Précieuse se réveilla en sursaut. Quelqu’un était en train de lui gueuler dans les oreilles. Qu’il aille se faire voir. Agacée d’être réveillée de la sorte, la jeune fille s’emmitoufla davantage sous ses couvertures. Il n’était que 7h00 ! Cette voix lui paraissait tout de même étrangement familière.

Tous les élèves sont immédiatement convoqués devant le mur d'affichage des décrets pour une annonce de La Grande Inquisitrice

La Grande Inquisitrice ? Mais pourquoi était-elle si matinale ? Quand Précieuse entendit qu’elle devait immédiatement aller devant le mur d’affichage des décrets, elle émit un grognement et se remit en boule dans son lit. Elle était devenue folle ou quoi ? Précieuse n’avait aucune envie de se lever maintenant. Quand elle n’avait pas ses huit heures de sommeil complètes, elle avait de grosses cernes. En plus elle n’était même pas prête ! Il fallait qu’elle prenne une douche, qu’elle choisisse une tenue qu’elle n’avait encore jamais mise, qu’elle se maquille, qu’elle refasse ses ongles car son auriculaire droit s’était écaillé la veille…

Une heure plus tard, alors que tout ses camarades avait assisté au briefing de la Grande Inquisitrice, Précieuse se décida enfin à descendre. Elle marchait sans se presser dans les couloirs, en direction du fameux tableau d’affichage.

*Je me demande quel nouveau décret Ombrage nous a concocté… Oh ! Si ça se trouve j’aurais le pouvoir de renvoyer les élèves non disciplinés ! Oh maman je prie pour que ce soit ça, qu’on soit enfin débarrassé de cette bande de déchets*

Alors qu’elle approchait peu à peu du fameux tableau, Précieuse croisa un groupe d’élèves de Gryffondor. Quand elle passa devant eux, les élèves éclatèrent de rire en la pointant du doigt. Précieuse en vit même un lui tirer la langue en faisant comme s’il léchait quelque chose.

« - 5 points pour Gryffondor pour débilité congénitale. Déguerpissez d’ici avant que je vous enlève le double ! »

Précieuse leur lança un regard noir et arriva enfin dans le couloir désiré. Elle poussa un soupir de soulagement en voyant que le couloir était désert. La Serpentarde commença par relire à un un les anciens décrets. C’était magnifique.

Puis soudain elle remarqua une écriture rose sur le dernier décret. Ce nom lui disait étrangement quelque chose… Précieuse s’avança un peu plus et constata que c’était bien son nom qui était écrit. Serait-elle devenue la préférée officielle de Madame Ombrage ? La grosse dondon venait d’annoncer à tout le monde que Précieuse possédait encore plus de pouvoirs que les autres membres de la BI et elle osé louper cet évènement ! Qu’est ce qu’elle était quiche parfois !

Toute heureuse, Précieuse commença la lecture complète du décret. Elle avait un moment de gloire à savourer. Puis elle réalisa que ce décret avait quelque chose d’étrange. Un frisson parcouru tout son dos.

*Oh mon dieu qu’est ce que c’est que cette horreur ?!*

Précieuse porta la main à sa bouche. Elle était stupéfaite ! Qui avait osé lui faire un coup bas pareil ? Il fallait vraiment être lâche !

Précieuse s’adossa sur le mur et sortit un mouchoir pour éponger la sueur qui venait d’apparaître sur son front. Ah les salopards ! Peu importe qui ils étaient, elle leur ferait payer cete odieu affront ! Car quand on s’attaque à Précieuse McLane, les représailles sont souvent douloureuses…

Cela faisait plusieurs tours que Daneel faisait sur lui-même, essayant de se réveiller. Il ne s’était pas encore habitué à vivre dans une espèce de terrier qui manquait de lumière du jour et il peinait toujours à se lever, le matin. Il avait l’impression d’hiberner chaque fois qu’il se couchait.
Les couvertures continuaient de se défaire, de s’emmêler autour de ses jambes et il essayait de lutter contre son corps qui lui disait de rester au lit. On était si confortable dans tous ces matelas trop moelleux.

Et une voix, une haute fréquence trop aigue pour ses oreilles endormies vint l’agresser entre rêve et réalité, le ramenant immédiatement au vrai monde en manquant de lui crever le tympan. Il se redressa sur son lit, rejetant un oreiller et la douillette sur le coté. Mais qu’est-ce qu’elle voulait, l’autre ? S’pèce de gros dodo rose… elle aurait pas pu disparaître avec le reste de l’espèce ? Daneel rigola tout seul, la bouche pâteuse et les yeux croûtés, en songeant à cette représentation d’Ombrage. Un crapaud était plus juste mais il arrivait bien à imager le « Dodo-Ombrage » dans sa tête. Grosse dinde sauvage…

Il regarda les autres flemmards qui tenaient le rôle de compagnons de dortoir. La plupart n’avaient aucune intention de se lever et ils se rendormiraient bien vite. A quoi pouvaient-ils bien rêver, ces idiots ? Surtout McGratt à sa gauche. Lui c’en était un bel imbécile.

Il haussa les épaules et entreprit de se doucher et de s’habiller. Après s’être brossé les dents, il était finalement prêt à se rendre au tableau d’affichage. Quoi ? Il allait se presser pour Ombrage et se pointer avec une tête de zombie ? Non, pas pour Ombrage.

Il quitta sa salle commune et traversa la peinture de nature morte qui servait d’entrée. En quittant le couloir, il passa près des cuisines, comme d’habitude. Daneel ne put s’empêcher de donner trois petits coups sur la porte pour demander à Welby, son homme (enfin, elfe) infiltré à l’intérieur des cuisines qui ne refusait jamais de lui donner un muffin ou un gâteau.

Et il reprit son chemin en direction du tableau d’affichage, un muffin au chocolat à la main. Il le finit juste avant d’arrivée et observa les quelques élèves, certains l’air offusqués, d’autres l’air joyeux. Que pouvait-il bien se passer ?

Il se pencha sur le fameux décret, juste à coté d’une élève de Serpentard qui semblait particulièrement intéressée par le parchemin fixé au mur. Il finit de lire. McLane… Précieuse McLane… Ça lui disait bien quelque chose. Il se souvint qu’il avait déjà vu un dénommé McLane au bal de printemps mais les probabilités pour qu’il se soit appelé Précieuse étaient infimes, même s’il semblait assez odieux pour mériter un tel sort. Son amie Page avait aussi quelque fois évoqué le nom de Précieuse en sa présence mais il n’avait jamais remarqué ni rencontré l’étudiante en question.
L’idée comme telle était amusante, de violer ainsi le tableau d’affichage des décrets mais le papier lui-même, par contre… ce n’était pas des plus gentil, en tout cas. Faire quelque chose du genre, c’était vache. Daneel n’était pas fan de régler ses problèmes sur la place publique et encore moins par un petit moyen détourné et anonyme.

