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 L'enfer de Dante [Pv][Terminé]
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  • Pénombre Craft
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MessageSujet: L'enfer de Dante [Pv][Terminé]   L'enfer de Dante [Pv][Terminé] EmptyMer 17 Mar - 22:52:57

Soigneusement creusée dans les profondeurs basaltiques de l’ancestral Manoir des Craft, se trouvait la chambre secrète de son défunt patriarche. Rares étaient ceux qui y venaient de leur plein gré et plus rares encore ceux qui la quittaient. Dans cette crypte sombre, un vaste espace de pierre habillement taillées, où des lampes vacillantes jetaient les lumières les plus vives qui n’y brilleraient jamais, les hommes Craft de dizaines de générations avaient jadis exploré et développé bien des arts obscurs. Au cours des ères écoulées, la salle avait en effet été consacrée par les seigneurs de la Lignée à cet usage odieux et le vaste lieu regorgeait ainsi de rebut d’entreprises maléfiques, oubliées depuis des siècles.

La sinistre chambre se constituait d’un énorme gouffre d’ombre et il avait été placé de grandes lampes à huile à intervalles rapprochées, qui flamboyaient de tout leur éclat en s’efforçant de disperser les ténèbres d’encre de cet Enfer souterrain. Les longues pièces de métal blanc se dressaient sur des trépieds qui montaient à hauteur de ceinture et s’agençaient autour de profonds réceptacles remplis d’huile alimentant en continu, la vivacité dévastatrice des flammes. Un épais muret de forme sphérique, aux bas-reliefs curieusement sculptés, occupait le centre de la salle, enlaçait une eau aussi dense que d’une impénétrable opacité obscure, d’une surface profondément noire, semblable à celle d’un miroir. Autour du large réservoir se tenaient nombre de statues de taille humaine, représentant chacune un obscène démon marin tentaculaire, si bien qu’un visiteur égaré aurait pu se demander s’il ne se trouvait pas dans le sanctuaire de quelque secte démoniaque oubliée, dont les acolytes n’étaient plus que la poussière de leur Dieu.

Le bassin reflétait la lueur des torches comme du jais poli et le regard n’était en mesure de déceler la moindre indication sur sa profondeur réelle. Tout autour de lui cependant, étaient disposés les ustensiles et les équipements des dernières investigations surnaturelles de Sven : des volumes étrangement reliés de savoir interdit, alambics, cornues et autres instruments alchimiques aux formes bizarres, coffrets et flacons remplis de poudre, d’élixirs et d’objets préservés d’origine douteuse, des sculptures effroyables sur le sol et les murs. Des instruments de torture, tâchés et fraichement lubrifiés, étaient les objets les moins objets les moins abjects entreposés dans cette antichambre de l’Enfer.

La lumière vive, crue d’un feu nouveau illuminait une scène aussi terrible que toutes celles dont les lieux avaient pu être témoins à travers les siècles lorsque Pénombre pénétra la salle principale, dans l’ombre de sa génitrice, observant le groupe de prisonniers moldus que les deux jeunes femmes escortaient de leur présence. Ces condamnés, une dizaine de jeunes hommes capturés au cours d’une rafle qui avait commencé tard dans la soirée, n’étaient guère entravés de chaines ou de carcans matériels mais ne cherchaient toutefois pas à fuir. Ils avançaient sur des jambes raides, insensibles, leur visage figé en un masque de désespoir total, captifs du sortilège de paralysie de Destinée Craft qui les conservaient impuissants à contrôler leurs mouvements tandis qu’ils marchaient inexorablement vers leur perte. Comme des automates sans volonté, les impurs étaient entrainés à l’intérieur de la chambre par les ordres mentaux de la sorcière tandis que la peur dans leurs yeux s’accentuait au fur et à mesure qu’ils approchaient de leur destin. La source de leur terreur se trouvait dans le bassin d’eau noire vers lequel ils étaient attirés par des longes invisibles et qui s’était brutalement mis à bouillonner à leur approche, brassée par des mouvements vifs sous la surface obscure. Parfois, une nébulosité noire se soulevait au-dessus du domaine liquide puis replongeait aussitôt en ces insondables profondeurs, avant que l’œil n’ait pu en capter une image précise. Le cauchemar y rodait, l’air lui-même empestait d’une horreur mortelle et les prisonniers percevaient leur fin dans une tragédie inévitable.

« Le conseil des Anciens a rendu sa décision, Pénombre. Ton oncle et moi allons nous marier à la fin du mois. Je ne veux pas que tu prennes part aux préparatifs. Je ne veux pas de ta présence à la cérémonie.»

Claqua la voix condescendante de la Veuve.

« Entendu. »

Assura la Ténébreuse en laissant ses pensées vagabonder auprès des pénibles souvenirs qu’elle conservait du frère de son père. Cairius était un homme rude et dangereux, bien bâti et s’il avait dépassé la fleur de l’âge, nulle trace n’en paraissait jamais sur sa carrure aux muscles durs. Un homme au caractère volcanique et à l’esprit dominateur, étranger au compromis et qui haïssait au plus haut point, chaque membre de la gente féminine sur lequel son regard froid se portait. Un tueur, un animal, dangereux et corrompu par le pouvoir. Destinée interrompit brutalement la méditation de l’Anmagus en reprenant parole :

« Voilà les talismans qui remontent, à présent. »

Le regard de Pénombre suivit son geste en direction de la surface du bassin où une engeance organique répugnante venait de crever la surface des eaux noires. Une brèche ensanglantée se déchira sur la gangue grossièrement ovoïde de chacun d’eux avant que la Féline ne lâche un ordre sec. Immédiatement ensuite, une file d’elfes de maisons inquiets vint se ranger le long du muret, juste à côté des minuscules vaisseaux veinés et avec des mains sales et tremblantes, ils tirèrent les lourds germes qui attendaient à l’intérieur de la cale noyée d’eau. L’un d’eux s’étrangla et faillit basculer à l’intérieur lorsque la boucle noire d’un tentacule se souleva des eaux.

« Fais attention, stupide créature ! »


Aboya la maitresse de maison.

« Nous avons besoin de chacun de ses objets ! »

Les viscosités épaisses renfermaient des dizaines de lourds ovoïdes de métal, des artefacts à la surface nue ayant à peu près la taille d’un crâne humain et qui semblaient être les produits d’une magie ancienne et disparue. Ils produisaient un bourdonnement constant, inaudible pour l’ouïe humaine mais qui irritait les sens aiguisés de l’Animagus tandis qu’elle percevait une aura d’effroyable expectative s’abattre et se répandre dans l’atmosphère.

« Attend ici que vienne la personne de confiance que ton oncle a spécialement mandaté pour récupérer ces présents d’union. Mon elfe particulier le guidera. »

Se détournant de sa progéniture, l’Empoisonneuse leva la pâleur blême de sa main en un geste macabre d’invite. Avec une terreur déchirante, les prisonniers moldus avancèrent d’une saccade infernale, de pathétiques pantins dansant sur des fils invisibles. Leurs muscles tressautèrent sous l’effort désespéré de la résistance mais ils ne pouvaient se défaire du puissant sortilège et leurs pas terrifiés les menaient toujours plus près de la bouche putride des Géhennes. Avec fascination, Pénombre observa les victimes tourmentées qu’entrainaient sous la surface, un entrelacs de tentacules noirs et visqueux, lesquelles commencèrent par jouer avec leurs victimes avant de les déchirer, vidées de leur sang par l’appétit de ces créatures d’un passé perdu. Une écume écarlate clapota au bord du bassin tandis que le dernier visage supplicié sombrait dans le puits sans fond et que l’étreinte exiguë du transplanage se refermait sur sa mère.


Dernière édition par Pénombre Craft le Jeu 6 Mai - 22:53:36, édité 8 fois
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MessageSujet: Re: L'enfer de Dante [Pv][Terminé]   L'enfer de Dante [Pv][Terminé] EmptySam 20 Mar - 0:07:01

Le ciel d'une pureté cristalline se colorait de rouge, à l'approche d'un crépuscule dont les blessures sanglantes rayaient l'éther. Il était tôt, et pourtant déjà les ombres se lançaient à l'assaut de la lumière pour repousser le soleil jusqu'aux confins du monde. Avec elles, revenaient le froid, le vent et la bises, suivantes dévouées et cruelles des nuits de Février.

Pour de nombreux sorciers c'était le moment de rentrer chez soi, pour retrouver sa famille autour d'un âtre ronflant, brulant et fumant. Mais, il en était un qui semblait se refuser ce plaisir. De loin on aurait pu le prendre pour une de ces mystérieuses statues antiques qui parsèment certains parcs paysagers, seulement la buée qui s'échappait régulièrement de ses lèvres mi closes, était un indice quand à la nature de cette sculpture de marbre et de chair. De la pierre, il en avait l'immobilité méditative, mais de l'homme il avait l'esprit aiguisé et le regard déchainé. Ses yeux, dévoraient avec un appétit vorace des lignes et des lignes de petites lettres qui parsemaient les pages d'un obscur grimoire. Il c'était lancé dans une course contre la nuit, il souhaitait profiter des dernières lueurs de l'astre céleste pour parachever l'étude de l'ouvrage qu'il avait arraché à la poussière et à la solitude de la bibliothèque familiale.

Bien sur, qu'il aurait pu rentrer pour poursuivre ses pérégrinations littéraires sous un toit, à la lumière d'un chandelier torturé et ouvragé. Mais ce serait mal connaître Keith que de penser qu'il allait fuir face au néant qui s'abattait sur le parc, car de son héritage Craft il avait la hargne et l'obstination aveugle, et s'il avait décidé de finir le livre dans le parc...il le finirait. C'était aussi simple que cela, quitte à en devenir aveugle si nécessaire.

Avec frénésie, il tourna les dernières pages. Son esprit faisait de lui même les connections, il pouvait ainsi se permettre de sauter de nombreux paragraphes que son intelligence acérée se chargerait d'imaginer. Il ne souhaitait pas s'arrêter sur des choses aussi triviales que le style ou les lents raisonnements d'un auteur assez peu imaginatif, ce qui l'intéressait c'était de plonger dans l'essence des choses. Il voulait comprendre et saisir l'idée directrice : le Verbe Premier. Il cherchait la clé de voute du livre, celle qu'il pourrait dérober pour la retranscrire dans sa propre anthologie. Il était un voleur de la pire espèce : un dangereux collectionneur d'idées.

Seul au milieu des murailles végétales qui protégeaient son Eden, son cabinet de lecture à l'air libre, on aurait pu le prendre pour un fou furieux. Une sorte de Faust déchainé, lancé dans une gargantuesque orgie de savoir. Pourtant il était calme, en paix avec lui même. Son esprit concentré, lancé sur sa cible – comme une flèche tirée d'un arc – ne s'égarait pas, et pour une fois les lamentions qui d'ordinaires lui comprimaient la poitrine le laissaient en paix. Elles étaient restées bloquées aux portes du Labyrinthe, et gémissaient de ne pouvoir le torturer.

Sans prévenir il sauta de son banc de pierre et envoya le livre voler contre une haie couverte de givre.

-J'ai fini, Ophélie. Et tu peux me croire c'était d'une bêtise et d'un ennui mortel...Je comprend que Père soit si...Obtu ? Non...Abruti ? Pas terrible...Primaire ! Je comprend qu'il soit si primaire vu les horreurs avec lesquelles il se farcit la tête à longueur de journée. Franchement il y a des jours où j'aimerai mieux être aveugle plutôt que de devoir replonger sans cesse dans les abimes sans fonds de la bêtise humaine.

Il posa une main affectueuse sur le tronc de l'arbre nu, qui se dressait à gauche du banc et dont les branches supportaient une multitude de stalactites à céleste pureté.

-Demain, je te lirais une vraie et belle histoire. J'ai toujours eu l'intime conviction que les contes, détenaient plus de vérités que les thèses fumeuses sur la puissance du sang.


Incendio...Le sort de flamme frappa le grimoire sans défense, qui se consuma en quelques secondes.

Il rangea, sa baguette et adressa un sourire complice à l'aulne – car l'arbre dépouillé en était un – qui l'observait dubitatif.

-Je sais, tu n'aimes pas que l'on brule des livres. Mais crois moi ce petit autodafé personnel, était nécessaire. Tu ne croyais quand même pas que j'allais laisser cette abomination littéraire ressortir de notre Labyrinthe ?


Le Labyrinthe...C'était leur chef d'œuvre, le symbole matériel d'un amour qui transcendait la mort. Il était l'ultime incarnation, de ce que peuvent bâtir deux âmes. Et Keith en était fier, très fier. Dans ce temple vert dédié à l'harmonie, à la douceur, à la tendresse et au souvenir il pouvait se permettre de tout oublier...

Elle était l'architecte. Il était le bâtisseur.

Je veux que l'on plante deux arbres. Un houx, car il fleurit l'hiver, et un aulne car il fleurit l'été. Comme ça, lorsque l'un de nous sera triste l'autre sera heureux. Et quand on sera grand comme eux, alors leurs branches se toucheront et on ne pourra plus les séparer. Tout comme nous...

La petite voix fluette résonnait dans l'esprit de Keith aussi clairement que si Ophélie s'était tenue derrière lui.

Et puis on mettra un petit banc, pour venir se reposer et penser entre nos deux arbres. Tu sais Keith, lorsque tu seras dans ton école moi je viendrai m'asseoir ici, à côté de tes feuilles et je te parlerais. Alors je ne pleurerais plus. Je pourrais même faire des dessins, et je les accrocherais à tes épines...C'est une bonne idée non ?

De sa baguette, il fit disparaître quelques brindilles qui jonchaient le sol.

Et puis, on construira autour un grand labyrinthe avec des arbres immenses, comme ça Papa ne nous trouvera pas. Il ne pourra plus nous faire de mal. Ce sera comme dans l'histoire que tu me lis, celle de cette princesse qui se moque du dragon trop grand pour passer par la porte du château...


Aujourd'hui, ce qui n'était qu'un rêve de petite fille, était né et avait grandi dans ce parc à l'abandon, fructifiant dans ce terreau d'amertume, et de regrets.

Le savoir de Keith, et sa puissance magique lui avaient permis de faire pousser de fantastiques murailles végétales autour d'une tout petite clairière et d'un rêve immense. Le plan ? C'était Ophélie qui l'avait tracé, elle l'avait dessiné sur un mur de sa cellule avec un morceau de charbon au cœur des ténèbres de son abandon. Keith soupçonnait d'ailleurs la jeune noyée à qui l'on avait refusée la magie, d'avoir crée sans le vouloir une rune.

Le labyrinthe était né, et le manoir c'était effondré.

-Ton arbre n'est jamais aussi beau, que lorsque quelques flocons viennent jouer autour de ses épines.

Un frôlement, un voile blanc, une odeur, un parfum, une ombre... Keith sursauta arraché à ses tendre rêveries.

-Mère, vous ne devriez pas sortir il fait si froid le soir.

La jeune femme était arrivée dans la clairière aussi silencieusement qu'un fantôme. Emmitouflée dans de multiples et moelleuses fourrures, elle avait rabattu sa capuche brodée d'hermine sur son abondante chevelure, mais ses yeux, ces deux mélancoliques étoiles du soir, brillaient encore dans l'ombre de son visage. C'était comme si un sculpteur de génie avait choisi d'incruster deux saphirs dans le marbre de ses prunelles, pour mieux éclairer ce pâle visage à la beauté figée pour l'éternité.
Sa main gantée de blanc, jouait avec les feuilles du houx, qu'elle se plaisait à caresser sans craintes de leurs morsures acérées.

-Je sais mon fils, je sais. Mais ton Père, n'a que peu de considérations pour ma fragile santé. Et je le comprend. Mais approche...

Keith sentit un nuage de tendresse, l'envelopper lorsque les lèvre fraiches de sa mère déposèrent sur son front un baiser.

-Ton père, veut te voir de toute urgence. Il affirme que le temps est venu.

Lycoria et Keith se dévisagèrent, et un douloureux silence se glissa furtivement entre eux. Aucun ne souhaitait prononcer les mots qui pourtant leurs brulaient la langue, mais ils savaient ce que voulaient dire ce subit regain d'intérêt de Cairius pour son rejeton dégénéré.

Le temps est venu...Keith fit tourner dans sa tête ces quelques syllabes, à l'écho si funeste. Elles résonnaient porteuses d'un sens maléfique et terrifiant. Elles abritaient dans les franges de cette expression consacrée de sanglants sous entendus. Elles sentaient le meurtre et puaient la trahison. Et ces quelques lettres, s'imprimaient sur la partition comme le crescendo d'un diabolique requiem.

