Stock à reconstituer [Prio Rolas Iluvatar]

Enfin une sortie à Pré-Au-Lard. Ce genre d'évasions, rares, étaient précieuses en ces temps où l'ambiance à Poudlard était plus que détestable. Heureusement que les élèves se serraient les coudes au sein des maisons, et même de plus en plus entre les maisons. Bon, à part Serpentard évidemment, mais il n'y avait rien d'étonnant à ce que les individus qui y avaient été affectés par le Choixpeau partagent majoritairement les idées du pouvoir en place. Sang pur et patati et patata, ce genre de conneries quoi. Breffle, des gens pas très fréquentables quoi.

Respirant profondément l'air froid de ce qui signifiait donc pour lui une brève parenthèse de liberté, Gauvain se promenait dans le petit village à proximité de l'école. Ils n'avaient droit qu'à quelques heures de loisirs, mais le nombre d'échoppes n'était pas non plus propre à retenir les élèves pendant trois plombes. D'autant qu'il n'était même pas utile d'aller dépenser son argent chez Zonko: Rusard avec ses scrutoscopes et autres instruments bizarres se ferait un plaisir de le dépouiller de ces inoffensifs gadgets à la porte de l'école. Mais il restait une destination qu'il se devait d'honorer de sa présence.

Après avoir convenu avec quelques amis de sa maison de se retrouver aux trois balais, Gogo se dirigea vers l'échoppe qui était probablement la plus courue par les élèves: Honeydukes. Il était temps de reconstituer le stock de friandises. Non pas qu'il était gourmand et s'empiffrait régulièrement, mais comme tous les enfants et adolescents, il aimait manger une sucrerie ou n chocolat de temps en temps. En plus, c'était bon pour le moral, et donc rigoureusement indispensable en ces temps obscurs.

Salivant déjà à l'idée de sa liste d'achats futures, notamment Chocogrenouilles (et les cartes qui les accompagnaient), Fizwizbiz, souris en sucre... et tout ce qui lui ferait envie sur le moment, le Serdaigle poussa la porte de la boutique, prenant soin de ne bousculer personne. Comme d'habitude, la boutique était remplie d'élèves de toutes les maisons. Il allait falloir patienter... mais la foule n'empêchait pas de commencer ses emplettes! Concentré sur les rayons, leur contenu et les prix, Gauvain piochait de ci, de là. Gourmand, mais raisonnable! Tout à ses pensées, il percuta soudain quelqu'un. Se retournant, des excuses aux lèvres, il avisa un Poufsouffle de 4ème année. Hey, mais il le connaissait lui, c'était même un membre de la famille! Rolas qu'il s'appelait. Bon, famille un peu éloignée, du côté de Kaelir, mais famille quand même! Avec un grand sourire, il le salua,

- Bonjour petit cousin, tu vas bien? Toi aussi tu viens remplir ton estomac et vider tes poches ici?

Ah Prés-au-Lard! Quel nom raffiné pour le seul et unique village sorcier de toute l'Angleterre. Non mais vraiment, ils en avaient de ces idées les sorciers des fois. Je vous jure! Enfin, le nom du village importait peu à notre Roro national pourvu qu'il puisse y faire les achats de rigueur. Oui parce que bon, question nom il était tout aussi bien lotit que ce stupide village avec son stupide château où ça commençait à légèrement dégénérer à cause de l'autre face de vipère. Rolas cumulait les tares, il fallait bien le dire. Premièrement son nom imprononçable, deuxièmement son ascendance moldue, troisièmement son appartenance à la maison des blaireaux (on a vu plus flatteur) et enfin son comportement pour le moins excentrique. Tout ça pour dire que le pauvre gamin avait bien de la chance d'avoir survécu jusque là sans trop d'encombres. Il s'était fait un peu discret en ce début d'année, n'ayant pas trop envie de finir en retenue avec l'autre moche. En plus elle sentait pas bon et elle lui avait confisqué ses précieux bonbons, sûrement pour aller s'empiffrer une fois de rideau tombé. C'était sûrement pour ça qu'elle était aussi boudinée la Carrow... Si seulement elle avait pu s'empoisonner avec ou mieux s'étouffer et mourir en suffoquant dans d'atroces souffrances. Mais non, l'affreuse continuait de sévir et ça n'allait plus du tout, du tout, du tout. C'est pourquoi notre bon ami était décidé: cette fois il allait faire quelque chose! Parce qu'après le fiasco du bal de Noël, il n'avait plus le droit de perdre la face et puis bon, en tant que futur sauver de l'humanité, fallait qu'il se presse un peu avant que tous les honneurs ne reviennent à la bande de bras cassés.

