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| - William J. Craig
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| Sujet: SOS amitié ? (Terminé) Jeu 29 Oct - 16:57:10 | |
| Plof ! Une boulette de papier imbibée d'encre vint frapper William en plein front, sans susciter d'autre réaction qu'un regard torve à l'envoyeur – Peeves, bien entendu. Manifestement déçu, l'esprit frappeur tenta sa chance deux autres fois, mais l'adolescent, installé dans le renfoncement d'une fenêtre, ne semblait pas disposé à sortir de sa léthargie, ce qui en faisait une bien piètre victime. Peeves lança quelques jurons bien sentis, avant de se ruer à la poursuite de deux élèves de première année – une Serdaigle un peu grassouillette, et une Poufsouffle osseuse, deux amies inséparables connues dans l'école sous le délicat sobriquet de « la ronde et la pointue ». Toujours aussi morne, William regarda Peeves les cribler de boulettes d'encre en les traitant de divers noms pittoresques ; ce spectacle, comme tout ce qu'il voyait, n'entraîna chez lui aucune réaction. Peeves et ses victimes tournèrent le coin du couloir, et le roux se rencogna contre le mur, en proie à une terrible lassitude. Les journées se traînaient en longueur, les semaines passaient à la vitesse d'un escargot paraplégique, le trimestre ne se terminerait jamais. Les devoirs s'accumulaient, et William avait le sentiment de ne plus exister que pour travailler. Enfin, pas seulement : les retenues aussi dégringolaient sur sa pauvre tête, et pas des gentilles petites retenues pliées en une heure. Les Carrow n'avaient pas apprécié la résurrection des BR, et ils le faisaient savoir de toutes les façons possibles, de préférence les plus douloureuses... ou les plus humiliantes. Sans Page, le rouquin aurait probablement fui l'école, d'une façon ou d'une autre ; mais la petite Irlandaise savait trouver les mots pour le réconforter, et il ne se voyait pas la laisser affronter seule les deux affreux. Il s'efforçait donc de tenir bon, mais tout en sentant une terrible fatigue physique et surtout morale l'envahir ; il avait de moins en moins envie de résister, et en venait parfois à espérer, en se couchant, ne pas se réveiller.
Ne pas se réveiller, rejoindre sa mère – puisque de toute façon, tout le monde semblait penser qu'il ne méritait pas mieux – et cesser de s'inquiéter pour sa famille... Il ignorait totalement ce que devenaient son père et sa soeur ; Carrow lui avait interdit de leur écrire, et il était soumis à une surveillance qui rendait impossible de contourner l'interdiction. Il en était réduit à guetter les allusions dans les propos de Précieuse McLane, et se disait avec fatalisme que si quelque chose arrivait aux siens, elle se ferait une joie de le lui annoncer... Il se raccrochait comme il pouvait à cette certitude, sans oser la formuler réellement ; si McLane avait su à quel point le rouquin attendait avec anxiété la moindre de ses paroles, elle en aurait été trop heureuse... Plutôt mourir que lui donner un motif de se réjouir. Mourir, oui...
Un bruit de porte, plus loin dans le couloir, ramena William à l'instant présent. Il cligna des yeux pour se forcer à penser à autre chose, et tâcha de se concentrer sur le livre ouvert sur ses genoux. Des potions. La matière était un peu moins pénible depuis que Rogue ne l'enseignait plus, mais les calculs fastidieux et les règles compliquées étaient toujours là pour empêcher le rouquin de s'y retrouver... Il relut sans rien y comprendre une série de théorèmes (Slughorn avait annoncé un devoir pour le cours suivant) et son regard se bloqua sur une illustration, sur la page d'à côté. Le dessin représentait la façon de disséquer un crapaud pour prélever de la bile. Un crapaud vivant... mais quelle horreur ! L'horrible illustration avait réussi à provoquer une réaction chez William ; écoeuré, il referma le livre d'un coup sec, en maudissant la sorcellerie et les sorciers. Tous des tordus, tous des monstres... Découragé, il prit sa tête entre ses mains et ramena ses genoux contre son front. Qu'est-ce qui le retenait de retourner chez les Moldus, déjà ?
Dernière édition par William J. Craig le Lun 8 Fév - 22:34:20, édité 1 fois |
| | | - Isaac Deniel
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| Sujet: Re: SOS amitié ? (Terminé) Jeu 24 Déc - 16:31:38 | |
| Oh ! Noël approchait, on avait planté un sapin décoré dans le hall, les murs de la grande salle brillaient, parés de leur plus belles guirlandes et son reflet éteint le fixait à travers une boule argenté. Elle paradait au bas de l’escalier, sur une couronne stupide en forme de cœur. Il n’avait pas envie de lui sourire. Elle était, comme toutes les autres, l’élément de trop, l’horreur du décor. Sa main s’avança, il la détacha, la fit tourner entre ses doigts puis les referma brutalement. La sphère de porcelaine craqua, se fissura, et brisa ses courbes, en miettes tranchantes au creux de sa paume. Pourquoi ne rayonnait-il pas de joie ? La neige virevoltait derrière les vitres, les couloirs sentaient le pain d’épice, des chants traditionnels se faisaient écho, entre les conversations légères des élèves. Cette année s’achevait comme les autres, avec un bal, une sortie à Pré-au-Lard, la liste des cadeaux à offrir et recevoir. D’habitude, il ne manquait jamais d’enthousiasme. Il fallait préparer une soirée mémorable, passer en revue les objets indispensables qu’il ne possédait pas encore et attendre, confi d’impatience, le dénouement, les retrouvailles autour d’une hanoukkia, les réveillons où l’on se disputait pour se réconcilier à minuit au pied du sapin. Les fêtes de fin d’années ne manquaient pas de charme. Elles évoquaient les souvenirs d’une enfance lointaine, bercée par la magie des petits rituels. Il voyait sous les bris argentés les enluminures des vitrines à jouets, les chants, les contes et les dessins animés qui sortaient, pour eux, au cinéma. La douce époque. Quand remonterait-il le temps ? Il ne reconnaissait plus son double candide, il haïssait le préadolescent futile de l’hiver dernier. Qui était-il ? Il lui semblait qu’il avait changé du jour au lendemain. Ou, plutôt, qu’il était passé du Tout au Rien. Il n’avait envie de rien. Des questions plus graves se posaient, et ses camarades l’oubliaient. Ils s’en fichaient. Tu crois que ça va lui plaire ? Au pire, ils s’aveuglaient, encore quelques semaines, avant de pleurer. Il ne me reste plus qu’un cadeau à trouver ! Vite. Il fallait se dépêcher, rire, chanter, danser, courir les boutiques pendant que les politiques œuvraient dans l’ombre. L’empire de paillettes était un rêve. C’est une joyeuse fête pour le peuple, disait une chanson. Mais les vraies festivités commenceraient à la rentrée. Chag simchah, hou laam.
Isaac inclina sa main. Les bouts étoilés s’éparpillèrent sur le tapis. Un air d’Hanoucca, celui des toupies de bois, tournait tristement dans sa tête. Lent et mélancolique il avait la saveur des temps insouciants qu’on ne rejoignait jamais. C’était beau, mais terrible, à vous fendre un cœur qui se croyait de pierre. Sevivon sov, sov, sov. Ses grands-parents allumeraient bientôt la première bougie, et il n’avait plus aucune nouvelle d’eux. Une lettre de ses parents arrivait de temps en temps, il leur répondait comme si tout allait pour le mieux, négligeait le reste de sa famille. La tête n’y était pas. Feindre auprès de ses géniteurs était assez pénible. Il préférait le silence. Si je ne dis rien tout va bien. Surtout, ne vous inquiéter pas. Je vois les os à travers ma peau, pire qu’avant. L’infirmière m’a récupéré plusieurs fois, dans un état affolant. Mais ce n’est pas très grave. Je me suis découvert une nouvelle passion pour la torture, vous devriez essayer, on y prend vite un pied d’enfer ! Oui, on s’habitue à la douleur, aux sortilèges à la chaîne, aux brûlures, aux cicatrices, et même aux humiliations. L’exploit demandait une grande préparation, il ne s’improvisait pas sur commande, Isaac l’avait compris tout de suite. Au lieu d’affaiblir, chaque coup devait endurcir l’âme. Tant que l’esprit tenait, le corps pouvait tout endurer. Tout en lui était lourd, vide et froid. C’était le prix à payer. Parfois, il regrettait l’amertume des larmes. Sevivon sov, sov, sov. Les jours ne s’arrêtaient jamais. Il fallait les affronter la tête haute, le regard fermé. Pourquoi ? Pourrait-il un jour se retourner, avancer dans l’autre sens, celui qu’il avait quitté en septembre ? Il avait frappé fort en trompant Alecto Carrow afin de faire circuler dans le château un devoir qui se moquait ouvertement de ses idées arriérées. Deux semaines punitives avaient, semblait-il, atténué ses ardeurs. En réalité, il désespérait de voir que ses camarades appréciaient les gestes sans se soulever. A quoi bon ? Sevivon sov, sov, sov. Il vacillait désormais, prêt à s’effondrer. On ne le voyait presque plus en cours. Un devoir ? Quel devoir ? Pour quel avenir ? Il n’arrivait plus à travailler. Le syndrome de la page blanche ne l’habitait plus, puisqu’il avait renoncé. Mais il allumerait une bougie pour des grands parents dans trois jours. Sevivon sov, sov, sov, Hanoucca, hou chag tov.