Les mains dans les poches, le Canadien se retourna vers la Serpentard qui avait lu le fameux « décret » en même temps que lui. Elle semblait plus choquée qu’il ne l’était, en tout cas. Il la vit s’adosser au mur et jeta un dernier regard sur le parchemin avant de reporté son attention sur la blonde une fois pour toutes.

- C’est mesquin, quand même, hein ? Pauvre fille… c’est chien comme truc, dit-il d'un ton neutre mais ou l'on pouvait ressentir une certaine déception.

Elle avait l'air vraiment contrariée. Surtout avec ce mouchoir. Peut-être connaissait-elle la victime ?

- Ca va ? demanda Daneel d'un ton un peu inquiet.

*Mariana Taylor, Lucy Duncan, Lellia Windfall, Page McHenry, William J.Craig, Fabula Aegis, Harry Potter.. Tiens peut-être meme mon cousin, vu ce que je lui ai fais subir ces derniers-temps… Ah et y’a aussi la Liliana Vanlook, elle a pas l’air de me porter dans son cœur celle-là, quelle jalouse…*

Toujours adossée contre le mur, Précieuse énumérait dans sa tête toutes les personnes susceptibles de lui avoir joué ce mauvais tour. Trouver les coupables serait difficile étant donné que le nombre de ses ennemis grandissait avec le temps. Découragée, Précieuse croisa les bras et pris un air renfrogné.

Une voix masculine lui fit légèrement tourner la tête. Si cette personne était venue lui parler pour la narguer, elle lui retirerait 10 points immédiatement. Elle n’était pas d’humeur courtoise ce matin. Elle qui pensait être une fois de plus la reine de Poudlard, elle se trouvait être la reine des idiotes.

Le visage de ce garçon lui disait vaguement quelque chose. Il devait trainer avec des personnes de sa connaissance. Mais qui ? Elle n’en savait rien. La Serpentarde, l’inspecta de haut en bas et fit la moue en voyant que c’était un élève de Poufsouffle. En temps normal, elle aurait établi une distance de sécurité entre elle et lui mais la claque qu’elle s’était prise à l’instant ne lui donna pas le courage de se déplacer.

Précieuse fut choquée en l’entendant la traiter de « pauvre fille ». Quel inconscient ! Précieuse était tout sauf une pauvre fille. Elle se voulait être l’incarnation de la beauté, de l’élégance, de l’envie. La Verte et Argent respira un grand coup et serra ses mains l’une contre l’autre pour se retenir de lui dire ses quatre vérités. Le seul point positif de l’histoire, c’est que le garçon ne semblait pas savoir que Précieuse McLane, c’était ELLE. Il fallait absolument qu’elle fasse quelque chose. Elle devait sauver son honneur et trouver les coupables par la même occasion.

*Début de l’opération sauvetage*

Précieuse rangea rapidement le mouchoir dans la poche de sa robe et se rapprocha du Poufsouffle, tout en prenant un air exagérément triste.

« Je ne sais pas qui sont les auteurs de cette farce mais je la trouve de très mauvais goût. Et puis c’est vraiment lâche de faire ça, tu ne trouves pas ? Je suis quasiment certaine que ceux qui ont fait cela l’ont fais par jalousie. Je connais bien Précieuse McLane, et crois moi c’est loin d’être une…euh… une pauvre fille comme tu dis. Elle a tout pour elle : la beauté, l’argent, l’intelligence. En plus elle vient d’une grande lignée de sorciers. Crois-moi, elle fait beaucoup d’envieux ! »

Précieuse lui fit un petit regard complice et ajouta à voix basse :

« Dis tu ne connaitrais pas dans tes amis des élèves qui auraient planifiés une sorte de complot contre des Serpentards ? Je suis sure que ceux qui ont fait cet acte de lâcheté aujourd’hui recommenceront. Il faut vraiment les stopper avant que cela devienne un véritable fléau. Si tu sais la moindre chose, je te serais tellement reconnaissante ! »

Précieuse rejeta sa chevelure blonde derrière sa nuque et le regarda avec des yeux brillants :

« Je m’appelle Louise et toi ? »

Si toute cette petite mascarade pouvait lui permettre d’en savoir plus, elle était prête à tout tenter.

-Luise ? Luis ? répéta le garçon d’un air incertain.

Mais non. Luis c’est un nom de gars, pas de fille. Les syllabes tout juste prononcées continuaient de se répéter dans sa tête et il retint une grimace. Peu importe… c’était moche, comme prénom. Il garda son sourire face à la jeune Serpentard, bien gentil comme d’habitude car jamais il n’aurait jugé quelqu’un à cause de son nom ou de son apparence.

- Moi c’est Daneel. Daneel Wright.

Il fixa d’un air absent le « décret » que les vandales avaient mis au mur. En fait, il pensait à tout ce que « Louise » venait de lui dire. Peut-être que si la fameuse Précieuse McLane faisait autant d’envieux et pouvait jouir d’une si bonne situation, elle s’en remettrait rapidement. Mais c’était chien quand même, comme coup. Il releva les yeux vers la blonde qui s’était rapprochée de lui.

- Oui… la beauté, l’argent et l’intelligence, même un nom respecté… tant mieux pour elle mais c’est pas tout. Si on fait n’importe quoi avec... , dit-il plus pour lui-même, contemplant le décret à nouveau.

De plus, ça ne prouvait aucunement la valeur de la fameuse Précieuse. Peut-être ses parents lui avaient-ils assuré un bon compte en banque, un haut statut social et qu’elle était née avec de beaux atouts mais ça ne prouvait rien d’elle en tant qu’individu. C’était inutile de juger les gens sur quelque chose qu’ils n’avaient pas accompli par eux-mêmes. Mais bon, c’était juste ce qu’il en pensait, lui.
Il songea aux nombreux élèves qu’il aurait pu soupçonner de fomenter un complot contre les Serpentards. Il y en avait tellement. Mais bon, ce n’étaient que des soupçons et ça lui importait peu de savoir qui était responsable. C’était un acte stupide et inutile et les auteurs s’en rendraient sûrement compte un jour… il l’espérait, en tout cas. Il continuait de réfléchir, les bras maintenant croisés. Il n’avait aucun ami assez bête et tête-brulée pour faire ce genre de choses, ça ne faisait aucun doute. De toute façon, il n'était pas du genre a dénoncer les gens. Ce n'était pas son histoire et ça ne le concernait pas, après tout.

- En tout cas, oui, c’est très lâche, c’est certain. Mais je ne crois pas rien savoir et puis… je n’ai pas envie de savoir, très franchement. Tout ça c’est une incroyable perte de temps et on ne devrait déjà plus en parler après que l’on ait retiré ce bout de papier du mur. Les auteurs de ce truc ne méritent même pas qu’on en fasse toute une histoire. De toute façon, j'suis pas un indique.