C'était donc sur cette bonne résolution que notre ami dont la légéndaire bonne humeur n'était pas entamée se rendit au village, avec comme objectif principal de remplir son stock de bonbons. Oui parce qu'on a oublié qu'il se devait de conserver son statut de plus gros mangeur de bonbons de tout Poudlard en compétition serrée avec Apollon. Or ses réserves s'étaient amenuisées comme neige au soleil ces derniers temps. En plus il n'avait même plus de chocogrenouille, et ça c'était carrément un crime. Il avait semé le rouge et or au détour d'une ruelle, ce dernier préférant aller se saoûler aux trois balais avec son compagnon de mésaventure du bal. Bah, qu'ils finissent seulement à l'envers tous les deux, Rolas garderait l'honneur sauf... au moins pour cette fois. Ce qui était mieux que rien et puis de toute façon, il leur en voulait encore pour la dernière fois. Il avait pas eu l'ait bête lui en se réveillant ainsi accoutré en plein milieu de la salle commune à une heure carrément indécente et surtout avec des dessins obscènes sur le visage devant les regards ébahis de ses camarades. Non mais j'vous jure! Ils allaient le lui payer, parole de Roro!

C'est à ce moment-là de son cheminement de pensées, alors qu'il tenait en mains une plume en sucre, hésitant entre plusieurs parfums qu'un imbécile le bouscula, ce qui eut pour conséquence de laisser échapper la plume en sucre et de la laisser tomber par terre, comme une vieille chaussette pourrie. Quoi que... Le Roro il prenait mieux soin que ça de ses chaussettes lui! Il se retourna donc vivement vers l'imposteur avec la ferme envie de lui envoyer une de ses répliques toutes Rolassiennes, quelque chose du genre "Espèce de Bachibouzouc! Sale gamin mal élevé tu peux pas regarder où tu poses tes plumes non?! On t'a jamais appris la politesse ver de terre mal dégrossi!". Charmant, vous en conviendrez. Seulement heureusement pour lui, il fut coupé par le mioche en question.

- Bonjour petit cousin, tu vas bien? Toi aussi tu viens remplir ton estomac et vider tes poches ici?

Ah ouais tiens! En y regardant de plus près, le môme (de deux ans son cadet mais c'était quand même un môme d'abord!), le môme donc, était vaguement de sa famille, un cousin de son cousin si sa mémoire ne lui faisait pas défaut. Pis bon, ça se faisait pas trop de traiter les gens de sa famille de grosse bouse de dragon défraichie.

-Ouais salut!

Ton un peu bourru. Bah oui quoi, fierté oblige, le môme venait quand même le traiter de "petit cousin" alors que notre Rolas adoré faisait bien quelques longs centimètres de plus que lui. ça le faisait pas du tout. ~~Comment ça, le "petit" faisait référence à son degré de parenté~~?!

-Je te ferais dire que je suis plus grand que toi le moineau! Et puis regarde où tu poses tes pattes la prochaine fois, c'pourrait bien que ce soit pas quelqu'un d'aussi compréhensif et sympa que moi.

Faut pas s'inquiéter, si de premier abord il avait l'air plutôt désagréable, c'était sa façon d'être à toujours faire des remarques à tout le monde, ce que peu de gens supportaient, mais ce n'était pas méchant. Et puis sa dernière phrase sonnait plus comme un conseil que comme un reproche. S'il avait bousculé la Carrow, Gauvain aurait eu des ennuis jusqu'au cou, même si le blaireau voyait mal cette femme détestable se dandiner dans un magasin de bonbons jour d'affluence et rempli de nés-moldus. La pauvre, elle aurait pu choper la molducitose!

Sur ce, il se baissa pour ramasser la plume en sucre. Il se tourna de nouveau vers son "cousin" en lui brandissant sous le nez un exemplaire au citron et un autre au cassis.

-A ton avis, j'prends laquelle? demanda-t-il dubitatif. Bah oui quoi! Que les Carrow brûlent Poudlard n'allait pas l'empêcher de grignoter des bonbons parce que quitte à mourir, autant mourir heureux! Alors... question cruciale.

-Je te ferais dire que je suis plus grand que toi le moineau! Et puis regarde où tu poses tes pattes la prochaine fois, c'pourrait bien que ce soit pas quelqu'un d'aussi compréhensif et sympa que moi.

L’accueil quelque peu bourru de son cousin germain, qui ne s’appelait cependant pas Germain mais Rolas, même si Germain était un plus beau prénom que Rolas même si moins courant, mais il paraissait que de ce côté-là de la famille on était plutôt original et que… Bref, ne nous égarons pas. L’accueil peu amène donc surprit légèrement Gauvain. Certes, il l’avait légèrement bousculé, mais c’était sa faute d’abord ! Quand on est un grand échalas, on ne reste pas planté dans les allées bondées d’un magasin prisé au risque de ressembler à un portemanteau, par Merlin !