Un livre sous le bras, il montait les marches à la recherche d’un couloir dépeuplé où se poser. Trop de Serpentard se rassemblaient dans la salle commune à cette heure. Il ne voulait voir personne, et même ses meilleurs amis n’osaient plus l’aborder. Les présences lui pesaient, parler était un défi impossible. La voix se bloquait au fond de sa gorge, les nerfs se crispait, il ne savait pas faire semblant. Alors des mots tranchants tombaient, le coupaient du reste du monde. C’est fini, adieu, je ne suis plus des vôtres. Soudain, il se réfugiait dans les lectures. Il lui fallait trouver des réponses, explorer l’histoire du monde sorcier qui, à chaque page, lui prouvait qu’il avait raison de s’opposer au régime de Carrow. Ses notes s’accumulaient. Il dressait un procès à son usage. Si les ennuis le frappaient à nouveau sa défense serait impeccable. Le caractère despotique de ses adversaires importait peu, tant que ses arguments touchaient des points sensibles, en soulevant des fonds terribles de vérité. On ne s’engageait pas dans une lutte sans connaître son sujet sur le bout des doigts. Cette obsession le maintenait en vie. Il y avait toujours un ouvrage à découvrir, et, à l’intérieur, des lignes capables d’alimenter sa révolte fatiguée. Mais que ferait-il de toutes ces connaissances ? Son imagination, elle aussi, rendait doucement les armes. Pourtant, quelques élèves avaient réagi à travers la presse. Des articles, de temps à autre, se faisaient les porteurs d’un message contestataires. Evidemment, ils restaient anonymes. Facile de protester dans l’ombre, il n’y avait que les BR pour assumer leurs noms, et les BR morflaient depuis un mois dans le bureau des enseignants. La libre pensée n’était plus gratuite.
Absent, il se mit à fredonner d’une voix monocorde l’air de sevivon. Sa grand-mère le chantait souvent à cette époque, ils le jouaient ensemble au piano, et ça le rendait plein de fierté. Comme la toupie, il voulait tourner à s’en donner la nausée, les bras écartés, au milieu des chandelles enguirlandées. Le couloir n’était qu’une allée vide d’obscurité et de lumières. Son livre glissa dans un bruit sourd. Un mouvement s’esquissa au loin. Là, au fond, un autre isolé jouait les exclus. Isaac se tut. Il ramassa le livre, s’approcha en trainant des pieds. La chevelure rousse du garçon était reconnaissable entre toutes. William Craig, la victime de service affichait, à son instar, une mine au déclin. Au début de l’année, le malheur les avait rapproché, mais le Serpentard n’avait pas essayé de développer cette complicité naissante. Elle s’était enlisée au fil des semaines. Ils s’appréciaient sans le dire, souffrait en silence, tandis que, par une entente tacite, ils savaient qu’en cas de problème, l’autre serait forcément là, prêt à prendre pour l’autre, ou à sombrer avec. Que faire de plus ? Ils ne se connaissaient pas. Face à lui, Isaac n’avait aucune idée de ce qu’il pourrait bien lui dire. Et il avait envie de s’exprimer tout à coup. Il n’aimait pas voir le Gryffondor dans cet état, admirer, comme les autres, les plaies ouvertes laissées par les tortures des Carrow. - Salut…, souffla-t-il en se laissant glisser le long du mur. J’ai bien aimé l’article de la Gazette. Autant parler sans détours, quand un simple « ça va ?» donnerait une réponse forcément négative. Les mots lui manquaient. Avait-il besoin de rester ici alors ? Peut-être que la solitude lui pesait. Il serra son grimoire contre lui et posa, las, son menton sur la tranche de la couverture usée. |
| | | - William J. Craig
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| Sujet: Re: SOS amitié ? (Terminé) Ven 25 Déc - 22:52:50 | |
| Les mains appuyées sur les oreilles, William n'entendait plus rien que ses propres battements de coeur. Étonnant comme ça pouvait être têtu, un coeur. Bien souvent, l'adolescent s'allongeait sur le dos, concentré sur son pouls, en se disant que s'il insistait, le coeur finirait par s'arrêter tout seul. Mais l'organe ne comprenait pas ce que l'on attendait de lui, et il s'obstinait à battre, avec cette régularité écoeurante, fidèle au poste, comme une horloge stupide... Mais une horloge, lorsque cela ne servait à rien, on pouvait l'arrêter. Cesser de la remonter, ou enlever la pile, et le tic-tac exaspérant se taisait... Le coeur, lui, refusait de se taire, de se contraindre à l'immobilité. Bientôt, les battements trop réguliers eurent raison de la patience de William ; il redressa brusquement la tête, déplia ses jambes, et rouvrit son livre en faisant plus de bruit que nécessaire pour ne plus entendre ce pouls obsédant. Quel besoin ce coeur idiot avait-il de palpiter, alors même que son propriétaire souhaitait plus que tout qu'il s'arrête en douceur ? Comme celui de sa mère... Ou plutôt comme il imaginait que s'était arrêté celui de sa mère : dans son sommeil, dans une longue sieste bercée à la morphine, en paix. L'adolescent avait pu voir la défunte, et il en avait retenu l'expression paisible, délivrée, preuve qu'elle avait cessé de souffrir... Elle était partie tout doucement, sans douleur, les infirmières le lui avaient dit en lui tenant les épaules lorsqu'il les avait heurtées en quittant la chambre à toutes jambes. Les images lui revenaient en boucle ces derniers jours – le coup de téléphone, l'air affolé d'Andrew, les enfants priés d'aller boire un thé... Puis cette infirmière corpulente qui était venue les trouver, la mine grave, pour leur annoncer que leur mère « était partie » et que leur père s'était effondré, miné par le chagrin, et qu'il devrait passer la nuit en observation... Le frère et la soeur avaient pu rendre un dernier hommage à leur mère en attendant que leur oncle vienne les chercher et les emmène chez lui. Sur la route, William s'était étonné, en silence, que la vie continue alors que le monde venait de s'écrouler. Au premier feu après l'hôpital, deux adolescents s'enlaçaient. Une vieille dame coupait du pain en petits morceaux et le jetait aux pigeons de la place. Dans la rue calme où vivait l'oncle, un petit garçon apprenait à faire du vélo sans roulettes. Comment tous ces gens pouvaient-ils vivre comme si rien ne s'était passé ? Le roux avait eu envie de baisser la vitre et de leur crier la vérité, mais il savait que cela ne servirait à rien. La mort de sa mère ne leur faisait ni chaud ni froid, et pourtant c'était la chose la plus importante du monde...
Il fallait arrêter ce défilement de souvenirs, vite, ou ce serait l'enterrement, les condoléances, le sinistre repas après la cérémonie où sa tante avait insisté pour qu'il mange, comme si on pouvait encore manger après ça... Incapable de trouver une autre échappatoire, William s'avança légèrement, et expédia un violent coup de poing dans le mur, face à lui. La douleur chassa aussitôt les souvenirs, et le roux poussa un juron ; il avait oublié la brûlure laissée par l'un des Carrow sur le dos de sa main, et les larmes lui étaient venues aux yeux lorsqu'il avait frappé. Quel idiot, vraiment ! À nouveau, il referma son livre, et le jeta près de lui, désemparé. Lire n'avait aucune saveur. Rien n'avait plus de saveur, pas même l'air frais dans ses poumons. Il renversa pourtant sa tête en arrière, et inspira de profondes goulées de cet oxygène dont on disait qu'il était trop précieux pour lui...
Quelqu'un s'avançait, quelqu'un que le contre-jour ne lui permettait pas de reconnaître. Un élève, vu la taille, quelqu'un d'aussi las que lui, vu la démarche. Il fallut encore quelques pas pour que William identifie Isaac Deniel. Isaac. Des bribes de catéchisme lui revenaient parfois lorsqu'il voyait ce garçon au prénom biblique ; l'histoire du sacrifice d'Abraham avait de quoi marquer l'esprit d'un enfant, et Deniel avait fait resurgir le souvenir de cet épisode. Il était lui aussi promis au sacrifice, non en signe de soumission à Dieu, mais à une idéologie nauséabonde. Quel Dieu donnerait un remplaçant pour qu'Isaac ne soit pas sacrifié, à présent ? Les vieilles leçons de catéchisme étaient bien loin, désormais, aussi loin que Dieu lui-même, un Dieu avec qui William avait coupé tous les ponts. À quoi bon s'obstiner ? Tout démontrait, sinon son inexistence, du moins son indifférence. Et l'indifférence était monnaie trop courante à Poudlard pour aller la chercher ailleurs, auprès d'un hypothétique Très-Haut. Indifférence, hypocrisie, cruauté avaient laissé leurs marques sur le visage fatigué d'Isaac, au moins autant que sur celui de William. Les deux garçons n'étaient pas devenus des amis, mais ils savaient qu'ils partageaient beaucoup de choses – à commencer par la souffrance – et une estime muette les liait désormais. Ce n'étaient que regards fugaces, saluts murmurés, signes à peine perceptibles et, la plupart du temps, rien, pas le moindre indice de connivence, juste la certitude d'être dans la même galère. Ils ne se parlaient guère, mais ce silence procédait de l'estime, précisément... Mais aujourd'hui, Isaac semblait décidé à parler. Il n'accordait plus cet honneur à grand-monde au château, et William lui adressa un sourire morne lorsqu'il parla de l'article dans la Gazette. L'article qui leur avait valu, à Page et lui, un mois de retenue avec les horribles.
