Une reprise inattendue [PV Broot']

L'année recommençait, et outre les cours, il fallait également penser à la Coupe de Quidditch. L'an passé, les mutants étaient arrivés sur la deuxième marche du podium, les Gryffondor avaient été inattaquables. Mais ils avaient eu la malchance de tomber sur eux au premier match, avant de pouvoir vraiment régler les automatismes de match, et les membres de l'équipe étaient débutants... Gauvain était bien placé pour le savoir.

Pendant l'été, Gauvain n'avait pas eu l'occasion de pratiquer, pas même le vol sur balai. Il se sentait un peu rouillé et, pour être tout à fait franc, les sensations lui manquaient, l'impression de liberté totale que procurait un tour les cheveux dans le vents... Cela lui permettrait de sortir de cette ambiance pesante qui régnait au château. Le jeune Gammach n'avait pas eu beaucoup l'occasion de connaître l'ancien directeur, Dumbledore, mais l'esprit de l'école avait très clairement changé suite aux derniers événements... et pas en bien.

Avec un grand soupir, il chassa ces pensées tristes de sa tête, car il venait d'arriver au vestiaire du stade. Il enfila rapidement sa tenue d'entraînement (il gardait la belle pour les matches officiels) et ressortit sa batte pour la première fois depuis des mois. Il y avait gravé quelques encoches, mémoire des coups aux buts que le batteur avait pu marquer la saison dernière... C'était la loi du sport, il en regrettait quelques-uns... Mais au final, le sport lui avait permis d'évacuer trop de tristesse, et était un exutoire fort efficace.

Un léger sourire fleurit sur les lèvres du jeune adolescent. Il en avait fait tout un foin, mais au final, l'image d'une Serpentarde dans la salle de bain des préfets resterait dans sa mémoire comme un souvenir assez agréable, et le reste s'était évaporé assez rapidement. Bon, il était temps d'aller transpirer!

C'est à ce moment-là que la porte des vestiaires s'ouvrit...

[Moi ? Des mois et des mois de retard ? Tss, quelle idée ]

- AVEC LA LANGUE ? Mais c'est trop dégoûtant !
- Avec la langue.

Affirma Brooke.

C'est le French Kiss. Les baves se mélangent, tu vois. Enfin, la salive.

Lily contempla sa soeur aînée, visiblement dégoûtée. Elle était venue chercher la Blaireaute quelques minutes auparavant, le teint rouge. Broot avait d'abord été surprise. Parce qu'il était très, très rare que les deux soeurs s'adressent la parole. Elles s'étaient rapprochées après l'inspection de sang de Lily mais dans l'ensemble, l'ignorance avait été la seule chose qu'elles avaient en commun. Lily avait les pieds sur terre. Brooke était totalement lunatique. Mais la blondinette avait quelque chose que la petite brune n'avait pas : c'était l'aînesse qui lui conférait une apparente (bien que probablement fausse) aura d'expérience. Aussi Lily l'avait elle accosté le matin même dans la grande salle tandis que la fillette ruminait mollement dans son assiette. Lily avait un problème : Denis, un garçon de sa classe, en première année chez les rouges et ors, l'avait apostrophé dans les couloirs, lui indiquant l'heure d'un rendez vous en vue d'une chose très importante à lui dire. Paniquée, la brunette n'avait eu de solutions qu'à demander, l'air de rien, conseil à Brooke. Lily était pourtant d'ordinaire débrouillarde. Elle demandait rarement conseil aux autres, et avait une fierté suffisante pour envisager d'appeler à l'aide une personne extérieure en cas uniquement de dernier recours. La blondinette s'était donc lancé dans un exposé de quelques minutes, détaillant scrupuleusement les détails du premier baiser.