Avant de pouvoir réagir, le Serdaigle dut encaisser la fin de la tirade de son aîné. Compréhensif et sympa ? On ne devait pas avoir la même notion de la chose chez les Pouffys. Le ton de la fin de la phrase appelait cependant à la conciliation, il n’y avait donc pas de raison d’exploser comme un scroutt à pétard devant un autre scroutt à pétard. D’autant que Rolas semblait avoir été perturbé pendant une réflexion intense portant sur un choix cornélien.

-A ton avis, j'prends laquelle?

Plume citron ou plume cassis ? Choix crucial, car Gogo les aimait toutes ; le choix de l’arôme d’un bonbon dépendait souvent de son humeur du moment ou de circonstances extérieures. Chocolat quand le moral était un peu en berne, citron quand il faisait très chaud, par exemple. Mais sa gourmandise empêchait d’établir la moindre règle de gestion des stocks de confiserie, si ce n’était « vide » et « plein ».

En revenant à la question de Rolas, le jeune ado se demanda s’il y avait une bonne et une mauvaise réponse. C’était un test ? Mais là, il n’allait pas les manger lui-même de toute façon. Il opta donc pour une réponse de normand :

- Pourquoi choisir ? Prends les deux !

Et puis, s’il prenait les deux, peut-être en donnerait-il une à son cousin ? Ca se faisait en famille ce genre de cadeaux, si si ! On pouvait toujours rêver quoi…

- Moi mes préférés, ce sont les chocogrenouilles. En plus, j’ai commencé à collectionner les cartes, même si pour l’instant je n’en ai pas beaucoup. Tu les collectionnes toi ?

Le môme, comme Rolas avait à présent renommé Gauvain, sembla réfléchir très sérieusement à la question vitale que venait de lui poser son cousin. Bon je vous vois venir à hausser les épaules et lever les yeux au ciel. C'normal, vous n'êtes pas initiés. Mais tous les connaisseurs vous diront bien que ce n'est pas une vue de l'esprit et que choisir entre un parfum citron ou un parfum cassis revêt d'une importance capitale. Primordiale. Essentielle. Parce qu'il faut imaginer le tout dans son contexte. Quelle saveur préférera-t-on garder en bouche une fois que tout le sucre constituant cette merveille sera dissout? Et quel parfum s'harmonisera le mieux avec les confiseries suivantes? Et dans quelle humeur notre blaireau préféré se trouvera-t-il après avoir dégusté cette plume? Ah bah oui vous n'y aviez pas pensé mais c'est autant d'éléments importants à prendre en considération lors d'un choix. Et notre Roro prenait cela très au sérieux. Citron et cassis laissaient un goût acidulé en bouche, mais après ça...

- Pourquoi choisir ? Prends les deux !

Gauvain venait de lui donner une solution bien alléchante qui fit rire Rolas. Il était malin le môme pas vrai?! Il irait loin dans la vie, c'est Rolas qui vous l'dit. Un petit futé comme ça, c'tait obligé qu'il survive à la Carrow même si Poudlard brûlait. Mais remarque s'il en avait d'autres des solutions toutes faites comme ça, il pourrait peut-être vraiment lui servir à quelque chose d'aussi important que le choix des sucreries. Enfin faudrait qu'il voit un peu plus tard. Pour le moment, il considéra le Serdaigle d'un oeil curieux. Seulement avant qu'il ne puisse lui expliquer gentiment pourquoi il ne pouvait décidément pas prendre les deux, celui-ci le devança, éveillant chez son aîné un tout autre intérêt.

- Moi mes préférés, ce sont les chocogrenouilles. En plus, j’ai commencé à collectionner les cartes, même si pour l’instant je n’en ai pas beaucoup. Tu les collectionnes toi ?

Le Roro sourit. Ils allaient bien s'entendre!

-Eh bien tu vois, acheter des bonbons, c'pas aussi simple qu'on dirait. Les plumes au sucre sont faites entièrement avec du sucre et c'est pas bon pour les dents, c'pour ça si j'veux garder un sourire correct, j'peux pas en prendre deux, ça serait beaucoup trop. Ensuite, faut doser par rapport au reste. Les bonbons majoritaires sont les dragées surprises de Berthie Crochu parce que c'est pas fait qu'avec du sucre et en plus j'trouve ça drôle. Ensuite les chocogrenouilles, ben c'est fait avec du chocolat alors même si moi aussi j'adore ça, ben on peut pas trop en acheter non plus, c'pas bon pour le foie et même si j'tiens à mon titre de mangeur de bonbons, ben.. j'veux aussi rester en bonne santé tu vois. Pis bon après, faut aussi considérer l'aspect économique de la chose, c'pas comme si on avait une bourse extensible selon les besoins.