-N'oublie pas... Ses doigts de velours vinrent se poser sur la joue de celui qu'elle avait mis au monde. Ces même doigts qui étaient jadis si élégants et graciles, et qui aujourd'hui se tordaient avec douleur comme autant de témoignages de la violence gratuite du Maître de Maison...qui tu es, et ce que tu es. N'oublie pas que les larmes sont faites pour les proies, et que tu es né dans la meute des chasseurs. Que tu le veuilles ou non, ton sang porte en lui sa puissance, et ce pouvoir tu doit l'assumer et le réclamer.

Elle le rembrassa avec amour.

-Va rejoindre ton père, mon fils et sois fier. Sois digne de mon sacrifice.


Le cinquième année acquiesça silencieusement. Il est des serments si lourds, si énormes, qu'ils ne peuvent franchir la barrière des lèvres lorsqu'ils sont pleinement assumés.

Il se détourna à regret de la clairière et de sa mère. Cette triste âme qui venait de s'asseoir avec difficulté sur le petit banc de pierre, entre les deux arbres de ses enfants. Elle était si belle, si lumineuse...Elle ressemblait à une chandelle vacillante à la merci du moindre courant d'air. Et Keith le savait, il en avait la conviction, bientôt quelqu'un viendrait moucher cette flamme pour toujours.

-Attend Keith...

Surpris il se retourna. Elle lui tendait un petit carnet bleu...

-Tu pourrais en avoir besoin.

Le Serdaigle glissa ses souvenirs dans la poche de son manteau avec le drame de l'habitude. Il n'osait soutenir le regard de sa mère. Il avait honte de son mensonge, honte de ce qu'il lui avait caché.
C'était devenu une tradition entre eux : à chaque débuts de vacances il lui faisait lire ses souvenirs des mois passés à Poudlard. C'était mieux que de raconter, c'était plus facile que de parler. Elle était la seule à avoir le droit de plonger directement dans la mémoire vive du jeune homme. Il ne lui cachait rien, elle ne le jugeait pas. Juste la vérité, rien que la vérité la plus pure, et pourtant là pour la première ça avait été différent car...

-C'est étrange j'ai eu comme l'impression qu'il manquait des pages. Tu commençais à parler du stade je crois, puis plus rien...Rien de grave j'espère.

-Je ne sais plus Mère. Je ne m'en souviens plus...


C'était un beau mensonge. Le plus beau des mensonges. Pourtant son châtiment ne se fit pas attendre, et il bénit l'obscurité qui dissimula la sa grimace de souffrance lorsque les plaies vives qui marquaient son torse se mirent à saigner abondamment. De petites perles écarlates, suintaient comme autant de gouttes d'acides porteuses d'un secret corrosif et ineffaçable. Elles coulaient sous la chemise du serdaigle en un flot ininterrompu qui ne pourrait jamais totalement se tarir...

* * *

* * *

-Entrez...

La voix sourde et grave gronda à travers le chêne massif de la porte. Elle roulait comme un torrent impétueux à même de renverser des montagnes. Elle rugissait comme un feu de forêt. Et elle frappait comme une masse d'arme aux ailettes aiguisées comme des rasoirs.

Anxieux, et inquiet le jeune homme poussa l'huis qui grinça sur ses gonds malmenés et rouillés avant de pénétrer dans l'antre du monstre.

Il était là, face à lui, menaçant, orageux et indéstrucible. Sa puissante stature de colosse se découpait au milieu des ombres rougeoyantes de quelques braises mourantes dans la cheminée. Il trônait fièrement au milieu de sa ruine, comme Moloch le dieu cannibale de la décadente Carthage qui se gorgeait du sang de son peuple, et son majestueux fauteuil de velours se courbait écrasé par sa titanesque puissance. Son regard ténébreux avait la faculté de vous plonger dans les pires terreurs et de vous renvoyer à l'état d'un enfant larmoyant et gémissant incapable du moindre mouvement de révolte. Il ne bougeait pas, c'était le monde qui tournait autour de lui. C'était de là, c'était de ce siège qu'il déplaçait ses pions et avançait ses cavaliers, sur l'échiquier du pouvoir.

Abominable monarque, deux fois craint fait d'ombre et d'acier.

Ainsi était Cairius Craft, l'ours monstrueux qui avait donné naissance à Keith et fait de sa vie une torture et un châtiment permanent. Sa main griffue caressait lentement son chat. Cette bête sadique échappée des abysses. Un félin aussi sauvage que cruel, aux griffes coupantes comme des poignards, et aux crocs empoisonnés. Nombreux étaient les elfes de maison à avoir trouvé la mort entre ces pattes expertes à vous rompre la nuque. Le Serdaigle c'était juré d'avoir la peau de ce démon, mais il n'avait jamais eu le courage de passer à l'acte. Frapper l'animal c'était sans prendre au maître, et à cela personne n'aurait pu s'y résoudre.

Keith s'inclina avec respect, car comme tout ceux qui pénétraient dans la tanière de la bête, il se courbait sous le joug du maître de maison.

-Relève toi mon fils. Et sois heureux, car ce soir la roue du destin à infléchie sa route.

Avec lenteur le jeune homme se redressa. Ses yeux mettaient un soin extrême à ne jamais chercher à défier le Maître. Il se devait d'éviter tout conflits avec le chef de clan, avec celui qui était le dernier seigneur mâle des Crafts.

Autour de lui, tout partait en poussière. Le bureau d'ébène c'était effondré sous les coups de poings foudroyants de son utilisateur. La bibliothèque n'était que ruine pour l'âme et l'esprit et les fenêtres éventrées laissaient entrer le souffle mortel de l'hiver. Pourtant ces ruines étaient la salle du trône de Cairius, le cœur de son domaine son sanctuaire inviolé, seul témoin des plus sordides méditations du monstre qui s'y terrait. Au mur, un tableau éventré, attestait muettement de la folie destructrice du Seigneur lieu, qui l'avait défiguré un jour de grande colère. Ce que représentait ce tableau, aux lambeaux pendant...Les deux frères, côtes à côtes unis dans la même haine fratricide l'un pour l'autre.

Cairius claqua des doigts, et un elfe de maison sortit de l'ombre pour venir se ranger à côté du fauteuil. Ses oreilles étaient orgueilleusement dressées sur sa tête, et son nez frémissait d'un dégout à peine contenue. Il serrait sa cape élimées avec des mouvements convulsifs qui trahissaient sa fureur. Pourtant c'est d'une voix parfaitement maitrisée et dégoulinante de la plus indigne soumission qu'il répéta son message :

-Ma très noble, et très estimée Maitresse, Dame Destinée Craft au Sang si Pur, souhaiterait vous offrir quelques insignifiants présents en vu de sceller comme il se doit les futures fiançailles.

Le regard d'acier du Père se posa sur son fils, qui se sentit soudainement faiblir. Ses jambes tremblèrent, mais sa volonté l'empêcha de s'écraser aux pieds de son géniteur.

-Keith ! Je veux que tu me représente. Tu accompagneras l'esclave et tu me ramèneras ce me qui revient de droit. Sans rien oublier...

C'est une lance ardente, chauffée à blanc par son mépris que Cairius enfonça dans le torse du jeune homme pour lui en percer le cœur. Keith était un faible, un chien dans une meute de loups, et comme les plus faibles il finirait par se faire dévorer par ses congénères, en cela Cairius était sincère et surement visionnaire.

L'elfe de maison, s'approcha du jeune homme et lui tendit son bras, sans même prendre la peine de le regarder. Résigné, le jeune garçon referma sa main gantée de noir sur le membre décharné de la répugnante créature.

* * *

* * *


Avec une révérence obséquieuse, l'elfe de maison ouvrit le lourd portail de fer forgé qui s'ébranla en grondant sur ses gonds d'acier.

Citation :
Il veut m'impressionner. Mais qu'il se rassure je ne laisserais rien paraître de mon trouble. Oh, bien sur que j'ai peur...Mais ce que je crains, ce n'est pas ce qui se dissimule derrière ces fenêtres noires, mais bien ce qui se trouve au fond de mon cœur...

-Et bien, jeune homme qu'attendez vous ? Vous croyez vraiment que c'est le moment d'écrire dans votre minable petit carnet bleu..Mais entrez...Bienvenue dans la demeure des Crafts...

Citation :
Ces jardins sont terrifiants de géométrie. Ils sont tellement carrés, tellement acérés, partout des lignes froides succèdent à des allées béantes, qui elles même rejoignent des bassins aux eaux aussi noires qu'obscures. Les Crafts veulent tout contrôler et cela se sent...Même la nature semble plier sous le joug impitoyable qu'ils lui impose. Mes pas crissent désagréablement sur ces petits graviers blancs, qui luisent d'une lueur fantomatique à la lueur de la Lune. Ah comme j'aimerais ne pas être là, ah comme j'aimerais ne pas avoir à affronter ce que je vais affronter...

-C'est beau, n'est ce pas ? Très impressionnant, non ? Tant de grandeur, tant de puissance...Mais venez, venez mon tout petit maître, il ne faut pas faire attendre les maitresses...Oh, elles ne seraient pas contentes, vraiment pas contentes si vous deviez arriver en retard...

Citation :
La gueule des enfers, voilà à quoi ressemble la demeure de mes ancêtres. Une bouche énorme, qui exhale des relents infernaux de son souffle sanguinaire. De multiples yeux noirs voilés de rideaux de velours, encadrent de lourdes portes à même de repousser les pires sièges. Les torches qui éclairent ce temple de cruauté et de débauche, font danser les gargouilles qui ornent les murailles gothiques de l'édifice. Plus je m'approche, et plus je me sens rétrécir, c'est comme si cette titanesque masse de basalte se mettait à peser sur mes épaules...Je suis comme Atlas, le titan qui soutient le monde sur son dos, mais moi ce qui lentement me détruit c'est le poids de cette dynastie maudite, dont j'entends résonner les rires sardoniques. Je suis écrasé, et l'esclave le sent, il se rit de ma faiblesse. Je hais son mépris, mais je le comprend...

-Plus vite, plus vite...Elles vous attendent, elles vous demandent, elle vous ordonnent...

Citation :
Lorsque Orphée descendit aux enfers, il trouva la porte ouverte...Mais à son retour elle était fermée, verrouillée et cadenassée. Il est des endroits dont on ne revient pas. Les deux panneaux d'ébènes n'étaient pas clos à mon arrivée, une petite fente laissait filtrer un peu de lumière, c'est par là que j'ai du me contorsionner pour pénétrer dans l'antre. L'elfe de maison n'a pas jugé bon de me faciliter le passage, je crois qu'il c'est amusé, lorsqu'il m'a vu me mettre de profil pour me faufiler comme un voleur, entre ces deux masses de bois que je n'aurais pu déplacer. Troisième cercle, c'est là que commence véritablement ma catabase. C'est là que tout se termine. Je sens peser sur moi le poids du regard de ces démons pétrifiés. Oh, ils se rient de mon malheur, ils semblent se gausser de mes craintes...Ils savent que bientôt je ne serais plus qu'un jouet entre leurs mains expertes et savantes. Et pourtant il doit être agréable d'examiner ces monstres de pierre à la lumière du jour. Et je suis sur qu'un regard attentif pourrait y trouver de multiples références aux millénaire de notre Lignée. Ici le dragon de mon blason, là l'ours de mon père. Dans ce recoin, Cerbère et ses trois têtes m'épie. Je sens le souffle de ses naseaux sur ma nuque, il sait que je devrais l'affronter pour ressortir...Et là, qu'elle est cette statue toute en courbes sensuelles...Non, je ne veux pas la voir...Une femme avec ailes...C'est horrible...Je ne veux plus la revoir ! Je ne dois plus la revoir !

-Attention petit homme, ne vous frottez pas aux statues, elle pourraient déchirer votre bel habit. Et puis elles sont si cruelles...

Citation :
La salle de réception maintenant...L'elfe de maison à décidé de me sortir le grand jeu...Il veut me faire sentir ma faiblesse, il veut que je comprenne que je ne suis rien, que je ne suis qu'une ombre égarée au milieu de cette salle gigantesque. Quelle folie mégalomane a pu concevoir un manoir si majestueux ? A l'orgueil si démesuré ? Le mépris de l'esclave est inutile, car ce qu'il veut me prouver, je le sais déjà ; je sais que je ne suis pas à ma place ici. Ma place est au cœur de mon jardin, loin des troubles du pouvoir, loin de la haine et de la corruption...Loin d'Elle dont le tableau me contemple. Elle a un petit sourire en coin, presque effacé, presque méprisant, presque ironique, presque haineux, presque tendre, presque, presque, presque, presque. Et pourtant c'est bien elle et je ne peux détacher le regard de cette représentation. Elle ressemble à Ophélie, mais sans vraiment en avoir les traits. Peut être le visage ? Peut être le regard ? Peut être par le sang ? Peut être par l'amour que je lui porte ?

-Attention ! Vous allez tacher le sol avec votre encre stupide. A trop regarder on se brule. Allons, elles nous attendent.

Citation :
Quatrième cercle...La désillusion, moi qui croyais que j'aurais droit aux honneurs d'une réception...Je suis vraiment naïf, d'avoir espérai un instant que je serais reçu avec les égards du à mon rang. Et si c'était une trahison, et si cette invitation n'était qu'un prétexte pour faire disparaître un héritier gênant et déméritant ? Je ne suis pas convié à un mariage, mais à des funérailles, à mes propres funérailles. Oh, je n'ai pas peur. La mort je l'ai déjà accepté comme une aimable compagne de route qui me suit comme une ombre, et qui n'hésite pas à faucher les fleurs qui poussent au bord de ma destinée. J'ai enseveli mon âme, j'ai noyé ma sœur, et je vais enterrer ma propre Mère...Que disait Charon – le batelier aux noirs avirons - à Dante déjà ? Ah oui, n'emportez rien avec vous, car aux enfers vous serez seul, tout seul...

-Prudence il y a une marche, puis une autre marche, puis encore une autre. N'oubliez pas, c'est un escalier...

Citation :
Cette abominable créature n'a même pas pris la peine d'allumer une lanterne, elle se déplace dans le noir le plus complet sans même se cogner aux murs. Je suis obligé de me servir de ma propre baguette pour m'éclairer, ce qui n'est pas très pratique pour écrire. Me voilà dans une sorte de sas obscur, partout le néant. Je ne sais pas où je vais...Parfois l'horrible monstre revient sur ses pas pour me guider, et puis il repar, noyé, avalé par le silence. C'est un endroit étrange, très étrange, de temps en temps mon Lumos éclaire quelques cranes répugnants qui semblent orner les murs, et décorer les parois. Suis je dans une sorte de crypte ? Peut être est ce là l'ultime demeure des Crafts. Après avoir dormi dans des draps de velours et de soie, il s'en vont reposer sur une couche de basalte avec les rats pour dernières maitresses. Amusant, et pathétique...

-Bravo, bravo, patience, patience...patience...Nous arrivons au terme de notre descente jeune monsieur. Attendez je vais faire un peu de lumière...Et voilà, c'est mieux non ? Ne me perdez pas de vu car nous somme dans un vrai dédale...

Citation :
Un dédale ? C'est donc là, à l'abri de ces enfilades de galeries qui parcourent les fondations de la bâtisse que mes ancêtres ont enfermé leur minotaure ? Sixième cercle...La folie et l'anarchie de ces veines de pierre qui tailladent la roche m'impressionne. Combien d'ennemis se sont ils un jour égaré dans ces enfilades froides et austères, pour ne plus jamais en ressortir ? Curieux...Il me suffirait de perdre mon guide de vu pour ne plus jamais revoir la lumière du jour et le soleil. Enfin, j'imagine qu'ils ne m'ont pas fait venir ici juste pour me perdre dans labyrinthe. Les Crafts ne sont pas fous à ce point...Si ?

-Oh, mais que je vois je : le bout de la route, la sortie, le centre du cercle...Et voilà, le petit chien errant a retrouvé ses maîtres...

Citation :
Violence...J'ai frappé, et franchement je dois avouer que cela fait du bien. Mon gant à heurté sa petite tête, avec un horrible craquement, et son crâne nu est allez dinguer contre un mur. Il y a même laissé une longue trainée écarlate et sanglante. Une vrai gifle de Craft ; je crois même que je lui ai cassé le nez. Père, si jamais vous lisez un jour ces lignes, sachez que votre fils à eu le courage de souffleter l'arrogant petit elfe de maison de Dame Destinée Craft. Une victoire éclatante...La première victoire d'un maître contre un esclave...Mais rassurez vous, je me suis excusé...Après tout, dans le fond il n'avait pas tort. Septième Cercle je crois...

-Vous n'avez plus besoin de moi. Je m'en retourne auprès de ma Maitresse.