Ce que Lily ne savait probablement pas, c'est que le minuscule bout de fille qu'était la jaune et bronze n'avait jamais embrassé un garçon de sa vie. Ce qu'elle contait actuellement à sa cadette, elle l'avait entendu dans la bouche de filles plus âgées de son dortoir, en troisième ou quatrième année. Les mystères du Patin restaient néanmoins entiers. Si elle faisait la fière, la première réaction qu'elle avait eu en entendant les troisièmes années en parler avait été la même que sa soeur : Beuârk. Suivi de questions plus ou moins pertinentes dans la lignée de : et si le garçon a un appareil dentaire, comment qu'on fait ? Oh bien sûr, dans la petite école primaire moldue où elle était resté jusqu'à ses dix ans, elle avait eu des amoureux. Mais à cet âge là, les multiples amoureux de Broot', qui changeait régulièrement d'une semaine à l'autre, elle se contentait de leur envoyer des lettres d'amour mystérieuses avec des gros coeurs sur la marge.
Il avait donc fallut improviser une réponse aux inquiétudes de Lily. La petite brune avait affiché une moue circonspecte lorsque Broot' lui expliqua que si les nez se touchaient, c'était foutu.

- Mais fais gaffe hin. C'est l'premier qu'est le plus important

Elle attendit quelques secondes le temps de laisser sa cadette digérer l'information. Broot' était une experte lorsqu'il s'agissait de donner des conseils sans avoir la moindre connaissance du sujet. En même temps, elle n'avait pas menti. Elle n'avait pas étaler des prétentions de conquêtes imaginaires. Et puis, à vrai dire, les garçons l'avait toujours intéressée à distance. C'était rigolo, mais de là à prendre corps et âme cet épineux problème d'adolescent, y avait des limites.

- Bon, j'te laisse parce que, c'est pas tout ça, mais y faut que j'aille voir si mon balai, il marche. Enfin qu'il vole Enfin, que j'suis pas rouillée. Breffeuh, tu m'excuses ? Oui ? Calin. A plus tard.

En réalité, la blondinette voulait surtout conclure l'entretien avant que le sujet se tourne vers des expériences personnelles qu'elle serait peut être obligée de coudre de fil blanc. Et puis, après tout, une partie de quidditch, ce n'était pas une si mauvaise idée. Temps correct. Et puis, avec des harpies de Carrows, il fallait un moyen de se vider la tête si elle ne voulait pas exploser. La blaireaute rentra donc à travers le trou de la statut qui conduisait à sa salle commune, fouilla du pied dans ses affaires pour en tirer une grosse écharpe bariolée qu'elle ajusta à son cou, attrapa son balai à deux mains et sortit en direction du terrain. Elle se remémora son premier match, lors de sa première année. Poursuiveuse. Tobias aux buts. Contre Vivie d'ailleurs.
La blondinette ouvrit la porte des vestiaires. Seulement, dans les vestiaires, voyez vous, il y avait déjà quelqu'un. Avec une batte. Peut être était ce un piège ? Une créature qui voulait l'assommer en se servant de son balai comme gourdin ? Ou alors, un pervers qui habitait reclus dans la forêt et ne sortait que pour épier les demoiselles en train de se changer dans les vestiaires ?

- T'as pas honte de venir espionner les filles ?!

Elle observa son interlocuteur; Raté, ni pervers, ni gnome à gourdin, c'était Gauvain Gammach. Le frère cadet de son ancien préfet et élève de son année qu'elle avait aperçu plusieurs fois en cours ou dans les sorties de botanique.

- Oups.

Oui, bah, elle n'allait pas ramper à ses pieds non plus, elle était là pour faire du sport. Comme l'aiglon mis quelques secondes de trop à réagir devant l'apparition (remarquée) de la petite blonde, Brooke lui lança, anodine.

- Tu viens t'entraîner ? Pas la peine, cette année, la coupe est pour nous Tu veux bien te retourner ? L'temps que je me change ? Ou tu sors, c'est bien aussi. Ou tu fermes les yeux.