-Ça t'a plu ? fit-il d'une voix faible, un peu enrouée par un long moment de silence. Tu es bien le seul... enfin, au moins, tu es le seul à le dire. Ça fait plaisir de voir qu'on se fait pas massacrer pour rien.
Dans l'ambiance détestable du collège, personne n'avait osé dire aux deux rouquins que leur article était bien, de peur de partager leur punition ; Isaac était le premier, le seul assez courageux pour prononcer ces quelques mots. L'un des seuls, aussi, à ne plus rien avoir à perdre. Lentement, le sourire du roux s'effaça, comme un matériau malléable reprend sa forme initiale après une pression. Sourire n'était plus une habitude, et le visage se tendait curieusement, presque douloureusement. Le garçon posa un regard attentif sur Isaac, songeant à leurs points communs, et proposa en s'écartant un peu :
-Tu veux t'asseoir ? C'est pas le summum du confort, mais au moins on est tranquille ici. |
| | | - Isaac Deniel
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| Sujet: Re: SOS amitié ? (Terminé) Lun 28 Déc - 17:59:07 | |
| Les malheureux se reconnaissaient entre eux. Il y avait, au fond de leurs yeux ternes, le vide authentique de la douleur, un sentiment intime, terrible et pesant qu’on ne pouvait comprendre sans l’avoir éprouvé. Le grand sensible d’opérette, chrysanthèmes et Lamartine écorné à la main, dira que sa souffrance ne ressemble à aucune autre, elle est unique, exceptionnelle, sublime dans son horreur. Elle devient le plaisir du narcissique illettré. L’absence d’esprit se dissimule sous un cœur grossièrement écorché. Isaac surprenait ces usurpateurs tous les jours. Ils guettaient les tragédies des autres, feignaient de les écouter, et étalaient la leur, imposaient le « Moi ». Tu sais, moi aussi une fois… Ta mère est morte ? Oh, j’ai perdu mon grand-père au début de l’année, une bien triste histoire. Le concours était lancé. Il fallait s’incliner, écouter, ou trouver pire. Mais on ne parlait pas du pire, en général. Pendant que les pauvres camarades de classe se plaignaient des derniers interdits parentaux les cris déchirants des élèves torturés ne quittaient pas les salles de détention. Quelles épreuves enduraient-ils ? Des rumeurs couraient, l’imagination morbide donnait les réponses aux curieux qui osaient, de temps à autre, ouvrir les yeux sur les châtiments des Carrow. Les suppositions effleuraient la réalité, le sadisme des bourreaux en moins. Elles révisaient les classiques, la brûlure d’un doloris, la morsure du fouet. Jeté au hasard d’une conversation collégienne les sévices effrayaient peu. On évitant de pousser les réjouissances sanglantes plus loin, aux confins de la barbarie, et on préférait, tout simplement, garder ses distances avec les punitions. Que les rebelles endurent et supportent semblait presque normal. Ils se réservaient le plaisir de pleurer sur un cadeau raté à la rentrée.
Isaac n’était pas un maudit du Ciel condamné à l’errance mélancolique. Ceux-là ne faisaient jamais rien. Les éternels dépressifs se lamentaient dan leur coin, les autres tenaient salon en brandissant des crânes à bout de bras. C’était un style de vie. Il fallait un public pour supporter le poids du monde qui pesait sur les épaules de la victime du destin. Mais, las d’entendre les mêmes histoires, et de répéter les mêmes choses afin de ne pas blesser l’artiste, il se renouvelait souvent. La distraction devenait perte de temps. Cependant, les êtres laminés n’existaient pas. On les niait dans le meilleur des cas, ou, le rejet instinctif tirait des sourires mauvais, et la plèbe se moquait faute de comprendre, parce que le mépris allégeait la conscience. On ne devait rien à un individu exclu du groupe. Isaac analysait cette attitude avec une cruelle lucidité. Il la pratiquait encore l’année passée. Les gens mal l’ennuyaient. Franchement, il avait mieux à faire que s’inquiéter de l’anorexie soudaine de sa voisine et des cicatrices significatives aux poignets de ce Serdaigle asocial de sixième année, mystérieusement porté disparu depuis la fin des vacances d’été. Oui, les jours n’étaient pas toujours faciles, des existences s’affaissaient d’années en années, des âmes erraient sans foyer où se poser, d’autres glissaient dans la folie et les plus désespérées mourraient. Il comprenait cette réalité, mais, à l’époque, elle ne le concernait pas, elle ne l’atteignait pas. Ferait-il plus d’efforts à l’avenir, s’il survivait ? Non, il arrivait encore à se donner raison. Personne n’avait à se soucier de lui. Il se battait pour sauver un monde où des milliers de vies formaient des projets d’avenir qu’un système tyrannique arrêterait sous peu. Ça ne changeait rien. La douleur ne dénaturait pas les caractères, elle leur donnait plus de nuances et de sensibilité quand elle ne provoquait pas des esprits frustrés à l’égoïsme exacerbé. Le Serpentard oscillait entre les deux états, le dernier pour les jours révoltés, où il rêvait d’assassiner le monde entier, et le premier lorsqu’il rencontrait la prostration muette d’un compagnon. Avant il s’en fichait. Mais là, pourtant, elle l’appelait et dépassait la rationalité. Si les pensées étaient différentes, la souffrance ne changeait pas. Elle ne se décrivait pas. Ceux qui la portaient savaient.
C’était à la fois accablant et réconfortant d’approcher un camarade marqué. William ne le jugerait pas, il était de l’autre côté, lui aussi, parce qu’il s’était opposé à une autorité qui le stigmatisait. Quoi de plus normal n’est ce pas ? Mais tous les nés-moldus n’avaient pas eu le courage de faire entendre leur voix. Il y avait eu les protestations en cours, et ce guide de survie qui se riait délicieusement de leur situation. Les philosophes des lumières l’avaient compris deux siècles plus tôt, à l’oral comme à l’écrit, l’ironie était la meilleure des armes. On se moquait plus aisément de faits aberrants. Malgré ses critiques acerbes, Isaac réagissait de la même façon, avec, il l’accordait, moins d’humour et plus de cynisme. La suite n’était qu’une question de style. Les quelques feuillets, parus le mois dernier lui avaient, un instant redonné le sourire. On voulait faire croire aux élèves que la situation minait que la joie maquillée de Noël les apaiserait. C’était ridicule. Les libelles avaient bien plus de portée. Grâce à leur provocation d’autres plumes caustiques s’étaient éveillées. Trois articles subtilement caustiques avaient été publiés depuis. Et, en comparant la teneur des textes, il semblait que trois personnes différentes se soient prêtées à l’exercice. Peut-être que Poudlard se réveillait doucement. Mais écrire sous couvert ne suffisait pas. Après avoir instillé le doute chez les lecteurs, des actions plus tangibles devaient être menées. Les idées resplendissaient sur le parchemin. Pour les appliquer en revanche le chemin n’était pas toujours très beau, et le détour était impossible. On n’éradiquait pas le mal avec des kilomètres de bons mots. William disait que son article n’avait donné aucun retour. C’était bien la preuve que personne n’était près à risquer sa tête. Il lui rendit un sourire sans joie, étrangement détaché du reste de son visage et se rapprocha de lui, le dos plaqué contre le mur froid du couloir, les jambes pliées devant lui.
- ‘Manque plus qu’un vieux carton avec un message désespéré bourré de fautes à nos pieds…
La mine morne et creusée, ils avaient l’air de deux clodos réduits par une vie de misère. C’était pitoyable. Isaac se moquait d’une voix grinçante. Au fond, ce n’était même pas drôle. Il avait davantage envie de pleurer en songeant à ce qu’il devenait. Quatre mois à Poudlard l’avaient complètement ravagé. Alors, passant d’un état à l’autre, il laissa basculer sa tête sur l’épaule du Gryffondor.
