Un long cri retentit dans la demeure sombre, et James cessa de marcher pour écouter. De tels hurlements ne trompaient pas ; celui qui les poussait était en train de subir la torture la plus redoutable, celle que seul pouvait infliger le Lord. Les cris résonnèrent quelques instants- une éternité, songea le jeune homme, pour celui qui souffrait- puis le repère retomba dans son silence familier.
Ces hurlements avaient porté à son comble la nervosité du jeune Kirkby. Pourvu que son rapport soit bien accueilli... pourvu qu'il ait travaillé avec assez de sérieux, fourni assez de détails...
La porte s'ouvrit, et James mit un genou en terre pour saluer son Maître. Le teint habituellement pâle du jeune sorcier était devenu presque blafard, mais sa voix était ferme lorsqu'avec l'autorisation du Lord, il prit la parole :

-Maître... Je suis venu vous faire le rapport que vous m'avez demandé au sujet de la tour de Serdaigle, à Poudlard.

Il se releva, et, à demi-courbé, s'approcha du fauteuil qu'occupait le Lord pour lui tendre les parchemins qu'il avait apportés.

-Je me suis permis de dessiner ces plans des lieux, Seigneur... L'entrée de la tour de Serdaigle se trouve au septième étage du château, dans l'aile ouest.

Le premier plan montrait comment on accédait à l'entrée de la tour ; le deuxième, de forme ronde, montrait l'intérieur de la tour. James poursuivit :

-Une simple porte ornée d'une tête d'aigle y donne accès. Il n'y a pas de mot de passe ; pour entrer, il faut donner une réponse à la question posée par l'aigle... La salle commune est de forme circulaire, elle est pourvue de hautes fenêtres et d'une cheminée, mais il est impossible de pénétrer dans la tour de Serdaigle ou d'en sortir par ces moyens, des sortilèges de protection puissants ont été mis en place.

A mesure qu'il parlait, le plan qu'il avait remis au Seigneur des Ténèbres se complétait ; les fenêtres et la cheminée étaient à présent barrées d'une croix noire, pour montrer qu'il ne s'agissait pas d'accès ; sur un autre parchemin, l'ancien Serdaigle avait noté une bonne vingtaine de questions posées par l'aigle de la porte, pour permettre au Lord de se rendre compte qu'il s'agissait avant tout de questions de logique. Le jeune Mangemort reprit :

-Du côté opposé à la porte, derrière la statue de Rowena Serdaigle, un double escalier mène aux dortoirs. Dans les autres maisons de Poudlard, les garçons ne peuvent accéder aux dortoirs des filles ; à Serdaigle, ce n'est pas le cas, et une fois qu'on est dans la tour, aucun endroit n'est inaccessible.

Le jeune homme cessa de parler, et attendit, en cherchant silencieusement ce qu'il avait pu oublier. Le Lord serait-il satisfait ? La main blanchâtre tenait les parchemins, et James n'osait pas lever les yeux plus haut, de crainte de croiser le regard écarlate de son maître.

[HJ : j'ai un peu inventé, j'espère que ça va^^]

[HJ : Pas de problème tant que ça reste crédible ^^]

A peine eut-il l'autorisation de parler que le jeune Mangemort entra dans le vif du sujet : il venait faire son rapport d'éclaireur. Le Mage Noir nota avec une once de satisfaction que ce garçon prometteur ne lui faisait pas perdre de temps, lui… Cela calma son irritation et il porta une attention particulière aux documents qu'il venait de prendre. La maison de Serdaigle était la plus intéressante, après Serpentard pour trouver des recrues et un certain nombre de Mangemorts en venaient. En réalité, si les Serpentard semblaient plus destinés à devenir des serviteurs du Seigneur des Ténèbres, ils étaient souvent ambitieux et usaient de coups bas. En contre partie, les Serdaigles étaient calmes et souvent obéissants, usant de leur intelligence pour les autres plutôt que pour eux même. De bons éléments pouvaient venir de cette maison et il était donc intéressant de connaître un peu mieux milieu de vie.

Le Lord ténébreux avait d'abord été surpris quand le jeune homme avait choisi ce lieu mais il s'était ensuite dit que ça ne pouvait être qu'un plus à plus long terme. Pourtant, James aurait pu porter son dévolu sur n'importe quel lieu du Ministère et le Mage Noir n'en était que plus intéressé par ce choix pour le moins particulier. Les parchemins montraient déjà que le travail avait été fait avec sérieux et cela satisfaisait le Mage Noir qui voulait avoir à ses ordres des hommes d'une grande efficacité à la fois obéissants et autonomes. La salle commune de Serdaigle était tout de même assez simple mais elle ne possédait qu'une seule entrée… Une entrée des plus problématiques : pour ouvrir la porte, il fallait résoudre une énigme !