Ajustant les dernières lanières de ses protections en cuir, Gauvain se préparait à aller voler. Le temps n’était pas idéal, mais ce n’était pas non plus dramatique. Cependant, il faisait encore trop froid que pour voler sans une ou deux bonnes épaisseurs de tissu, histoire de faire coupe-vent et de se protéger de la température. Il terminait de changer le grip de sa batte quand la porte s’ouvrit pour laisser le passage à Brooke, une blaireaute de son année.

- T'as pas honte de venir espionner les filles ?!

Heh beh elle manquait pas d’air, elle. Déjà, il n’y avait qu’un vestiaire par équipe, donc mixité obligatoire. Et de toute façon, ce n’était pas le lieu pour se déshabiller et prendre une douche, vu qu’il n’y en avait pas. Au pire, elle l’aurait vu en boxer. Pas la mort quoi, un maillot c’était pareil. Et puis, il était arrivé en premier, nom d’un gnome ! Elle avait beau être jolie et marrante, fallait pas non plus qu’elle se croie tout permis. Après, une fille c’était plus tenable, ça demandait de plus en plus et …

- Oups. Tu viens t'entraîner ? Pas la peine, cette année, la coupe est pour nous Tu veux bien te retourner ? L'temps que je me change ? Ou tu sors, c'est bien aussi. Ou tu fermes les yeux.

Une grimace vint toute seule sur le visage de Gogo. Evidemment, ces taquineries entre maisons et entre les équipes de quidditch étaient monnaie courante. Le contraire aurait même été inquiétant. Il se devait donc de riposter, dans le respect des plus pures traditions sportives. Mais il s’entendait bien avec la blondinette, même s’il ne la connaissait que finalement peu. Donc pas question d’être trop méchant. Juste drôle. Enfin, drôle de son point de vue…

- ouais ben faudrait déjà que vous jouiez vos matches pour gagner la coupe. Nous on joue, et on gagne, même quand il pleut à verse !

Et paf. Un partout, souaffle au centre. Il accéda cependant à la requête de la jolie fille et se tourna vers le mur pour la laisser se changer. Finalement c’était pas plus mal qu’elle soit là, un entraînement à deux ça pouvait être très efficace, et c’était surtout plus amusant que tout seul. Il fallait cependant faire attention de ne pas dévoiler toutes ses batteries à une joueuse d’une équipe adverse, ce serait une erreur tactique. Il pensait même à jouer un cran en dessous de ses capacités réelles, afin de ne pas en montrer trop.

- ouais, ça fait trop longtemps que je ne me suis plus entraîné sérieusement, et j’ai une réputation à tenir. Hey, si on s’entraînait ensemble, on pourrait…

Et tout à l’enthousiasme des idées de schéma d’entraînement qui foisonnaient dans son esprit, le Serdaigle se retourna pour chercher l’accord de Broot’. Mais il se retourna tôt. Bien trop tôt…

- Touché

Lâcha la petite blonde devant la balle que Gauvain venait de renvoyer dans son camp. Il était mignon comme tout ce rigolo petit serdaigle.
Seulement là, il se passa un truc que Brooke n'avait absolument pas prévu. Tout joyeux dans son emportement d'entraînement de Quidditch, Gauvain semblait avoir mystérieusement oublié ce pourquoi elle lui avait demandé de se retourner.

- Eh !