- Ceux qui se feront massacrer ce sera tous ceux qui se terrent, morts de trouille, dans l’ombre. Les sang de bourbe en tout cas. Parce qu’on les épargnera pas. Votre article c’est, je crois, la dernière chose qui m’a fait rire. Ça commence à remonter. Mais j’ai vu d’autres textes ambigus depuis. Je crois que ça a donné envie à certains de faire un geste, c’est déjà ça. Des auteurs anonymes. J’sais pas si ça sert à grand-chose, ceci dit, quand on voit la nouvelle ligne éditoriale du canard c’est toujours ça de pris…
Monocorde, le discours faisait retomber chaque étincelle d’espoir. On ne saurait dire s’il se voulait rassurant ou juste désabusé. Isaac ignorait ce qu’il devait en penser. Peut-être parce qu’il essayait d’y croire sans y arriver. Quand il lisait le journal le matin, pour un article réjouissant une trentaine d’autres l’enfonçaient.
Dernière édition par Isaac Deniel le Ven 1 Jan - 18:22:25, édité 3 fois |
| | | - William J. Craig
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| Sujet: Re: SOS amitié ? (Terminé) Mer 30 Déc - 21:52:57 | |
| Depuis quelque temps, William avait soigneusement évité les rencontres, par trop déprimantes, avec les miroirs ; il se coiffait au jugé, arrangeait sa cravate au petit bonheur la chance et, lorsqu'il ne pouvait pas y couper, il prenait soin de ne pas regarder le reflet de son visage. Trop de bleus, de coupures, de brûlures... des yeux trop cernés, une expression trop lasse... Ce n'était plus son visage, ce n'était plus la peau laiteuse, les traits doux de l'adolescent paisible ; chaque parcelle portait la marque des représailles, ou de l'épuisement, ou du désespoir qui commençait à le submerger... En levant les yeux vers Isaac, il avait eu un instant de stupeur ; c'est à cela qu'il devait ressembler, ses joues devaient être aussi creuses, sa peau aussi marquée... Le Serpentard était comme un reflet de lui-même, et il était choqué de voir à quel point les semaines écoulées avaient marqué Deniel. Lui aussi flottait désormais dans ses vêtements trop amples, et un oeil exercé aurait pu jouer au jeu des différences entre les deux adolescents ; William promenait sur les environs un regard moins cynique, il optait pour des moyens d'expression moins spectaculaires, mais ils avaient subi le même châtiment... La coupure sur la mâchoire gauche de Deniel se retrouvait sur la tempe droite de Craig, le bleu sous l'oeil était plus grand chez l'un que chez l'autre... Menues différences, qui faisaient du Gryffondor et du Serpentard des compagnons de galère. Étrangement, William se sentait plus proche de ce Vert que de bon nombre de ses condisciples Rouges, qui se muraient dans un silence prudent et s'arrangeaient pour laisser à d'autres le soin de protester. Isaac, lui, avait clamé haut et fort son opposition, et il en avait payé le prix fort. Gâcher le bal, quel mauvais goût... gâcher cette belle fête si fraternelle, dans le plaisir de laquelle chacun était prié de communier et d'oublier les sévices quotidiens... Oser remettre cette fête à sa juste place de mascarade avait coûté cher aux deux coupables. On ne saccageait pas impunément la liesse populaire.
Un sourire désabusé passa sur le visage de William lorsque son comparse les compara à deux clochards ; l'image était bien choisie, ils avaient vraiment l'air de deux marginaux, et c'est d'ailleurs ce qu'ils étaient ; leur vie, comme celle des clochards des villes, ne tenait qu'au bon plaisir des autres. Aux uns on donnait une pièce, à eux on accordait la grâce d'une goulée d'oxygène dont ils étaient indignes... À mi-voix, le rouquin répondit à la suggestion de son compère :
-Je mettrais bien un panneau plein de fautes, mais ils trouveraient le moyen de dire qu'il est interdit aux impurs de faire des fautes, ou d'avoir des cartons... Déjà qu'ils nous autorisent tout juste à respirer...
Rappel douloureux d'une épreuve vécue en commun, sous la baguette d'Amycus Carrow ; Isaac et lui avaient suffoqué un bon moment sous les yeux de toute leur classe, privés de cet air réservé à des poumons plus purs. Ils n'en avaient jamais reparlé, et le roux ne comptait pas aller plus loin dans l'évocation : il n'aimait pas parler de ce qu'il subissait, comme, du reste, les autres victimes des Carrow. Une sorte de pacte muet les liait ; on savait ce que chacun endurait, mais on n'en parlait pas, quoi qu'il advienne... On parlait de chute dans l'escalier, dans la baignoire, comme les prostituées corrigées par leur souteneur... William tourna la tête vers la fenêtre tandis qu'Isaac parlait, avant de pousser un profond soupir.
-Je te trouve bien optimiste, lâcha-t-il enfin après un moment de silence. Les textes ambigus restent beaucoup dans le vague, à mon avis... C'est facile de faire des allusions lointaines, et de ne pas signer ses textes. Tu me diras que c'est mieux que rien, mais j'aurais espéré un peu plus de résistance...
Il avait parlé, tout comme Isaac, d'une voix morne, sans quitter la fenêtre des yeux. Lorsque le Serpentard avait posé sa tête sur son épaule, il n'avait pas bougé, pas cherché à le repousser ; il n'aimait pas les garçons, mais il savait bien que ce geste-là n'avait rien d'équivoque. On essayait simplement de partager une chaleur, des battements de coeur, un vague soutien qui donne l'envie de continuer. William se décida enfin à ramener sa tête, et il sentit les cheveux du brun sous son nez, une chatouille étrange à force d'être douce... Il avait oublié ce que l'on pouvait éprouver avec une mèche de cheveux soyeux sur le visage. Lentement, il dégagea son bras et le passa autour de l'épaule de Deniel, tout en reprenant :
-Franchement... C'est décevant de voir que tout le monde chuchote furieusement, mais que personne ne tente rien... C'est même pas décevant, c'est écoeurant... Ils sont très forts, très pleins de principes, mais pas au point de bouger quand même... J'sais pas chez toi, mais chez les Gryffondor, ça n'est bon qu'à parler... des minables, ils ne se rendent même pas compte qu'ils vont à l'abattoir comme des moutons...
Sa voix s'était faite basse, sourde, haineuse. Les beaux discours de ses camarades l'indisposaient au plus haut point, et il en venait à se dire que le prétendu courage des Lions n'était que bravade. |
| | | - Isaac Deniel
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| Sujet: Re: SOS amitié ? (Terminé) Dim 3 Jan - 1:56:14 | |
| Muet, distant, il dérangeait les biens-portants. Autour de lui l’air se glaçait, l’espace se réduisait comme si son corps, au lieu d’épouser la forme de ses os, s’enflait d’une centaine de kilos en trop. La souffrance rongeait de l’intérieur, laminait la chair, asséchait le cœur, les organes et anéantissait la certitude d’être en vie. Qui se posait la question d’exister ? Le mécanisme, des plus simples, était d’un naturel familier, un acquis de naissance. La bouche s’ouvrait, une voix, nouvelle, déchirait le monde, on respirait, on était. Depuis les origines, cette constante universelle ne lui avait jamais fait défaut. La poitrine raisonnait et se soulevait. Elle ne se lassait pas de son travail, fière ouvrière elle filait son ouvrage. Arrêter, c’était mourir. Mais Isaac n’avait plus l’impression d’habiter sa peau. Il était l’étranger, l’hôte d’un cadavre ambulant, une espèce de carcasse froide et grotesque, décharnée, faible et barrée de cicatrices. Plus marquantes sur son visage elles n’étaient pas en reste sous ses vêtements. Un autre lui, à une autre époque, admirait la beauté juvénile de sa stature. Il se trouvait désirable, sa taille était d’une finesse sans excès, son teint, ambré au soleil, gardait une note régulière, pleine de charme et de douceur. Avant la fin, il triomphait. Cette histoire ressemblait à un mauvais conte, celui du prince orgueilleux changé en loque humaine par la vilaine fée du royaume. Pour conjurer le sort, il n’y avait malheureusement aucune solution miracle. Il apprenait la survie, cette notion absurde qui ne se souciait que des capacités motrices. L’essentiel, ça vous faisait tourner en rond, comme une machine détraquée. Il effectuait des cercles parfaits. Un jour passait, un autre trépassait, et les poumons, avides, n’avaient pas encore renoncé à l’air. L’enveloppe, plus inutile, n’était qu’une façade délabrée. Isaac se négligeait. Et ce garçon étique, balafré, pâle et fatigué qui laissait des cheveux trop longs onduler sur son front, ce n’était pas lui. Celui là pouvait faire la manche, demander l’aumône, il avait l’allure de l’emploi.