Il haussa les épaules et expira lentement, comme si c’était pénible de rejeter le gaz carbonique de son organisme. Ça le décourageait que des gens prennent plaisir à s'en prendre à quelqu'un d'autre, comme ça. Si c'avait été Ombrage, surement que le Canadien n'aurait rien dit mais un élève... même une supposée lèche-botte. Qui étaient-ils pour critiquer les façons qu'avait cette personne pour satisfaire ses ambitions ? Si ça ne changeait rien dans la vie des autres, que ça ne les affectait pas directement et qu'elle ne faisait rien contre eux...

- Pourquoi ça t’intéresse autant cette histoire ? C’est qu’une bête connerie et ça ne mets personne en danger. Un fléau… tu en parles comme si c’était la fin du monde ! Quoi que si tu la connais bien, c’est normal que ça t’affecte.

SI ça n'affecte personne d'autre et que la fameuse Précieuse n'avait pas entravé les libertés de quiconque par son attitude de "lèche-botte". Peut-être avait-elle dénoncé un camarade pour être dans les bonnes faveurs de la grande inquisitrice ? Ce genre de marché semblait être populaire chez certains élèves. Peut-être était-elle très loin d'être une "pauvre fille", en effet.

- Tu penses que c’est vraiment des « envieux » qui ont fait ça ? Moi je dis ça mais je dis rien… tu la connais sûrement mieux que moi mais y’a toujours deux côtés à une médaille, non ?

Le Poufsouffle avait parlé d'un ton neutre et quelque peu détaché. Il n'avait pas l'air de se sentir concerné par l'histoire et conversait sur le sujet comme s'il aurait conversé sur la température.

Le regard amical que lui donna Daneel procura une sensation étrange à la Serpentarde. C’était une des premières fois qu’on la regardait avec une sincère amitié. C’était donc ça la sensation d’avoir un ami ? Une épaule sur laquelle se reposer quand on est triste ? L’impression de n’être pas seule mais soutenue ? Précieuse réalisa alors que de toute sa vie elle n’avait jamais eu de véritable ami. Les rapports qu’elle avait avec les gens était soit trop superficiel, soit purement intéressé. Les jeunes de son âge qui sortaient régulièrement avec elle quand elle était au château des McLane étaient davantage intéressées par son portefeuille que par sa personnalité. Et puis elle n’était autorisée à ramener chez elle que des enfants qui appartenaient au même monde qu’elle. Ses parents surveillaient ses moindres connaissances.

*Mais qu’est ce qui t’arrive ? Tu ne vas pas devenir une fille gnangnan comme toutes ces idiotes quand même ! Reprends-toi !*

Précieuse se redressa pour mettre son buste bien droit et garda un visage calme et impassible.

« Tu sais je ne crois pas que je… euh que Précieuse fasse n’importe quoi avec son argent. Je comprends que ça puis frustrer certaines personnes mais bon si elle en a, autant qu’elle en profite non ? L’argent est fait pour être dépensé. »

*Et puis comment résister au dernier sac Mandrag, aux produits de beauté de luxe, à la dernière robe de soirée Satine en soie et en lin… ? *

Précieuse ne s’était jamais posé la question de l’utilité de ses dépenses. C’était normal pour elle. Elle avait été habituée à ce que rien ne lui soit refusé et elle était bien ainsi. Si d’autres gens n’avaient pas les mêmes moyens, ce n’était pas de chance pour eux. C’est tout. Elle était née sous une bonne étoile voilà tout.

Ce Daneel ne semblait pas prêt à la renseigner sur les coupables éventuels. Elle lui aurait bien donné quelques gallions en échange d’informations mais vu sa précédente réaction, cela ne servirait sans doute pas à grand-chose. C’était pourtant rare qu’elle ne parvienne pas à ses fins, surtout quand il y avait une somme importante à la clé. Il était d’ordinaire tellement simple d’acheter les gens ! Ce Daneel était bien étrange !

Précieuse jeta un bref regard en direction de ce satané panneau qui ne cessait de lui rappeler à quel point elle était détestée ici.

« Bah oui Précieuse est mon amie. Je suis sur que si elle voit ce panneau, ça la rendra malheureuse… Je crois qu’il faudrait qu’on le fasse disparaître rapidement… Parce que plus on le laisse longtemps et plus Précieuse va se sentir mal.. Elle ne veut pas que les autres élèves le voient à nouveau. Je n’ai pas envie qu’on se moque d’elle. Tu sais, elle a beaucoup de pression sur ses épaules en ce moment et une mauvaise réputation à Poudlard pourrait lui donner quelques problèmes familiaux. »

Précieuse sortit alors sa baguette de sa poche et la pointa en direction du tableau. Elle devait faire disparaître ce panneau immédiatement. Elle agita légèrement sa baguette, tout en tentant de se souvenir d’un sortilège quelconque. Rien. Elle n’en connaissait aucun. Tout ça à cause de cette Ombrage qui ne leur apprenait rien… Et dire qu’elle devait soutenir celle qui causait sa perte.

Enervée, Précieuse jeta sa baguette sur le sol et tenta d’arracher le panneau avec ses mains. Sans succès. Et pour couronner le tout, elle attrapa une écharde.

« Aie !! J’en ai marre ! »

Vaincue, Précieuse s’appuya une fois de plus contre le mur et se lissa glisser jusqu’à ce que ce que ses fesses touchent le sol. Elle ne leva pas la tête vers Daneel. Elle n’aimait pas se sentir observée quand elle était en rogne.

Daneel regarda la blonde se redresser, curieux. Elle semblait tout à fait calme et encline à discuter de l’événement avec la même indifférence que lui. Il l’écouta attentivement. Ah… l’argent… Ne vivait-on pas dans des sociétés libres ou chacun étaient égaux ? Oui ? Bon. Tous pouvaient faire ce qu’ils voulaient avec leur argent… ou presque. Utiliser cet argent pour empiéter sur la liberté d’un autre était absolument contre les valeurs du jeune Poufsouffle. Ce n’était pas le point qu’il avait cherché à soulever en parlant de la fameuse Précieuse, par contre. Il s’inquiétait plus de ce qu’elle pouvait bien faire ou ne pas faire aux gens de son entourage et autour d’elle que de ce qui pouvait se retrouver sur ses factures à la fin du mois. Il n’osa tout de même pas revenir sur ce point avec l’amie de la mystérieuse bien nantie puisque ce n’était pas important, que son amie n’aurait probablement pas appréciée et qu’il avait un peu l’impression de parler dans le dos de la dite Précieuse.