Le Seigneur des Ténèbres ne se laissait pas leurrer par ces hommes. Il savait que certains d'entre eux seraient incapables des répondre à ces questions (même celles destinées aux premières années). Voldemort parcourut rapidement les exemples de questions et fronça les sourcils. Ce n'était vraiment pas une bonne chose. Autant il suffisait de torturer un Gryffondor pour entrer dans sa maison autant la maison de Serdaigle bénéficiait d'une protection étrangement efficace. La salle commune, elle, semblait assez dépourvue, sobre, et elle était surtout inaccessible. Son irritation était revenue petit à petit quand il écouta d'une oreille distraite la suite de l'exposé expliquant qu'une fois dedans, il n'y avait plus de cachette et que tout les lieux étaient accessibles. Cela voulait-il dire que les élèves de Serdaigle étaient considérés comme plus mature ?

"Dis moi, James, est-il possible de forcer la porte avec l'aigle ? D'entrer sans répondre à la question, par la force ? Tous les combien de temps change la question ? Est-elle différente à chaque fois ? Est-elle choisie par rapport au niveau de l'élève ? Parles moi un peu plus de cette partie de l'accès à la maison. Il faut que ces zones de l'école ne puissent pas être une cachette sûre…"

Pendant un court instant il se dit que la statue de Rowena Serdaigle représentait certainement le diadème qu'il avait caché, des années auparavant, dans une salle bourrée d'objets perdus à Poudlard. Il sourit pour lui même en se rappelant que ce simple Diadème le rendait invulnérable et immortel. Il aimait se souvenir de ce détail. Cette simple idée suffit à calmer sa colère latente et il plia les parchemins pour les garder sur lui et les ranger dans les documents rapportés par ses serviteurs, dans la partie privée de sa chambre.

Son regard se planta ensuite sur le corps incliné devant lui : il attendait une réponse.

Il y eut quelques instants de silence, durant lesquels le Seigneur des Ténèbres examina les documents que lui avait remis son serviteur. Par deux fois, James osa lever les yeux jusqu'au visage lisse de son Maître, comme pour y chercher un indice de sa satisfaction ; mais le regard rouge était impénétrable, et le jeune Mangemort ignorait complètement si son rapport était bien accueilli ou pas. Aucun des traits du Mage noir n'avait changé depuis son entrée dans la pièce, rien n'indiquait ni colère, ni satisfaction... Les deux fois, James avait précipitamment rebaissé les yeux, craignant de paraître irrespectueux en osant regarder directement le Lord. Les hurlements de l'homme torturé résonnaient encore à ses oreilles, et il se prit à espérer que rien de semblable ne l'attendait.
Enfin, la suite. Le Seigneur des Ténèbres demandait des précisions, et James se reprocha de ne pas avoir été assez précis dans son rapport. La voix du Maître, cependant, n'était pas menaçante pour le moment, et l'heure était aux explications, pas aux excuses. Cette fois, quoi qu'il lui en coûtât, James se força à regarder son Maître ; parler la tête basse aurait été d'une impolitesse impensable, mais ce n'était pas la raison du geste de James ; le jeune homme tenait surtout à montrer sa franchise, sa bonne volonté, sa disponibilité : un serviteur qui ne cache rien à son Maître n'a aucune raison de lui dissimuler son visage... et lorsque le Maître en question est Lord Voldemort, ce genre de détail a son importance. James avait entendu parler des pouvoirs de légilimens du Seigneur des Ténèbres, et de sa méfiance envers ceux qui, en conservant le regard baissé, cherchaient plus à lui interdire l'accès à leur esprit qu'à lui manifester du respect. Risibles tentatives, vouées à l'échec, et ô combien méprisables...
Le regard bleu du Mangemort s'arrêta un instant sur le visage blanchâtre de Lord Voldemort, et le jeune homme répondit :

-Il est impossible de forcer la porte de l'aigle, Maître. Quelques personnes ont essayé d'entrer sans répondre à l'énigme, mais ils n'ont réussi qu'à bloquer la porte... Après une tentative d'entrée par la force, l'aigle refuse pendant quelques heures de poser des questions... Si quelqu'un essaie de forcer la porte, personne ne peut donc entrer pendant un bon moment. De plus, l'aigle a de la mémoire ; il n'oublie jamais la personne qui a tenté de forcer l'entrée, et il refuse de la laisser entrer.