Citation :
Ainsi c'est là...dans cette immense caverne aux proportions Dantesque qu'ai né la légende noire des Crafts. Je suis face au cœur palpitant de cette demeure. Enfin je découvre la matrice dégénérée qui a donné naissance à mille ans de corruptions, de damnations, et de gloires éphémères. Tout est là, l'agencement de cette pièce n'ai qu'un prodigieux résumé de la tragédie de la famille au blason d'argent frappé d'un dragon noir. Des instruments de torture pour la violence omniprésente, un bassin d'eau noire pour les secrets obsédants, des livres poussiéreux pour l'intelligence acérée, des alambiques pour le pouvoir de création dément, et des torches pour la flamboyante beauté tentatrice de nos monstruosités. Il plane dans ce lieu comme une odeur de mort, comme si un drame venait de s'y dérouler, un drame silencieux dont je ne perçois que les échos comme autant de cris de douleur répétés dans l'infini de ces grands espaces. Cette endroit et horrible, et pourtant je m'y sens bien. C'est comme revenir dans le ventre d'une mère. Je suis un fœtus heureux de nager dans la boue sanglante et putride qui l'a vu naitre. Ah comme il est bon de se rouler cette fange noirâtre, qui comme le plus nourrissant purin, a engraissée mes gloutons ancêtres.

Silence

Citation :
Neuvième cercle...Pénombre...

* * *

* * *

Keith la reconnue facilement. De toute façon il ne fut qu'a moitié surpris, il savait qu'elle serait là. Il n'était pourtant pas devin, mais il en avait eu l'intime conviction. Et c'est cette conviction qui avait armée ses craintes et guidée ses pas lors de ce périple souterrain. Son cœur brulait de joie à l'idée de courir se jeter dans les bras de l'être aimé et d'enfouir sa tête dans le creux de sa nuque et la volupté de sa chevelure, mais son esprit se cabrait et tremblait en présence de la Succube. Il voulait, mais ne pouvait.

Il avançait lentement, les yeux fixés tour à tour sur le bassin ou les ombres dessinées par les torches. Ce combat qu'il livrait contre lui même, il l'avait préparé pendant de longues heures. Il avait eu le temps d'y penser au cœur de son labyrinthe de verdure, dans cette loge qui l'avait abritée durant l'entracte entre le premier et le second acte de sa tragédie. Ces quelques mètre qu'il franchit, lui furent nécessaire pour raffermir sa volonté et revêtir son armure. Il avait pour bouclier le souvenir de cette caresse qu'il avait donné à l'aulne de sa sœur, et la brulure que les lèvres de sa mère avaient appliquée avec tendresse sur son front.

Ombre parmi parmi les ombres, Pénombre brillait d'un éclat particulier. Pourtant à aucun moment il ne la regarda directement, il avait choisit de l'ignorer délibérément. Il ne voulait pas retomber dans les ornières du passé, et redevenir esclave de ses passions. Il s'abritait avec lâcheté derrière les illusions de la courtoisie, d'une politesse guindée et d'un respect surfait. Il espérait que l'entretien ne durerait pas. Il ne voulait plus rien avoir à faire avec elle. Il lui avait déjà fait subir assez de tourments, pour en rajouter encore de nouveaux. Il l'aimait, et pour cela était prêt à lui prouver le contraire.

Aussi il s'inclina devant elle avec raideur et sa voix morne énonça :

-La branche secondaire vous salue, et vous assure de son plus profond respect.

Mais il avait commis une maladresse peut être la première de sa vie. Lui d'ordinaire si attentif, si concentré sentit avec terreur son petit carnet bleu tomber de sa poche. Le bruit de sa chute, quoique étouffé, résonna lugubrement dans les profondeurs de la caverne, et il l'observa avec angoisse ses souvenirs glisser jusqu'aux pieds de Pénombre.
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MessageSujet: Re: L'enfer de Dante [Pv][Terminé]   L'enfer de Dante [Pv][Terminé] EmptyLun 22 Mar - 23:06:20

« Viens Keith, lui dis-je des paupières. Et charme ma nuit. »


Forgé dans le feu le plus ardent et le plus sauvage, des entrelacs rouillés de fer torturés enlaçaient avec exiguïté de longues silhouettes immobiles, sombres et effritées par le temps, dont les corps féminins, fiers et forts avaient été cruellement martyrisés par leur sculpteur, au nom oublié depuis des siècles et des siècles. Gardiennes de l’entrée de ce lieu nauséeux, elles étaient plongées dans des ténèbres si opaques et profondes que les ardeurs des flammes des lampes à huile, si téméraires soient elles, ne parvenaient pas à les dissiper, les tenir en respect, à distance comme si chacune des ombres de la crypte avait été emprunte d'une vie propre, d'une existence immuable et insaisissable comme autant d'âmes damnées. Là, seule et glacée, Pénombre attendait en compagnie de ces noires statues de pierre morte, ces effigies sculptées de douleurs et de lassitudes qui fixaient d'un regard aveugle et éteint les nuits éternelles du lac maudit. Son souffle régulier résonnait paisiblement contre les murs poussiéreux du lieu accablé par les siècles qui s’étendaient à ses pieds en une longue trainée morbide de pavés rougeâtres et semblait éveiller dans la salle de longs échos qui, joints aux étranges jeux d'ombres et de lumières, semblaient tour à tour rendre attentifs aux vivants qui s’égaraient là, l’esprit enragé des défunts ignoblement sacrifiés dans ce tombeau funeste. Par delà le temps et les interminables heures à le parcourir sous la contrainte et le devoir, le fétide souterrain étendait encore ses infinies racines dans les innombrables sinuosités rocheuses du basalte dans lequel il avait été taillé, se perdant dans des gouffres insondables d’obscurité, bien au-delà la vue et de l'imagination.

La lumière dansante des torches trouvait de pâles échos miroitants sur le cuir luisant du corsage de Pénombre. Les broderies argentées du survêtement lui enserraient la taille pour s’agencer avec grâce autour du blason de la famille Craft sur son ventre tandis qu’une boucle de cuir tressée retenait fermement sa baguette magique à sa hanche gauche, une dague étant maintenue dans un fourreau ouvragé de l’autre côté. La tenue d’apparat traditionnelle pour les femmes du Clan Craft depuis des siècles, à laquelle s’ajoutait une interminable robe sang qui recouvrait entièrement ses longues jambes musclées et entravait considérablement ses libertés de mouvements, tel le fardeau tissulaire qui ne devait jamais faire oublier à ces dames de lignée, la place inférieure d’incubateurs vivants pour héritiers mâles qu’elles occupaient. Rien de plus, rien de moins. Contrainte par ces vieilles coutumes ancestrales qui pourrissaient la filiation dans une léthargie régressive, elle avait attaché la longueur obscure de ses cheveux en une coiffure complexe et encombrante d’où s’étiraient de toutes parts, de fines chaines ouvragées de titane et d’argent poli.

La fragrance d’un parfum délicat et familier vint bientôt caresser son odorat développé par sa nature animagus, en perturbant gravement la méditation silencieuse de la Ténébreuse. Avec souffrance, le gout enivrant des lèvres de Keith lui revint à l’esprit en même temps qu’elle percevait, pourtant dos à lui, les électrisants stimuli sensoriels de sa présence, sa voix et la douce odeur de sa peau, la chaleur de son corps irrésistible que son instinct prédateur avait à présent parfaitement décelé au sein glacé de cet environnement aux vibrations malsaines. Dans une douleur muselée, ses poings se serrèrent autour de ses mains d’albâtre et elle resta immobile, brisée, hésitante et indécise sur la façon appropriée avec laquelle il faudrait l’affronter et le saluer. Devait-elle se jeter dans ses bras et l’embrasser à nouveau, d’une fougue nécessaire à espérer pallier le manque terrible avec lequel son absence l’avait meurtrie et dévastée ces dernières semaines ? En profiter avant qu’un nouveau statut fraternel plus qu’inopiné ne l’en empêche définitivement ? Ou bien jouer les hypocrites sournoises et indifférentes en se contentant froidement des usages de politesses habituelles ? Le frapper, l’heurter en exprimant dans la beauté troublante de ses chairs la supériorité de son pouvoir sur lui ?

Désagréablement prise au dépourvu par l’identité redoutée du bras avide de Cairius Craft qui menaçait de la déposséder cruellement de ses dus promis depuis la naissance, Pénombre se laissa un instant envahir par l’envie redoutable de pousser à son terme l’avantage premier que son statut favorisé et le terrain avantageux de son domaine lui accordaient d’une injustice flagrante, sur son invité. Seules l’implacable domination de son sang et la force insondable que lui conférait la démence de son amour pour Keith, lui avaient permis de résister si longtemps à la tentation d’user sur lui, de la féroce supériorité de pouvoir accordée à sa branche. Mais à présent que les rapports menaçaient dangereusement de s’intervertir en sa défaveur, un élan de détresse indéfinissable hurlait en elle toute la nécessité vitale de s’assouvir et de se libérer en protégeant jusqu’à la mort, la légitimité précieuse de son héritage, son inestimable accès direct au pouvoir de lignage.

« Disparais maintenant. »

Ordonna la Serpentarde au vieil l’elfe de maison qui obtempéra immédiatement dans un claquement sonore. Isolée avec lui, la présence du jeune homme lui pesa davantage au cœur et elle maintint l’offense condamnable de lui faire dos.

« Bonsoir Keith. J’ignorais que c’est toi qu’ils allaient envoyer. »

Pour voler de droit ce qui revenait légitimement à la famille de son défunt Père. La putride main griffue qui se tendrait, pleine d’avidité vorace et de corruptions, vers le pouvoir convoité que ces autres n’avaient jamais possédé. Laver leur infériorité d’influence, la faiblesse secondaire de leur sang dans celui de l’agneau, les liens superficiels, fictifs et vains du mariage. Pénombre voulait régner sans partage et rejetait avec violence la tutelle asservissante et gangrénée de haine de Cairius Craft qui, s’il haïssait viscéralement les femmes, aurait encore moins de scrupules à l’assassiner pour asseoir sa propre progéniture ruinée sur le trône du pouvoir qui revenait de tout droit à Pénombre. Et à elle seule. Malgré l’affection profonde et fondamentale que la brune portait silencieusement à Keith, les propos qu’elle venait de lui adresser avaient revêtu une rude âpreté rancunière, acide, plus destinée à sa parentèle qu’à lui-même et si elle en prit quelques vagues consciences à l’écoute des accents blessants de sa propre voix, elle n’en formula toutefois l’excuse verbale.

Une atmosphère quelque peu lugubre, silencieuse et vide s’abattit lourdement dans la pièce privée de la présence de Destinée car les rangs d’elfes asservis ayant accomplis leur basse besogne, s’étaient évaporés dans un soupir vibrant depuis quelques minutes déjà, laissant les deux héritiers de lignée seuls, dans l’immense salle des sévices. Enfin, la belle daigna se retourner vers son cousin pour contempler avec un désespoir contenu le visage fermé et fuyant de son hôte dont le regard clair ne semblait la voir. La force étrange qu’irradiait l’aura du Serdaigle, plus intense et résignée, semblait également plus puissante qu’à l’ordinaire et il lui devint bientôt évident qu’il se murait derrière un ardent bouclier protecteur qu’il avait soigneusement élevé à son égard. Là d’où elle ne pourrait l’atteindre et le toucher, là d’où elle ne pourrait l’aimer. Une tristesse indicible s’empara d’elle et lui asséna un terrible coup à cette constatation cruelle.

« Je ne t’attendais pas si tôt, il faudra encore une heure pour que les objets soient déplaçables. Ils ont encore besoin de se stabiliser magiquement. »

Mais soudain, la pâleur limpide de ses iris fut attirée au sol par la noirceur régulière d’une calligraphie familière. Des brides d’âmes sur lesquelles ses prunelles obscures s’accrochèrent avec un intérêt inébranlable, une passion purement maléfique qui déchainait en son cœur une bestialité grondante. Elle lui sourit paisiblement mais l’expression sauvage qui teinta avec une subtilité délicate ses traits inspirait la vengeance jalouse qui pulsait dans son cœur aride car elle savait avoir sous les yeux, l’arme dangereuse et imparable qui pulvériserait sans merci ce maudit bouclier dont il avait osé se parer contre elle et qui le rendait totalement inaccessible à ses assauts. Rapide, l’ancienne Capitaine de Quidditch tendit la main vers le saint support de sa mémoire et s’en empara avec toute l’impudence invasive qui seyait à l’outrage impardonnable qu’elle savait accomplir, parfaitement conscience que l’acte en lui-même se comparait aisément à un viol psychologique. Pénombre ne pouvait renoncer aux prises qu’elle désirait entretenir sur Keith et d’un pas, elle se mit hors d’atteinte des éventuelles protestations physiques du propriétaire du carnet. Avec une indécence consommée et revendiquée, la Milicienne lut les dernières pages qui s’offrirent avec un délice défendu et condamnable à son regard vorace qu’une certaine anxiété troublait. L’éden dévasté de cendres et de poussières qui sommeillait en lui, s’ouvrit comme une chute interminable dans des abysses sans fond et la douleur de la teneur de ses terres stériles fut à la hauteur de l'outrage.

« Si je suis ton Enfer, tu es également le mien. Et je vais te le prouver immédiatement. »

Sa voix murmurait avec colère, fureur les blessures causées et s’enflammait dangereusement hors de contrôle vers l’acte irraisonné. Un rictus carnassier se dessina lentement sur son visage blême, une expression de révolte froide et de mutinerie rendue menaçante par les halos orangés, rougeâtres dansants sur la peau laiteuse de la sorcière, lorsqu’elle s’empara rapidement de l’ébène obscur de sa baguette et qu’elle la pointa sans sédition sur sa cible, prononçant distinctement l’incantation :

« Sharrus rimemoram ! »

Il ne lui pardonnerait certainement pas ce vilain sortilège qui permettait de mettre immédiatement en commun et sans aucune transition consentante quelques uns des souvenirs de l’initiateur du maléfice, de créer magiquement un étroit et intime espace astral dans lequel deux êtres vivants pouvaient être amenés à confondre partiellement leurs deux mémoires en une seule. Sensiblement comparable à la plongée dans une pensine étrangère, à la notable différence que puisqu’il ne s’agissait pas que de pensées pures, la continuité du souvenir revécue risquait d’être très endommagée, les images déformées ou dépourvues de sensations, de sons ou de lumières ; car la plupart du temps, ces rappels de réalités physiques, d’actes déjà accomplis étaient retraversés par l’invité non pas tels qu’ils avaient été expérimentés et vécus mais tel que l’hôte s’en souvenait…

A mesure que le sortilège prenait effet, ils purent aisément percevoir de plus en plus nettement, des lamentations lointaines et éthérées, effacées et presque indistinctes qui semblaient s’élever en chœur, provenir de témoins invisibles refoulés dans l’ombre des murs de pierres courbes et crevassés. Un chant profond, inhumain simultanément touchant et perturbant, qui commençait à résonner dans l‘esprit de Pénombre comme il devait retentir dans celui de Keith, d’une harmonie hypnotique, entêtante et dangereuse. Des voix tonnantes, comme une réponse à une litanie oubliée, sans écho depuis des siècles. De beauté étrange, leurs consonances se déséquilibrèrent progressivement en invocations hurlées sur des lèvres tordues, retroussées par la rage ou la colère, la haine ou la terreur, propageant aux deux héritiers Craft un sentiment perturbant d’inquiétude et d’insécurité. Une sorte de voûte invisible, parcourue par une quantité certaine d’énergie, se formait graduellement autour des jeunes sorciers, s’accomplissant autour d’un faible diamètre entourant tout juste leur deux corps l’un en face de l’autre. En se densifiant à mesure que le temps s’écoulait, le dôme consumait progressivement autant qu’inexorablement, tout ce qui se trouvait au-delà de sa périphérie propre. Sensiblement, le verre courbé des outils d’expérimentations alchimiques se ramollissait à vue d’œil, les restes de liquide sombre en leur creux s’évaporant doucement tandis que les coupes, plus fines, fondaient les premières, se déformant, s’avachissant lamentablement sur leur pied jadis si gracieux et si habilement ouvragés. Maintenant vers de terre se tortillant, fusionnant à s’en confondre dans une flaque opalescente. La pierre grisâtre du sol elle-même se fissurait par endroit sous la hausse violente des températures tandis que la chemise de Keith, toujours abandonnée par terre venait de s’embrasser dans un incendie spontané. Bientôt, tout ne fut plus que désolation et terrain cautérisé autour d’eux, l’indécise lumière alentour, frissonnante et sans origine, réfractée dans une averse de suie à la dérive s’effaçait lentement à mesure que l’ombre s’annonçait en silence.