En face, son reflet, un roux à cravate rouge, lui opposait une bien triste réalité. William avait, lui aussi, basculé dans ce monde éloigné qui avait la saveur du papier mâché, c’était d’ailleurs le goût de tous les aliments qu’il s’efforçait d’avaler. Plus personne ne les approchait tant les ravages étaient visibles chez eux. Les gens n’aimaient pas les changements brutaux. Il fallait toujours rester le même, maintenir intacte l’illusion de la non-évolution et, surtout, ne jamais descendre. Ne plus rayonner, c’était effrayant. Soudain, la lumière se coupait, on vous abandonnait là, contre un mur, au coin d’une rue, parce qu’on ne pouvait plus faire semblant. Entre un fou bien habillé et un mondain démuni, couvert de crasse et de haillons, on ouvre ses bras au fou. L’indifférence aux perdants. En un sens, ils avaient échoué, puisque, sans eux, Poudlard continuait de tourner. Pour les Carrow et le régime tout allait pour le mieux. Le ministère dépêchait même des inspecteurs en classe à présent, afin de condamner les comportements dissidents. Alors les enseignants se pliaient tous, et les élèves devaient suivre puisque, à moins d’un soulèvement commun, il n’y avait rien de grandiose à faire pour enrayer un système qui, chaque jour, se renforçait. Il avait cru que protester, dès le départ, était une attitude évidente. Combien avaient osé le faire ? A peine une dizaine. Les autres adoptaient la politique de la prudence. Pour qu’on les épargnât, ils étaient capables de suivre un cours en ignorant l’agonie de leurs camarades. Le souvenir du premier cours de défense contre les forces du mal lui infligeait un traumatisme tenace. Là, tout s’était écroulé. Il avait compris qu’il essayait de raisonner des imbéciles, des trouillards ou, majoritairement, une bande de je m’en foutistes en puissance. Tant que je vais bien je ne ferais rien. William l’avait-il ressenti de la même façon ? Il avait bien saisi son allusion. Un évènement sinistre les liait, plus sûrement peut être que leur condition de rejetés.
Sa tête se renversait sur l’épaule du Gryffondor, avec un naturel presque enfantin. C’était apaisant de ressentir, enfin, la vie d’un autre quand la fadeur vous envahissait. S’il n’avait pas voulu enfoncer trop violemment le clou, William le fit à sa place, et il avait raison. Il reformulait ses propos d’une manière plus brutale, dépouillée de tout faux semblant. Quelques semaines plus tôt, il en aurait fait autant. C’était bien la preuve qu’il était trop diminué. Il ne restait plus en lui qu’une ironie amère, pas une once de rage ou de colère. Ses espoirs le détruisaient à force d’être déçus. Son dernier coup d’éclat lui avait valu deux semaines de retenue et, de l’autre côté, un silence absolu. Si des articles vaguement détournés et non signés étaient tout ce qu’il avait pu provoquer, c’était à pleurer de rire au final.
- On fait beaucoup de héros avec des idées, dit-il d’une voix plus grinçante. On lit, on approuve, pendant un instant, on se sent partisan de la cause. Ça donne de beaux discours, de grands débats privés, des « il faudrait » qu’on ne fera jamais. Et devant les maîtres, ils feront tous la révérence. Ils ont bien vu qu’aller plus loin, c’était pas rien. Mais ils ont raison non ? Pourquoi risquer sa vie quand on pourrait être tranquille ? Nous on peut se le permettre, on s’en prendrait plein la gueule de toute façon.
Le bras de William se glissa derrière son cou et, ravi de l’invitation, il se colla un peu plus contre le garçon, en passant une main autour de sa taille. Contrairement à la plupart des individus de son sexe Isaac n’avait pas de barrière physique. Il ne redoutait pas d’être confondu avec ce qu’il était, un sale pédé de service. Mais, près du rouquin, il appréciait la douceur oubliée d’un contact humain. Les étreintes lui manquaient terriblement depuis que, libéré du carcan hétérosexuel, il s’y était habitué. Malgré son caractère teigneux, on le voyait souvent traverser un couloir bras dessous bras dessus avec une amie, et, à Poudlard, Alix pouvait confirmer qu’il était parfois difficile de se détacher de lui. Il n’avait jamais essayé de revenir vers son ex petit ami pourtant, alors que, chez lui aussi la souffrance était visible. L’été lui avait fait connaître d’autres choses, il préférait éviter d’instaurer une nouvelle ambigüité avec lui. Serré contre William il n’y avait aucun malentendu à redouter, du moins, il l’espérait. En fermant les yeux, il arrivait presque à se sentir bien, les joues réchauffés par la température discrète de son corps.
- Les Gryffondor y tiennent à leur courage d’apparat…, railla-t-il. Qu’ils se démarquent pas du lot, ça m’étonne même pas. Au moins ils ne s’aveuglent pas sur la situation, ils préfèrent s’aveugler sur la leur. C’est encore plus pitoyable en fait. A Serpentard, tu pense bien que personne ne dit rien contre le régime. T’as quelques crétins sang purs qui se pavanent et qui se croient tout permis. Par un accord tacite on se tient à distance des quelques moutons noirs de la maison, et si t’en as qui ne sont pas d’accord ils préfèreront se taire ou feindre, j’imagine, d’approuver. Et je me dis qu’il y a des chances pour qu’ils optent pour des articles anonymes ceux là. Ils feront des petites choses parce qu’ils ont l’habitude des coups en douce, des piques évasives… Mais de là à ce qu’ils se mettent à découvert, faut pas rêver.
La hargne aussi le gagnait. Parler des autres, de ceux de sa maison surtout, réveillait sa révolte. Il partageait sans doute le sentiment de William à l’égard des Gryffondor. A Poudlard, les verts et argents étaient devenu sa grande famille. Tous ensemble sous un blason, ils avaient appris à se respecter, à s’apprécier, à se soutenir les uns les autres. Ils aimaient les qualités qu’ils devaient incarner, elles les rendaient pleins de fierté. Or, les belles valeurs étaient à présent dignes du plus grand mépris. Les siens l’abandonnaient. Ils se cachaient derrière leur ruse, ou s’aveuglaient dans l’égoïsme le plus profond. Au lieu de l’aider, ils l’avaient rejeté… Un sourire acide étira ses lèvres.
- Chez toi ils font toujours semblant d’être de ton côté… A Serpentard je pourrais ne pas avoir existé ce serait pareil, c’est à se demander s’ils se souviennent que j’ai été leur préfet.
C’était plus facile de faire comme s’il n’existait pas. Ses amis s’étaient tous détournés de lui. Ils avaient essayé de revenir au début, bien sûr. Mais ils voulaient faire de lui un né-moldus à part, soutenir le système et le garder entre eux parce qu’il n’était soi disant pas comme les autres. Les autres, les Gryffondor, les minables, ceux dont on avait raison de se moquer et de vouloir leur malheur. La politique McLane n’était définitivement plus la sienne. |
| | | - William J. Craig
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| Sujet: Re: SOS amitié ? (Terminé) Mar 5 Jan - 13:01:55 | |
| Un courant d'air glacial s'engouffra dans le couloir, faisant frissonner William qui, instinctivement, se rapprocha encore d'Isaac. Il se sentait bien près de l'adolescent, malgré l'ambiguïté totale de leur situation : le Serpentard était notoirement homosexuel, et la proximité que lui offrait le rouquin risquait d'être mal interprétée... Comme si un homosexuel ne pouvait penser qu'à une relation forcément sexuelle, comme si les gestes de simple tendresse lui étaient par nature étrangers. Certains avaient même peur de parler aux gens “comme ça”, en murmurant, l'air effaré : “Je ne voudrais pas qu'il s'imagine...” Car il est bien connu qu'un homo, il suffit de lui dire bonjour pour qu'il vous considère comme une conquête potentielle... Si quelqu'un venait à passer par ce couloir, tout le collège saurait aussitôt que Craig et Deniel sortaient ensemble, alors qu'il n'en était rien. William n'avait aucune attirance pour les garçons, et il retrouvait simplement, auprès d'Isaac, le genre de câlins qu'il avait pu partager avec sa soeur. En tout bien tout honneur, sentir un autre coeur battre en écho au sien, une respiration se mêler à la sienne, partager quelque chose avec quelqu'un. Lorsqu'on se sentait étranger au monde, la moindre occasion de se rattacher aux autres était bonne à prendre, même si cela devait déboucher sur des rumeurs idiotes dans l'école... Car Isaac, lui, ne s'y trompait pas ; il ne considérait pas William comme un partenaire potentiel, le rouquin en était certain, sans pouvoir dire clairement pourquoi, et il ne redoutait aucun geste ou parole déplacé. De toute façon, si Isaac était dans le même marasme moral que lui, il n'avait pas le coeur à draguer... Depuis la rentrée, le roux avait totalement cessé de s'intéresser à la gent féminine qui, du reste, le lui rendait bien ; les bleus n'étaient pas très attirants pour les filles, et la réputation de bouc émissaire du Gryffondor achevait de décourager les demoiselles. Qui aurait envie de sortir avec un garçon aussi tête brûlée, avec l'un des défouloirs attitrés des Carrow, avec quelqu'un dont les lèvres étaient régulièrement éclatées sous les coups ? Essayez donc d'embrasser quelqu'un avec des lèvres dans cet état, vous renoncerez vite.