Le Roro avait achevé sa tirade toujours aussi sérieux que lorsqu'il avait commencé. Etrangement, il éprouvait assez de sympathie envers le môme pour lui expliquer tout ça. Bon en même temps, c'était quelqu'un de la famille donc techniquement on pouvait avoir confiance en lui. Pis ça le changeait d'Apollon. Même s'il adorait son ami malgré ses farces incessantes et pas toujours de très bon goût, parler à d'autres gens de temps en temps c'était pas mal non plus. Bon pis fallait bien aussi qu'il apprenne les rudiments à son cousin parce que son propre honneur en aurait pris un sérieux coup si le môme avait fait les mauvais choix. En gros Gauvain aurait presque dû le remercier de sa si brillante intervention. Mais bon comme il était trop gentil le Poufsouffle, il n'en demandait pas tant. Seulement il s'imaginait déjà en mentor pour le moineau, lui apprenant les dessous du métier de mangeur de bonbons. Belle image qui le faisait sourire niaisement sans raison apparente. Ouais, ils pourraient former une bonne équipe tous les deux pendant les vacances. Tiens, il pourrait peut être demander à inviter le môme chez lui cet été pour qu'ils puissent mettre au point deux trois blagues... ce serait drôle d'être deux à embêter Adane, et à donner du fil à retordre à son père. Déjà que les pauvres tournaient en bourrique avec seulement Rolas...

Enfin bref.

- Et t'en as beaucoup des cartes chocogrenouilles? demanda-t-il très intéressé avec un enthousiasme démesuré.

Oui, faut pas trop chercher la logique chez le jaune et noir, elle lui est propre et vous n'arriveriez pas à comprendre tellement qu'il est intelligent et que son raisonnement est développé. Ce faisant, il ajouta à son panier déjà pourvu des fameuses dragées surprises les deux plumes déjà citées et en ajouta une troisième au goût "surprise". Il avait une petite idée derrière la tête bien sûr, mais comme il ne pouvait pas en acheter un nombre pair à cause des règles du code qui régissent la vie des mangeurs de bonbons, ben voilà. Et puis vous en saurez pas plus pour le moment. Il tira le môme par la manche et l'entraîna un peu plus loin dans le rayon spécial chocogrenouilles.

- Non enfin si je te demande c'est parce que moi aussi je les collectionne et j'en ai quelques unes en double.. alors j'me disais que si ça t'intéressait on pouvait faire un échange. Ajouta-t-il sur le ton de la conversation.

Attiré par l'annonce clignotante en haut de la gondole, il découvrit en direct live une nouvelle génialissime qui lui tira un sourire jusqu'aux oreilles: il y avait une édition collector de la carte de Dumbledore et en nombre limité. Ses yeux clignotaient déjà d'envie lorsque le message d'annonce s'effaça pour laisser place à un dessin très représentatif de la carte en question, dorée à l'or fin. Sa mâchoire se décrocha malgré lui, et il se mit à saliver bêtement, comme stupéfixié sur place par une nouvelle aussi... Waouh! Attention j'ai pas dit à baver, un minimum de classe quand même!

-Bah ça alors... Arriva-t-il finalement et péniblement à articuler après plusieurs minutes de mutisme.

Il en connaissait un qui allait regretter de ne pas être venu et être vert quand il lui raconterait...

Son petit cousin plus grand que Gauvain semblait prendre la question des bonbons très au sérieux, voire même y avait consacré la majeure partie de ses loisirs, à examiner les compositions, les effets voulus et non désirés, l’équilibre et la succession idéale, et il le soupçonnait même d’avoir établi des chartes selon le prix, afin de tirer le meilleur rendement d’un gallion. Pourtant, tout cela n’était que plaisir, il ne fallait pas le perdre de vue, et toutes ces analyses trop objectives ne prenaient pas en compte la subjectivité de la satisfaction de manger un bonbon peu importe lequel, quand l’envie vous en prenait. Mais à chacun sa façon d’appréhender les choses, probablement…

- oui, j’ai commencé une collection, mais je n’en ai pas encore beaucoup pour l’instant. Enfin, ma collec’ s’est vachement agrandie à Noël, j’ai reçu un super cadeau de Page ! Mais là, j’ai justement de quoi casser ma tirelire pour acheter des chocogrenouilles… faut bien gérer le stock hein ! et là, ben, yen a plus. Faut que je remplisse ! Mais donc, pas de souci pour échanger, c’est avec plaisir !