Et décidément, elle la connaissait bien, cette Précieuse. Le jeune sorcier l’écouta énumèrer les raisons pour lesquelles le panneau devait « disparaître au plus sacrant », comme certains francophones auraient pu dire par chez lui et regarda le fameux panneau d’un air blasé, obligé d’accepter sa présence momentanée, faute de pouvoir y changer quelque chose.

- Je ne crois pas qu’on arrive à quoi que ce soit tous les deux…, commença-t-il d'un ton toujours aussi calme. et si il est encore là après le passage de... la professeur Ombrage… c’est qu’elle-même n’a sûrement pas pu le retirer et je doute que l’on soit plus doués qu’elle. Il faudra attendre, j’ai bien l’impression.

Il y a de ces choses que seuls le temps et la patience peuvent régler. Mais il fallait la sagesse d’y penser. La patience et la sagesse peuvent solutionner tout problème, comme disait parfois son père. Il connaissait néanmoins assez bien son père pour savoir que ce proverbe ne venait certainement pas de lui. Mais de qui ?

Daneel se ressaisit et en revint au tableau et à sa conversation. Il avait quelque peu hésité avant de prononcer « professeur Ombrage », voulant s’assurer complètement de ne pas faire de gaffe quant à l’appellation qu’il donnerait à la fameuse personne. On ne pouvait jamais totalement savoir à qui on avait à faire et ce n’était pas respectueux. Tout le monde n’était pas obligé d’entendre les surnoms irrespectueux, s’ils pensaient différemment de lui et des membres de l’AD.

Mais à peine essayait-il de répondre que la blonde sortait sa baguette, occupée à essayer de déloger le panneau avec un peu de magie bien choisie. Daneel resta complètement immobile et silencieux, prêt à observer un sort quelconque. Rien de vint. Décevant mais ô combien prévisible. Il devait avoir vu juste : la jeune fille ne pouvait faire mieux que le crapaud.

Et ça l’énerva, d’ailleurs. Le Canadien déglutit avec peine en regardant la baguette heurter le sol et rouler à quelques centimètres de ses pieds. Il avait toujours vu en une baguette quelque chose de vivant et il se demanda à quel point la jeune fille devait être en colère pour faire quelque chose de pareil. Donc, pendant que la blonde essayait d’arracher le panneau « à la bonne vieille méthode », Daneel se déplaça jusqu'à l’instrument de magie et il le prit délicatement. Par le milieu, avec le pouce, l’index et le majeur et non par le manche de la baguette. Pour lui, ce n’était pas poli de tenir la baguette d’autrui comme si on s’apprêtait à s’en servir.

Il se retourna, la baguette dans la main, lorsqu’il entendit la blonde pousser une dernière exclamation de frustration. Il la regarda d’un œil bienveillant, pauvre elle qui se trouvait assise contre le mur, l’air complètement défaite. Tant d’énervement ! Tant de frustration dans cet ultime essaie pour arracher le panneau ! Pourquoi ?
Il ravala péniblement sa salive à nouveau alors qu’une idée folle lui traversait l’esprit. La petite pensée avait fait son bout de chemin dans son crâne et tous les éléments semblaient bien s’enchaîner les uns aux autres pour ne pas contredire cette hypothèse. C’était quand même improbable ! Trop improbable ! Et s’il se trompait, il ne risquait que de choquer encore plus son interlocutrice.

Daneel franchit les quelques centimètres qui le séparait de la blonde et s’adossa aux murs à coté d’elle. Il l’imita et se laissa glisser jusqu’au sol. Il se pencha un peu sur le coté en lui tendant sa baguette, essayant de voir ce qui pouvait bien se passer sous ces cheveux de blés. Il finit par poser une main douce sur son épaule, essayant de transmettre un peu de son calme à la jeune fille pour l’apaiser.

- Tiens. Ce n’est pas prudent de laisser aller sa baguette comme ça. Tu ne devrais pas t’énerver, non plus. Après tout, …« Précieuse » doit être suffisamment débrouillarde pour gérer ce problème… Et pour un truc idiot comme ça, je crois qu’elle est moins à plaindre que ceux qui ont fait le coup. Un message creux du genre, tous finiront par l’oublier. C’est pas ça qui marque les gens. Seuls ceux qui en sont les auteurs s’en amuseront et, franchement, c’est triste pour eux…

Il espérait sincèrement que ce qu’il avait trouvé à lui dire puisse calmer et réconforter la blonde et qu’elle ne se prendrait plus autant la tête avec cette histoire. Ne plus se prendre la tête avec cette histoire… c’était une bonne idée…

- En plus, ce n’est pas ce genre de connerie qui va affecter la température et il me semble bien que ce sera une belle journée. Pourquoi pas ne pas en profiter pour aller se promener et ne plus penser à ton… amie et à toute cette stupidité ? …Elle saura bien s’en sortir, j’en suis sur.

Précieuse avait ramené ses cheveux le plus près de ses yeux pour que Daneel ne puisse pas voir son visage. Surtout qu’elle venait de sentir sa présence juste à côté d’elle. Elle détestait que quelqu’un la surprenne dans ses moments de faiblesse, quand elle était sur le point de pleurer. Au château, elle pleurait souvent par caprice quand elle n’obtenait pas ce qu’elle voulait. Il était très rare que ses parents lui donnent des limites pour des objets matériels. En revanche elle était très souvent privée de sortie si elle ne faisait pas ses devoirs ou parlait de façon non civilisée. Le jour où elle avait dit à son père « je veux changer de papa » après qu’il lui ait refusé de se rendre à une boom, elle s’était prise une gifle magistrale et avait pleuré toute la soirée dans sa chambre.

Précieuse retint sa respiration le plus possible et serra les dents pour s’empêcher d’émettre le moindre bruit susceptible de mettre Daneel sur la voie. Elle ne devait pas pleurer ! En plus elle s’était maquillée ce matin, donc si elle pleurait son eyeliner allait couler et elle aurait l’air d’un zombie. Ce serait la catastrophe totale. Précieuse se devait d’avoir une apparence parfaite quelque soit les circonstances.

Voilà qu’il lui tendait courtoisement sa baguette. Sans tourner la tête, elle l’attrapa vigoureusement et la fourra dans sa poche. Elle l’aurait bien remercié mais elle ne voulait pas se trahir en parlant. Et puis ce ne serait pas très Précieuse que d’être cordiale avec un Poufsouffle.

Elle sursauta légèrement quand elle sentit sa main sur son épaule. Elle n’avait jamais été aussi proche d’un élève d’une autre maison. Elle était à la fois gênée de cette proximité qui était contraire aux principes que ses parents lui avaient appris et elle se sentait à la fois incapable du moindre mouvement. Il y avait quelque chose de réconfortant dans cette main. Quelque chose d’inhabituel.

