«Aaah, bah! Qui vois-je? Tu t’es perdue, fillette?»

C’est une voix rieuse et enjouée qui avait prononcés ces mots, à quelques mètres derrière la Serdaigle. L’audition s’était déroulée à merveille, les juges semblaient bien impressionnés et surpris des talents de comédien du jeune homme. Mais ce n’était pas une surprise pour lui. Il se savait talentueux dans ce domaine, c’est une chose que sa mère lui avait laissée. N’empêche, il ne s’attendait pas du tout à voir sa jeune sœur aux mêmes auditions que lui, encore moins pour jouer les rôles qui lui seraient complémentaires. Si les deux obtenaient les rôles qu’ils désiraient, cela pourrait être très, très comique.

Emmanuel accéléra le pas, se retrouvant finalement aux côtés de sa petite sœur. Il posa ses yeux sur elle, lui sourit puis dit :

«J’espère que mon talent ne t’as pas trop ébloui, Sally-Anne-la-banane. Maman aurait été fière de son garçon. »

Certes, il l’admettait, sa sœur était une excellente comédienne. Et au fond de lui, il lui souhaitait de réussir ces auditions. Mais, rôle de grand frère oblige, il ne lui laisserait pas savoir. Cela avait été de même bien souvent au fil des ans, les secrets, les encouragements, les bisous et les promesses qu’il aurait bien voulu lui transmettre étaient bien enfouis dans son cœur, mais il sentait que bientôt, cette barrière cèderait.

Après tout, il allait partir.

L’année scolaire était achevée, et la prochaine qu’il entamerait allait être à l’UMA. Pour devenir Langue-de-plomb.

Par Merlin, que le temps passait vite…

«Tu comptais faire quoi, maintenant...? Il faudrait peut-être débuter notre conversation annuelle, qu’en dis-tu ? Et puis, j’m’en vais, il va falloir que tu profites bien des derniers temps en ma compagnie pour me torturer comme tu le souhaites.»

[zolée, c'est un peu court T-T]

Sally vit rouge, et ses yeux se réduirent à deux fentes sur son visage. Non ! Il n’avait pas osé… ? AVAIT-ELLE L’AIR D’UNE FILLETTE ? Elle avait SEIZE ANS non d’une crotte de bique enragée ! Roooh… Raaaaah ! Aaaaargh !

*Et voilà le pot…*

Sally bouillonait, les poings serrés. Mais pourquoi diantre le Tyran avait-il toujours raison ?!? C’était vrai quoi ! Ça tombait sur le système à la longue !

*Ma chère Sally-Anne, si tu étais un tant soit peu plus concentrée et plus calme, tu n’aurais pas besoin de mes indispensables services. C’est parce que je conserve mon sang-froid et que je sais user de logique que j’ai toujours raison !*

**Blablabla…**

*Malheureusement, il semblerait que tu n’aies pas encore acquis cette maturité. En attendant ce jour béni, tu vas devoir encore me supporter longtemps,…*

**Blablabla…**

«J’espère que mon talent ne t’as pas trop ébloui, Sally-Anne-la-banane. Maman aurait été fière de son garçon. »

*…car il semblerait que les différentes parties de ta personne ne soient pas encore rendues au même niveau à l’heure actuelle… Et c’est bien dommage…*

Sally poussa un cri de rage en plaquant ses mains sur ses oreilles. Nanmého ! On n’avait pas idée de torturer une pauvre jeune fille de la sorte !

« Voggle !!! Tous !! Marre ! Marre ! Marre ! »

Non ! Sally ne voulait rien entendre ! Tant et si bien qu’elle fit aller de ses grandes jambes pour tenter de devancer son frère, histoire d’avoir au moins à moitié plus de paix pour se rendre jusqu’à son dortoir et s’étouffer avec Bonny, son croup en peluche. (Oui car depuis le temps, elle avait admis que Bonny n’était qu’une peluche et que jamais elle ne le verrait soudainement s’animer et aboyer gaiement.) Comme ça, cela réglerait la deuxième partie du problème, à savoir le Tyran.

Ou pas. Parce que s’étouffer avec son croup reviendrait à se suicider et Sally avait beaucoup trop de trucs à régler avant d’en arriver à une telle extrémité. Et la première chose en liste était de faire payer à Yorek Wolgan de l’avoir foutue à poil devant tout le monde dans la Grande salle. Oui car avec le temps, Sally avait réussi à trouver l’auteur de cette odieuse farce, à force d’enquêtes et d’investigations dignes des plus grandes Agatha Holmes de ce siècle. Et elle était plutôt fière d’elle sur ce coup-là.

«Tu comptais faire quoi, maintenant...? Il faudrait peut-être débuter notre conversation annuelle, qu’en dis-tu ? Et puis, j’m’en vais, il va falloir que tu profites bien des derniers temps en ma compagnie pour me torturer comme tu le souhaites.»