Les énigmes... James réfléchit à toute allure. A quelle fréquence changeaient-elles ?... Comment étaient-elles choisies ?
Le Seigneur des Ténèbres attendait visiblement la suite. James reprit :

-En ce qui concerne les énigmes, Maître, elles changent selon l'humeur de l'aigle, mais elles ne durent jamais plus longtemps qu'une journée. Parfois, il change de question à chaque visiteur ; mais c'est assez rare. En général, il garde la même question pendant quelques heures... En revanche, il ne change pas de question en fonction du niveau des élèves... Il accepte une réponse moins élaborée de leur part, à condition qu'elle soit logique et cohérente... L'aigle sait qui il a en face de lui, et il modère ses exigences en fonction de l'âge du visiteur. Un adulte ne peut entrer qu'en fournissant une réponse parfaite.

Certains Mangemorts n'étaient pas près d'entrer dans la salle commune... James en connaissait quelques-uns, et deux ou trois parmi eux étaient trop bas de plafond pour répondre à une question plus compliquée que « quelle heure est-il ? »... Bien sûr, cela risquait d'irriter le Lord... C'est après une légère hésitation que le jeune Mangemort conclut :

-En cas d'échec, l'aigle ne repose pas de question à la même personne. Il faut attendre que quelqu'un d'autre arrive et réponde correctement...

Ce genre de problèmes était arrivé quelques fois à James, dans le courant de sa première année ; ensuite, il avait réussi à limiter les dégâts, mais il fallait une bonne dose d'entraînement pour cela ; pas évident que le premier Mangemort venu y parvienne.

[HJ : Enfin ma réponse… Elle sera très courte, je le crains, je suis désolée…]


Le Mage Noir avait écouté attentivement les paroles de son éclaireur, cherchant à intégrer ces informations à un plan d'attaque de Poudlard. Il en avait même oublié la présence du jeune homme. Assis sur son siège, les yeux plus ou moins dans le vide, froncés, il imaginait toutes les éventualités possibles et il lui semblait évident que tous les Mangemorts ne seraient pas capables de pénétrer dans cette salle commune. En fait, il craignait que toutes les salles communes ne soient un problème tout comme les autres pièces du château à accès réduit. A quoi leur servirait de prendre possession d'une école dont tous les habitants seraient cloîtrés dans les salles communes ? Etait-ce seulement envisageable ? A bien y penser, une telle hypothèse était exploitable en faisant chanter les parents et en tuant tous les elfes pour que les assiégés manquent de nourriture mais le siège de Poudlard n'était vraiment pas une idée qui le séduisait. En fait, il préférait largement y aller violemment et tout détruire mais, bien sûr, c'était impossible pour le moment, alors qu'il profitait de l'aveuglement du Ministère pour s'y insinuer. Les pensés du Mage Noir, tout en restant a peu près structurées, partaient dans plusieurs directions en même temps.

Soudain, il se souvint de la présence de son Mangemort et reporta son attention sur lui. Le rapport avait été complet et intéressant, c'était du bon travail. Le sorcier sourit pour lui même en acquiesçant, ce garçon était un bon élément. Il avait d'ailleurs appris que Kirkby prévoyait de reprendre des études et cela lui plaisait particulièrement, il décida de le lui faire savoir.

"James, tu as fait du bon travail et j'en suis satisfait. Continue comme ça, ça me plait. J'ai entendu dire que tu allais intégrer l'Université de Magie Avancée. C'est une bonne chose. Il y a déjà des Mangemorts au sein des étudiants, fais en sorte qu'on ne vous repère pas. J'ai besoin que mes serviteurs aient une couverture. Un Mangemort recherché ne m'est pas aussi utile qu'un Mangemort caché. Essaie de te rapprocher de nos futurs ennemis. Je sais que tu as des frères, James, n'hésite pas à te servir d'eux, tu dois tout sacrifier à notre cause."

Le "notre" était un mot bien choisi pour insinuer que servir le Lord s'était aussi se servir soi-même et qu'il fallait se donne aucune limites. Le Mage Noir sourit et reprit :

"N'oublie pas de rallier des gens à notre cause, nous avons besoin de partisans actifs pour prendre le pouvoir et laver ce monde de sa souillure. Vas, James, j'attends de tes nouvelles avec impatience."

D'un geste, il congédia le Mangemort puis, oubliant presque sa présence, il replongea dans ses pensées…