Alors qu’il était en train de lui parler, Précieuse glissa sa main dans sa poche et sortit un mouchoir qui avait la capacité de se nettoyer automatiquement après utilisation. Elle se pencha un peu plus en avant pour que l’ensemble de sa chevelure cache encore plus son visage. Puis elle se tamponna soigneusement les yeux et se moucha discrètement. Se doutant qu’elle avait fait suffisamment de bruits pour éveiller les soupçons, elle ajouta pour se justifier :

« J’suis enrhumée.. »

Précieuse sortit ensuite le petit miroir de poche qu’elle avait toujours avec elle et s’examina discrètement. Son maquillage était intact. Elle avait juste les yeux un peu rouges. S’il posait une question elle pourrait toujours prétendre qu’elle venait d’attraper une poussière dans l’œil. Elle se releva, épousseta sa robe et passa une main dans ses longs cheveux d’or pour dégager son visage. La confiance qu’elle avait d’ordinaire en elle venait de remonter d’un seul coup. Ce Daneel avait décidemment un pouvoir étrange. Il lui faisait penser à ces moines bouddhistes donc son grand frère Erec lui avait parlé. Il avait dit que ces gens étaient l’incarnation de la sagesse absolue.

« Tu as raison. Précieuse n’a pas à se prendre la tête pour ce genre de futilité. Si elle montre qu’elle est au dessus de tout ça, cela décrédibilisera ceux qui ont fait cela. Il n’y a rien de pire que l’indifférence. Mieux vaut être détestée qu’ignorée. »

La Serpentarde baissa son regard vers Daneel et lui fit son habituel sourire hautain. Elle ne le faisait pas forcément par méchanceté. C’était dans sa nature voilà tout. Cela prouvait qu’elle allait bien.

« Il faut plus qu’un vulgaire panneau avec mon nom dessus pour me déstabiliser, » déclara-t-elle en jetant un regard méprisant au panneau qui se trouvait devant elle avant soudain de réaliser ce qu’elle venait de dire.

*Noooonnnnnnnnnnnnnn*

« Euh je voulais dire qu’il faut plus qu’un panneau pour déstabiliser MON AMIE Précieuse.. » déclara-t-elle d’une voix confuse pour se rattraper in-extremis.

Décidément, son interlocutrice n’était pas une très bonne menteuse. Il trouvait un peu triste de la voir dans cet état et se sentait complètement désolé pour elle. Voir des gens tristes… chaque fois il aurait voulut prendre un peu de leur tristesse et pleurer un peu pour eux, pour les soulager. La blonde ne semblait pas en bon état et avec son attitude de quelques secondes plus tôt, avec cette façon d’agir qu’elle avait eu, Daneel n’était pas près de se laisser berner par « un rhume ». Elle sembla extirper un petit objet mais le Poufsouffle ne pu voir ce que c’était. Il n’était tout de même pas pour lui demander ce qu’elle faisait, elle avait droit à cette intimité.

Lorsqu’elle se releva, par contre, le jeune sorcier retira sa main de son épaule, un peu gêné. Il faut dire que la blonde avait une façon de le regarder qui le mettait un peu mal à l’aise, comme si elle voulait le forcer à respecter une certaine barrière entre eux deux. Alors qu’elle s’était assise, l’air complètement déconfite, Daneel avait eu l’impression de pouvoir franchir cette barrière et d’avoir un certain contact avec la blonde. C’était finit, maintenant. Dommage… Était-ce une façon, pour la blonde, de se protéger ? Était-ce sa manière de l’obliger à ne pas la questionner sur ses beaux yeux rougis ou la réaction forte mais étrange qu’elle avait eut en voyant le panneau ? Il ne le saurait probablement jamais et devrait s’y résigner. Voulait-il s’y résigner ? Absolument pas. Aurait-il la possibilité d’éviter de s’y résigner ? Peut-être. Tout dépendamment de la fameuse « Louise ».

Il se contenta tout de même de lui offrir un simple et doux sourire, n’osant pas demander à nouveau si ça allait ou ce qui pouvait bien se passer pour qu’elle perde le contrôle de cette façon devant le faux décret.

… Et elle reparla de son amie, esquivant sa proposition d’aller se promener aux alentours de Poudlard. C’était on ne peut plus clair, pour lui, et il en ressentit un petit pincement au cœur. Déjà, elle s’en faisait beaucoup trop pour la dite Précieuse et devait arrêter de penser et de vivre pour elle. C’était franchement exagéré et ça lui rappelait ces films qu’il avait vu ou les avocats disaient tout pour la personne, parlant d’elle, devant elle, à la troisième personne mais en étant capables de révéler leurs moindres pensées aux autres si cela s’avérait nécessaire. Il avait plus l’impression de discuter avec un simulacre gêné et impersonnel de la dite Précieuse qu’avec une autre personne entière et unique.

Au moins, la jeune fille semblait aller mieux et avoir repris son calme. Elle semblait toute rassurée quant à sa « si bonne amie Précieuse » et Daneel refit l’appuie de son dos contre le mur, décidé à partir. Il n’y avait pas grand-chose de plus à rajouter et un simple bonne journée suffirait à terminer cet entretien.

Mais c’est la qu’il entendit. Il ne pouvait se tromper. L’air confus avec lequel elle avait essayé de se reprendre était trop évocateur également… Et donc ELLE était Précieuse. Daneel se sentit, d’une part, rassuré de ne plus avoir à faire à une espèce de sous-fifre de la blonde obsédée par sa maîtresse mais bien à la personne concernée.

Ce n’était, par contre, qu’une des choses qu’il ressentit. Il ressentit un nouveau pincement au cœur. Pourquoi lui mentir comme cela ? Pourquoi sortir ce prénom moche de nulle part et lui faire avaler des mensonges sans raison. Il aurait agit pareillement qu'il l'avait fait avec elle si il aurait su avant. Le sourire hautain qu’elle affichait quelques secondes auparavant se métamorphosa dans l’esprit du jeune sorcier et il eut l’impression d’être un bel idiot, un beau jouet avec une tête en plastique vide à qui l’on pouvait faire gober un peu n’importe quoi.

Et, au fond d’elle, elle devait s’être terriblement amusée. Il l’espérait, en tout cas, car il fallait bien que le jeu en vaille la chandelle. Et les yeux rougis ? Elle se les frottait en se cachant avec sa tignasse ? Et la petite scène de colère et de désespoir ? Elle avait du terriblement s’empêcher de rire. C’était du beau jeu d’acteur, en tout cas. Il devait lui reconnaître au moins cela. Elle qui l’avait bien assuré qu’elle possédait tout ce dont elle pouvait rêver et dont l’apparence n’en démentait rien… Sûrement qu’elle s’en foutait allégrement de ces « envieux » qui avaient osés placarder son nom sur un mur sans son autorisation. Peut-être qu’elle les actionnerait pour se faire un peu plus d’argent, d’ailleurs. Non ? Peut-être qu’elle avait haussé les épaules, au fond d’elle-même, parfaitement convaincue de sa valeur et de sa réputation, et qu’elle n’avait ensuite cherchée qu’à s’amuser avec le premier niais qui passerait par là.