Ah mince ! Il l’avait rattrapée !!! Que faire, que faire ? Sally s’arrêta de marcher.

« Oh ! Un papillon ! » s’exclama-t-elle en fixant un point au hasard derrière l’épaule de Manu, - ils étaient presque aussi grands l’un que l’autre, bien que Manu la dépassât.

«Et tu me prends pour quoi, là?»

Clairement, sa jeune soeur tentait de distraire son attention pour qu’elle puisse se sauver loin de celui qu’elle adorait surnommer le Tyran. C’est-à-dire lui. Et cela le faisait sourire. Certes, il regrettait certaines choses, des taquineries qui l’avait sans doute vraiment blessée, mais il n’avait jamais vraiment voulu être méchant. L’ex Pouffy à en devenir vint doucement agripper le doigt de sa jeune soeur avant de guider son bras derrière son dos, arrivant à ainsi lui donner un câlin, première marque d’affection physique depuis environ une dizaine d’années.

*Décidément, c’est vraiment étrange...*, se dit-il en la serrant un peu avant de la relâcher, souriant un brin. C'est qu'il a pas l'habitude de serrer sa soeur, voyez-vous.

«Pas trop pénible?... Et même si ce l’était, faut bien faire semblant parfois.»

Cette dernière phrase était bien sûr accompagnée d’un clin d’oeil tout à fait subtil alors qu’il reprenait sa marche dans une direction quelconque. Les ruelles de Pré-Au-Lard n’étaient pas le lieu idéal pour une conversation fraternelle et qui se voulait à la base plus profonde que les autres qu’ils avaient eues.

«Moi, j’veux pas rester ici...»

Manny fouilla quelques instants dans la poche de ses pantalons et en sorti quelques pièces de monnaie.

*Faudrais bien que je lui paie quelque chose au moins une fois dans ma vie. Sinon, j‘suis pas un très bon grand frère aux apparences tyranniques*

Il examina les pièces de monnaie puis leva les yeux vers ceux de Sally.

«Viens, on va manger quelque part... Ou p’tet une glace. T’en dis quoi?»

Mais il n’attendit pas la réponse de la Serdaigle, entamant déjà le pas, sa main posée sur l’épaule de sa p’tite banane aux idées un peu folles.

**Euh… Il fait quoi là ?**

*J’aurais tendance à dire… un câlin.*

Un… N’importe quoi !! Non ! C’était un truc pour détourner son attention pour sûr ! Sally se tendit dans les bras de son frère, les bras le long de son corps, les mains crispés. Quand il la relâcha, elle s’empressa de se tordre le cou afin de vérifier qu’il ne lui avait rien collé dans le dos du genre « Frappez-moi, je suis un troll ! »

*Attends ! Tu confonds avec ce que TU aurais fait.*

**Même chose ! Je te rappelle que c’est mon frère ! On partage le même sang !**

Et Sally grimaça à cette pensée.

« Semblant de quoi au juste ? »

Mais il ne lui répondit que par un clin d’œil et il reprit sa marche.

« Eh ! Tu vas où comme ça ? Attends ! »

«Moi, j’veux pas rester ici...»

« Ah. »

Et elle le regarda fouiller dans ses poches d’un air curieux et méfiant. Bon d’accord. Le câlin, c’en était un vrai. Mais ce qu’il allait sortir de ses poches, il fallait s’en méfier, pour sûr !

**De l’argent ! J’y comprends rien !**

*Allons ! C’est évident qu’au fond, ton frère, il t’aime bien. Et je suis sûre que c’est réciproque.*

**N’importe quoi.**

«Viens, on va manger quelque part... Ou p’tet une glace. T’en dis quoi?»

Sally ouvrit la bouche pour répliquer, mais aucun mot ne lui vinrent à l’esprit, tellement elle était surprise de la proposition de Manu. Mais ce dernier n’en attendait pas davantage d’elle et il l’entraîna à sa suite vers une destination inconnue qui comblerait assurément les estomacs vides des deux adolescents. À mi-chemin, Sally se resaisit soudainement et s’arrêta, intimant Emmanuel d’en faire autant.

« Je comprends pas. À quoi tu joues ? »

*Ah bon ! Et tu penses vraiment que s’il a une idée derrière la tête, il va te la dévoiler aussi facilement ?*

Mouais… Ajoutons une menace. Sally sortit sa baguette et la pointa sur son frère, le regard féroce.

« Je te préviens Manu ! Tu vas me dire exactement ce que tu as en tête ou je te jette un sort ! »

Et Manu plus que quiconque était en mesure de savoir à quel point les sortilège de Chatouillis de sa sœur étaient redoutables. Pour appuyer ses dires, des étincelles jaillirent de la baguette de roseau de Sally.