Après les explications de James, un profond silence s'installa ; de toute évidence, Lord Voldemort réfléchissait, et le Mangemort s'efforçait de se faire le plus discret possible pour ne pas troubler les pensées de son maître. Respirant à peine, de crainte d'être trop bruyant, il gardait les yeux fixés sur le Seigneur des Ténèbres, à l'affût du moindre signe, prêt à obéir au premier ordre. En même temps, il cherchait à évaluer son rapport ; avait-il été assez complet ? assez clair ?
Le Lord reposa soudain son regard rouge sur James, et sa voix glacée s'éleva dans la pièce, répondant aux questions que se posait le jeune homme. Ainsi il était satisfait de son rapport... Le Mangemort s'inclina profondément en signe de reconnaissance ; le maître était assez avare de compliments pour que chacun d'eux fût reçu avec gratitude. James fut heureux d'entendre que son idée de reprendre des études plaisait à son maître, et il hocha la tête respectueusement.
Le Seigneur des Ténèbres mentionna ses frères, et James songea qu'il lui faudrait redoubler d'efforts pour les convaincre de recevoir la Marque. Edward semblait le plus réceptif des deux ; le jeune Mangemort se promit de le travailler au corps, et de gagner une nouvelle recrue à son maître. Tout dans l'éducation des trois frères les prédisposait à entrer au service du Lord, et il était inévitable que les aînés rejoignent leur cadet.
Quoi qu'il en soit, le Seigneur des Ténèbres venait de se montrer particulièrement bienveillant, et James était galvanisé par son approbation. Le Lord le congédia d'un mot ; le Mangemort hésita un instant avant de s'enhardir à demander :

-Me permettez-vous d'ajouter quelques mots, Maître ?

Le Lord lui ayant fait signe de parler, James s'empressa de s'expliquer :

-J'ai mené quelques recherches au sujet du parchemin d'Alexandre, Seigneur, et j'ai quelques éléments... L'alchimiste Paracelse a été son propriétaire, comme l'a indiqué Mescaline Sin... J'ignore comment, mais il semble que le parchemin soit ensuite passé en la possession d'Agrippa, un autre alchimiste ayant vécu à peu près à la même époque. Cet Agrippa a beaucoup voyagé, et le parchemin l'a probablement suivi. Si l'on observe ces voyages, on s'aperçoit qu'il a séjourné en Belgique, et c'est là, précisément, qu'un alchimiste anglais du nom de John Dee a étudié quelques années plus tard. On sait que Dee a ramené en Angleterre une importante collection d'objets magiques et astronomiques... Il est donc plausible qu'il ait récupéré le parchemin d'Agrippa, et qu'il ait accumulé une importante collection d'objets à ramener en Angleterre pour ne pas attirer l'attention sur le parchemin...

L'hypothèse lui avait semblé intéressante, évidente même, tandis qu'il étudiait, mais à présent, sous le regard froid du maître, il se sentait moins sûr de lui. Soucieux d'informer le Lord au mieux, James ajouta :

-Je n'ai cependant aucune certitude à ce sujet, Maître.

Et il baissa la tête, conscient de la faiblesse de son exposé.

Tant d'efforts, tant d'heures de recherches pour en arriver là... Quelques misérables informations à livrer au Seigneur des Ténèbres, si maigres que quelques instants avaient suffi à en faire le tour... A présent qu'il avait parlé, James mesurait combien ses informations étaient peu de choses. Et il s'agissait avant tout d'hypothèses, non de certitudes... Le Seigneur des Ténèbres pointa d'ailleurs cette faiblesse essentielle du bref exposé de son serviteur, exigeant des preuves, des faits établis. Le Mangemort remarqua, avec une pointe de panique, que la voix de son maître était passée d'un ton relativement bienveillant à des accents beaucoup plus sévères, et il se demanda ce que cela présageait. Tout son corps s'était raidi, prêt à toutes les éventualités, mais rien ne vint... Rien, sinon une rafale de questions qui, pour la plupart, laissaient James sans réponse. Il s'en voulut d'avoir mentionné la piste John Dee ; il n'avait pas pris le temps de la creuser suffisamment, pensant que le Lord voudrait toutes les informations au plus vite ; mais son empressement pouvait passer pour de la négligence, et lui valoir de terribles ennuis.
Sans le dire vraiment, le Seigneur des Ténèbres chargea James de poursuivre les recherches en ce sens, et même de dévier un peu de la thématique du Parchemin pour s'intéresser à la collection de Dee. Il affirma même que James était un "bon élément", mais ces quelques mots sonnaient plus comme une menace que comme un compliment. Incapable de répondre, le jeune homme s'inclina profondément, pour montrer qu'il obéirait au mieux.
Son serpent sur les épaules, Lord Voldemort se disposa à partir, mais il ajouta encore quelques mots à l'adresse de son serviteur.

"Tu me plais, James, surtout ne t'arrête pas en si bon chemin…"

Cette fois, le ton était plus encourageant que menaçant, mais James frissonna ; aucune parole n'était innocente chez le Lord, surtout pas les rares compliments qu'il accordait à ses serviteurs. A nouveau, le Mangemort s'inclina, et répondit :

-Je ferai tout pour vous satisfaire, Maître.

Il n'était pas sûr que le mage noir ait entendu ; dans un imperceptible bruissement d'étoffe, il avait quitté la pièce, Nagini observant le Mangemort de ses yeux verticaux.
James se redressa, partagé entre fierté et appréhension. Il ferait tout pour satisfaire son maître... mais n'était-ce pas une évidence ?