Il ne savait plus trop quoi penser. En même temps, tout ce qu’il pouvait imaginer, dans son crâne, ça lui paraissait un peu gros et en même temps il ne pouvait s’expliquer les mensonges de Précieuse.

Physiquement, il n’avait que longuement inspiré, fermant les yeux, l’air un brin contrarié. Il avait lentement plaquées les paumes de ses deux mains sur le sol et il s’était fait glisser un pas plus loin de la blonde. Il la regardait maintenant droit dans les yeux, ses traits déformés par l’incompréhension. Même le sourire hautain qu’elle pourrait lui sortir ou son nom ou sa maison ou son argent ne pourrait pas créer un mur suffisamment épais entre elle et Daneel, à ce moment là. Lorsqu’il faisait face à quelque chose comme cela, tous se retrouvaient au même niveau et son interlocuteur égal à lui, qu’il soit adulte, adolescent, grand gaillard ou petit maigrelet.

Mais plus que déconcerté, il avait l’air déçu. Il secoua lentement la tête de droite à gauche, sans quitter les yeux de Précieuse de son regard. Son ton était le même que l’expression qu’il affichait. Il trahissait un brin de colère et d’agacement, néanmoins, sans être agressif.

- Tu es une terrible menteuse, tu sais ? Déjà le coup du rhume c’était un peu gros pour moi… N’essaye même pas de te rattraper quant à qui tu es vraiment, tu ne ferais qu’insulter mon intelligence un peu plus et je n’aime pas trop… Mais pourquoi mentir ? … Ça me tue ce genre de trucs… Pourquoi ? C’est tellement bête et inutile ! Et à part ton argent dont tu t’es bien vantée, qu’est-ce que je peux croire d’autre dans ce que tu as pu dire ? Tu mens comme ça aussi à cause de problèmes familiaux et de trop de pression sur les épaules, j’imagine ? On se forge une bonne réputation en prenant les gens pour des idiots comme ça ?

S’il n’aurait pas commencé à parler, il serait déjà parti. Il se serait simplement levé et aurait pris le premier couloir qui l’aurait emmené loin de cette géniale perte de temps et de ce ramassis de bêtises qui s’étaient accumulées au pied de ce fameux mur d’affichage des décrets. Mais il avait parlé, Précieuse se retrouvait enfin face à lui, réellement. Elle n’était pas plus haut, petite fille fragile en peine ou jeune adolescente semblant un peu froide et hautaine : elle se retrouvait aussi humaine que Daneel, devant lui, et il lui avait dit ce qu’il pensait car il n’avait su faire autrement. Il s’était levé dans ses dernières paroles et continuait de regarder Précieuse : lancer quelque chose et s’en aller était lâche et jamais il n’aurait planté la blonde là après lui avoir dit le fond de sa pensée. Il voulait qu’elle réponde, peu importe comment. Qu’elle soit honnête si elle le voulait et il ne partirait pas, il ne pourrait l’abandonner là, qu’elle se montre froide et hautaine et il serait enfin convaincu qu’il n’avait rien de plus à faire auprès d’elle. Il attendit donc la réponse de la jeune fille, le regard le plus neutre qu’il pouvait avoir de ses yeux gris-bleus posé sur elle.

Tripotant nerveusement son bracelet en or, Précieuse avait ses yeux rivés sur ses chaussures vernies. Elle jetait de temps à autre de brefs coups d’œil à Daneel pour voir sa réaction.

*Pourvu qu’il n’ait pas compris ma gaffe*

Il avait inspiré grandement et fermé les yeux. C’était plutôt mauvais signe. A moins que ce soit une réaction de fatigue à cause de la grande chaleur qui se propageait dans les couloirs ces derniers jours. Précieuse espérait grandement que ce soit la deuxième option mais son intuition féminine ne cessait de lui dire qu’elle était découverte. Cramée. Grillée, comme une tranche de viande dans un barbecue. Et voilà qu’il se levait pour lui faire face, la fixant droit dans les yeux. Précieuse se sentit soudain toute petite. Comme si elle avait perdu quelques centimètres depuis quelques minutes. Elle attendait le verdict du garçon, comme un accusé qui attend sa sentence dans un tribunal.

Et la sentence tomba. La chute fut assez rude pour la blonde. Celui qui quelques minutes auparavant l’avait défendue la considérait à présent comme la pire menteuse que la terre ait portée. Et pourtant si seulement il savait à quel point il se trompait ! Le visage de Précieuse affichait clairement une profonde déception. Cela faisait bien longtemps que Précieuse n’avait pas été aussi honnête avec quelqu’un. Même si elle avait utilisée un autre pseudonyme, elle avait été plus vraie que nature. Il était bien le premier inconnu à qui elle avait confié autant de vérités. Elle ne savait pourquoi mais son comportement lui avait donné confiance. S’il n’était pas assez intelligent pour se rendre compte qu’elle avait été honnête avec lui, c’est qu’il n’était pas aussi bien qu’elle le pensait.

Soudain son expression changea. S’il pensait qu’elle s’était moquée de lui et bien elle lui donnerait ce qu’il voulait voir. Il voulait voir la Précieuse manipulatrice et non celle qui s’était confiée à lui. Tant pis pour lui, il n’aurait que ce qu’il avait mérité. L’avantage de la situation est que Daneel n’avait pas perçu ses faiblesses. Mieux valait passez pour une menteuse et cruelle que pour une fille en perte de vitesse.

« Tu as entièrement raison, » dit-elle en le regardant droit dans les yeux en se forçant de ne pas ciller. « Je joue avec toi depuis le début. Je me demandais quand tu serais assez intelligent pour comprendre mon petit manège. L’idiotie des Poufsouffles n’est pas une légende apparemment. »

Elle se rapprocha légèrement de lui. Etrangement elle se sentait plus forte quand elle sortait tant de méchancetés. De telles paroles lui assuraient une sorte de carapace. Elle retrouvait l’aisance habituelle qu’elle possédait d’ordinaire.
Cependant, cela lui pinçait le cœur de dire autant de sottises devant lui. C’était comme si les portes du paradis s’était fermées à jamais devant elle. Les portes étaient pourtant restées entrouvertes le temps de ses confessions… Mais là c’était fini. Elle avait choisi son camp.

