid hivernal mais elle voulait garder le lien que représentait le courrier. Sa famille lui manquait d'autant plus que l'ambiance à l'école était vraiment pourrie. La fillette en était venue à détester l'école et ses occupants. Elle passait son temps libre avec ses frères quand elle le pouvait, et quand elle ne pouvait pas, elle restait enfermée dans son dortoir ou planquée derrière une pile de livres, assise à une table de la bibliothèque. C'était un endroit calme où on était certain d'être tranquille tant qu'on ne faisait rien pour attiser le perpétuel mécontentement de madame Pince, la bibliothécaire aigrie.

Chaque week-end, Erin écrivait à ses parents et attendait leur réponse avec impatience. Elle savait parfaitement qu'elle était privilégiée et que les élèves catalogués comme Nés-Moldus par la nouvelle direction de l'école n'avaient même pas le droit d'envoyer ni de recevoir du courrier. La jeune fille trouvait ça parfaitement répugnant. Ainsi elle décida de garder le secret quand elle découvrit que Pavel utilisait son privilège de sang-pur pour envoyer le courrier de ses camarades moins bien lotis que lui avec sa propre chouette.

Erin regarda la chouette voler jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans les nuages bas et menaçants. Elle appela son chat, qui surveillait les hiboux depuis une poutre de la charpente puis quitta la volière pour rentrer se mettre au chaud. Une fois dehors, elle prit Velours dans ses bras et resserra sa cape autour d'eux avant de revenir vers le château, les yeux fixés sur le manteau neigeux presque immaculé. Seules ses empruntes étaient visibles, signe que personne ne devait venir jusqu'ici par ce temps.
Elle arrivait devant le château quand elle remarqua d'autres traces de pas dans la neige. Elle haussa un sourcils en se demandant qui pouvait bien être assez fou pour sortir se promener par un temps pareil. Elle n'y aurait pas fait plus attention si à ce moment, Velours n'avait pas commencé à se débattre.

- Eh là! Mais calme toi idiot!
Peine perdue, le chat lui glissa des bras et tomba dans la neige avant de filer à toute vitesse vers le lac.

- Velours, reviens tout de suite.
Sans réfléchir, elle se lança à sa poursuite en courant.

- Velours!
Le chat noir filait ventre à terre dans l'épaisse couche de neige, paraissant presque nager par moment. Erin cependant ne parvint pas à le rattraper. Velours l'entraîna ainsi jusqu'au lac où il daigna enfin s'arrêter. Erin l'attrapa aussitôt et le tint à bout de bras devant elle:

- Méchant chat, réprimanda-t-elle. Qu'est-ce qui t'a pris?
Velours se contenta de se mettre à ronronner, l'air satisfait. Erin pesta à mi-voix contre le chat et allait retourner au château quand quelque chose l'arrêta net. Non loin de la berge du lac, elle vit une forme sombre dans la neige. Son coeur se mit à cogner dans sa poitrine. Elle cala son chat sous son bras droit et tira sa baguette de sa manche de l'autre main avant de s'approcher prudemment. Elle reconnu rapidement Kaelir, un élève de septième année de sa maison à qui elle n'avait jamais osé parler. Elle se demanda ce qui avait pu lui arriver. Était-il tombé? Avait-il été attaqué par un autre élève?

- Kaelir? Tu es blessé? Qu'est-ce s'est-il passé?
Concentré sur son camarade de maison, Erin ne remarqua même pas Ambre à quelques pas de là.

Kael, étendu là, se posait des questions sur la vie. Où allons-nous ? Pourquoi sommes-nous sur Terre ? Y a-t-il une vie après la mort ? Pourquoi est-ce que l'eau gèle quand il fait froid ? Combien de temps Amycus pourrait respirer avec sa soeur assise sur sa tête ? Le chocolat et les cornichons, est-ce que ça va ensemble ? Bref, ce genre de questions qui devraient faire avancer les choses mais qui ne servent qu'à se rendre compte qu'en fait on ne sait rien. Le Celte se promit quand même d'essayer le sandwich chocolat-cornichons. Juste parce qu'il était curieux de savoir. Une expérience débile de plus ou de moins, on n'était plus à ça près, de toute manière.

Le regard dans le vague, fixé quelque part entre tout et rien, sur un point imaginaire dans le ciel blanc, le Poufsouffle ne prêtait aucune attention à son environnement immédiat. Aussi, la petite indienne assise non loin, ou sa camarade de maison se débattant avec son chat, il ne se rendait pas compte de leur présence. Il avait presque oublié qu'il faisait froid. En fait, l'absence de vent rendait l'atmosphère presque agréable. Le Jaune et Noir était vêtu légèrement pour la saison : un simple t-shirt ! Par contre, il ne put pas manquer ce qui entra dans son champ de vision. De la neige, mais pas de la neige normale. Pourquoi pas normale ? Parce qu'il n'était pas courant que des flocons forment des mots.

Se redressant soudain, Kael regarda autour de lui. Et il vit arriver une élève de sa maison, Erin. Levant les yeux, il lut : 'Tu t’attendais à quoi ? A ce que ça soit chaud ?' Son regard revint sur Erin, qui tenait son chat sous un bras. Elle savait parler, alors pourquoi aurait-elle adressé ainsi un message à son ancien Préfet, au lieu de le lui dire directement ? Surtout que... surtout qu'elle lui demanda s'il était blessé. Donc, non, ça ne pouvait pas être elle. Le Celte se leva, sans répondre, et regarda par-dessus l'épaule de l'amie des chats.

"Aha ! C'est toi qui... enfin... le message !" fit-il, hésitant un peu, pointant Ambre du doigt, puis les mots formés par la neige.

Son index désigna ensuite Erin, avant que le bras tombe le long de son corps. Tiens, c'est étrange, il faisait plus froid quand on était debout.

"Euh... salut ! Et non, pas blessé, rien, tout va bien, ne t'inquiète pas !"

Ah, il retrouvait sa légendaire verve.

"J'avais juste envie de venir là, profiter un peu, même si le temps est pas idéal, mais en fait, il fait pas si froid, quand on sait où aller et quoi faire pour gniiii...

Inconsciemment, l'ancien Préfet-en-Chef, en parlant, force gestes des mains, s'était avancé, et son pied nu avait rencontré la glace. Aussitôt, il fit marche arrière pour revenir sur sa cape.

"Eeeet pour ton information, ben euh, non, je m'attendais pas à ce que ce soit chaud, mais je pensais pas que ça serait si froid. Et na. lança-t-il, dans la foulée, à l'adresse de la Serdaigle.

Hé, ho, hein. Bon. Sur ce, Kael se rassit sur sa cape. Plus bas, comme ça, il avait l'impression que la température était un poil plus élevée. Pointant sa baguette sur le message, il le fit se reformer. A présent, les flocons indiquaient : 'je n'attends rien, j'aime être surpris...' Et voilà..!