Gammach junior se dirigeait avec Rolas vers l’étagère qui supportait une série impressionnante de chocolats, et découvrit en même temps que lui la super édition spéciale limitée d’Albus Dumbledore. Dorée et tout ! Probablement que la réaction stupéfaite et envieuse du blaireau était représentative de tout bon collectionneur, car Gogo ressentait la même chose, avec d’autres symptômes physiques cependant. Le silence émerveillé régna pendant quelques secondes, qui semblèrent une éternité. Puis, la réalité reprit le dessus.

- Ouais, mais avec ma chance habituelle, je tire quand même que des communes. Alors une édition limitée, faut pas rêver non plus… Comme si j’allais décrocher un Merlin quoi…

Une moue de déception se dessina sur ses lèvres. Comment pouvait-on faire espérer les enfants comme cela, sachant que de toute façon il y aurait beaucoup plus de déçus que d’élus ? A moins de gérer différemment son budget… Ouvrant son porte-monnaie, le Serdaigle compta sa maigre fortune. Et la recompta. Ouais, adieu Merlin et Dumbledore, pas de quoi acheter le magasin…

- Bon, je peux quand même en acheter deux de plus que je ne le pensais… On ne sait jamais…

Mais il était évident qu’il n’y avait aucune conviction dans ses paroles, juste beaucoup de déception anticipée…

Suite à sa très pertinente remarque, aucun des deux garçons ne pipa mot. Ils étaient trop sous le choc d'une telle découverte pour songer à articuler quoi que ce soit de compréhensible et censé et réussir dans leur entreprise. Une carte de Merlin et qui plus est dorée à l'or fin. Si ça c'était pas trop la classe, le Roro voulait bien manger le choixpeau. Déjà que la carte de Merlin "normale" était super dur à trouver et n'apparaissait que dans la collection de rares chanceux, là, c'était encore autre chose et notre ami blaireau imaginait déjà toute la satisfaction ressentie par tout collectionneur qui se respecte au moment d'ajouter ce bien si précieux dans sa vitrine à côté des autres. Il imaginait déjà et à la perfection l'immense bouffée de joie quand en dépliant le carton qui gardait le chocolat sauteur en sécurité, vos yeux se trouvaient attirés par la lueur dorée de la carte de Merlin. Dieu que ça devait être bon! Malheureusement, le rêve éveillé de Poufsouffle vola en éclat dès que son cousin prit la parole, le ramenant à la dure réalité de la vie.

"Ouais, mais avec ma chance habituelle, je tire quand même que des communes. Alors une édition limitée, faut pas rêver non plus… Comme si j’allais décrocher un Merlin quoi…"

Le sourire de notre bon ami se crispa avant de s'évanouir totalement. C'est vrai. Il était pas si stupide que ça le môme. En même temps il avait été envoyé à Serdaigle, la maison des intellectuels, des érudits, des penseurs. Alors, c'était bien normal que ses réflexions soient un peu raisonnées. Même si le choix avait été fait par un vieux bout de chiffon tellement rapiécé qu'on ne savait plus distinguer le tissu d'origine... à compter qu'il en restait encore bien sûr! Tout ça pour dire donc, que le gamin venait de plomber l'ambiance, de briser les espoirs du jaune et noir et d'altérer quand même un peu son moral. Quel rabat-joie! Même s'il avait bien raison, ce n'était pas un motif suffisant pour lui gâcher son plaisir, nom d'un petit gnome en chaussettes!

"Bon, je peux quand même en acheter deux de plus que je ne le pensais… On ne sait jamais…"

Voyant que Gauvain avait perdu tout espoir, Rolas se dit que quand même il pouvait faire un petit geste pour l'aiglon. Et puis ça détendrait un peu l'atmosphère rendue si triste par le constat malheureux de son cousin. D'accord il n'y avait que sept cartes. Mais il fallait voir le côté positif de la chose: il y avait sept cartes. Les fabriquant auraient très bien pu ne pas en créer du tout. Et puis qui leur disait qu'ils n'allaient pas tomber dessus par hasard hein?! Et puis zut, en cette période troublée il fallait bien se raccrocher à quelque chose et ça, les marchands de rêve l'avaient bien compris.

"Bah, c'est pas tout perdu tu sais. Faut pas être défaitiste dans la vie, sinon t'arrives à rien. Faut regarder les choses en face, même si on tombe pas dessus, on aura au moins eu le plaisir de voir une reproduction sur l'affiche et de rêver un peu jusqu'à ce qu'elles soient toutes trouvées. Bah ouais c'est aussi ça le jeu. Pis bon, on peut aussi tomber dessus par hasard. Après tout on n'est jamais que quelques milliers de sorciers. T'imagines si c'était chez les moldus? Eux ils sont des milliards, ça fait une probabilité de tomber sur LA bonne carte bien plus faible que la notre."