« Et bien que fais-tu encore ici ? Au lieu de me fixer tu ferais mieux d’aller manger tes cornflakes. »

Précieuse… oui c’était bien elle, c’était ce qu’il avait pu entendre par-ci, par-là et ce qui venait rejoindre le faux décret fiché au mur, non loin d’eux. Elle avait retrouvé son air un peu hautain et Daneel l’écoutait avec la plus grande attention, profondément déçu de n’avoir que cela comme réponse. Elle venait confirmer, le regardant droit dans les yeux, ce qu’il avait pensé, ce qu’il avait dit. Il avait d’abord un peu regretté de s’être emporté, de lui avoir dit tout ça trop vite, contrastant trop rapidement avec leur conversation précédente.

Elle se rapprocha et Daneel l’imita, à l’image d’un boxeur qui n’avait envie que de s’appuyer contre son adversaire pour souffrir doucement, se reposer contre le mur adverse pour mieux le faire voler en éclats.

Le jeune Poufsouffle resta un bon moment à la regarder dans les yeux, sans ciller, sans même cligner. Il se demandait comment elle pouvait lui sortir tout ça. C’était donc que tout était réellement faux, toute leur précédente conversation ? La déception était trop grande, le goût trop amer dans sa gorge pour qu’il put avaler une telle idée. Quelque chose le marquait, quelque chose le retenait attaché là, le rendait incapable de s’en aller : l’air également profondément déçu qu’il avait pu voir sur le visage de sa vis-à-vis lorsqu’il lui avait fait des reproches. Au fond, il avait été aussi bête qu’elle l’était à l’instant, sinon plus. Il avait également fait l’idiot.

Des cornflakes… A quoi s’attendait-elle ? A ce qu’il prenne la poudre d’escampette, remontant tous les couloirs de Poudlard, les pleurs plein le visage pour se sauver de « la méchante Précieuse » ? Mais Daneel était trop fort pour ça, il n’arrivait même plus à pleurer depuis longtemps. De plus, il n’arrivait pas à bouger de là et continuait de fixer la Serpentard dans les yeux, à quelques centimètres de lui. Son sourire lui revint.

- Des cornflakes… c’est nullement insultant, si tu veux mon avis, dit-il avec un rire nerveux.

Il la regardait d’un air un peu complice : il ne se moquait pas d’elle, c’était évident. Il se laissa tomber sur le coté, appuyant son épaule contre le mur, une fois les quelques centimètres l’en séparant franchis. Il reprenait un air sérieux, un peu triste. Que dire, maintenant ? Il avait du mal à accepter le contraste de la situation, la violence avec laquelle ils étaient passés de ces émotions vraies ou fausses, jusqu’aux dernières paroles qu’elle lui avait dit, jusqu’à celles qu’il lui avait dit également… et encore, dans sa mémoire, il voyait l’air déçu de la blonde et n’était pas sur de comment interpréter, comment vivre toute cette situation.

Il sembla hésiter, son regard glissant de ses chaussures au plancher les entourant jusqu’à ses propres mains ou le mur à coté d’eux.

- Euh… j…, commença-t-il en hésitant, pas trop sur d’où il s’en allait. Je ne sais pas trop quoi penser de tout ça… simplement, je suis désolé d’avoir… enfin… un peu pris les nerfs, tu vois ? C’était pas malin de ma part. Mais juste… si tu étais sérieuse tout ce temps ben… Je vais pas chercher à te faire chier avec tout ce que tu as pu dire, tu peux me faire confiance là-dessus, je suis pas de ce genre là… Mais… si tu as joué, comme tu viens de le dire… je veux juste savoir pourquoi ? J’ai de la misère à y croire… Je n’ai juste pas trop réfléchi et j’ai parlé trop vite…


Il avait finit par relever les yeux dans ceux de son interlocutrice. Il réalisait bien à quel point il avait pu avoir été prompt pour un rien et ce n’était pas de son habitude. Il condamnait ce genre d'attitude, la plupart du temps, en fait. Après tout, qui aurait autant de temps et de talent d’acteur à dépenser dans une farce aussi petite et stupide ? Le Poufsouffle réalisait à quel point il avait été bête, seul, sans l’aide de personne. Il avait l’air un peu déçu et embarrassé à la fois, continuant de regarder Précieuse dans les yeux.

La réponse de Daneel à propos des cornflakes la calma instantanément. Mais où avait elle été chercher une réplique aussi stupide ? Même Crabbe ou Goyle connu pour leur cervelle de la taille d’un pois-chiche aurait fait mieux. On était loin des répliques cinglantes et fines que Précieuse employait régulièrement.

« Tu as raison, c’est vraiment nul ce que j’ai dis, » répondit-elle en esquissant un demi-sourire, répondant ainsi à son clin d’œil complice.

Une des caractéristiques des enfants de cet âge était leur capacité à changer d’humour en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Précieuse n’échappait pas à cette règle. Voilà donc pourquoi, elle cessa d’imprimer ce regard supérieur sur son visage pour laisser paraître un semblant d’amitié envers lui. Elle ne savait pas pourquoi mais elle l’aimait bien ce Poufsouffle. Qu’est ce qu’il était agaçant à la transformer comme ça ! Jamais elle n’avait imaginé pouvoir admirer un blaireau. Il la mettait dans un sacré embarras. Et si jamais ses parents découvraient ses pensées ? Et Nathan, Perle et les autres Serpentards ? Ils auraient de quoi rire pendant des semaines entières. Heureusement, elle ne connaissait pas de Legilimens dans son entourage. C’était déjà ça de gagner.

Précieuse ne savait que répondre aux questions de Daneel. Soit elle lui disait toute la vérité, soit elle continuait son petit jeu de la méchante manipulatrice. Alors qu’elle réfléchissait, elle entendit des bruits de pas dans le couloir. Au loin, elle reconnu la silhouette de Sarah et ses acolytes, une bande de Serpentard très à cheval sur les principes de pureté du sang et autre doctrines serpentardesques. Ne désirant pas être vu en pleine conversation avec un Poufsouffle devant le panneau où elle avait été désignée comme « Fayot d’Or », Précieuse attrapa la manche de Daneel et l’emmena de force dans un recoin du couloir, à l’abri des regards indiscrets. Après l’avoir poussé sur le mur, elle jeta un rapide coup d’œil sur le couloir d’où ils venaient pour s’assurer que personne n’allait pointer le bout de son nez et les surprendre.

« Ne dis rien s’il te plait »

Elle avait dit ces paroles sans se retourner, son regard toujours fixé sur le couloir où se trouvaient le groupe de filles et le panneau d’affichage. Et voilà que le groupe de glousseuses venaient de s’arrêter devant LE fameux décret. On pouvait être sure à présent que toute l’école allait être au courant. Ces commères allaient s’en donner à cœur joie, vu la jalousie qu’elles éprouvaient envers Précieuse.

Notre blonde se retourna enfin et songea qu’il était temps de mettre les choses à plat. Elle prit une grande inspiration et lui dit ces quelques mots en le regardant dans les yeux.

