Décembre. Le seul mois de l’année qu’Andrew trouvait étrange. C’était un mois vraiment mitigé, du positif comme du négatif, même si le côté obscur l’emportait. C’était le mois qui partageait l’automne de l’hiver, le mois du décalage horaire, le mois du froid et de la nuit… Vraiment Décembre était une période étrange, et heureusement que deux semaines de vacances et l’arrivée d’un gros bonhomme rouge et blanc venaient égailler un peu le tout.
C’était donc en cette matinée du mois de Décembre que Drew décida d’aller s’aérer l’esprit. La salle commune des Blaireaux devenait oppressante avec le bruitage incessant des plumes qui grattaient avec ardeur des rouleaux de parchemin encore vierges. En effet, Poufsouffle était réputé pour son acharnement dans le travail, même si elle n’égalait en rien Serdaigle, et malheureusement pour lui, le jeune sorcier qu’était Andrew, bien qu’intelligent, avait du mal à s’abrutir de travail à longueur de journée. Il fallait qu’il sorte. Sortir ou s’abrutir sans réfléchir le choix était vite fait, et c’est ainsi qu’il s’extirpa de ce cocon en pleine activité pour se retrouver seul à la fraîcheur des couloirs avant de franchir sans s’en rendre vraiment compte, la grande porte de chêne du majestueux château.

Le parc. Le jeune garçon aimait cet endroit, cette grande étendue verte s’opposait agréablement avec le jaune criard qu’il côtoyait habituellement. Une brise d’air frais. Pfiouuu ! Il avait crû un instant que jamais il n’aurait la chance de ressentir cette sensation de gel sur ses joues encore rougies par l’atmosphère suffocante de la pièce de vie des blaireaux.
Le Rouquin respirait à pleins poumons quand les trucs qui lui servaient d’yeux se posèrent sur une cascade de cheveux d’un blond resplendissant. Au premier abord il pensa que c’était encore ses yeux qui lui jouaient un tour, trop exposés au jaune canari poufsoufflien, mais en s’avançant il se rendit compte qu’il n’en était rien : il s’agissait bel et bien d’une demoiselle assise au pied d’un arbre, la tête baissée. Que faisait-elle ? Plongée dans un livre comme tous les autres ? Non, ses mains étaient bien visibles. Du Yoga ? Non plus, la position ne correspondait pas. Roooh ! Et puis mince il n’y avait rien de mieux que d’engager directement la conversation au lieu de s’attarder sur des hypothèses des plus invraisemblables… C’est ce qu’il fit. Parcourant les derniers mètres le séparant de la jeune fille, il se lança.

- Y’a pas mieux pour attraper froid gente dame. Laissez-moi au moins prendre place à vos côtés pour vous réchauffer ! dit-il en s’asseyant à sa gauche.

Il espérait que cette approche destinée à faire sourire la demoiselle serait efficace. Amuser la galerie c’est ce qu’il savait faire de mieux. Croisons les doigts…

Le bruissement de pas dans la neige. Hannah renifla et n'y prêta d'abord pas attention, puis elle s'aperçut qu'ils s'approchaient d'elle. Elle voulut les ignorer, faire comme si elle n'entendait pas le crissement de la neige, faire comprendre à l'intrus qu'il n'était pas le bienvenu, qu'elle n'avait besoin de personne.
Mais, finalement, elle ne put s'empêcher de lever la tête vers la personne qui s'approchait d'elle. Son regard embué ne lui laissait que distinguer une silhouette masculine, pas très vieille. Soupir. Manquait plus qu'un jeune lui demande pourquoi elle pleurait. Elle remarqua ensuite les cheveux du garçon.

*Pas Will, par pitié...* ne put-elle s'empêcher de penser. Bien qu'elle ait eu le béguin sur le rouquin, elle ne l'appréciait plus du tout. Souvent coeur de femme varie...
Mais non, le petit roux était trop petit, justement, pour être William. La poufsouffle sécha ses yeux et put voir le blaireau sur l'uniforme de l'intrus. Chouette, elle pourrait déjà le préparer à vivre les sept pires années de sa vie avec de vrais canailles et des snobinards en veux-tu en v'là!
Lorsqu'il lui fit remarquer qu'elle risquait de prendre froid, et qu'il pourrait la réchauffer, Hannah répondit du tac au tac.

-J'n'ai pas froid.
Sous-entendu : dégage. Sauf que notre poufsouffle avait une sincère difficulté à se montrer méchante plus de quelques instants, aussi reprit-elle, adoucie.

-C'est quand même gentil. Assied-toi.

Elle n'osait toujours pas le regarder en pleine face. Non mais elle devait avoir les yeux tout bouffis et puis... elle était plus vieille, elle n'était pas supposée se montrer aussi sensible. Du moins pas plus fragile que lui, sinon.

-Qu'est-ce qui t'amène par ici?demanda-t-elle sans conviction, pour éviter de parler d'elle, même si la pareille risquait de lui revenir en pleine face. Elle esquiverait.