Sur ces bonnes paroles, le gamin attrapa plusieurs cartons de chocogrenouille qu'il ajouta dans son panier, mais en nombre raisonnable, comme il l'avait expliqué juste avant au Serdaigle: il ne fallait pas abuser des bonnes choses. Seulement attiré par l'appât du gain et ayant recompté ses gallions, il en ajouta une autre, au cas où. On ne sait jamais, il fallait toujours garder espoir. Bien sûr il choisit chaque carton méticuleusement, en scrutant plusieurs comme s'il pouvait voir à travers le papier quelle carte se cachait à l'intérieur, avant de se décider.

"Tiens ça me fait penser à un livre moldu. Barry et la chocolatrie ou un truc comme ça. C'est un pauvre gars comme toi et moi qui trouve la carte rarissime. Tu devrais lire ce livre, il est super et je crois même qu'ils ont fait un film. Enfin y'a des idées de bonbons là-dedans... mais à faire pâlir d'envie n'importe qui. M'étonnerais pas qu'l'auteur soit un sorcier si tu veux mon avis..."

Ouais dans ce livre, ça avait tout l'air trop bon. Un des seuls "romans" moldu qu'il ait lu avec application jusqu'au bout. Il avait reconnu certaines sucreries citées comme ayant un équivalent sorcier mais d'autres restaient encore à inventer. Et s'il avait été plus doué en potion et sortilège, le môme se serait probablement lancé. Mais bon, pas envie de mourir empoisonné hein?! L'amour des bonbons avait quand même certaines limites, fallait pas pousser Bertha dans les strangulots non plus. Mais qui est Bertha me demandez-vous. Eh bien peu importe en fait, c'était juste une expression que notre héros avait entendu quelque part et de toute manière là n'était pas le sujet de l'histoire. Mais c'est promis, un jour on cherchera et on vous dira qui était Bertha et quel était son lien avec ces charmantes créatures que sont les strangulots.

"Hum ... attends... je crois qu'j'en ai deux en double de cartes... j'peux t'échanger Elfriga Clagg et Bridget Wenlock... si ça t'intéresse"

Comme je disais plus haut, pas la peine d'essayer de comprendre le cheminement de pensée du Roro, c'est un être à part qui pense à sa façon. Et après avoir pensé à Bertha, les noms des personnages célèbres de ses cartes chocogrenouilles s'étaient naturellement imposées à son esprit. D'une logique imparable. Oui, oui, il les connaissait par coeur. En même temps, il n'en avait pas un nombre tellement élevé... alors c'était moins dur à retenir.

"Bah, c'est pas tout perdu tu sais. Faut pas être défaitiste dans la vie, sinon t'arrives à rien. Faut regarder les choses en face, même si on tombe pas dessus, on aura au moins eu le plaisir de voir une reproduction sur l'affiche et de rêver un peu jusqu'à ce qu'elles soient toutes trouvées. Bah ouais c'est aussi ça le jeu. Pis bon, on peut aussi tomber dessus par hasard. Après tout on n'est jamais que quelques milliers de sorciers. T'imagines si c'était chez les moldus? Eux ils sont des milliards, ça fait une probabilité de tomber sur LA bonne carte bien plus faible que la notre."

Gauvain regarda son petit-cousin plus grand que lui avec des yeux ronds comme des vifs d’or, le métal et la couleur en moins. Finalement, ce grand dadais n’était pas qu’un gourmand invétéré courant après le sucre comme une fourmi, il était aussi capable de réflexions très profondes. Et il avait raison : il fallait voir ça comme une loterie où tout le monde avait sa chance de gagner, même si cette chance était minime. Les grands gagnants seraient de toute façon les fabricants de chocogrenouilles, vu que cette offre promotionnelle exceptionnelle allait certainement doper leurs ventes : tout le monde voudrait cette carte rarissime, et en plus vachement jolie. Le Serdaigle n’allait pas commencer une étude statistique comparative entre la population sorcier et la population moldue, mais le message sous-jacent du blaireau était juste : il faut toujours garder espoir, la chance pouvait sourire au moment où on s’y attendait le moins.