Imaginez un peu la honte : vous avez douze ans, vous complexez déjà sur votre manque de poitrine, et voilà qu'un garçon de votre âge vous voit en culotte à fleurs et soutien gorge assorti ? Bon, c'est vrai, la blondinette s'était déjà changée dans les vestiaires en compagnie d'autres membres de son équipe de Quidditch. Seulement, ça n'était pas la même chose, vous voyez. Déjà, ils étaient de sa maison, et ensuite, c'était un double sens. Raisonnement un peu tordu, c'était vrai, seulement, aucun des garçons ou hommes présents ne s'étaient jamais ostensiblement vers les sous vêtements de la blaireaute. Bon, il était vraie aussi qu'il n'y avait pas grand chose à voir. Même si la blondinette n'avait pas l'appareil dentaire de Carry, ou le postérieur rebondi d'Allison, une fille en deuxième année à Poufsouffle, à son âge où la puberté était un sujet de remise en question permanent, le petit brin de fille qu'était Broot' n'avait pas encore des formes aussi généreuses que ses congénères. Elle n'était pas aussi bien fichue qu'Ange, par exemple. Elle était, d'une part, plus petite en taille, et même si elle avait un visage relativement harmonieux, n'oublions pas que l'un des grands drames de la Blaireaute était se poitrine bien peu opulente et ses hanches peu généreuses. Elle était menue, en somme. Au moins, le destin n'avait pas poussé le vice jusqu'à lui faire mettre en ce jour fastidieux des survêtements petits bateaux. Rien de très sexy, mais au moins, la jolie culotte à fleurs passait mieux que la brassière informe que Maman Davis s'acharnait à acheter lors de sa première année à Poudlard.

N'empêche que, la Te-hon. Elle imaginait déjà tout le tatouin que pourrait faire cette histoire si l'on venait à savoir que Gauvain s'était retourné au moment où elle même était en petite tenue. " Perversion chez les Blaireaux ". Un joli titre dans les potins de la Gazette pour des reporters à la langue fourchue comme la rédactrice en chef de Poudlard. Enfin, il y avait tellement d'histoires ces derniers temps que l'anecdote passerait inaperçue. En soi, l'histoire n'avait rien de choquant. Gauvain aurait pu la voir en maillot de bain que le résultat aurait été identique. Un malentendu de pré ado. Non, en réalité, ce qui rendait Broot' écarlate ce n'était pas tant la pudeur. Elle n'avait jamais été particulièrement prude et elle s'était rarement attardée aux rumeurs la concernant. Elle préférait fouiner dans les potins des autres, c'était tout de même nettement plus rigolo. Non. Ce qui tentait à rendre ses joues rouges, c'était l'idée que les quelques rumeurs qu'elle avait entendu dans les couloirs soient vraies. A savoir que Gauvain Gammach avait déjà aperçue l'actuelle préfète des serpentards à demi dénudée dans une salle de bain. La blondinette avait beau avoir suffisamment d'expérience dans ce domaine pour savoir que chaque ragot demandait à être creusé, n'importe quelle fille normalement constituée se sentirait mal à l'aise devant un garçon qui avait vu l'une des filles les plus canons de l'école ? Ange avait un charme de barbie. Broot' avait du charme, mais dans l'extravagance.

- Mais c'est pas possible ça ._. Han les garçons, d'nos jours Bon, euh, écoutes, ça serait cool que ça sorte pas, tu vois ? Bon, t'aurais pu me voir en maillot, c'était kiff-kiff, je suis d'accord. Mais bon, tu comprends, il parait que t'as déjà vu Ange en soutif alors c'est un peu complexant Bon, euh...

La fillette se tortilla nerveusement avant de prendre son tee shirt et de l'enfiler rapidement, évitant le regard de Gauvain avec toute l'application nécessaire. Elle chercha sa tenue de Quidditch du bout des doigts, sans se retourner, peu désireuse de s'enfoncer un peu plus en montrant son noble postérieur à l'aiglon. Hum. Et puis là, Brooke, pour se sortir de cette situation gênante en changeant de conversation, sorti quelque chose de totalement stupide. Stupide parce que sur le moment, rien ne lui était venu de mieux à l'esprit que la conversation qu'elle avait eu avec sa cadette le midi même.

- Dis, Gauvain, t'as déjà embrassé une fille ?

Oups. Et re-oups. Gauvain avait décidément l'art de se mettre dans des situations plutôt embarrassantes. Et plutôt était une litote. Une atténuation poétique de la réalité. Bref, un vrai guêpier. Le deuxième, mais quand même. Il ne gardait pas forcément un souvenir particulièrement brillant de la première. Au contraire.