Y'a des fois où l'roux il devrait réfléchir... Si si j'vous assure ! Toujours à vouloir amuser la galerie, se montrer présent, être aimé en quelque sorte. Souvent ça marchait, mais parfois ça le laissait dans des situations... Huum comment dire ?... Étranges ! En même temps quelle idée d'aller à la rencontre d'une jeune fille bien plus âgée que lui, assise dans la neige, la tête baissée... Seule... Si elle est seule par ce temps c'est sûrement qu'elle voulait l'être. Mais non, il fallait que Drew aille mettre son nez plein de taches de rousseurs là dedans...

Ça c'était vu à au premier échange. La Jaune avait relevé la tête, les yeux embués avant de répliquer d'un ton sec qu'elle n'avait pas froid. Dans ces moments là une personne censée aurait fui en l'absence d'un 'Bonjour' mais Andy' [Dédicace à la destinataire !] était plus têtu qu'un hyppogriffe mal luné et n'avait pas bougé, bien au contraire, il s'était assis... Par chance le ton de la demoiselle s'était adouci, et elle l'avait remercié.

Quoi ?! Des remerciements ? Après cette parole froide, stricte et sévère ? Décidemment les filles étaient incompréhensibles ! Cela venait peut-être des changements biologiques auxquels elles étaient soumises, mais on vous passera les détails... Vraiment, le Poufsouffle penserait à demander un manuel un de ces jours, le genre 'Dico' Filles-Garçons en dix volumes traduit en trente-six langues...' Malheureusement il n'avait pas à l'heure actuelle d'ouvrage de ce type sous la main, ça lui apprendra à ne se rendre dans l'antre de Pince seulement pour une partie de Bataille Explosive entre amis... C'est donc après un moment de recul qu'il prêta finalement toute son attention à la sorcière.

- On va dire que la salle commune devient... Huuum... Oppressante... Aujourd'hui n'est pas un jour propice au travail pour les roux c'était écrit dans Rouquin Hebdo : le journal qui voit la vie en Orange, ce matin. C'est comme ça, y'a des jours avec et y'a des jours sans...

Vu l'attitude de départ, Drew jugea bon de ne pas répondre du tac au tac 'Et toi ?'. Solution de rechange en action !

- Faudrait penser à installer des ventilateurs tellement ça fume parfois... Tu t'exerçais c'est ça ? Ça doit pas être simple tout les jours à ton niveau non ? lança t-il finalement à la vue de la baguette de sa camarade.

* Merci baguette ! Merci baguette ! Merci baguette ! *

Le petit bout de blaireau, ou de belette : il lui avait probablement quand même fallu une sacré curiosité pour venir la voir, laissa filer un court instant pendant lequel un filet d'air décida de se moquer de la pleurnicharde en secouant une branche qui laissa tomber de la neige sur la tuque et l'épaule de Hannah. Ne cherchant pas à savoir ce qui se passait dans la tête de son camarade de maison, elle secoua nonchalamment la neige de sa main nue (et sans baguette), puis l'écouta reprendre sur la salle commune surbondée, avec un sourire en coin. Il venait d'arriver, lui, car sinon il saurait déjà qu'avec le froid, les rapprochements, volontaires ou non, sont plus fréquents dans la salle commune.

*Aujourd'hui, ça semble être plutôt sans pour pas mal de monde...*

-Y'a une revue pour les rouquins? Quand est-ce que vous demandez d'être considéré comme un peuple distinct?

Pff, tous des snobinards égocentriques ces roux! Non mais, "parce qu'on est roux, on a notre propre magazine et on est trop les tops meilleurs quand même", ça suffit! Si ils commencent à lui entrer tous ces infamies dans la tête à onze ans, il serait pire que Will, plus tard. Et dire que Will était censé être un rouge. Vous savez, ceux qui défendent la veuve et l'orphelin, pas ceux qui leur crachent dessus...
Cesser de penser à Will, ça attire les énergies négatives.
Plutôt tenter de récupérer le p'tit, pendant qu'il en est encore temps.
Zut! Il a été plus rapide. Détourner sa question, alors.

-Ouais, on peut dire ça comme ça. *Ou que j'aurais tenté de me pratiquer si j'm'étais pas mise à pleurnicher* Mais tu sais, c'est pas plus difficile en sixième année qu'en première. *En fait oui. Mais il va comprendre de que je parle en valeur relative, il est jeune mais pas con. J'espère.* Le niveau suit et tout est graduel, alors ça va bien! *Sauf pour les trop nulles comme moi* Y'a juste un peu plus de matières alors on a moins de temps libre... *BEAUCOUP!*

Bon, ça c'était réglé. Maintenant, retourner subtilement au sujet intéressant.

-Au fait, mon p'tit, je voulais pas t'insulter tout à l'heure. J'ai rien contre les roux, mais je trouve ça un peu poussé quand même d'avoir un magazine juste pour vous. J'ai jamais entendu parler de Blond'hebdo!

Grand sourire. Et puis, vous avez remarqué? Oui? Non? Je vous le donne en mille. De un, Hannah s'était remise à parler. Pas encore aussi pipelette que d'habitude, mais c'était déjà bon signe. De deux, elle s'était encore donné comme mission de s'occuper des autres et de les aider. Pas forcément bon signe, car pendant ce temps elle ne réglait pas ses problèmes, mais ainsi était-elle!