Puis, une pestilence âcre, violente, évoquant le souffre assaillit soudainement les narines des deux Craft alors qu’une fumée fétide, toxique troublait les contours du décor dans lequel ils se trouvaient encore, engloutissant les détails visibles de la pièce autour d’eux, altérant la netteté de ses contours et dévorant avidement l’ombre imposante de ses entrailles. Tout s’anamorphosait et disparaissait autour d’eux dans un tourbillon lourdement silencieux, les couleurs s’affadissant avant de fusionner entre elles, les lignes de séparations des objets se dilatant avant de se confondre, tant et si bien que même les silhouettes les plus simples en devenaient aberrantes. A l’exception des chœurs entrainants qui ne cessaient de s’accentuer d’intensité, tout autres sons s’abimaient, absorbés dans un soudain mutisme pesant. Leurs repères sensoriels finirent par être totalement accaparés par le néant et bientôt la lumière des torches vives fut aspirée dans un tourment de ténèbres infinies tandis qu’ils plongeaient très profondément dans la conscience de Pénombre, que Keith s’incarnait en focalisation intérieure dans sa cousine.

De violents éclats de foudre, un hymne funèbre de douleur sonique, geignard, tournoyant, se condensèrent en extase dévastatrice tandis que l’esprit du Serdaigle, qui partageait maintenant le point de vue intime des souvenirs de l’Animagus, percevait avec délices, le murmure pénétrant de toutes les harmonies du Monde. Plus confuses à présent, les tonalités chatoyantes s’affadirent doucement, s’engloutirent bientôt dans les sillons mortels de l’absolue sensation. La forme fugace du corps du jeune homme revint, des images de lumière captive par delà le sourire innocent qu’il s’adressait à lui-même, à travers le regard de Pénombre. Des contours miroitants qui ondoyaient avec le chant des sirènes de sa voix lointaine, des couleurs d’un éclat perçant, des étincelles sonores frémissant à travers ses sens surdéveloppés par la transe subie. Des lancinations d’un insoutenable bonheur ravagèrent sa conscience vacillante, explosions stellaires d’impulsions sensorielles en lutte, qui dérivèrent une fois de plus en phénomènes incohérents de ravissement et de souffrances entremêlés un instant fugace avant que son esprit malmené par tant d’exigence sensorielles n’explosât violemment pour les suivre dans un chaos final.

Des silhouettes lustrées de beauté nue composèrent ensuite des dessins pirouettant, d’une perfection éblouissante. Durant un interminable espace intemporel, la Ténébreuse s’émerveilla de leur splendeur kaléidoscopique, sa conscience se fondant à l’intérieur de la mosaïque chamarrée de leurs mouvements tellement fluides. Leur danse, la beauté de leur danse… Un miracle qui arrachait l’âme et tenait en respect les voix stridentes de la douleur, de la terreur qui jacassaient aux lisières fragmentées de son esprit. Une infinité de Dieux fascinants comme d’innombrables images de son aimé, se tissant à travers les brumes glaciales d’une palpitation colorée. Elle sentait la profonde fissure que la démence de son désir bestial pour Keith avait entrainée dans son être, les blessures qu’une transformation en animae, aussi violence qu’incontrôlée, avait provoqué dans l’essence même de son existence. La raison menaçait dangereusement de s’effilocher en totalité dans cet amour interdit derrière lequel menaçait la folie la plus abyssale et la plus irréversible.

A présent, Pénombre comprenait que ce qu’elle observait dans sa délicieuse transe n’étaient que d’infinis reflets de son unique Amour, la beauté sculpturale qu’elle percevait dans le cœur d’innocence de son cousin, réfléchie par tous les miroirs du cosmos auxquels on n’avait accès que dans le déséquilibre sensoriel et émotif le plus pur et le plus accompli. L’héritière des Craft désira contempler la véritable essence de la chimère qu’elle dévorait des yeux avec passion et son esprit prit son essor à travers les volutes de motifs, en quête de vérité. Du temps s’écoula. Comme une poussière de débris interstellaires happée par l’attraction impérieuse d’une étoile noire et la sorcière tomba infailliblement vers le point focal du labyrinthe en constante mutation.

Au cœur du tourbillon de heurts saccadés, sa quête prit fin et sa conscience se fusionna dans une contemplation béate. La porcelaine lumineuse de la chair parfaite de son fantasme de Keith s’offrit au regard, une majesté crémeuse à la forme sans défaut d’où émanait un lustre tiède d’une sublime teinte indescriptible, la ligne délicate de sa nuque qu’ourlait la lumière comme prise au piège d’un duvet impalpable et ambré. Ses épaules étaient des courbes sensuelles à la délicatesse florale, ses hanches de sombres mystères inexplorés et ses membres pâles une douce sorcellerie tandis qu’il décrivait les arabesques de la danse. Le mirage la vit enfin et la bienvenue farouche de son sourire d’albâtre, la convocation étrange de ses yeux bleus l’invitèrent à partager son espace. Des accords de couleurs douloureuses comme des aiguilles roulaient autour d’eux tandis que les deux héritiers Craft évoluaient, tissaient des éclats de lumière en duveteuses montagnes de chant. Il la fit doucement retomber en arrière sur les douces ondulations de motifs en fougère et lui ouvrit la tendresse de ses bras aux muscles lamées, ses lèvres fines. Tandis que Pénombre dérivait dans l’étreinte chimérique de son cousin, elle s’émerveillait sans fin de la perfection radieuse des lignes, du feu vivant de sa chair, porcelaine sorcière de chaleur et de velours.

Mais doucement, le délicieux sourire que sa tendre divagation arborait changea, s’ombrant de douleur, d’une souffrance violente et terrible, presque de cruauté… Son torse de marbre se souleva au rythme du trouble de Pénombre, frémissant sous les efforts de son souffle. Puis brutalement, son buste d’éphèbe se fendit avec violence selon la ligne médiane et ses côtes sanguinolentes jaillirent vers l’extérieur comme éclosent les pétales d’une fleur, exprimant une invite décadente dans la brise écœurante du son. Sa voix tonna avec brutalité dans le crâne de la Serpentarde, emplit d’une amertume et d’une rancœur ravageuse :

« Regarde ma chère cousine. Regarde ce que tu m’as fait. Regarde moi saigner et mourir sous le coup de tes griffes, Pénombre. »


Une explosion de sensations électrisantes déferla sur sa forme atrocement mutilée et ses bras minces, sans articulation appelèrent l’Anglaise comme les filaments tentateurs d’une orchidée obscène. Son sourire putride s’élargit, et une impossible longueur de langue écarlate se déroula en direction de la gorge de la Ténébreuse. Elle fut engloutie par des vibrations de tourments parfumés aux fragrances entêtantes de la peau de Keith et prise d’une terreur subite, lutta contre l’étreinte meurtrière de l’être aimé, gifla les pétales qui l’enveloppaient, l’étouffaient. Il lui griffa le visage de ses serres acérés, tenta de lui piquer la jugulaire de sa langue en aiguille tandis qu’elle l’empoignait par le cou sans ossature pour l’étrangler, combattait désespérément pour ne pas fondre dans cette vampirique extase de mort…

Brusquement, le souvenir des instants de délires fous qui avaient suivi l’incident survenu au terrain d’entrainement, il y avait de cela presque trois semaines, se dissipa et le regard de la Milicienne se rembrunit tandis que le maléfice d’entrave se rompait en même temps que le souvenir partagé. L’intensité avec laquelle Pénombre avait jeté son sortilège avait invité trop loin l’esprit du Serdaigle à revivre ses réminiscences pénibles et elle s’en voulait maintenant des horreurs terribles qu’il avait découvertes en sondant son esprit sous la propre volonté de sa cousine. Vidée de ses forces et honteuse, la Vipère tomba lourdement à genoux en laissant s’échapper de ses prises, le précieux carnet de Keith…
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MessageSujet: Re: L'enfer de Dante [Pv][Terminé]   L'enfer de Dante [Pv][Terminé] EmptyJeu 25 Mar - 1:52:47

L'eau dans le bassin clapotait avec des langueurs de félin endormi. De petites vaguelettes venaient lécher voluptueusement les murailles de pierre de leurs langues d'Onyx, comme autant d'invitations morbides et sordides à disparaître dans leurs ténèbres. La lumière des dizaines de lampes à huile qui éclairaient la scène n'allumait aucun reflet, aucune chatoyance dans ce gouffre d'ombre et d'oubli. Ce n'était pas de l'eau, c'était de l'encre qui ondulait paresseusement et mystérieusement, comme animée par un courant invisible aux yeux de ceux qui osaient jeter leurs regards dans cette cuve infernale. C'était comme si on avait sacrifié des milliers d'ouvrages, des milliers de connaissances dans cette caverne pour en extraire l'essence et la verser dans cette marmite de basalte.

Keith avait toujours aimé l'eau noire. Il aimait cette splendeur crépusculaire. Il aimait savoir que derrière cette couverture opaque des centaines de secrets se dissimulaient loin du regard des mortels. C'était le loch insondable qui avait jeté un suaire de néant sur le corps d'Ophélie, c'était l'océan qui noyait et érodait ses souvenirs, c'était le mystère de la vie et des apparence, c'était le Styx ce fleuve infernal dont les flots bouillonnants dévoraient les souvenirs, c'était Keith... Méfiez vous de l'eau qui dort, le jeune Serdaigle aimait à savourer ce proverbe populaire. Il se plaisait à faire jouer les syllabes sur sa langue, en regardant les étangs stagnants, comme on apprécie un vin particulièrement âpre et fort. Lui plus que tous savait que les apparences étaient trompeuses, qu'il ne fallait jamais se fier aux illusions de l'obscurité et au calme de l'océan endormi.

Mais pour l'instant cette fascination contre nature n'avait pas lieu d'être, elle avait été remplacée par les flammes d'un courroux dévorant qui menaçait d'annihiler son être dans une explosion de haine. Le noir de son costume ne faisait que mieux que ressortir l'éclatante pâleur de son visage chauffé à blanc par l'ardeur de sa fureur. Il était immobile, mais d'infime frissons le secouaient parfois, comme autant d'ondes de sauvagerie. Chacune de ces lames de fonds ébranlaient les digues de sa dignité, qui ne demandaient qu'à se rompre dans un raz de marée sanguinaire. Ses bras croisés sur son torse se serraient convulsivement, comme pour mieux résister aux sirènes destructrices de l'appel à la vengeance. Pour la première fois de sa vie, et surement pour la dernière il eu envie de la tuer. La violence de son amour agissait comme huile sur le feu de la trahison de Pénombre. Comme dans un songe, il se vit planter un poignard acéré dans ce cœur adoré qui venait de piétiner son honneur et de rompre l'ultime des tabous. Il aurait pu se jeter sur elle, en poussant des cris haineux...Mais il n'en fit rien. Immobile, digne, antique et majestueux il ne voulait pas lui faire le plaisir du spectacle de sa douleur, il ne souhaitait pas s'abaisser à rendre les coups bas qu'elle lui portait.

La robe écarlate de Pénombre était pleine du sang qu'elle venait de lui arracher. Abominable Erynie, venue au monde pour mieux le tourmenter et le damner, elle semblait s'amuser à le fouetter avec sa curiosité déplacé. Ainsi c'était ça les Enfers ? Un lieu de corruption et de perdition, où la tendresse finissait par laisser place à la haine ? Jadis, Keith pensait qu'il pourrait tout pardonner à Pénombre, mais désormais il n'était plus vraiment certain de trouver en lui la force de laisser cet affront impuni. Il était venu vers elle, tremblant, sa coupe débordant de regrets et de culpabilités, avec l'envie de ne pas rouvrir certaines blessures que le destin avait pu leur infliger, et elle au contraire avait choisi de se jouer de lui. Comme un rapace sanguinaire qui plonge sur les troupeaux de moutons, elle n'avait pas hésité à lui ravir son plus précieux trésor, avant de s'enfuir au nez et à la barde de son impuissance pour mieux s'en repaitre dans le nid de son sadisme.

C'était cruel de sa part, et ce n'étaient pas les yeux du jeune homme qui allaient dire le contraire. Jamais les deux saphirs qui ornaient son visage, n'avaient eu des arrêtes aussi coupantes et des angles aussi saillants. Le bleu, était devenu sombre comme un ciel d'orage, et de lourds nuées s'amoncelaient dans les pierres précieuses. Mais cette tempête qui couvait en lui, il sut la museler, et la dominer. Il ne voulait pas laisser échapper d'éclair, il ne voulait pas comme elle commettre l'irréparable.

Lorsqu'elle leva sa baguette, il ne fit rien et ne tenta rien. De toute façon il n'aurait jamais pu s'opposer aux talents martiaux de la Milicienne. Il n'espérait qu'une chose, qu'elle fasse enfin ce qui devait être fait. Elle avait l'opportunité unique de mettre un point final à cette tragédie. Si elle acceptait de l'effacer de cette existence, alors il pourrait enfin goutter aux joies du néant et de l'oubli. On dit que la mort n'est qu'un long sommeil, et il aurait aimé le trouver de la main de sa chère cousine. Le destin les avait jeté cruellement l'un contre l'autre dans l'espoir de les briser, mais plutôt que de s'anéantir mutuellement dans une terrifiante explosion de passions, il suffirait que Keith accepte de se sacrifier pour que la balance retrouve enfin son équilibre. Il avait toujours hésité à faire le grand saut, à mettre fin à ses jours, plusieurs fois il avait pu faire un pas au dessus de l'abime, mais inéluctablement le souvenir de Pénombre l'avait ramené, tremblant et sanglotant sur le bord de la falaise. La Serpentarde était son ancre, elle était la dernière amarre qui l'empêchait de quitter le port de cette sordide existence pour effectuer son ultime voyage.

Tout aurait pu s'arrêter là dans un éclair vert, mais de nouvelles cartes sortirent du tarot des Parques, et la Roue du Destin changea de direction à la grande surprise de Keith. Il écouta avec effarement les paroles gronder sous la voute de basalte. Les notes de la voix de Pénombre tournèrent et rebondirent contre les murailles de la caverne, comme l'écho d'un blasphème hurlé dans une cathédrale. Il ne connaissait pas cette formule, mais elle contenait en substance l'essence de ses tourments : « mémoriam ». La mémoire, cette petite enveloppe délicate dans laquelle on pouvait glisser des souvenirs comme autant de feuillets parfumés, elle avait brulé deux fois chez Keith. La première fois elle avait disparue, dévorée par la dégénérescence et la corruption qui coulaient dans son sang, la seconde fois elle avait été profanée et brisée par la curiosité sadique de la Panthère ; triste mémoire, deux fois martyrisée, mais toujours douloureuse.

Le grain de sable stoppa sa chute entre ciel et terre dans le sablier. La goutte d'eau refusa de tomber de la clepsydre, et le gigantesque balancier de bronze et d'airain s'immobilisa. Le temps n'était plus...Keith n'était plus.

La caverne explosa en un gigantesque maelström de formes et de couleurs. On se serait cru dans une de ces peintures de Bosch, une de ces toiles infernales où les décors s'estompent pour ne former plus que des gueules écumantes et absurdes. Imaginez une toile que l'on aurait laissée sous la pluie pendant de longues averses automnales, et dont la couleur finit par couler, baver et dégouliner sur le tissu. Vous vous ferez ainsi une bonne idée du déroutant spectacle qu'enregistraient sans le voir les yeux de l'aiglon. Comme dans un accès de démence les cinq sens du jeune homme s'emballèrent furieusement. Ses oreilles étaient pleines d'un hymne lancinant aux trémolos mélancoliques, sorte de chant d'un Phénix dont le plumage avait les reflets de l'Onyx. C'était un chant du cygne qu'il entendait, des notes d'une céleste pureté dont les vibrations auraient pu arracher des larmes de sang à une statue. Sa peau transpirait comme s'il était pris de fièvre, et le sol à ses pieds se mit à trembler, comme en proie à de terribles convulsions.

Ces voix éthérés venues d'un autre âge, et d'un autre temps pavèrent pour lui une route de lumière qu'il fut forcé de suivre alors que devant brillait l'ombre du néant. Il se cabra, il tenta bien de résister, mais toujours il progressait sur son chemin de croix.

Pénombre n'avait pas le droit de lui dérober sa vengeance. Elle avait pulvérisé de ses bottes vernies les champs fleuris de son intimité en se moquant de son impuissance, et voilà que désormais elle s'amusait à s'infliger elle même des tourments, qu'il n'aurait pas même imaginé être capable de lui asséner malgré le brouillard dément de sa haine la plus sauvage.

Il...Elle...Il...Elle...