Et là, rebelote. Après Ange nue dans la salle de bains, Brooke en sous-vêtements dans le vestiaire. Le pire, c'est qu'il sentait le rouge monter du menton et remplir ses joues pour finalement stopper au front. Il devait ressembler à un Gryffondor, le roux en moins. Non, ce n'était pas ça le pire. Le vrai pire, c'est que Gogo ne parvenait pas à détourner le regard. Une vraie révélation.

Il connaissait moyennement la Pouffy. Joli visage, sourire mignon, mais il n'avait jamais vraiment eu l'occasion de lui parler, et donc encore moins de la détailler. Là par contre, c'était comme à la plage, tout était visiblement affiché avec un minimum pour sauvegarder la moralité. En l'occurrence, un joli ensemble fleuri. Mais ce n'étaient pas les goûts de lingerie de Broot' la révélation. Non. La vraie, c'est que, une fois dépouillée de ses gros pulls ou de son uniforme, la blondinette était sacrément mignonne. Pas un physique à la Pénombre Craft, et vu la différence d'âge c'était normal, mais un corps athlétique, bien proportionné, et de jolies formes qui promettaient un développement harmonieux. Gasp.

Toujours aussi tomate, le Serdaigle jouait en plus au poisson: il ouvrait la bouche et la refermait en rythme, ne sachant pas quoi dire pour s'excuser de sa maladresse. Le mieux était probablement de ne rien dire plutôt que de s'enfoncer.

- Mais c'est pas possible ça ._. Han les garçons, d'nos jours Bon, euh, écoutes, ça serait cool que ça sorte pas, tu vois ? Bon, t'aurais pu me voir en maillot, c'était kiff-kiff, je suis d'accord. Mais bon, tu comprends, il parait que t'as déjà vu Ange en soutif alors c'est un peu complexant Bon, euh...

- Heu, même sans soutif en fait. Sans rien. Comme ça on a tous les deux quelque chose à taire. Et tu sais, moi Ange j'en ai jamais parlé. Après elle fait ce qu'elle veut, j'ai rien à cacher, mais ça regarde pas les gens. Donc ouais, ça reste entre nous. Et pis tu sais, t'as pas à complexer hein...

Heureusement, la Blaireaute s'habillait rapidement, mais là, au moment où le malaise se dissipait petit à petit, elle en remit une couche. Et avec une question gratinée de surcroît.

- Dis, Gauvain, t'as déjà embrassé une fille ?

- Heuuuuuuuuu... ben...

Rerougissement. Ca, on lui en reparlera du Serdaigle avec de l'humour et le sens de la répartie...

- Pratiquement, non. Après, à force d'écouter les autres garçons en parler, la théorie je connais. Mais je suis sûr que en fait, ça n'a rien à voir. Pis on peut en rêver, mais ce n'est que l'imagination... Et toi? Enfin pas une fille hein, un garçon?

Sans rien O.O ?

Oh God. La blondinette se reteint de pouffer. Vu les oreilles écarlates de l'aiglon, elle imaginait sa tête au moment même où ses yeux s'étaient posés sur le corps dénudé de la serpentarde. La blaireaute retroussa les manches de sa tenue, chassant du bout du doigt des poussières invisibles sur le tissu jaune et noir. Elle s'était bien aperçu de la gêne qu'avait pu provoquer sa seconde question, balancée à l'aveuglette dans une situation déjà gênante. Depuis qu'elle était toute petite, la blondinette n'avait jamais réellement cherché à faire la différence entre ce qui se dit, et se qui ne se dit pas. Oh, bien sûr, elle connaissait les limites de la vie en société et des règles élémentaires de politesse. Elle disait Bonjour et Au Revoir, et les adultes la voyait plutôt comme cette mignonne gamine extravagante, qui parlait un peu trop, manquait parfois d'étapes dans son raisonnement mais qu'on aimait bien comme mascotte de magasin. Gauvain était donc aussi ignare qu'elle en pratique ? Bien sûr qu'il avait dû entendre la théorie. Broot', en fille de douze ans totalement normale avait bien sûr elle aussi eu ce fameux dilemme : aller posez la question " comment c'était ? " à la première fille du groupe qui embrasse un garçon. S'en était suivi de longues et lancinantes explications avec gestes de la part de la Poufsouffle de troisième année de son dortoir. Plutôt écoeurantes, les explications. Bien entendu, l'aiglon renvoya la question. La blondinette aurait été vraiment bête si elle avait prétendu ne pas s'y attendre mais elle se laissa quelques secondes de réflexion. Devait elle ignorer sa totale ignorance à ce garçon ? En même temps, il avait été franc, alors que les p'tits mecs, ça préféraient se vanter de leurs conquêtes que d'avouer qu'ils n'y connaissaient rien.