Silencieux, William écoutait les paroles désabusées de son camarade, ses analyses froidement lucides – des conclusions auxquelles il n'osait pas parvenir explicitement. Oui, les Gryffondor étaient des bravaches, leur courage n'était que de façade, et la majorité des élèves de cette maison étaient pathétiques, comme le disait Isaac... Par une sorte de respect étrange, le roux s'était interdit d'en venir à de tels jugements, mais il devait admettre que le Serpentard avait raison. Et pourquoi en aurait-il été autrement, d'ailleurs ? Ils n'étaient que des adolescents, et l'appartenance à l'une ou l'autre maison de Poudlard ne faisait pas d'eux des héros chevaleresques... Les valeurs de chacune des maisons étaient une vulgate, on aimait à se croire machiavélique parce qu'on portait la cravate verte, ou brave parce qu'on portait la rouge, mais on restait l'individu médiocre et terne qu'on aurait été partout ailleurs... Seuls quelques naïfs, quelques idiots – et William en faisait partie – poussaient la sottise jusqu'à essayer de mettre les principes en pratique. Et Deniel était pire, puisque rien dans le catéchisme de sa maison ne l'obligeait à résister. S'il s'était tenu tranquille, il aurait pu vivre en paix dans ce château ; il aurait été le sang-de-bourbe officiel de la maison Serpentard : tous les racistes avaient besoin de leur Noir, de leur Juif ou de leur Arabe, la caution de leur respectabilité, et Isaac aurait pu jouer ce rôle de chienchien auprès des Carrow... Autant d'humiliations, mais moins de coups.
Que répondre à l'amertume d'Isaac, que dire qui n'ait pas l'air dérisoire après ses mots de plomb ? Le rouquin exhala un soupir, et renifla légèrement. Depuis quelque temps, il se sentait constamment au bord des larmes, et le fait de renifler lui permettait de les refouler momentanément. À nouveau, il tourna la tête pour regarder dehors, préférant se taire que répondre d'une voix qui, il en était certain, aurait tremblé de sanglots contenus. Après quelques instants, il sentit qu'il pouvait parler, que sa voix serait à peu près normale, et il lâcha :
-Je m'en fous bien de leur soutien. Ils peuvent faire semblant tant qu'ils veulent, ça ne me fait rien. À part Page, je me fous à peu près de tout le monde dans cette maison.
Les mots étaient tombés sèchement dans le silence du couloir, irrévocables, n'appelant aucune réponse ; quelques instants passèrent encore avant que le roux ose formuler ce qu'il n'avait encore dit à personne :
-En fait, j'ai qu'une envie, c'est de rentrer chez moi. Rester chez mon père, comme ça je serais pas sans arrêt à me demander s'il va bien... et moi, on me foutrait la paix. Enfin, j'espère...
Une vague nauséeuse de désespoir le submergea, et il se serra encore contre Isaac, les paupières fermement closes pour retenir les larmes qui commençaient à brûler. |
| | | - Isaac Deniel
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| Sujet: Re: SOS amitié ? (Terminé) Mer 13 Jan - 20:36:32 | |
| D’aussi loin que remontaient ses souvenirs à Poudlard Isaac avait toujours ignoré William Craig, préfet roux et insipide de la maison des lions. Leur statut de collègues l’année dernière avait laissé leurs relations dans une indifférence entendue. Serpentards et Gryffondors s’ignoraient tant qu’ils le pouvaient. Une rencontre malheureuse les avait rapprochés une fois, dans une cabine de toilette, et l’échange avait tourné court, sur un air de mauvaise humeur mâtinée de moqueries et d’insultes. Depuis, l’origine de la dispute était passée à la trappe, comme tous ces petits accrochages inutiles qui chaque jour séparaient les deux maisons. Il suffisait d’un rien, un mot de trop, une parole mal interprétée, un regard en biais pour qu’une discussion paisible dégénère. Soudain, il fallait en découdre, demander des comptes et l’emporter coûte que coûte. Le jeu ne s’arrêtait jamais. Nombreux étaient ceux qui avaient l’amour des conflits. Les scandales entretiennent l’orgueil. Les colères artificielles étant souvent un gage factice de force. On se retrouve au centre des attentions, on épuise dans ses conversations le thème sous tous ses aspects. Après la description de la scène, où la place du locuteur sera forcément avantageuse, viennent les moqueries entre amis. Tant qu’il reste quelque chose à raconter, l’orateur se sent intéressant. Une vie marquée par les disputes est « l’histoire semée d’embuches » des pauvres gens. Isaac participait de loin au grand combat. Il n’était pas comme les McLane ou Ange Dawster en rivalité réciproque avec les rouge et or. Son cas était pire : un rien le soulevait. Les éclats s’apaisaient très vite et il n’était plus question d’en parler. Il ne revenait pas sur une chose qui l’avait énervée. De toute façon, l’autre avait tort. Rien à ajouter. Les Carrow avaient définitivement calmé ses provocations en chaîne. Il avait perdu toute l’agressivité de sa verve. L’insistance pesante menait les derniers amuseurs de foule à l’étape supérieure, celle d’une baguette magique et crépitante fixée entre les deux yeux. A moins d’être un pro-sang pur, ravi de la situation, comment pouvait-on s’occuper de la guerre des blasons ?
Elle était enterrée, le lion et le serpent enlacés sous un même linceul. Les valeurs des deux maisons se délavaient, s’inversaient, se confondaient. Dans les bras l’un de l’autre, ils redevenaient les orphelins arrachés à leurs familles sur la voie 9 ¾. Le choixpeau n’avait pas encore scellé leur destin, défini les courageux, les rusés, les sages et les braves. Etaient-ils si différents finalement ? Les qualités des étendards n’étaient plus franchement respectées. Et les lions, ces héros, ces chevaliers de temps modernes, se terraient. William le constatait, Isaac l’appuyait, plus cinglant, exercé par une critique systématique des rouge et or au fil des ans. Tous des poseurs, prêts à invoquer leur prétendue hardiesse en toute situation. Courageux au point de tester les limites d’un brossdur en montant le plus haut possible, au point de provoquer trois loubards de Serpentard devant un public avide, au point de s’aventurer sur la glace fragile du lac en hiver et de rire au lieu de paniquer en l’entendant craquer. Ces fanfaronnades pathétiques perdaient de leur superbe aujourd’hui. Où étaient-ils, les sauveurs de l’école, alors que les nés moldus mordaient la poussière derrière des portes que les Carrow n’avaient même pas la délicatesse d’insonoriser ? Ils tremblaient, filaient têtes baissées. Défendre ses idées, soutenir les plus faibles face à des oppresseurs criminels n’était plus une joyeuse partie de rigolade. Pas d’honneurs ni d’acclamations, on héritait au contraire d’une série d’humiliations, et le mythe des disciples de Godric s’effondrait. Se battre, en vrai, était terrifiant. Les victoires se comptaient sur les doigts d’une main, les échecs s’oubliaient par centaine. Il n’y avait pas d’Elus en ce monde, juste un regard droit, un cran d’acier et une chance exceptionnelle. Une fois lancé dans la bataille, il ne reste que l’instant. Les vanités humaines sont oubliées, les rêves de gloire anéantis. Rester en vie devint la plus importante des promesses. Rester en vie, acclamé ou face contre terre.
Isaac n’avait aucune image à entretenir de ce côté. Les Serpentard étaient lâches par définition, idée reçue stupide chère aux Gryffondor qui de toute façon ne comprenaient jamais rien. Que valaient ces préjugés à l’heure actuelle ? Ils survivaient tous à la même enseigne. Au diable les fourberies, les petites combines avantageuses qui ressemblent à des fuites. Pour rejeter un système qui détruisait les votres, la ruse est un atout bien dérisoire, utile, mais limité. On ne lutte pas face cachée, en masquant tous ses petits méfaits. Une voix, puissante, assurée, doit s’exprimer. Trop de précautions ne mènent à rien, pour agir, on ne se protège jamais assez. Alecto Carrow l’avait mis à l’essai après son scandale en études des moldus. Elle comptait, sans doute, sur la mentalité corrompue des élèves de sa maison pour l’élever au rang d’exemple à suivre. On lui avait donné le choix, terrible, de ramper aux pieds des ennemis, incarner le nouvel idéal Sang de Bourbe tout en bénéficiant de la protection du service marketing, ou de perdre à jamais sa cause en s’attachant au discours interdit. Il avait joué le jeu au début. C’était une belle mascarade, une épreuve de crédibilité et d’intelligence comme il les aimait. Son endurance mentale avait menacé plusieurs fois de ployer, écœurée par la soumission de mauvaise foi qu’il s’imposait. L’idée de préserver son intégrité physique n’était d’aucun effet. Il préférait une heure complète de doloris aux sourires hypocrites de l’enseignante. Comment pouvait-on se satisfaire d’une telle condition ? Pour le bon plaisir d’une femme qu’il haïssait il niait tout ce qu’il était. Voyez madame, je ne suis qu’une brave petite victime, faible et apeurée, innocente et asexuée. La certitude de payer au-delà du supportable ses duperies le rassurait. Il le méritait. Et il ne tenait pas pour se sauver. Comment pouvait-on y voir là un motif suffisant ? En se disant que, plus tard, on se vengerait peut-être ? Dans un futur incertain, par une action indéterminée, un jour oui, la revanche viendrait. Mais la sienne, parfaitement calculée, ne pouvait pas attendre. Un mois plus tôt, le masque était tombé. A présent, il souffrait comme le garçon qui grelottait contre lui.