Elle, il était devenu elle. Il oublia soudainement tout ce qu'il avait pu vouloir, tout ce qu'il avait pu être. Peu lui importait l'outrage de son carnet souvenir, il était si beau. Il aimait le sourire de son cousin, ce pâle étirement des lèvres qui venait effriter le marbre de son visage. Il n'y avait rien à faire, il se pardonnait tout. Comme dans un terrifiant drame narcissique, il s'aima de la plus terrible des passion. Le sortilège l'avait complètement désorienté et dans une formidable bascule du destin il était devenu pour de courts instants Pénombre. Elle n'était plus sa Succube tentatrice, il était son Incube à l'innocence diabolique. Il caressait de la langue enflammée du désir, en proie à des émotions dont il n'avait jamais eu idée, son propre reflet. Il put enfin se blottir dans ses bras, gouter aux joies d'une étreinte pure et éternelle aux confins du néant. Deux statues dorées, enlacées se mirent à valser dans l'obscurité, leurs corps ciselés fusionnèrent dans une explosion onirique, ils ne formaient qu'une seule et même entité à l'angélique beauté. Il était Pénombre, et il étreignait enfin Keith.

Oh, comme il semblait souffrir...Pourquoi était il en train de le martyriser, pourquoi était il en train de tracer de longs sillons sanglants de ses griffés acérés ? Ce torse aimé, il ne pouvait s'empêcher de le déchiqueter dans une orgie de sauvagerie sensuelle et bestiale.

Pourquoi faisait elle cela ?

Les blessures de l'enveloppe matérielle de Keith encore dans la caverne se réouvrirent et se mirent à saigner. De longues trainées rouges se dessinèrent sous la chemise immaculée, alors que s'écoulait le tiède torrent de cette vie.

En lui prenant son carnet bleu, la Ténébreuse s'était emparée d'une partie de sa personnalité, et avait facilité sans forcement en être consciente l'exécution du sortilège. Privez quelqu'un de ses souvenirs, et il s'effacera de lui même, comme un être qui se reforme sans cesse dans un éphémère et éternel présent qui n'aura plus de sens pour lui. Sans l'encre de sa mémoire le Serdaigle était totalement désarmé, il n'était tout simplement plus Keith...Mais voilà, il était un souvenir qu'elle ne tenait pas dans sa main. Il était un souvenir, qu'il avait revu au travers du miroir de l'âme de Pénombre et qui lui avait permis de se réapproprier son être. Ce souvenir, c'était elle même qui lui avait gravé dans les chairs. Ce souvenir était le seul dont il ne pourrait jamais se défaire, même dans la mort.

Revoir son tourment, avait excité la douleur ce qui avait eu pour effet de le réveiller. Il réintégra son existence avec un hurlement de fureur. Alors il se désintégra dans une flamboyance de haine. La rancœur, la vengeance et la douleur se mélangèrent pour forger dans le plus dur des alliages une lame bestiale avec laquelle il frappa Pénombre. Cette violence qu'il avait vu tant de fois à l'œuvre chez Cairius son géniteur détesté, et dont il se pensait épargnée, se fit le fer de lance de sa rébellion. Comme un grizzli qui rugit, il laissa échapper dans l'astral son indignation.

Avec horreur il constata trop tard qu'il avait fait mouche. Ces paroles qu'il venait de se prononcer mentalement avaient heurté Pénombre avec la violence d'un sortilège tiré à bout portant. Il sentit l'âme de sa cousine se replier sur elle même en proie à de vifs tourments, avant de partir à la dérive, comme un navire démâté au plus fort d'une bataille navale. Terrifié par ce qu'il pensait avoir fait, il tendit des bras éthérés qui fouettèrent vainement de la fumée, sans pouvoir saisir celle qu'il venait de blesser.

Ah cruelle ironie du destin. Il venait enfin de comprendre le bourreau qu'il avait été pour elle ces cinq dernières années. Depuis leur premier échange dans la Grande Salle le jeune aiglon était rentré dans la vie de l'héritière des Craft sans y avoir été invité, et avait commencé à la ronger et à la déchirer de son bec et de ses serres. Les griffures qu'elle lui avait infligées sur le stade, n'étaient rien comparées aux tourments qu'il lui faisait vivre au quotidien. Tout cela, elle venait de lui montrer et de lui faire comprendre lors de ce bref échange astral. Elle avait besoin de lui, et il se mettait à la haïr parce qu'elle avait mis la main sur ses souvenirs...Pourtant n'y avait elle pas le droit ? Ces souvenirs elle y tenait une place de choix, et ils lui appartenaient autant qu'à lui. Et puis il avait osé s'accrocher à elle comme une sangsue affamé d'amour pour mieux vampiriser son énergie, il paraissait alors normal qu'elle cherche à s'en débarrasser.

Il regagna son corps avec précipitation, et fébrilité. Il voulait lui dire qu'il avait compris, qu'il ne lui en voulait plus. Il voulait lui parler du mépris qu'il éprouvait contre lui même, et du dégout qu'il ressentait en pensant à tout ce qu'il avait pu lui infliger.

Mais il rouvrit les yeux trop tard. Un peu désorienté par la reprise de contact avec la caverne, il vit avec horreur Pénombre à genoux. Cette vision le terrifia. Des deux, elle avait toujours été celle qui avait su la mieux faire face aux tempêtes de la vie, et là où lui se courbait sous les rafales, elle continuait à se dresser droite et fière, ses racines profondément ancrées dans sa majesté et sa puissance. Jamais il n'avait pu imaginer qu'elle puisse courber le genoux, il avait toujours pensé qu' indestructible, elle fendrait éternellement la vie et le destin de son éperon d'argent, sans même prendre la peine de détourner sa voie. Immortelle elle n'était plus, et Keith en fut brisé.

Voir que Pénombre était faillible le désespéra. Il se laissa tomber à son tour devant elle, son cœur se serrant d'angoisse. Avec tendresse il la prit dans ses bras et tenta de recréer le charme et la pureté de cette fugace étreinte astrale qu'ils avaient vécu. Il posa doucement cette tête adorable contre sa poitrine martyrisé, et l'aima en silence. Ses mains caressaient et effleuraient le dos de sa cousine avec mille précautions, comme s'il elle avait été un trésor taillé dans le cristal le plus fin et le plus pur. Des larmes de tristesse s'echapèrent de ses yeux et dévalèrent les pentes de ses joues pour aller se perdre dans la chevelure de la Panthère abattue.

Avec une infinie lenteur, il attrapa une main de Pénombre, et lui entrouvrit les doigts pour y glisser son carnet souvenir.

Comme à regret, il retira sa baguette de sa poche, et la posa à même le sol déchiré de la caverne.

Enfin, il arracha sa cravate, pour pouvoir trouver à taton le petit médaillon au dragon noir qu'il ne quittait jamais. Ses doigts se refermèrent sur la chainette d'argent, et tirèrent d'un coup sec. Le bijou céda, et vint reposer à son tour, désormais orphelin, à côté de la baguette endormie.

Avec tendresse, il glissa une main sous le menton de sa cousine pour lui faire relever la tête. Ce qu'elle était belle...Elle avait été tout pour lui, sa mère, son amour, sa sœur...Et voilà qu'il devait la quitter. Que ce soit dans ce monde ou un autre, elle allait cruellement lui manquer. Aussi, il caressa longuement de son regard les courbes délicates de ce beau visage, il but autant qu'il put à la source émeraude de ses yeux, et effleura sa peau de ses lèvres pour en apprécier une dernière fois l'enivrante saveur.

Je t'aime Pénombre, semblaient dire ses yeux de saphir, alors que ses lèvres restaient closes. Ces ultimes paroles il n'avait pas voulu les prononcer, car il avait peur que sa voix tremblante ne le trahisse. Il avait peur de laisser s'enfuir sa résolution en entrouvrant sa bouche. Aussi il se contenta de l'embrasser furtivement sur le front. Ce contact éphémère était son tragique message d'adieu, il était la dernière chose qu'il voulait emporter avec lui sur la barque de Charron.

Il la repoussa et se redressa.

Allons il était temps. Il avait trop longuement hésité et pour la première et la dernière fois il allait se comporter en Craft. Malgré sa douleur et les larmes mélancoliques qui continuaient à mouiller son visage, il se tenait droit. Ses épaules ne tremblaient pas, et son regard se détourna de la silhouette encore agenouillée qu'il venait d'abandonner cruellement.

La falaise était là face à lui. Devant, il sentait l'ivresse du vide lui fouetter les sens et le visage, alors que derrière lui gisaient les chaînes avec lesquelles Pénombre l'avait enchainé à la vie, et qui désormais s'enroulaient inutilement sur elles mêmes comme autant de mues de serpent. En faisant pour la première fois acte de faiblesse, la Ténébreuse avait rendu sa liberté à Keith, et cette liberté il comptait s'en servir de la plus mauvaise des manières.

Elle n'était plus là pour le rattraper...Il s'approcha de cette falaise inconsciente qui marquait la frontière de son existence, et monta sur le petit parapet de pierre qui ceignait le bassin. Un bras passé autour d'une grotesque statue de démon aquatique, en équilibre précaire entre la vie et la mort, il se retourna une dernière fois et regarda Pénombre. Un léger sourire illumina le visage glacé du Serdaigle et il lui adressa un clin d'œil où se mêlaient rire et larmes. Il était fier de lui, il était heureux de cet ultime défi qu'il venait de lancer au destin. Les Dieux avaient voulu s'en servir comme d'une masse à même de briser l'inébranlable Héritière Craft, mais il n'avait que faire de leur volonté. Il se refusait à faire souffrir sa cousine plus longtemps. Il avait l'intime conviction qu'en mettant enfin un terme à ses jours il adresserait la plus belle des grimaces aux artisans de la destinée. Comme un personnage littéraire qui finit par échapper à son créateur, il était en train de ruer dans les brancards de la charrette de tourments qu'on lui avait injustement accrochée. Il se refusait à apporter une pierre de plus au temple décadent qu'on se plaisait à élever en l'honneur de la dynastie des Crafts.

Il avait toujours aimé les eaux noires et stagnantes. Elles lui faisaient penser à l'encre qu'il déversait sur ses souvenirs.

Un pas le séparait de l'abîme.

Pendant quelques infimes battements de cœur le bassin eu une statue de chair de comme ornement supplémentaire. Mais cela ne dura pas. La pierre est éternelle, et la chair éphémère.

Il n'y eu pas d'éclaboussures, à peine quelques petites vaguelettes qui vinrent mourir contre les bas reliefs de l'anneau de basalte.

Les flots s'ouvrirent et se refermèrent.

Keith avait disparu...
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MessageSujet: Re: L'enfer de Dante [Pv][Terminé]   L'enfer de Dante [Pv][Terminé] EmptyVen 9 Avr - 23:31:42

[Sorry, pour la qualité très discutable et pour le retard...]



Trop lent, trop tard. Trop faible. Insuffisant.

Encore un effort et l’oubli l’engloutirait définitivement. Se poncturait sur ce déchirant sourire. Un adieu pensif et doux comme un baiser. Et ce défaut moral, cette tare inexpiable satisferait enfin son exigence incroyable d’absolue. Son égoïsme et sa lâcheté. Puis un nouveau jour commencerait alors à s’élever hors des ténèbres étouffantes de cet endroit maudit et rien d’aussi insignifiant et inexorable que la mort ne possédait le pouvoir de différer le monde de ses occupations. Ce ne serait guère plus qu’une illusion, une tromperie, un songe oublié dès l’aube venue car c’était juste une vie après tout, ni plus, ni moins. Comme il s’en gagne et s’en perd des centaines par secondes. Pour Pénombre en tout cas, cela aurait dû l’être.

Elle n’avait ressenti la moindre émotion lorsque les dizaines de prisonniers moldus chassés cette nuit avaient péri dans les eaux noires qui avaient engloutis son tendre cousin. Alors pourquoi son cœur se serrait-il à présent, comme un poing dans sa poitrine ? Et qu’était-ce que cette fougue suicidaire, cette fureur meurtrière, démente qui menaçait violemment de s’emparer de tout son être ?

Son regard translucide tomba dans les nébulosités noires du tombeau tandis que dans l’ordre et la logique de ses idées, se forait une crevasse profonde. L’aptitude de courber les autres, de les plier à sa volonté, de donner à son nom la puissance d’un édifice ou d’un acte majeur, sonnait comme une douce euphonie purement révélatrice dans le lignage Craftien. Mais Keith avait-il vraiment découvert dans l’ignoble inconscient de sa cousine, la mort radicale qu’elle souhaitait, à chaque instant de désir refoulé, lui offrir ? Afin qu’elle la libère du péché blasphématoire que son vivant lui inspirait sans répit ? Tortures après tortures, sans cesse renouvelées, sans fin. Jamais, elle n’aurait dû recourir à ce sortilège maudit. Jamais elle n’aurait dû tolérer de le laisser voir de l’autre côté du miroir brisé de son âme. Les apparences se consumaient, les mensonges s’effritaient…

Pénombre se sentait pourtant étrangement calme lorsqu’elle se leva rapidement mais sans nervosité, lorsque le riche tissu de sa robe chut au sol en découvrant la nudité magnifique de son corps. La maitrise d’une forte émotion intérieure comme dernier rempart à la folie la porta aux abords géométriques du puits sans fond et elle éprouva fugacement la tentation de s’allonger elle aussi sous le linceul des eaux noires. Partager à jamais une éternité parfaite avec l’être aimé, aussi désunis à la vie que fusionnés dans une même mort, grandiose et inaltérable, aux seins des Enfers grouillant de la matrice infernale.

La Sang pur ne réfléchissait plus, pensait par ajustement et l’agonie de son esprit possédait le goût amer d’un gouffre de douleurs insupportable. Irrésistible.

Elle plongea. L’eau noire lui piqua les yeux et le froid lui engourdit aussitôt la peau. Les contours de la chambre souterraine commencèrent alors à s’effacer derrière la surface épaisse des flots. Les lampes massives, les statues monstrueuses, les délimitations de pierre du bassin circulaire, les instruments de torture, les ustensiles de sorcellerie devinrent tous indistincts, flous jusqu’à l’immatériel sous les yeux clairs de la Serpentarde pour se dissoudre dans le noir le plus obscur. Pénombre parut se tenir vertigineusement dans un néant infini, en compagnie de la présence d’un démon sardonique pour seul objet perceptible au sein des ténèbres cosmiques. Des filaments d’anti matière s’agrippaient à son corps dénudé, se prenaient dans ses membres battants et il lui fallait toute la force de son Amour pour affronter les violents courants sous-marins de la matrice. Pénombre était une nageuse expérimentée et entrainée mais elle avait également conscience qu’elle ne résisterait pas longtemps à une bravade prolongée des fourbes remous corrompus de l’endroit. Si elle faiblissait, le courant l’emporterait vers les profondeurs insondables du puits et elle ne pouvait qu’imaginer ensuite, ce qui l’attendrait là-bas en bas. La Ténébreuse plongea aussi profondément qu’elle l’osa sous le gémissement des ombres environnantes, sachant que chaque mouvement vers le fond, serait un de plus à faire pour revenir vers la surface. Elle s’immergea vers le fond jusqu’à ce que la pression larde son crâne d’une souffrance intolérable, jusqu’à ce que les afflux subaquatiques aspirent ses membres douloureux avec une puissance qui menaçait de franchir ses capacités de résistance, jusqu’à ce que sa poitrine pâle palpite sous l’effort de retenir son souffle. Rien n’indiquait pourtant qu’elle approchât du fond et le corps aimé de Keith n’était toujours pas en vue. Piégée dans le ventre de la bête, Pénombre s’aventurait à l’instinct vers le fond. Et la bête était noire, vorace, jamais rassasiée.

Une plongée au ralenti dans un suaire de ténèbres.

A présent, l’air commençait à lui manquer très cruellement et son corps lourd lui semblait peser autant qu’une immense pierre sans âge. Puis, le dégout, affreux, ignoble la saisit comme la nausée des soirs d’ivresse. Brusquement, un coup de feu comme l’on casse des os retentit, puis un autre et encore un autre dans les ombres opaques de la matrice. Vint ensuite une clameur infinie, aux rythmes métalliques âpres, tel un staccato incessant qui avala le bruit des éclats sonores sans effort, comme s’ils n’avaient pas plus d’importance qu’un simple battement de cœur solitaire. Enfin, la lumière commença à se former du chaos. Des images tremblantes s’assemblèrent devant elle, des figures kaléidoscopiques de temps. Sous ses yeux, jaillirent en un éclair des instants figés du passé, de brefs aperçus de la vie écoulée du Serdaigle, arrachés à l’éternité par les pouvoirs surnaturels des monstres des lieux et brutalement projetés dans la conscience de la Milicienne. La mémoire qui proteste, qui hurle, au bord de l’écœurement. A tout cela, s’ajouta les sons et les odeurs de l’humanité vidée de toute valeur et identité. La puanteur de la sueur et de la terre, l’interminable machine humaine ondulante, les rangées enchainées de crépuscules mouvants dans un monochrome froid et statique. L’étendue des espaces, la multiplicité des formes, l’infinité des dimensions, la complexité des systèmes, la diversité des combinaisons, des enchainements, des mutations n’avaient plus aucun sens ici, où tous repères étaient annihilés. Où la simple perception du silence devenait oppressante et sournoise.