- Bah euh, c't'à dire que non Enfin moi aussi j'la connais la théorie bien sûr. Quand j'étais en CM1, Ludmilla Gaulfric et Peter McCon se roulaient des galoches énormes pendant la récré. Sauf que Ludmilla, elle le gobait carrément, j'te jure, sacré exercice d'apnée Mais c'était parce que des grands lui avaient dit qu'il ne fallait pas respirer quand on embrasse Du coup, elle avait viré tomate.

La blondinette ne pu s'empêcher de pouffer en se souvenant des maintes mésaventures de Ludmilla Gaulfric. Ca n'était peut être pas très gentil. Sûrement pas, d'ailleurs, étant donné que Ludmilla n'était plus sorti avec un garçon lorsqu'elle s'était rendue compte que toutes ces années, elle avait été dupé sur la Grande Pratique du Patin.

- Bon, on va s'entraîner ?

Lança la blaireaute en entassant ses affaires sur un coin du banc des vestiaires. Et alors qu'elle allait gagner la sortie pour le stade, son regard s'attarda trois secondes de trop sur celui de l'aiglon. Vous savez, ce regard une fraction trop longue. Et comme la fillette semblait accumulé les actes particulièrement stupides depuis aujourd'hui, elle lâcha le souaffle qu'elle avait dans les mains. Et embrassa le bleu et bronze. Si il avait voulu s'y préparer, c'était raté. Parce que la petite blonde l'avait frôlé pour aller jusqu'au stade et qu'il n'était donc qu'un à coude d'elle lorsqu'elle avait laissé tomber sa balle de poursuiveuse. Oh bien sûr, ce n'était pas des bisouilles à la française, avec la langue et les salives qui s'entremêlent. Mais ça n'était pas un simple " smack " non plus. Non, un baiser comme il faut, avec la lèvre qui agrippe légèrement la lèvre inférieure du partenaire et qui y revient à deux fois. Elle se détacha de lui, planta ses yeux bleus dans les siens, et lâcha, tout sourire.

- J't'aime bien. Tu m'en veux ?

Elle n'allait pas lui dire qu'elle était amoureuse non plus. Ils s'entendaient bien, ne se connaissait pas suffisamment mais à douze ans, la blaireaute ne cherchait certainement pas à trouver dans son amoureux l'homme de sa vie et à en faire des dégoulinements de niaiserie.

Le partage des expériences, ou plutôt de l’absence d’expérience, entre les deux jeunes adolescents avait créé une sorte d’intimité, ou plutôt un climat de complicité. Pas comme si tous les gamins qui n’avaient jamais embrassé avaient fondé un club et qu’ils en portaient fièrement le badge, non. Mais être dans la même situation, et échanger honnêtement et sans fausse pudeur sur le sujet, ben ça tissait des liens malgré tout. Si ce n’était que la Pouffy avait l’air beaucoup plus à l’aise que Gauvain qui, sous des abords gouailleurs et avec un bon sens de la répartie, restait quelque peu traumatisé de sa première expérience, et surtout de la façon dont elle s’était terminée : un râteau en bonne et due forme. D’un autre côté, il gardait de belles images en mémoire…

- Bon, on va s'entraîner ?