"Hum ... attends... je crois qu'j'en ai deux en double de cartes... j'peux t'échanger Elfriga Clagg et Bridget Wenlock... si ça t'intéresse"

Se grattant la tête, Gogo se remémora toutes les cartes en sa possession. C’était pas comme s’il avait déjà quasiment une collection complète, loin de là, mais sa collection avait fait un bond en avant à Noël grâce au gentil cadeau de Page, la rouquine de Gryffondor. Comme quoi ce n’était pas forcément les cadeaux les plus chers ou les plus gros qui faisaient le plus plaisir, loin de là. D’autant qu’elle avait choisi les cartes de manière personnalisée, en incluant Rowena Serdaigle. Il faudrait décidément qu’il la remercie d’une façon ou d’une autre, quand l’occasion se présenterait. Mais c’était une autre histoire.

Alors, a priori ces cartes-là il ne les avait pas. En tout cas, ça ne lui disait rien. Par contre, contre quoi les échanger, vu qu’il n’avait pas de doubles ? D’un autre côté, il n’avait pas envie de froisser son cousin en refusant l’échange, ça ne se faisait pas. Il pouvait toujours échanger ses cartes contre d’autres qu’il avait achetées. C’était une opération nulle pour lui, mais ça améliorerait la collection de Rolas.

- Mmm en fait j’en ai aucune des deux. Alors j’ai pas mes cartes avec moi, mais si je ne me plante pas, je pourrais te proposer Célestina Moldubec et Devlin Whitehorn

Le gamin sembla réfléchir un moment passant probablement en revue sa précieuse collection afin de voir si l'échange l'intéressait ou pas. Un instant notre blaireau adoré pensa que c'était perdu. Soit son cousin avait déjà les cartes en question, soit elles ne l'intéressaient pas. Bon ce n'était pas grave, le Roro n'allait pas en faire une jaunisse. Au moins il aurait essayé et peut-être que plus tard, le Serdaigle après avoir gagné d'autres cartes, accepterait. Et puis ce n'était pas comme si la collection de cartes était primordiale pour le quatrième année. Cependant, au bout d'un long monologue intérieur, le môme finit par lui donner son verdict.

"Mmm en fait j’en ai aucune des deux. Alors j’ai pas mes cartes avec moi, mais si je ne me plante pas, je pourrais te proposer Célestina Moldubec et Devlin Whitehorn"

Les yeux du Poufsouffle se mirent à briller avec intensité et c'est avec justesse qu'il se retint de danser de joie au milieu du magasin. Il faut dire que s'il s'était laissé aller, il y a fort à parier qu'une ou deux gondoles auraient subitement ressenti un immense attrait pour le sol et que ça n'aurait pas plu au vendeur. L'adolescent respectait bien trop ce temple du bonbon pour y déclencher sciemment une telle catastrophe et s'en voir interdit d'accès les prochaines fois. Alors, au lieu de danser et crier sa joie devant des clients éberlués, il se contenta d'un grand sourire niais. Il n'en fallait pas beaucoup à ce garçon pour être heureux. Les choses simples sont parfois les meilleures. C'était tout à fait ça!

"Chic alors!"

Il rit bêtement avant de se reprendre. Bon un peu de sérieux n'allait pas le tuer et puis s'il continuait, Gauvain allait le prendre pour un dingue. Pas que ça le dérangeait spécialement, il avait l'habitude, mais pour le coup, il éprouvait assez de sympathie pour avoir envie de revoir l'aiglon.

"Excuse-moi, c'est juste que c'est la première fois que je fais un échange. En plus je n'ai pas beaucoup de cartes alors bon... voilà quoi hein?! Je ne les ai pas non plus sur moi toute suite, j'préfère les garder au chaud dans mon dortoir comme ça elles risquent rien, mais dès qu'on rentre je vais les chercher..." Il lui tendit la main. "Bon alors? Marché conclu? "

Le garçon jeta un dernier coup d'oeil à l'affiche clignotante annonçant la mise en circulation des cartes de Merlin or. Il croisa les doigts sur la poitrine, ferma les yeux et pria intérieurement pour que lui le petit blaireaux que personne n'aime, en trouve une, ou bien son cousin Gauvain, ou bien même Appolon. Il n'était pas comme ça lui, si un de ses amis en trouvait une, il serait content pour lui. Et au moins, il pourrait en voir une vraie de prêt et avec un peu de chance, la prendre dans ses mains, la toucher... Il rouvrit les yeux à peine quelques secondes plus tard, reprit une posture normale, regarda son panier et sans un regard en arrière continua son chemin dans le dédale de friandises.