Une convulsion terrible la secoua lorsque l’air cessa de lui manquer et que la sensation de mourir vint. Alors, comme à rebours de la propagation d’une onde, ils avancèrent finalement à elle. Par cercles concentriques de diamètre décroissant, d’une variété de nuances incroyable. Une spirale interminable de l’horreur qui s’étendait par tranches successives, comme une vilénie extensive, dans une boulimie de noirceurs, neuf tranches au total. Comme les neuf cercles de l’Enfer. Neuf démons plus hideux et terribles les uns que les autres.

Une damnation éternelle vers le supplice, l’appel fou de l’abime, une fougue suicidaire, une fureur meurtrière. Sous l’influence de leurs présences diaboliques, le cœur de la Féline se mit à déborder de haine, les Ténèbres hurlantes en elle. Et la douleur encore, toujours. Y avait-t-il une limite à ce que l’on pouvait vraiment endurer pour sauver l’être aimé ? Et quelles résistances pouvait-on décemment offrir à l’adversité lorsque l’on avait décidé de se sacrifier pour l’autre moitié de son âme ? L’on ne pouvait risquer de mettre en péril la faveur consentie par la défense et la sauvegarde de sa propre existence ou sa sainité d’esprit. Aussi les armures mentales de Pénombre se fissurèrent, tombèrent et s’écroulèrent finalement sur elles-mêmes, ses protections s’évanouissant sous l’assaut brutal des démons obscurs d’un monde oublié et éteint depuis des siècles et des siècles.

Pendant un long moment régna un terrible chaos mental dévastateur, des sensations indescriptibles, une avalanche de schémas, de pensées qui ne lui appartenaient pas, des occultations infinies, déchirées par des éclairs d’images difformes, blessantes. Dérivant pendant ce qui lui sembla être des heures au cœur ardent d’un tourbillon psychédélique de cauchemars venus d’ailleurs, son esprit fut totalement imbriqué dans une conscience cosmique si impossiblement autre que chaque particule de pensée virevoltante se révéla proprement incompréhensible pour la Ténébreuse. Un désordre d’images inconcevable parce qu’elles étaient la projection exacte d’impulsions sensorielles pour lesquelles n’existait aucun récepteur humain équivalent. Confusément, la Batteuse conserva un lacis d’identité, ténu et lacéré, la perception vestigiale d’une existence distincte : la compréhension qui vient au rêveur quand il est simultanément conscient d’avancer au sein d’un songe mais également impuissant à se libérer de son emprise, voire à en orienter le cours. Elle sentait péniblement le tissu de son esprit, de son âme, étiré, sondé, examiné, inspecté avec une curiosité condescendante, impersonnelle mais toutefois tellement intense. Cette vivisection psychique plongea l’Animagus dans une colère sourde et grondante, l’Animagus ou ce spectre de son esprit qui luttait maintenant pour atteindre et retrouver une identité cohérente. Elle tenta alors de regrouper ses fragments de conscience pour refouler l’esprit envahisseur hors des murs de son mental, cet étranger qui examinait sans pitié les souvenirs gravés dans son âme. Ce dernier rencontra soudain la résistance de son hôte, l’affronta avec détermination tandis que son énorme vitalité psychique gagnait en force.

Des années d’intenses entrainements subis sous la tutelle de son cruel Géniteur avaient appris à la Serpentarde à maitriser des ressources cachées, des cheminements de pensées explorés lors d’une furieuse douleur et elle s’en arma aussitôt. Surpris par cette contre-attaque aussi soudaine qu'inattendue, l’intelligence autre recula dans son incursion maligne et, en un unique élan, la Milicienne réinvestit les bastions de sa conscience. Elle capta nerveusement un étrange sentiment de perplexité subite devant cette interruption inopinée de l’examen, de conviction que ses défenses affaiblies finiraient bien par être vaincues.

Bien que la dissection inquisitrice de ses pensées, de son vécu fût suspendue, la sorcière continuait de tournoyer au sein d’une tourmente psychique de raisonnements étrangers et elle finit par parvenir à identifier des fragments d’images, des éclats de sensations, des continuités au sein de la rafale d’informations qu’elle recevait. Etait-ce dû à une familiarité croissante avec ce nouveau point de vue ? Ou à l’altération des impulsions sensorielles de la conscience qui l’enveloppait afin de les adapter aux perceptions humaines ? Elle n’aurait su le dire. Des phénomènes étranges et indéfinis se fondirent progressivement en une séquence ordonnée, se réunissant comme autant de petits fragments brillants d’une mosaïque continue. Une image commença enfin à se déployer dans son mental et elle s’évertua à en tirer une première interprétation, bien que de vastes portions de la frise demeurassent des plaques amorphes de pensées inhumaines, des carreaux vivants dont les coloris transcendaient un spectre inconnu.

Une période indéfinie d’attente, d’aspirations.

Des évocations se formèrent enfin dans sa conscience puis le froid l’enveloppa tout entière, et des ténèbres infinies l’engloutirent à nouveau. Pénombre tombait… Particule de conscience aveugle dans une chute hors du temps et de l’espace… Et quelque chose planta mille filaments de glace dans son âme.

" Jamais… "

Du néant, le chuchotement sordide s’insinua dans son esprit. Un grognement sourd, venu de l’ombre

" Jamais, je n’ai festoyé comme aujourd’hui. "

Et la substance mortelle émergea du néant. Pénombre se trouvait sur un passage, éclairé de gris, aux bords vagues comme un tissu de filaments, évoquant désagréablement le tunnel soyeux et assassin d’une araignée. Ses pas la portèrent en avant comme dans un rêve, en silence, hors de sa volonté. Devant elle, le couloir s’étirait, sombre, interminable. Derrière elle… Lentement, la sorcière força sa tête à se tourner. Derrière elle, le boyau se dissolvait dans le vide, un dangereux précipice sur l’infini qui la suivait à chaque pas. Sans qu’on ne le leur ordonnât, ses longues jambes diaphanes s’avancèrent avec hésitation et le précipice glissa d’un pas vers elle, plus près. Il semblait y avoir des étoiles qui luisaient loin en contrebas, dans cet abîme et de toutes ses forces, Pénombre lutta contre le vertige, et avança malgré elle, mue par une volonté aussi supérieure qu’étrangère.

Brutalement un immense ours polaire se redressa dans la caverne de glace, sa présence maligne semblant corrompre toute chose. Sa toux furieuse se changea en rugissement de défi quand ses yeux démoniaques et furieux reconnurent l’intruse.

" Il est à moi. "

Rugit-il d’une colère dissuasive. Avec une balourdise trompeuse, la bête tangua à sa rencontre sur ses appuis inférieurs. Rapides, ses pattes griffues s’élancèrent pour la serrer contre la fourrure de son poitrail et l’écraser. Réagissant par réflexe, la Ténébreuse esquiva le revers mortel de son attaque. Elle recula avec vivacité devant la charge de l’ours, et ses bottes dérapèrent dans le vide. D’une agilité féline, elle se jeta en avant en se retenant au rebord de glace. Un instant, elle glissa dans le vide, puis ses doigts s’accrochèrent désespérément à des crevasses de l’iceberg. La sorcière lutta pour regagner la corniche, et ses chausses en se débattant détachèrent des blocs de glace pourrie qui churent en silence dans le gouffre, disparurent finalement dans les brumes qui enveloppaient la base du terrain, trois cent mètres plus bas.

L’ours polaire avança hors de sa tanière alors même que Pénombre se remettait d’aplomb sur l’étroite corniche. Elle chercha à tâtons la poignée rassurante de sa baguette magique, mais son fourreau ouvragée pendait, vide. Il lui restait sa dague, à sa ceinture, mais face à une demi-tonne de puissance bestiale…

La saillie serpentait le long des à-pics d’eau congelée, trop étroite, trop glissante pour s’échapper. La bête se dressa au-dessus d’elle, menaçante, mortelle. Pénombre poussa un grognement résignée et sa lame lança un éclair bleuté lorsqu’elle plongea. Une cinquantaine de kilos de muscles et d’os humains percutèrent cinq cents kilos de fauve en fourrure blanche, et l’impact ébranla à peine la ruée meurtrière de l’ours. Le poignard de la Milicienne, trente centimètres d’acier magiquement affuté, trancha jusqu’à la garde dans le torse massif de son adversaire. Elle libéra la lame en l’inclinant –une côte l’avait déviée, préservant le cœur. Un jet de sang se répandit sur le métal tiède et la poignée, les rendant terriblement fuyantes tandis que la Vipère frappait de nouveau avec son arme. Le souffle fut chassé en un spasme de ses poumons quand les pattes terribles commencèrent à se refermer sur elle dans une étreinte mortelle et irrésistible. Des crocs se plantèrent dans son épaule, déchirant la soie tachée de ses sous-vêtements en engourdissant dangereusement son bras. Hurlant de douleurs, Pénombre frappa encore, plus profond dans la poitrine hirsute poissée de sang. Le liquide carmin scintillait comme une brume sur la glace qui les entourait : un brouillard qui palpitait en grondant sous son crane.

Il y avait autre chose dans sa tête, quelque chose qui se nourrissait…

L’ours polaire toussa et relâcha sa mâchoire, crachant la vie de son museau à la langue noire. Un sang qui n’appartenait pas au lignage Craft. La bête s’amollit soudain contre sa proie, entrainant la jeune femme vers le sol, sous son poids énorme. Le manche du poignard, glissant d’hémoglobine s’arracha de la main de la Serpentarde. Des griffes destructrices l’enserraient toujours dans une étreinte assassine, mais à présent leur force lui paraissait moins irrésistible. Pénombre se tordit désespérément pour se dégager de la masse de l’ours qui s’affalait, s’extirpant vers l’arrière du démon tandis que celui-ci s’effondrait en avant. Blessé à mort, la bête s’inclina mollement vers le bord, resta un long moment en suspens, résistant faiblement pour conserver son équilibre, puis bascula comme une avalanche par-dessus la corniche de glace, dans les vapeurs silencieuses qui attendaient au loin, en bas.

Abimée, Pénombre avança en titubant, appelant Keith d’une voix faible.

Elle se trouva rapidement dans une grotte moite, qui puait la charogne. Des champignons gélatineux laissaient sourdre une lumière pâle, phosphorescente, sur les stalactites qui dégouttaient. Des flaques visqueuses et des mares fétides de profondeur inconnue rendaient le sol traitre. Une eau froide trempait la chair nue de Pénombre tandis qu’elle pataugeait en remontant le passage de plus en plus étroit. Les chaines brisées à ses poignets sanglants tintaient lugubrement. Elle se souvenait à peine de l’instant écarlate de fureur intolérable où la note désespérée de ses cris, alors qu’elle disparaissait, l’avait rendue folle, et où les fers rouillés qui l’enchainaient à la roche avaient cédé comme une corde pourrie.

Sur des kilomètres tordus comme des vers, elle avait suivi l’écho plaintif des suppliques qu’elle pensait appartenir à Keith, un désespoir terrible étouffant les flammes de sa colère. Celui qui l’avait délibérément attiré ici n’avait pas dû songer un seul instant que l’on ne pouvait pas trouver la mort en ces lieux, seulement des enfers de tortures interminables et déments. Une silhouette pâle gisait dans le bassin juste devant elle, ses mains d’albâtre nouées en des angles bizarres, comme déformées par la violence d’un arc électricité d’une puissance inimaginable. Nerveuse et à vif, Pénombre plongea immédiatement vers lui, sans la moindre précaution, reconnaissant avec une inquiétude maladive, le corps familier de son cousin, ses cheveux rendus très obscurs par l’eau noire. Elle l’appela doucement par son prénom tandis qu’une prière muette concentrait toute son âme.

Des yeux vides regardaient vers elle dans un visage réduit en bouillie. Mais l’horreur suprême était qu’il vivait encore… Une lueur sembla s’allumer dans le bleu translucide de ses yeux nus, paraissant la reconnaitre tandis qu’elle s’agenouillait près de la forme mutilée. Elle comprima de ses doigts le cou lacéré, et il n’y eu que de l’ignominie sur les traits amollis de son tendre Amour.

« Keith… »

Murmura-t-elle, le cœur brisé. Plaintes aux vibrations poignantes.

« Je t’en prie… Keith… »

Une pâleur si terrible.

« Reviens à toi… »

L’immobilité de la mort.

« Ma Vie, mon Amour… »

L’attaque se produisit en silence. Tombant de la nuit au-dessus d’eux, là où la créature s’était hissée à l’aide de ses membres munis de ventouses, bête silencieuse, noir et gigantesque. Un instinct animal perça le profond chagrin de la Ténébreuse, et elle s’écarta d’un bond au dernier moment. L’énorme masse de chair caoutchouteuse frôla sa peau fragile tandis qu’elle esquivait, l’assaut meurtrier de la créature l’avait manquée. Effroyable apparition, il émanait de l’horreur une terrible puissance diabolique qui tétanisa un instant, Pénombre. L’eau stagnante gicla, et le démon sangsue rebondit sous l’impact de son saut, sa forme élastique inaffectée par la violence de la chute. Il se redressa de toute sa taille, comme un homme, ou plutôt comme un être modelé dans la boue par un enfant. Ses jambes et ses bras courtauds s’achevaient par des nœuds d’appendices terminés par de longues ventouses, pareils à des vers géants, et son ventre visqueux ondulait, comme le pied d’une limace. Au-dessus de ses épaules lourdes, sa tête dépourvue de cou se penchait vers l’avant tel un capuchon de cobra. Une intelligence malveillante luisait dans ses yeux de poulpe, placés loin en arrière de sa gueule tendue, garnie de pièges putrides.

« Il est à moi, fille de Craft, je te l’ai déjà dit. Tu ne me le prendras pas. »

Le démon sangsue se jeta sur l’Anglaise, son magma malhabile se déployant soudain dans le prolongement de sa chute, comme propulsée par des ressorts d’acier. L’appui de Pénombre dérapa sur la pierre rendue gluante par les champignons, en tentant de refouler l’assaut. Dans un élan fantastique de gras et de froid, la sangsue maléfique fondit sur la brune.

Malgré la peur, la Serpentarde s’efforça de trouver une prise sur la masse fuyante et ses doigts se coulèrent vainement sur la chair visqueuse, luttant contre l’emprise des pattes ventousées de la créature. Sa corpulence baveuse se pressa contre le corps frémissant de la Sang pur, l’écrasant contre un tapis gélatineux de champignons suintant. Affaiblie par son dernier combat l’opposant à la dernière incarnation du monstre, elle se débattait avec l’énergie du désespoir, en tentant de se dégager. Elle ne réussit qu’à s’enfoncer plus profondément dans une mare stagnante, et de l’eau croupie lui éclaboussa le visage, manquant de la noyer alors qu’elle tentait de reprendre son souffle. Dentu et ventousé comme une gueule de lamproie géante, le museau de l’horreur chercha la gorge de sa victime. Les prises de celle-ci combattaient de façon futile tandis que la tête encapuchonnée de cobra se jetait en avant avec la régularité d’un métronome. La bouche circulaire d’une trentaine de centimètres de diamètre, avec ses langues frémissantes tapissées d’une râpe de dents, progressait, progressait…

Les préhensions de Pénombre dérapèrent, et les bras courtauds du démon sangsue la clouèrent soudain au sol. La gueule de lamproie jaillit vers elle. La Ténébreuse se tordit. La bouche ventouse se colla à son épaule vulnérable. Mille couteaux émoussés lui râpèrent la chair, tandis que la fosse circulaire déchirait ses muscles. De l’écarlate se mit à sourdre un instant, et soudain l’effroyable succion lui fracassa l’âme. Pénombre poussa un long hurlement de souffrance.

Se repait, se repait, quelque chose d’autre se repait…

La rage inarticulée qui avait précédemment brisé ses fers surgit de nouveau en elle. Avec une vocifération de fureur, l’héritière des Craft recula de toute sa puissance. Ses bras en sueur s’arrachèrent à la prise de la créature, ses doigts frénétiques déracinèrent de son épaule la bouche qui se repaissait d’elle. Le sang s’étendit à partir du cercle de chairs horriblement mastiquées. Un cercle, comme ceux qui marquait la chair blanche, immobile de son innocent cousin.