Ils n’avaient plus d’abris. Personne à qui se confier, personne à embrasser. Le vide était trop lourd pour supporter les jours. Mais William avait toujours Page. L’inséparable duo faisait front. Le temps n’avait pas gâté cette amitié qui avait vu naître les Br à l’époque d’Ombrage. Ils recommenceraient s’il le fallait, à deux, comme une même entité. Et lui, sur qui pouvait-il compter ? Il ferma les yeux, enfouit sa tête dans l’épaule du rouquin. Ses comparses lui semblaient tous plus stupides les uns que les autres. Lou avait été retirée du château, Ange s’était rapprochée de Megan qui, l’année dernière déjà avait osé l’attaquer sur son statut de sang, Alix lui en voulait, Nathan était le nouveau préfet et Précieuse ne comprenait rien. Ses amis se défilaient un par un. Que faisait-il ici ? Il se le demandait aussi. William avait murmuré la grande question. Les départs clandestins se multipliaient, ils pouvaient retrouver le monde originel, la technologie, les machines, le confort de la famille, l’amour des leurs, tout ce qu’ils avaient abandonné aux premières heures de l’adolescence. Chez les moldus, Isaac ne serait jamais perdu. Les plus grandes écoles de la capitale s’ouvraient déjà à lui. Il avait l’assurance d’une belle carrière, pleine d’accomplissements. Son milieu était celui des caprices. Il s’offrirait un métier, on lui paierait les succès. Ni ses parents, ni ses grands-parents ne le laisseraient échouer. Sa place était sûre au paradis sans magie. Ici, il marchait sur un fil, en équilibre sous le palais des maudits. Pourtant, il savait qu’il ne partirait pas. Il s’était fait violence pour aimer un univers dont il n’avait pas besoin. Poudlard l’avait construit, il refusait l’exil. Ce serait leur donner raison, accepter le fait qu’on ne veuille plus de lui. Le visage assombrit, il souffla après un silence pesant :
- C’est une solution. Tu rentrerais chez toi et quoi… ça leur ferait bien plaisir. – L’acidité rejoignait à nouveau son ton. - Même plus besoin d’organiser un système répressif si les nés-moldus se barrent tous d’eux même. Chacun chez soi n’est ce pas ? Le truc, c’est qu’on a jamais demandé à venir ici. – L’humour corrosif au bout de la langue il chantonna d’une voix légère : - C’est vrai quoi, on nous fait le coup de la lettre qui arrive par hibou t’annoncer que toi, pauvre petit moldu bien tranquille dans ton univers moldu, tu es inscrit depuis ta naissance dans une école de sorcier. Et on se retrouve là, à s’adapter à une culture débile avec des abrutis qui tous les jours te balancent en jouissant à moitié des « Quoi ??? Tu ne connais pas ?? ». – Il éclata d’un rire faux, volontairement exagéré, qu’il arrêta brusquement, un rictus mauvais au coin des lèvres. - C’est eux qui nous ont fait venir. Très franchement, à moins de vivre dans un taudis ou dans une famille de tarés, tu crois que tu serais plus malheureux aujourd’hui si rien de tout cela t’était arrivé ? On nous a dit que c’était une chance de naître avec des pouvoirs. Maintenant, je le crois. J’aime être un sorcier. Ils m’ont fait venir, je ne partirai pas. Et tant mieux si ça leur pose problème.
La faiblesse de William, au lieu de le toucher en retour, alimentait sa hargne. Il ne s’autorisait rien, son cœur avait la dureté du roc, les larmes s’arrêtaient dans sa gorge nouée. Face aux autres, il s’obstinait à passer pour fort. Non, il ne songeait pas quelques instants plus tôt aux fêtes de fin d’année, et à la chaleur d’un foyer qui lui manquait terriblement. S’il osait le murmurer, il sombrerait aussi. Le Gryffondor lui imposait une étreinte de plus en plus serrée. Le poids de son chagrin l’accablait. Mal à l’aise, il se tourna doucement et le prit entre ses bras en laissant ses doigts courir le long de son dos pour exprimer au toucher toutes les paroles qu’il s’interdisait. S’il renonçait à l’école ce n’était pas très grave, il comprenait la difficulté à rester. Tout le monde n’était pas prêt à tout sacrifier. Une brûlure naissait derrière ses prunelles, mais il savait qu’il ne pleurerait pas. Il en était incapable. Pourtant, capituler, juste une fois, lui aurait peut être fait du bien. |
| | | - William J. Craig
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| Sujet: Re: SOS amitié ? (Terminé) Jeu 28 Jan - 18:16:03 | |
| Le soleil levant passait à travers le store bateau, et des raies horizontales se projetaient sur le parquet clair de la chambre. Une agréable chaleur se diffusait dans toute la pièce, et la rumeur paisible de la rue parvenait étouffée aux oreilles du garçon qui dormait. En bas, quelqu'un maniait de la vaisselle, des couverts, en pleine préparation du petit déjeuner. L'adolescent roux remua sous sa couette, le tissu soyeux de la housse produisit un doux bruit d'étoffe tandis qu'un soupir franchissait les lèvres du dormeur déjà à-demi réveillé...
Les dimanches matin à Brighton lui manquaient terriblement ; le thé brûlant, les pancakes ou les toasts préparés par son père, la table chaleureuse de la demeure familiale... Rien ne remplaçait ces petits déjeuners interminables, durant lesquels le docteur Craig tentait de communiquer avec les deux adolescents qui lui servaient d'enfants ; bien entendu, cela ne valait pas les brunches dominicaux préparés par Mrs Craig, avec des plats renouvelés chaque semaine, mais Andrew faisait des efforts. Les premiers mois après la mort de sa femme, il avait complètement baissé les bras ; mais peu à peu, il avait réinstauré le rituel, et s'efforçait de cuisiner dignement pour William et sa soeur. Il avait fallu plusieurs semaines avant qu'il réussisse les oeufs au lard sans carboniser la poêle, mais à force de persévérance, il parvenait à préparer des choses à peu près comestibles...
Pour retrouver ces petits déjeuners détendus, ces dimanches de promenade sur le front de mer, le roux se sentait prêt à n'importe quoi. Même à laisser la victoire aux Carrow, à admettre qu'il n'avait pas sa place à Poudlard. Isaac ne semblait pas comprendre son attitude ; vertement (le comble pour un Serpentard), il lui remontrait ce que cette désertion aurait de déshonorant, de malvenu. Sa voix s'était faite acide, presque cruelle, et William lui retourna un regard triste tandis qu'il répliquait avec amertume :
-Mais je m'en fous de leur faire plaisir, Isaac. Je m'en fous d'être un sorcier. Tout ça ne me fait rien. Tout ce qui m'intéresse, c'est qu'il n'arrive plus rien à mon père par ma faute, c'est tout. Et pour lui éviter d'avoir encore des ennuis, je suis prêt à n'importe quoi.
Souvent, l'image de son père sur le gravier de l'allée lui revenait, il lui semblait entendre les coups s'écraser sur son corps, les sorts de torture fuser vers lui. La photographie avait réussi à convaincre le rouquin de ne plus s'opposer à Précieuse McLane, quoi qu'il advienne. Désormais, il rasait les murs sur son passage, n'osait même plus la regarder – et avait au moins la satisfaction de savoir qu'elle honorait sa promesse et n'avait plus commandité d'expédition punitive contre son père. Ce premier renoncement avait été douloureux, mais moins que la nausée qui l'avait pris en découvrant la photo. Encore aujourd'hui, lorsqu'il y repensait, sa gorge se serrait, et il se sentait saisi d'une terrible inquiétude...
Ses yeux le brûlaient , soudain, et il les ferma pour refouler les larmes. Pas la peine de pleurer, pas en public du moins, ça ne servait qu'à passer pour plus faible encore qu'il n'était réellement. Il toussa inutilement, pour essayer d'affermir sa voix, mais c'est en sur un ton presque suppliant qu'il poursuivit :
-Je suis malade à force de m'inquiéter pour eux. Carrow m'a interdit d'écrire chez moi, il surveille tout le courrier, j'ai pas de nouvelles depuis... depuis la photo de... McLane.
Une larme força le passage et coula le long de sa joue tandis qu'il avouait à voix basse :
-J'en peux plus, Isaac, j'en peux plus...