Gogo se tira de sa semi rêverie mémorielle dans laquelle l’avaient attiré les questions de Broot’. Oui, à la base il était là pour s’entraîner, pas pour papoter ou échanger des points de vue sur la méthode 100% efficace du patinage artistique. Il allait se pencher pour attraper sa batte posée sur le banc quand, prise d’une inspiration soudaine, la blaireaute lâcha son souaffle et se colla à lui pour l’embrasser pendant trois secondes. Trois secondes qui semblèrent durer une éternité au Serdaigle, complètement pris par surprise, mais en même temps qui ne durèrent qu’un éclair car la sensation était loin d’être désagréable. Paradoxe temporel. Les lèvres de la jeune fille étaient douces et son baiser avait été comme une caresse. Les pensées se bousculaient dans l’esprit de Gauvain. Son premier baiser. Loin de l’image qu’il s’en faisait, avec la langue et tout. Mais finalement, ce petit baiser tout simple mais spontané et tendre comptait beaucoup plus que ça. Il savait instinctivement qu’il s’en souviendrait toute sa vie.

Et, constat qui l’étonnait, il ne ressentait pas du tout l’envie de le crier sur tous les toits ou de courir dans sa salle commune pour raconter l’événement aux autres élèves de sa maison. Pourtant, c’est toujours ce qu’il s’était dit, que le jour où ça lui arriverait, lui aussi pourrait rabattre le caquet de ces « m’as-tu-vu » qui étalaient avec suffisance leurs conquêtes. Mais maintenant qu’il était dans le cas, il voulait le garder pour lui, et ça remettait en perspective la véracité des histoires des autres. Enfin, à chacun sa façon de vivre ; lui, il ne voulait pas le partager avec quelqu’un d’autre qu’elle.

Pas qu’il eut honte, au contraire : il trouvait que Brooke était une des plus jolies filles de son année. Non seulement elle était physiquement mignonne, mais surtout elle avait du charme, ce qui était le plus important pour Gogo. Elle dégageait quelque chose, et pas seulement les souaffles dans les anneaux.

Il était tout remué par ce tsunami de sentiments intérieurs qui ne dura que l’espace d’un instant. Brooke était déjà plantée devant lui, souriante et naturelle,

- J't'aime bien. Tu m'en veux ?

Question intéressante. C’est vrai que d’un côté elle lui avait volé son premier baiser sans sa permission. Ca ne se faisait pas. Enfin, normalement. Peut-être… Ou pas. Mais d’un autre côté, il avait adoré. D’autant que la jolie blonde semblait parfaitement sincère, pour ce qu’il pouvait voir. C’était vrai qu’à part les relations en cours et le quidditch, ils ne se connaissaient que peu. Mais c’était justement l’occasion de se découvrir mutuellement, et sans tirer des plans d’avenir (les amourettes d’adolescents duraient rarement toute la vie), elle semblait valoir la peine d’être mieux connue. La question qu’elle émit ramena définitivement les pieds de Gauvain sur terre, et il retrouva ses moyens. Comment pourrait-il lui en vouloir ? Mais elle n’allait pas s’en tirer comme ça ! D’un air goguenard, il répondit le plus sérieusement qu’il pouvait (ce qui voulait dire qu’il n’était pas crédible du tout) :

- Oui, je t’en veux beaucoup. Ce comportement est inadmissible et mérite une punition !

En guise de sanction, et en noyant son regard dans les yeux limpides de celle qui lui souriait toujours, il glissa doucement sa main le long de la joue de la blondinette, écartant une mèche rebelle au passage, et continua de descendre le long de son bras pour s’arrêter à sa taille. Attirant tendrement la Poufsouffle contre lui, il échangea un autre baiser en fermant les yeux, beaucoup plus longuement cette fois, en profitant de chaque sensation. Encore mieux que le premier… S’arrachant difficilement à ce contact si agréable, mais gardant Broot’ contre lui, il la regarda à son tour en souriant,

- Voilà, nous sommes à égalité.

Et, dans un murmure à son oreille, il ajouta,

- Moi aussi je t’aime bien…