La brune projeta ses genoux vers le haut et envoya le démon sangsue s’affaler en arrière. Elle se remit debout très péniblement, hurlant sur une seule note un rugissement de haine. Pratiquement nue, les mains vides, elle bondit sur la créature, ce démon qui s’était engraissé de sacrifices innombrables dans son antre fétide. Ses saisies puissantes empoignèrent solidement les deux côtés de la gueule du démon. Les langues au tranchant de lime lui écorchèrent la peau jusqu’à l’os, les lèvres mouvantes se tordirent pour tenter de se refermer mais Pénombre assura sa prise, et de toutes ses forces, tira, employant tout son être à cet ultime effort. La chair flasque se détendit à son maximum. Le démon chercha en se tortillant à échapper à cette démente. Des fentes s’ouvrirent dans la glaire distendue, puis d’une tension finale, se déchirèrent. Un sang noir jaillit, comme une blessure gangrénée, couvrant les bras blafards et exsangues de Pénombre. Elle éclata de rire, maintenant sans savoir comment sa prise sur les mâchoires de cuir aux dents râpeuses. Elle tira plus fort encore, ouvrant en deux la viande flasque comme un homme pourrait fendre la coque d’une noix de coco d’un unique coup de hache. Enfin, elle se redressa, debout à présent dans une mare de sang, d’humeurs, tandis que les efforts du démon sangsue pour lui échapper faiblissaient de plus en plus. Des artères avaient dû se rompre. Un océan de fange monta de sa gorge détruite tandis que le rire dément de la Serpentarde résonnait à travers la grotte.

Mais soudain, la douleur physique de ses blessures, infiniment trop lourde à supporter pour l’esprit de la Milicienne fractionna brutalement la matrice de réalité qui l’avait emprisonnée et la subite libération d’énergie fantastique qui en résulta ranima violemment dans son mental, l’étrange sensation d’union spirituelle entre deux entités distinctes qui l’avait happée lorsqu’elle avait égarée son âme, dévorée par le pouvoir du démon. L’héritière des Craft se sentit alors tomber, tomber sans fin dans un néant obscur et absolu, sans nuls autres repères alentour que son propre corps avant de perdre à nouveau conscience dans un océan d'encre silencieux.

« Vos vies sont à présent intimement liées et ce fait est totalement irréversible. Tu ne pourrais plus jamais respirer sans lui, bien que la réciproque ne soit équivalente. Alors, prie. Prie pour qu’il survive, enfant de Craft. Car quand il mourra, ton âme sera à nous pour une éternité de tourmentes. »

Si elle ne lui avait pas vouée sa vie, du moins lui réservait-elle sa mort car il n’y aurait pas de paradis, pas de rédemption pour elle. Pas d’accomplissement, pas de paix au-delà de la mort. Qu’un enfer de tortures, prévisible et atroce. Eternel. Dans un dernier éclat de folie, la voix des démons s’éteignirent. Les ténèbres de l’infini éclatèrent en un ultime tourbillon d’images, puis s’effondrèrent comme une bulle cosmique. La chambre s’étendait à nouveau comme l’instant d’avant, à l’unique différence que Keith avait retrouvé le chemin de la vie.

Une caresse. Si douce, si tiède… Sur son visage. Une douceur sans nom, une tendresse tellement rassurante après l’enfer qu’elle avait traversé et qu’étrangement elle savait, dissocié de la réalité. La lumière l’aveuglait, même au travers de ses paupières closes mais la respiration faible qu’elle décela vaguement à ses côtés, la douce chaleur de son corps que l’Animagus perçut proche d’elle baigna son cœur d’un sentiment aussi apaisant que l’instant suivant le summum de l’extase physique. Les plaies de son torse, stigmates de la passion destructrice de sa cousine s’étaient remises à saigner, leurs sillons dilués coulant contre le relief régulier de leur tissu cicatriciel jusqu’au ventre de Pénombre. Elle s’accrocha à lui comme à son âme et avec une infinie douceur, elle porta la tête de Keith contre son cœur, bénissant les Dieux en silence. Sa voix, grave et écaillée par l’épreuve, se meurtrit en un soupir brisé, irrégulier alors qu’elle tentait de s’adresser au jeune garçon allongé qu’elle tenait serré contre elle :

« Tout… Tout enfer que tu sois pour moi… Je t’aime Keith…. Depuis le premier instant…. Et si… Et si l’un de nous… deux se doit de périr pour cet amour… C’est moi...Seule… »

Son visage exténué, au maigre sourire arborait la lividité caractéristique de l’agonie lente, tourmentée et douloureuse alors que son souffle fragile ne se percevait pratiquement plus dans sa poitrine tranquille, son corps allongé. La pâleur blafarde de sa main captura faiblement celle de l’Aiglon, la scella péniblement dans la sienne avant que les ténèbres opaques n’enveloppent de nouveau la conscience de Pénombre et qu’elle ne sombre partiellement dans une somnolence fluctuante, possédée par l’idée récurrente d’une rédemption éternellement et irrémédiablement perdue.
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MessageSujet: Re: L'enfer de Dante [Pv][Terminé]   L'enfer de Dante [Pv][Terminé] EmptyDim 18 Avr - 20:45:43

Le suicide est la plus belle victoire de l'Humanité. C'est par lui, et par lui seul que les individus peuvent se libérer de leurs entraves mortelles. Comme le scorpion prisonnier des flammes qui va se transpercer de son dard pour ne pas avoir à ressentir la morsure des braises, nous pouvons nous aussi choisir de faire tomber le rideau sur notre tragédie avant d'en voir la conclusion logique. Quelle satisfaction que d'entendre les gémissements désolés des bourreaux lorsqu'ils s'aperçoivent que l'âme de leur malheureuse victime a réussi à fuir la cage de ses tourments pour arpenter les champs infinis des plaines Élyséennes. Loin d'être une défaite, l'autodestruction permet de gagner la guerre et d'écraser sous le poids courroucé d'une liberté vengeresse les valets de la fatalité.

Aussi c'est avec un soupir de satisfaction sur les lèvres et des étoiles plein les yeux que Keith sentit les flots noirs se refermer sur lui pour l'enfermer dans leur cape d'oubli et d'éternité. De tout les combats millénaires menés par la dynastie Craft, c'est lui le vilain petit canard de la famille qui venait de remporter le plus éclatant de tout les succès en abattant et en pourfendant du même coup destin et malédiction ; ses deux adversaires les plus acharnés. Assis sur leurs dépouilles martyrisées, comme St George sur le dragon, il essuyait rêveusement la lame de sa rapière rougie par le sang de la libération en attendant Charon, dont les noirs avirons et l'étrave de charbon fendaient les flots boueux du Styx.

Le contact sensuel d'un tentacule se glissant lentement autour de son cou le fit frissonner. Il ressentait la même excitation que la maitresse fébrile qui goutte sur sa peau nue aux caresses nacrées du collier de perle que lui passe son amant. Comme pour mieux accélérer sa chute, et abréger ses jours il ouvrit la bouche pour avaler à gros bouillons le nectar de la mort, ce vénéneux poison lourds et capiteux qui brulait délicieusement les poumons. Bien sur qu'il souffrait, mais cette souffrance était bénéfique et nécessaire, elle était le saint brasier dans lequel il allait purifier son être et le nettoyer de toutes les impuretés que les jours passés c'étaient amusés à attacher à ses pas. Ainsi il pourrait goutter à la paix du repos éternel et aux joies de l'insouciance et de l'innocence. Peu importe ce qui se trouvait de l'autre côté du voile séparant les mondes cela serait toujours plus agréable que de se trainer dans la fange sous le regard moqueur de ses ancêtres et de sa lignée.

Elle allait lui manquer, plus qu'un fait, c'était l'essence même de la vérité. Il ressentait de langoureux élancements en tournant la tête vers la surface désormais opaque qui s'effaçait doucement à mesure que s'éloignait la personne aimée et que disparaissait le visage adoré. Jadis c'était pour elle qu'il était resté et désormais c'était pour elle qu'il partait. Elle ne comprendrait surement jamais son sacrifice et là où lui y voyait le plus beau des présents, elle y verrait une fuite en avant. Pénombre, en ramassant son carnet et en brisant son tabou n'avait fait que précipiter les choses, raccourcir la mèche de ce baril de poudre qui de toute façon allait exploser à un moment ou un autre. Pouvait il faire autre chose que tirer sa révérence ? Les coups que les deux Craft n'avaient cessé d'échanger dans l'aveuglement de leur amour c'étaient fait depuis quelques semaines plus âpres et plus cruels. Les blessures passionnées qu'ils se portaient des griffes maladroites de leur passions étaient sans cesse plus profondes, sans cesse plus sauvages et certaines ne pourraient surement jamais cicatriser. Peut on vivre avec un abime sanglant, balafrant son âme de part en part ? Keith n'y croyait plus et ne souhaitait pas poursuivre l'expérience. Il avait l'intime conviction que la passion laisserait bientôt place à la haine. Déjà les feux de la jalousie avaient embrasé son esprit, menaçant de réveiller en lui des instincts meurtriers qu'il avait toujours tenté de dompter et de ravaler. Quelle serait la prochaine étape, quel allait être le prochain seuil dément que la folie allait leur faire traverser ? Pourquoi gâcher à tout prix ce que le temps semblait empoisonner et corrompre de son écoulement paresseux et immuable ? Mieux valait tout oublier, et rendre au néant ce qui en était sorti.

Ainsi grandissait et forcissait le brasier de sa volonté qu'il alimentait en y jetant ses chers petits carnets bleus et qu'il maintenait en y soufflant mille mots d'amours et de tendresse. Une fois que les flammes furent assez hautes, il y plongea un bloc du plus pur des aciers. Rapidement les reflets bleuâtres du métal se transformèrent en autant de langues écarlates qu'il put frapper et torturer pour en extraire une lame aux courbes pures et au tranchant effilé comme la corne d'une licorne. Une fois cette arme bien en main, il sectionna sans un regret et sans un remord les différentes chaînes qui l'unissaient encore à sa triste existence de mortel. Les maillons explosèrent un à un sous la morsure de l'estramaçon n'opposant qu'une faible résistance au courroux de l'Aiglon. Bientôt il allait être libre, libre de s'évader, d'étendre ses ailes et de partir planer sur les courants chauds qui tourbillonnaient au dessus du ciel de cendre des Neuf Enfers, à la rencontre d'Ophélie sa petite colombe blanche qui l'attendait aux portes du Paradis, posée sur l'épaule de St Pierre.

* * *

Pathétique...Triste spectacle risible de l'égo surdimensionné d'une noblesse décadente qui n'a plus aucun respect pour des forces qui la dépassent et qui l'écrasent de la masse de leur toute puissance. On ne peut rien contrôler, pas même sa mort, pas même sa route, pas même son existence. Le bateau de nos vies est pris dans un terrifiant courant qui trace son propre cap et qui n'a que faire des corrections fébriles de son barreur. C'est à peine si l'on peut se donner l'illusion d'être libre, en changeant nos costumes de marionnettes avant de gesticuler gaiment au bout de nos fils d'argent. Tout est écrit, et pour ceux qui savent déchiffrer le grand livre astral de l'absolu et des possibles, il doit être amusant d'observer ce malheureux oisillon s'échiner à s'extirper du buisson épineux dans lequel il est venu s'enferrer bêtement. Peu importe à quel vitesse la mouche dans la toile bat des ailes, elle ne fera que s'emberlificoter toujours plus. La mouche intelligente, est celle qui prend sagement le parti de la résignation et qui sait attendre en faisant le moins de vagues possible que vienne à elle l'araignée qui a pour tache d'abréger ses jours. Certains naissent pour être mangés, d'autre naissent pour chasser pourquoi chercher échapper aux codes de la fatalité ? Pourquoi vouloir se révolter contre les lois qui nous échappent et nous oppressent ?

Keith, en bon Serdaigle à la flamboyante intelligente aurait du le savoir, et faire preuve de plus d'humilité. Après tout pourquoi s'épuiser à rechercher une mort, qui de toute façon allait lui être servie sur un plateau à un moment ou un autre ? De plus il était un félin et même les plus stupides moldus savent que les chats ont 7 vies. Et malheureusement pour lui, malgré tout ses efforts, il n'était pas arrivé au bout de ses réincarnations, c'est à peine s'il en avait usé quelques unes. Keith est mort pour la première fois en même temps que sa sœur, l'innocent petit garçon d'alors venait de disparaître pour laisser place à un être tourmenté et malade. Sa deuxième mort, c'est Pénombre qui lui avait apportée en acceptant de poser les yeux sur ce traître à son propre sang et de le prendre sous son aile. Le venin de la vipère n'avait pas tardé à faire son effet, et le monstre solitaire qu'il était en arrivant dans la Grande Salle, avait laissé place à un être plus humain au cœur palpitant et brulant. Quand à sa troisième mort, c'est lui même qui venait de se la donner et sans le vouloir en abandonnant son ancienne mue il venait de se relancer à corps perdu dans le cycle infernal des réincarnations.

La caverne était le cœur de l'Empire immémorial des Craft. C'est là, protégés par de puissantes runes, et des tonnes de basaltes que naissaient et mourraient ceux qui écrivaient en lettres de sang la Légende Noire de cette lignée millénaires. Étrange retour au source qui venait de plonger Keith dans le cœur de cette diabolique matrice, pour mieux explorer et redécouvrir des aspects de son héritage.

Loin très loin, assis sur les trônes de l'au delà les rois Craft d'antan retenaient leurs souffles fantomatiques intéressés par la tournure dramatique que prenaient les évènements. Que pensèrent ils en entendant résonner dans les étendues poussiéreuses des Enfers l'écho sans cesse répété du sacrifice de Pénombre ? Qu'imaginèrent ils dans leurs esprits embrumés par les gloires passées et les ruines de leur puissance, en voyant les deux héritiers ressortirent vivant du piège tentaculaire qu'ils avaient tout deux affronté sciemment ? Comment interprétèrent ils la nouvelle reconfiguration des pièces sur l'échiquier du jeu des trônes ? Leurs faces terrifiantes et statufiées se plissèrent et de nouvelles rides déchirèrent leurs fronts agités, alors que leurs mains recouvertes de chevalières de platine caressaient pensivement de longues barbes neigeuses.

* * *

Keith assis en tailleur, ses vêtements ensanglantés et trempés lui collant à la peau, regardait fixement la dizaine d'ovoïdes qui vibraient dans leurs gangues de métal. Sa baguette tapotait machinalement son genou battant la mesure pour accompagner la valse de ses pensées. Il tourna son regard vers Pénombre encore couchée sur la berge, avant de le ramener sur les artefacts, comme pesant le pour et le contre.

Quelques minutes auparavant...

Lorsqu'il était revenu à la vie, seul le froid, la douleur et le bruit des gouttes qui perlaient doucement sur le sol de la caverne, l'acclamèrent et fêtèrent son retour parmi les vivants. La tête posée contre la poitrine de sa cousine inconsciente il avait rapidement compris. Peu importe comment elle avait agi, peu importe pourquoi elle l'avait fait, mais elle avait réussi à refermer sa porte de sortie et à le renchainer à son patronyme honni. Bien sur qu'il aurait pu lui en vouloir et la maudire pour cette ultime trahison qui ne faisait que s'ajouter à une liste déjà longue mais il n'en fit rien. Cette haine douçâtre dont il commençait à sentir le goût amère sur la langue, il la repoussa et l'enferma loin très loin dans l'ombre et l'obscurité de ses pensées. Il avait plus urgent à faire. Il lui fallait tout d'abord s'occuper de sa cousine car elle ne méritait pas d'agoniser seule et abandonnée de tous au bord de ce sordide bassin.

Avec douceur, il se releva pour prendre soin de celle qu'il venait encore une fois de mettre en danger et d'amener jusqu'au bord du gouffre. Un jour tout cela irait trop loin et il finirait par la pousser amoureusement dans le précipice. Son suicide aurait pu éviter cette tragique épilogue, mais visiblement la fuite n'était plus possible car même les Enfers venaient de le refouler et de le renvoyer danser avec les âmes errantes. Jamais il n'avait autant eu l'impression d'être un vampire, comment se faisait il que lui allait bien, alors que sa cousine semblait comme vidée de son énergie. Que lui avait il pris ? Que venait il de lui arracher ? Il n'en savait rien, mais sentait qu'au fond de lui une chose n'était plus à sa place.