D'un geste rageur, il essuya sa joue, furieux de se laisser aller ainsi, et tourna résolument les yeux vers la fenêtre. Pas question qu'Isaac le voie pleurer. |
| | | - Isaac Deniel
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| Sujet: Re: SOS amitié ? (Terminé) Lun 8 Fév - 18:37:20 | |
| Et lui, à quoi songeait-il lorsque tout allait mal ? A l’été qu’il avait passé à s’ennuyer ? Ses parents travaillaient, il ne partageait rien avec eux, si ce n’est la maison, la famille, l’assurance d’être ensemble. La solitude commençait le matin et se poursuivait jusqu’au soir. A midi, il réchauffait des plats tous faits, au dîner, les discussions se tournaient vers les affaires sans jamais l’impliquer. Isaac regrettait peu les vacances. Il était, tout au plus, heureux de retrouver ses gadgets moldus, mais leur intérêt devenait très limité. Il avait perdu l’habitude des jeux derrière les écrans. La réalité sorcière finissait par remplacer leurs amusantes simulations. Il lui fallait de l’action, et, sur ce plan, l’autre monde ne le satisfaisait plus. Les bons moments de son enfance appartenaient à une époque révolue. Il s’y attardait le moins possible. Qu’en aurait-il fait ? On ne retrouvait rien au présent. Les souvenir gagnaient parfois une saveur remarquable avec le temps. Ils vieillissaient bien, prenaient des couleurs et des odeurs qu’ils n’avaient pas sur l’instant. Cela vous donnait l’impression désagréable d’avoir laissé filer des éléments essentiels. Alors on s’attachait à des fantômes qui ne vous possédaient jamais tout entier. Le Serpentard donnait à la volupté du passé un ton douloureux. Ce qui avait la grisaille de l’oubli ne méritait pas l’éclat de la vie. N’était-il pas terrible de fantasmer sur un bonheur révolu ? Les vieilles personnes se voilaient la face en évoquant, pleine d’une sérénité comblée, les joies de leur jeunesse. Elles avaient bien vécu. Peut-être, mais si rien n’était plus, où était la douceur de ces scènes idéales ? A Poudlard, l’appartement de Kensington s’effaçait. Au fond, il aurait pu oublier d’y retourner, l’école avait façonné un autre monde autour de lui. Et c’était cette existence, vieille de trois ans, qui se scellait. Il voyait une autre époque se fermer, son discours, de plus en plus amer, mettait ce constat en relief. Etrangement, l’exprimer le soulageait un peu. Il gardait les mots depuis trop longtemps, et la colère annulait les larmes, c’était bien connu. Cependant, William ne rejoignait pas ses conclusions, ou, du moins, il n’était pas prêt à les entendre.
Le Gryffondor pensait comme les autres. La seule différence tenait à sa sincérité. En générale, l’invocation à la famille qu’il fallait protéger faisait un meilleur effet que l’aveu de sa peur. Un nœud se forma au creux de son estomac. Les paroles de William le ramenaient à la première semaine de septembre, le jour où Précieuse lui était devenue odieuse en posant sur la table du roux le cliché de son père torturé. Il avait déchiré la photo, mais les attaques contre la famille étaient malheureusement les plus porteuses. On misait sur la culpabilité de la principale victime. Vois, ceux que tu aimes payent à cause de toi. Comment aurait-il réagi à la place du rouquin ? C’était difficile à imaginer. Il n’avait pourtant pas le sentiment que l’image de sa mère ou de son père torturés l’aurait détruit. En revanche, l’envie irrépressible de frapper le bourreau l’aurait pris. McLane n’aurait pas vu le coup venir, Amycus Carrow ou pas devant la scène. Mais pouvait-il les laisser mourir ensuite ? Protester en sachant qu’il mettait leur destin entre les mains de ses ennemis ? La réponse à cette question n’était pas si évidente qu’elle le paraissait. Isaac ne laissait pas le chantage le dominer. La meilleure façon d’agir seul était encore de rester seul. Ce combat ne regardait pas sa famille, ici, sa famille ne devait donc pas le retenir. On pouvait lui lancer un ultimatum, prédire la mort des siens s’il refusait d’obtempérer, têtu comme il l’était, il prétendrait sans doute qu’il s’en fichait. Et ce n’était pas la plus terrible des techniques. L’insensibilité manifeste décourageait la cruauté, ou la tournait plus volontiers sur l’esprit trop rebelle à torturer. Pourquoi tuer ailleurs si on n’était soudain pas sûr d’arracher des larmes à sa proie ? Sa peine, il saurait la cacher. Ce serait la dernière chose à dissimuler avant la perte totale de son humanité. Bien sûr, une telle extrémité n’arriverait pas, n’est ce pas… ? Il préférait ne pas y penser, comme si rien ne pouvait arriver, comme s’il avait les épaules assez larges pour tout affronter.
William n’adoptait pas cette technique. L’inquiétude le rongeait, il s’inquiétait de ne plus avoir de nouvelles de sa famille lorsque Isaac, à l’inverse, n’écrivait quasiment plus à ses parents, et ne s’y résignait une fois toutes les trois semaines pour qu’ils ne se posent pas trop de question. Le courrier était bouclé en trois lignes. Tout va bien, les cours se poursuivent, vivement les vacances. De toute façon, ils ne comprendraient pas ou feraient tout pour le récupérer s’ils avaient ne serait-ce qu’une vague idée de ce qui se passait au château. Le Gryffondor baissait les bras, comme les autres. Isaac ne lui en voulait pas, mais une pointe de déception se glissait en lui. Il savait qu’il ne devait pas l’éprouver. La peine de son camarade était normale, compréhensible, il réagissait comme n’importe quel adolescent usé par la persécution. En plus, sa vie en dehors de l’école lui était complètement inconnue. Le Serpentard n’était plus certain qu’ouvrir le dialogue entre eux avait servi à quelque chose. Le désespoir inexprimé les rapprochait, les mots les éloignaient. Il pouvait lui dire que ce n’était rien, atténuer la violence de ses propos, lui assurer que s’il n’avait pas de nouvelles, c’était que tout se passait pour le mieux sur l’autre rive, mais les mots lui semblaient faibles. Si son discours enflammé n’arrivait même pas à secouer le roux, il n’y avait plus rien à ajouter. A nouveau, Isaac se sentait terriblement seul. Pourquoi ses pensées se construisaient-elles toutes sur des convictions perdues ? Ne luttait-il pas depuis le début contre lui-même ? Qu’est ce qui n’allait pas chez lui ? Il finissait par inverser la question. Sa logique se radicalisait, et ne trouvait même plus l’approbation de ses semblables. Et s’il s’en défaisait ? Ce serait comme effriter les fondations d’un monument fragilisé par le temps. L’abattement de William n’était rien à côté de celui qui le guettait. Mais, dans son désespoir, il avait encore l’image de son père. Ce n’était pas véritablement l’absence de nouvelles qui l’abattait. L’image de ses parents, de ses grands parents, n’était pas assez. Rien ne le consolait et l’évocation de Précieuse couvrit son visage d’ombre. Ses mains avaient arrêté depuis quelques temps de caresser le dos du garçon. Immobile, les bras entourés autour de son corps mais relâchés, il murmura d’une voix froide qui niait presque sa présence :
- Pense pas à cette pétasse, et des nouvelles, tu en auras bientôt…
Si du moins, on leur laissait les vacances de décembre. Il n’avait même pas envie de rentrer d’ailleurs, ni même de rester dans l’ambiance sinistre du château. En fait, il arrivait de plus en plus sûrement à ce point brutal qui précédait un genre de désastre mental, quelque chose comme ça. Le chagrin de William ne le touchait même plus. Pourquoi lui en voulait-il tout à coup ? Il n’avait aucune raison de lui en vouloir, il pouvait comprendre… Et s’il n’en avait pas envie ? Pourtant, la larme qui roula sur sa joue le laissait tiraillé. Son cœur étouffait. Des pulsions de violence battaient ses mains. Un instant, il songea à se lever, fracasser quelque chose, et partir le plus loin possible. Mais, l’étreinte le retenait d’une manière assez inexplicable, elle maintenait un contact qui l’aidait à assimiler autre chose que de la haine, même si ces sensations ne lui appartenaient pas. Il fallait qu’il se calme. Que croyait-il ? Il n’en pouvait plus non plus. Seulement, leurs modes d’expressions étaient trop différents pour être partagés. Ils se blesseraient tous les deux sans le vouloir s’ils continuaient. Isaac ne se livrait presque jamais. Les lamentations des autres surtout, lui donnaient l’impression qu’il fallait affronter pour eux au lieu de les rejoindre avec des « moi aussi je souffre ». Alors il n’ajouta rien. Ce silence était pénible. Il se demandait si William espérait une réaction, la petite phrase magique et réconfortante qui ne lui venait presque jamais. Isaac pensait les mots sans valeurs en de telles circonstances. Alors rien ne lui venait, même si on prétendait que les formules les plus simples pouvaient sauver… Dans quelques heures, il regretterait peut-être son silence. Là, le seul geste, pas très masculin, il le savait, qui lui vint, fut d’embrasser la joue humide du rouquin et de l’enlacer à nouveau, jusqu’à ce qu’ils aient le courage de se séparer, sans avoir l’assurance de se retrouver un jour.
[Terminé.] |
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