L'air était frais maintenant, et peut être un peu trop frais pour Qare, qui n'eut d'autre choix que de plisser légèrement les yeux pour ne pas voir ses yeux brûler sous l'agression des légères rafales. S'étant maintenant tourné vers le vide, les pieds ballant dans le noir, dessinant de petits cercle dans ce même néant qui semblait tellement plaire à Qare, car il n'était pas visible, car il n'était pas là, car il était insaisissable, et parce que lui, ne disait rien quand on tentait de l'observait. Il était d'un mutisme sans pareil, prenant plaisir à être traverser sans pour autant se donner la peine d'agir il était simple spectateur, sans pour autant prêter attention à vous. Il vous sourit et pourtant ne vous montre pas ses yeux. C'était ainsi que les yeux de Qare se reflétaient au monde.

Posant par la suite ses deux mains derrière son dos, puisque le rebord était assez large pour contenir au moins de fois le petit homme noir, le Serdaigle se pencha et tourna la tête vers la gauche, pour diriger son regard en direction de celui qui avait un accent français:

"Tu veux qu'on s'aime longtemps ? - C'est bien longtemps. C'est presque aussi bien que toujours et c'est moins prétentieux."

Laissant entendre un petit enfantin, l'un de ces rires qui faisaient peine à entendre car ils mettaient vite le locuteur en folie. On ne pouvait pas vraiment dire que Qare avait de la peine pour grand garçon, plein de courage et plein de bon sens, qui se dressait au milieu de la pièce, lui qui allait obscure dans la nuit solitaire. Replaçant son regard sur l'horizon, le vent ayant tourné, lui permettant de ne plus plisser ses deux topazes. Soufflant bêtement vers le haut, comme pour jouer avec ses mèches qui se balançaient doucement, paisiblement, révélant parfois son grand front pâle. Il avait l'air simple de la haut, il avait l'air serein de là-bas et il avait aussi l'air vide d'aussi loin.

Se relevant alors, tout en faisant un demi tour, Qare posa sa main sur l'un des rebords froid et rugueux sans que cela ne le gène, il avait même l'air d'aimer cette sensation d'irritation anormale, les pointes des cailloux bloqués maladroitement incrustés dans la pierre déformant la peau marquant facilement de petit garçon. La lumière de la lune était telle qu'il n'était possible de voir qu'une face du visage de Qare, ses cheveux souhaitant presque s'arracher de sa tête, son œil vide reflétant Mathias. Tout son autre côté, attirant sa cape noire, s'engouffrant dans l'ombre dévoreuse de forme, il avait l'air un ange au caractère de démon, un être à deux facettes, une double personnalité, non pas un hypocrite, simplement un incompris. Sa voix devenant un peu plus grâce, il interpella de nouveau son interlocuteur:

"Je suis libre, libre d'agir comme bon me semble, libre de blesser, libre de pleurer, libre de cracher mon venin, libre savoir où je suis, ce que je fais. Faire voler les oiseaux, je peux. Faire nager un poissons, je peux. Faire pleurer un garçon, je peux. Mais te dire pourquoi je ne peux. Se vouloir libre, c'est aussi vouloir les autres libres. Alors suis-je obligé de souhaiter la liberté des autres, pour me voir seul à nouveau? Je ne veux rien de tout cela, je ne vis pas vivre, puisque personne ne remarquerait ma disparition, et je pense que la mort est faite pour qu'on pleur ou rit de la personne qui se trouve alors au fond du trou. Mais si personne ne me voit, qui pourra pleurer ou rire? Mais je ne veux pas non mourir, car le noir me sied que trop bien, et l'abandonner me blesserait un peu plus. Alors, ce que tu veux savoir, ce n'est pas ce que je veux, mais simplement ce que tu voudrais que je te dises."

Faisant un pas sur sa droite, pour se cacher entièrement dans le noir, Qare laissa échapper de nouveau le même rire qu'au par avant. Il ne voyait pas sa vie comme un cauchemar, puisqu'il ne vivait pas ici, il survivait, nuance faible mais importante:

"Un cauchemar...Mais je ne dors pas...Je suis bien conscient...Enfin, qui peut être conscient de son soit et soit-même? Je rêves pour échapper lâchement, peut être, à une vie, un monde, un univers qui n'est pas mien, qui ne me ressemble pas, pourtant, là haut, rien n'est différent d'ici, simplement, là haut, j'ai ce dont j'ai besoin pour survivre..."

Les gestes de Qare n'étaient plus visible pour Mathias, pourtant, le déplacement du vent pouvait lui faire deviner qu'il plaça sa main sur son cœur, comme en signe de compensation, comme pour boucher le trou béant qui se rongeait peu à peu.