Son regard tomba sur sa baguette qu'il avait laissé sur la berge. De loin, ce n'était qu'un misérable bout de lierre, tordu et sans âme, pourtant en s'approchant il la sentit vibrer et pulser. Cet objet aussi mystérieux que maudit se trémoussait de joie à l'idée de retrouver son maître. Il la ramassa avec dégout, comme s'il avait tenu un serpent, et sans même lui accorder un regard s'intéressa à la marre de velours écarlate que formait la majestueuse robe de Pénombre. Un geste du poignet, une formule murmurée, et le délicat tissu s'éleva gracieusement dans les cieux obscurcis de la salle avant de venir se lover dans ses bras. Il frissonna en serrant ce splendide joyau d'artisanat, cet écrin qui avait enveloppé son obsession. Un léger parfum s'en échappait et envahissait ses narines, lui rappelant la force et la puissance de son amour. Il poussa un soupir, même ses passions n'avaient pas été altérées par le passage de l'autre côté du voile. Rien n'avait vraiment changé en fin de compte...

S'agenouillant à côté de Pénombre, il écarta lentement quelques mèches humides de sa splendide chevelure d'ébène, avant de l'embrasser fugacement.

-Ne t'inquiète pas, je vais m'occuper de toi...

De sa baguette il fit jaillir un souffle aussi enfiévré que l'haleine d'un amant et réchauffa doucement ce corps qui avait perdu de ses couleurs, puis il la recouvrit avec sa robe déchirée. C'était misérable comme traitement, il en avait conscience mais il ne pouvait pour le moment pas faire mieux. Aussi rassurante que l'idée d'aller chercher de l'aide soit, il doutait de son bien fondée. En effet, Pénombre paraissait toujours en public revêtu du masque inquiétant d'une sombre amazone à même de défier les dieux et le destin et cette armure de haine et de sauvagerie qu'elle enfilait Keith se refusait à lui retirer sans son autorisation, il ne voulait pas lui causer le moindre déshonneur.

Elle était belle, sa pâleur, sa poitrine qui soulevait sa triste couverture de plus en plus faiblement, ses paupières closes, tout cela la rendait plus humaine, plus attachante car moins majestueuse. On dit que les démons ne sont que des anges déchus et ce côté divin, tendre et vulnérable ne ressortait que mieux lorsque la Succube s'effaçait pour laisser place à l'étudiante. L'Aiglon l'aimait et pour la première fois se sentit fier de sa passion et de cet attachement qu'il ressentait pour elle. Bien sur, qu'elle était tout pour lui, il n'en avait jamais douté, mais il commençait à accepter ses désirs qui ne présentaient plus rien de tragique. Après tout, il n'y rien de condamnable à aimer un ange, même si ce dernier à des ailes aussi noires que la gueule béante des abysses et pour auréole une couronne d'ombre.

Ainsi c'était à cela qu'avait servi la mort de Keith ? A en faire un être plus doux, presque en paix avec lui même ? L'être torturé qui hurlait jadis dans son âme mille prédictions sanglantes porteuses de menaces de souffrances éternelles n'était plus. Relégué dans les confins océaniques de l'esprit sauvage du Serdaigle il glapissait de frustration mais nul messager ne renvoyait ses gémissements acides qui se perdaient en échos futiles et désespérés.

Néanmoins, il restait une dernière chose à régler pour qu'enfin se lève une aurore nouvelle.

Keith redevenu maître de son existence, ne voulait plus vivre à genoux en proie aux tourments de l'incertitude. Il voulait savoir à qui se vouer, à qui faire confiance, à qui offrir son amour. Pénombre l'aimait, mais éprouvait elle pour lui ce qu'il éprouvait pour elle ?

Il lui fallait savoir de quoi demain serait fait.

Assis auprès des ovoïdes, sa détermination raffermie et éprouvée il se leva. Sa baguette fendit l'air et ses lèvres libérèrent de puissantes formules. Il n'en fallut pas plus pour que les œufs s'élèvent un à un, pour aller se perdre dans les flots gluants du bassin. Keith n'en épargna aucun et c'est avec un sourire satisfait qu'il regarda le dernier cadeau de fiançailles couler pour aller rejoindre ses semblables loin du regard des mortels.

Son méfait accompli, il retourna auprès de sa cousine. D'un geste inquiet il arracha sa chemise humide avant de se coucher à côté d'elle et de l'entourer de ses bras pour la réchauffer. Tout en la berçant il s'interrogeait sur la portée de son acte. Cette faute impardonnable qu'il venait de commettre au regard du code d'honneur des Craft était sa manière étrange de s'unir à sa cousine. En agissant ainsi, il venait de la mettre en porte à faux.

Pénombre avait le choix, si Keith comptait vraiment pour elle, alors elle accepterait de partager sa faute. Bien sur elle pouvait aussi refuser et dans ce cas haine, griffes, violence et larmes pourraient reprendre leur danse.

C'était surement cruel, mais l'aiglon avait changé...Pour le meilleur, comme pour le pire.
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MessageSujet: Re: L'enfer de Dante [Pv][Terminé]   L'enfer de Dante [Pv][Terminé] EmptyMer 21 Avr - 20:46:33

[C'est vraiment, vraiment sans prétention...]


« J’espérais férocement que le cauchemar était passé,
mais en mon for intérieur, là, dans mon cœur,
je savais qu’il n’en était rien. »

R.J.Ellory.



Loin au-dessous des soupirs silencieux de la nuit, le nimbe fumeux des larges flammes jaunies qui dansaient avec démence dans le vase doré des lampes à huile éclairait le tableau ténébreux d’une étrange antithèse. Dans la sombre salle souterraine, Pénombre se tenait immobile au creux des bras pâles de son jeune cousin et cette scène d’une inconvenance douloureuse pour l’ainée des héritiers de cette lignée décadente présentait avec évidence, les deux extrêmes absolus de l’essence Craftienne.

Innocent, sublime et doux, d’un visage harmonieux qui magnifiait une silhouette d’un charme fragile et poétique, Keith était véritablement un enfant de la lune, d’une pureté astrale. Ses yeux clairs enchantaient l’âme d’une nostalgie enivrante pour qui possédait l’audace résolue de s’y immerger trop longtemps, un piège de lumière où l’on se perdait, ivre d’un univers de ruines et d’étoiles, de mots d’encres et de lyrismes d’écumes captivants et mortels comme le chant des sirènes. Plus qu’une simple merveille charnelle de la nature, sa mélodieuse aura métaphysique possédait toute la puissance subtile, spontanée et implacable d’un champ gravitationnel de moyenne envergure, apprivoisant inlassablement dans son sillage les esprits plus faibles l’approchant, qu’il savait apaiser et soumettre à sa douce influence en perçant d’une sensibilité innée et empathique, le mystère intime de leur quintessence intérieure. Contre lui pourtant, se tenait une jeune femme au cœur froid et à la ruse arachnéenne, cheveux noirs et peau blême, une incroyable beauté corrompue par d’atroces mutilations de l’âme qui irradiait d’elle-même une présence ténébreuse à la lueur amère de souffre et de sauvagerie. Une inquiétante ombre noire dans la lueur bondissante des flammes. Tant d’affres, de souffrances, de douleurs mêlées intimement à une si rêche combattivité, une volonté enragée aux allures inflexibles et absolues imprégnait chaque fragment de son être, que peu de personnalités n’osaient tolérer trop longtemps sa présence et qu’un nombre encore moindre ne parvenaient à la soutenir. Quelque chose d’éminemment fauve, de cruel et de violent, d’indéniablement volontaire, souple mais brutal se dégageait de chacun de ses gestes, de son aisance maitrisée à se mouvoir dans l’espace et dévoraient mentalement le terrain vulnérable d’emprise de ceux qui la côtoyaient : les marques crues d’un pouvoir durement acquis que l’on ne retrouvait pourtant guère chez son jeune cadet. Un être de la nuit la plus sombre, endurant, rancunier, à l’âme avide, assoiffée de pouvoirs, de domination, torturée par d’insatiables désirs qui corrompaient et dévastaient tout sur leur passage.

Le Yin et le Yang, une antithèse parfaite.

Des exigences et des promesses intolérables se murmuraient dans l’ombre des pensées de la Serpentarde, dépassées par la vigueur démente d’un amour interdit dont elle ignorait jusqu’alors les frontières effrayantes. Car il lui était ce précieux, cet essentiel qui, seul savait contenir sa folie, panser ses blessures, lui qu’elle voulait tant conserver près d’elle, envers et contre tout, à n’importe quel prix, quel sacrifice. Même le plus ignoble et le plus égoïste de tous. Mais dans le vide abyssal de sa triste faiblesse, il lui parut l’espace d’un moment qu’elle se débattait encore dans le délire dément d’un rêve de fièvre névrosé et qu’elle avait pitoyablement échoué à le sauver, qu’il n’était plus qu’un douloureux souvenir amer et corrosif dans son cœur de pierre mort. Sa vie ne forma plus dès lors, qu’un minuscule point focal dans sa conception erroné du temps, un instant de présent en équilibre éphémère entre les siècles révolus durant lesquels la puissante lignée qui l’avait enfantée avait régné sans partage et la durée encore inconnue de son existence à venir. L’Animagus en ressentit un long moment de vertige insensé, tandis que son esprit morcelé se trouvait suspendu au-dessus d’un abime d’éternité.

Puis, de la chaleur. De la lumière. Originelle. Pure. Lui parvint au corps, l’aveugla même derrière ses paupières closes tandis qu’il frémissait en elle, une émotion des plus étranges, totalement inconnues. Cette voix là, ce timbre singulier, même éteinte, même abimée, elle l’entendrait jusque dans ses plus obscurs songes, l’oublier ou renier son existence lui était purement inconcevable, littéralement absurde. Mais ce n’était guère l’une de ces froides illusions qui venaient souvent torturer sa conscience coupable, pas cette fois ci, non et au fond d’elle-même, la Ténébreuse le savait déjà. Elle pencha doucement sa tête en avant, puis posa son visage contre le torse livide de Keith, ses longs cheveux d’encre humide coulant distraitement sur ses propres épaules, entrainés par la désinvolture du mouvement jusque sur la chair nue de son cousin. L’odeur réconfortante d’un corps familier l’envahit doucement dans un curieux sentiment de plénitude entrainant, de sécurité et d’absolution indescriptible. Contre lui, elle s’apaisa dans un long soupir tandis que ses facultés animales, dédoublement bestiale de ses propres perceptions humaines, discernaient plaisamment les battements sourds mais réguliers, du cœur de l’Aigle sous sa peau, la chaleur suaves de ces exquises artères auxquelles l'animagus avait déjà goûté auparavant...

Les yeux toujours clos, elle laissa ses longs doigts exsangues glisser avec douceur sur le marbre fin du poignet de Keith, redessinant d’une lenteur fascinée le réseau dense de ses veines bleutées, qui véhiculaient dans son être, le même sang que le sien. L’intérieur fragile de son avant-bras, le creux délicat de son coude, la lame effilée du muscle de son biceps, la caresse de sa tendresse ondulait sur la peau aimée comme un serpent fasciné sur sa proie. La ligne pure de sa clavicule déversa enfin la pulpe patiente de ses doigts contre son torse, atteignant finalement la morsure plus épaisse du tissu cicatriciel de ses plaies les plus récentes. Rien alors, ne lui sembla plus magnifique et parfait que la rectilignité de ses stigmates, plus majestueux que le symbole porté par la chair meurtrie de l’être aimé : la marque indélébile au sang séché de son territoire. Ses lèvres rougies de désir délogèrent ses mains câlines pour y déposer de chaleureux baisers. Remontant le sillon vallonné de son sternum, elle traça la piste tiède de ses irrésistibles attirances en embrassant chaque parcelle de sa peau rencontrée. Son cœur se serra et elle conservait désormais l’impression grisante de n’être plus qu’une munificence béante, une onde de désir et de torture mentale. Car elle se l’exigeait, le convoitait à en mourir, possédée par cette démente envie de lui appartenir et Pénombre devina une nouvelle bouffée de désir la submerger, et d’avance, sut qu’elle ne pourrait lutter contre. Atteignant son visage, Pénombre l’embrassa enfin, avec une douceur irréaliste qui irradiait un amour incroyable, enveloppant et sans faille, ceux dont il semblait promis qu’ils n’auraient jamais de fin, comme son sourire… Elle s’abandonna avec docilité dans un délice déraisonnable au plaisir absolu que ce baiser naissant lui offrit tandis qu’une étrange langueur de satisfaction s’emparait d’elle. Son étreinte se raffermit avec onctuosité autour de lui et son baiser s’éleva vers des notes de passions moins contenues, une ivresse chatoyante, aux mille sensations.

Toute cette humanité à laquelle la Septième année avait intentionnellement décidée de renoncer depuis longtemps, de sacrifier à de lugubres, d’infréquentables et exigeants mentors pour s’enivrer davantage de précieuses connaissances, de dangereux savoirs perdus autant que de pouvoirs défiant l’imagination ou d’obscures puissances jadis inatteignables, ne lui avait jamais autant pesé que ce soir là où elle avait failli le perdre. L’élan faible de ce qu’il restait en elle d’enfance dissolue, monstrueux vestige nécrosé du passé, ruines oubliées d’une conscience futile, spontanée, innocente et passionnée mourrait d’envie d’implorer son pardon, de lui dire…

Mais quoi exactement ? Quelles lumineuses explications pourraient bien éclairer de vérité les noirs attraits qu’elle lui avait préférés jusqu’alors, quelles justes paroles pour combler ce pesant silence, murer sa culpabilité hors de l'indiscible honte de l’aimer qui la tenaillait ? Quels arguments, justifications adéquates pourraient bien, ne serait ce qu’apaiser, le mal qu’elle savait lui avoir fait, lui faire ? Plus que tout autre chose, Pénombre craignait d’affronter le jugement, le châtiment de cette seule personne en qui elle avait, secrètement, une confiance absolue, aveugle et totale alors elle se tut, se retira subtilement de lui, tentant vainement de chasser la résignation totale de son esprit, de son corps en regagnant une distance moins dangereuse. La Ténébreuse se redressa avec peine, assommée d'ivresse, en priant pour que ce macabre décor d’horreurs autour d’eux puisse encore se dissoudre en fragments de songe. Mais les murs ne fléchissaient pas et la nausée demeurait. D’étranges relents emplissaient l’air et bourdonnement constant produit par les viscosités épaisses renfermant les dizaines de lourds ovoïdes de métal s’était tût dans la chambre des Enfers….

La peur se condensa brutalement dans ses veines comme une toile poisseuse, et le silence autour d’eux se densifia à tel point que leurs cœurs auraient pu être les derniers à battre dans tout Londres. Malade d’exécration, les longues mains de Pénombre se tordirent avec l’énergie du désespoir et elle sentit son âme se flétrir devant l’horreur de la situation que ses yeux fous découvraient, tandis qu’une vague dévastatrice de terreur l’écrasait contre les pierres noires, étouffait son souffle tout en heurts. La douleur, la honte, la nausée, la culpabilité secouaient de profonds soubresauts sa chair meurtrie et elle se sentit basculer dans un Maelström de courroux des plus abominables. Dantesques.

Physiquement dévastée, son esprit vacillant et la déficience de sa raison persécutée ne parvinrent à réunir ses pensées éparses autour d’un raisonnement logique en mesure d’expliquer l’effroyable cataclysme que ses yeux impuissants contemplaient avec un entêtement masochiste et ce ne fut que lorsque ses sombres prunelles de jais croisèrent celles de son cousin qu’elle comprit toute l'étendue consternante de la responsabilité grave qu’il portait en lui.

Cet ange, ce sale traitre.

Hors de contrôle, sa violente colère heurta la tendre joue de Keith dans la terreur muette qu’elle ne parvenait pas à exprimer autrement. Le geste, impardonnable, brula sa paume douloureuse sans percer la cloque purulente de douleur de son âme broyée. L’éclat scintillant de ses yeux hantés par la crainte palpita plus vivement, avant que la Ténébreuse ne se détourne entièrement de lui. Ne se mette hors de sa portée physique.

« Va-t-en. »

Feula-t-elle entre ses dents. Sa voix tranchante, sourdait gravement la menace d’un prédateur furieux, vacillant de contrôle. Elle l’aurait tué sur l’instant si elle ne l’avait pas aimé avec tant d’absolu et de sincérité.

« Maintenant ! »

La violence brute et crue de son ordre ne tolérait le moindre affront et elle perçut nerveusement le soupir déclinant du son des pas de Keith, à mesure qu’il mettait, docile, une salvatrice distance physique entre eux...

La nuit au dehors fut déchirée par un lacérant rugissement silencieux, une lamentation hors nature que l’on ressentait plutôt que l’on n’entendait. Un cri bestial comme un raclement métallique écorché, qui crachait au monde toute sa douleur et sa rage perplexe. Les épais volets extérieurs du Manoir reprirent leur forme avec un soupir rauque quand l’impressionnante pression qu’ils subissaient renonça soudain et le son fauve diminua enfin jusqu’à s’éteindre en une longue plainte macabre.
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