Quelques pas plus loin, le jeune Iluvatar s'arrêta devant le présentoir de nouveautés. Les couleurs chatoyantes attiraient inévitablement le regard et l'affiche publicitaire ne vous donnait qu'une envie: prendre un de ces carrés multicolores, le mettre dans sa bouche et voir ce que ça donnait. Les yeux brillants d'envie, il regarda plus attentivement, approchant inconsciemment sa main pour ajouter à son panier un "Arc-en-ciel en fusion" avant de stopper net son geste, ses yeux ayant malencontreusement glissés jusqu'au petit encart indiquant le prix. Le sourire qui étirait malgré-lui ses lèvres s'envola avec la rapidité de l'éclair.

"Mais c'est du vol!" S'indigna-t-il.

Il se tourna vers Gauvain, puis de nouveau vers le prix. Non, il n'avait pas rêvé. Revevant de sa surprise, le garçon se renfrogna.

"Pff en plus ils ne disent même pas quels en sont les effets... si ça se trouve, c'est une arnaque pure et simple. Je préfère garder mes derniers galions pour chez Zonko. Je ne sais pas toi, mais moi j'ai tout ce qu'il me fallait, je vais payer."

Drapé dans sa dignité, le jaune et noir vint ajouter sa personne à la file d'attente menant à la caisse. En réalité il était un peu vexé. Il aurait bien aimé être le premier à tester l'Arc-en-ciel en fusion, seulement son prix ne le lui permettait pas. Il n'avait pas honte de ses origines moldues, loin de là, seulement parfois il lui arrivait brièvement de regretter que son père n'ai pas un meilleur métier. Il secoua la tête et se traita mentalement d'idiot. Ce n'était pas le moment de penser à son père et à sa mère, surtout qu'il n'était pas à plaindre, il avait quand même assez d'argent de poche pour s'offrir des sucreries. Tant pis pour le carré multicolore, ce serait pour la prochaine fois, et comme ça au moins, il saurait de ceux qui en aurait ramené à Poudlard si ça en valait la peine...

Soudainement, il sembla que Rolas fut pris d’une envie insurmontable d’aller au petit coin, car il commença à devenir tout rouge et à gigoter bizarrement, sautillant d’un pied à l’autre comme si des strangulots invisibles essayaient de piéger ses chevilles afin de l’attirer dans les méandres du carrelage du magasin. Puis d’un coup, tout cessa et le phénomène fut remplacé par un large sourire sur le visage du Poufsouffle, avec un léger filet de bave au coin des lèvres, suivi d’un rire nerveux.

« Il s’est fait dessus », pensa Gogo avec horreur, avant que son cousin ne le rassure un minimum en expliquant les raisons de son comportement sous le couvert d’une joie intense. Mais le doute planait encore, et si une étrange odeur devait soudainement emplir le magasin, remplaçant celle du sucre, gommant le massepain et annihilant le miel, il ne faudrait pas en chercher trop loin la cause. Serrant la main tendue de son aîné en restant cependant à distance respectueuse (on ne savait jamais), il répondit la formule traditionnelle,

- Marché conclu !

Et le shopping gourmand continua. Bien mieux que de se balader dans le Chemin de Traverse pour regarder des vitrines de fringues… Ici au moins, il y avait des choses intéressantes à voir, et même à acquérir si le cœur, et surtout l’estomac, vous en disait. La preuve, Rolas sembla avoir trouvé une nouvelle proie à ajouter à son panier, un machin carré et multicolore qui ne tentait pas trop le Serdaigle. Trop de colorants, probablement. Et c’était peut-être juste un gâteau, ce qui ne justifiait pas le prix effectivement élevé qui en était demandé et qui révoltait ouvertement le blaireau.

"Pff en plus ils ne disent même pas quels en sont les effets... si ça se trouve, c'est une arnaque pure et simple. Je préfère garder mes derniers galions pour chez Zonko. Je ne sais pas toi, mais moi j'ai tout ce qu'il me fallait, je vais payer."

Pendant qu’il se dirigeait résolument vers la caisse, le petit cœur de Gogo se serra en contemplait l’air déçu et dépité de son cousin. Sa décision fut vite prise, il ajouta deux carrés dans son panier et alla également régler ses achats avant de rejoindre Rolas qui l’attendait à l’extérieur. Avec un sourire mutin et d’un geste légèrement théâtral, il sortit une des deux friandises géométriques de son sac et la lui tendit.

- Bon anniversaire !

A nouveau, le même air ébahi prit possession des traits de Pouffy, ce qui rassura un minimum Gauvain sur l’événement dans le magasin et l’intégrité du slip du jaune et noir. Avant qu’il ne puisse objecter quoi que ce soit, il continua, tout en sortant le second carré du sachet,

- je sais, je sais, c’est pas aujourd’hui. Prends juste ça comme acompte sur ton prochain annif ! Et puis, c’est plus sympa de tester ça ensemble, histoire d’échanger les impressions, non ?