« Premièrement, ne crois pas que j’ai des intentions suspectes à ton égard. Ce n’est pas parce que je t’ai emmené dans ce petit coin sombre qu’il faut t’imaginer certaines choses.
Deuxièmement, pour être honnête, je n’ai pas entièrement joué avec toi. J’étais juste profondément dégouté de ce décret et je n’avais pas envie que le premier mec que je croise me vois dans cet état, et encore moins un Poufsouffle. Dans mon monde on ne doit pas montrer ses faiblesses.Voilà pourquoi j’ai inventé un nom fictif. Pour une fois je n’avais pas de mauvaises pensées, mais visiblement tu n’as rien compris. Tant pis, j’ai appris grâce à toi que l’honneté ne servait à rien. Au moins je n’aurais pas complètement perdu ma journée.»

Précieuse baissa les yeux, regardant tour à tour ses mains, les chaussures de Daneel et le plancher. Puis haussant à nouveau le regard vers lui, elle ajouta en chuchotant :

« Daneel, j’aimerais que tu oublies tout ce que j’ai pu dire aujourd’hui. Tu es quelqu’un de confiance pas vrai ? Tu ne répéteras pas tout ? »

Précieuse ayant toujours été habituée au système « effort/récompense » par ses parents, elle songea qu’un petit cadeau au Poufsouffle pourrait permettre de lui clore le bec une bonne fois pour toute. Il valait mieux assurer ses arrières et faire preuve d’un peu de flatterie pour arriver à ses fins.

« Si tu fais comme si cette conversation n’avait jamais eu lieu, je t’invite à mon anniversaire le mois prochain »

La matérialiste avait parlé. Restait à voir la réponse du garçon qui était aux antipodes…

Précieuse semblait s’être calmée et Daneel retint un soupir de soulagement. La réaction de la blonde ne pouvait que faire son plaisir puisqu’elle quittait son attitude hautaine et prenait un air doux. Au fond, il le savait -ou du moins l’avait tellement voulu qu’il en était venu a le savoir- que la « Louise » ou la « Précieuse » n’étaient pas de mauvaises personnes… euh… une mauvaise personne. Il avait d’ailleurs du mal, une espèce de gêne, lorsqu’il s’imaginait la jeune fille en tant que Précieuse, tant elle avait pu lui sembler repoussante un instant, sous son masque d’indifférence et de supériorité. Il ne pouvait tout de même pas se référer à elle en tant que « Louise » puisque ce n’était pas son nom et que « Louise » ne lui inspirait franchement rien.

Il fut d’abord surpris et faillit s’exclamer en un « Hey » mais se ravisa, suivant la blonde de bonne grâce. Elle le poussa sur le mur. Que faisait-elle ? Cela lui rappela, non pas sans le gêner tandis qu’il songeait à une idée aussi absurde, à certaines scènes de films qu’il avait pu voir et le mystère n’allait que grandissant, surtout lorsqu’elle lui ordonna de ne rien dire.

Il garda le contact visuel dans les beaux yeux de la blonde jusqu'à ce qu’elle le rassure sur ses intentions. Là il détourna un instant les yeux. Il l’écouta parler. C’était un peu triste car elle-même ne semblait rien avoir compris. Lui-même n’avait pas su comprendre. Au fond ils n’étaient que deux sourds ignares incapables de se suivre, même s’ils essayaient de répondre à l’autre du mieux qu’ils le pouvaient.

Daneel secoua lentement la tête en signe de négation aux paroles de Précieuse. Il finit par passer un bras autour de ses épaules, l’attrapant contre lui pour la forcer à écouter sans s’enfuir, voulait l’obliger par ce contact à ce qu’elle ne se relance pas dans ses airs hautains.

- Moi je n’oublierai rien. Et c’est pour ça que ça ne sert pas à rien, d’être honnête. Désolé si j’ai pu avoir un peu de mal à y croire mais je suis bien heureux que tu aies été honnête.

Il lui avait parlé en la fixant droit dans les yeux et marqua une brève pause avant de reprendre, un franc sourire aux lèvres, celui d'un ami, d'une personne de confiance.

- Et ne t’inquiète pas. Ton secret est bien gardé, je ne suis pas du genre à trahir la confiance des gens. Tu n’as même pas besoin de m’inviter, je n’en parlerai pas. Par contre, j’aimerais que, si on se revoit un jour ou l’an prochain, tu restes honnête avec moi comme aujourd’hui…

C’était peut-être beaucoup demander à la jeune fille mais Daneel voulait s’assurer qu’il ne perdrait pas tout ce qu’il avait pu voir ce jour-là. Pourrait-il le supporter une seconde fois si Précieuse s’armait à nouveau ce masque hautain et cruel devant lui ? De lui demander franchement était la seule façon pour lui de s’assurer que tout ça était bien vrai et qu’il n’aurait pas à en douter à nouveau.

Comment la blonde prendrait-elle sa requête ? Peut-être serait-elle offusquée d'un telle demande, elle qui, après tout, avait pleinement droit à son intégrité pleine quant à comment elle voulait agir avec les gens... un droit auquel les gens riches tenaient habituellement beaucoup, leur intégrité pleine. Peut-être accepterait-elle rapidement, pour se débarrasser... Seul l'avenir lui dirait si elle tenait parole ou si elle refusait de la donner concernant cette demande farfelue et Daneel était plutôt prêt aux deux éventualités.

[HJ : Désolé du retard mais voilà j'ai quand même tenu parole. C'est ma dernière réponse]

Précieuse s’attendait à tout sauf à ce que Daneel la sert contre lui pour l’empêcher de s’enfuir. Prise de court, la blonde ne tenta même pas de débattre pour lui échapper. Elle resta immobile et écouta patiemment ce que voulait lui dire le Poufsouffle. Cette situation était assez intimidante pour une fillette de ce son âge ! En effet, elle était peu habituée à autant de proximité avec quelqu’un de son âge et encore moins avec un garçon ! Bref toutes ces circonstances la calmèrent immédiatement. Elle l’écouta sans broncher et n’osa dire un mot. Son petit air méprisant et hautain avait entièrement disparu sous l’effet de la surprise.

Quand le Poufsouffle lui parlait, il la regardait droit dans les yeux avec une telle assurance que cela rendait la Serpentarde encore plus mal à l’aise. Quand enfin il lui fit un petit sourire après avoir précisé que son secret serait bien gardé, Précieuse esquissa elle aussi un semblant de sourire. Ouf. C’était déjà ça de gagné.

Mais le Poufsouffle voulait plus que cela. Il voulait qu’elle soit toujours honnête avec lui. C’était quand même beaucoup lui demander ! Précieuse resta pensive un instant. Elle pensa tout d’abord lui mentir en prétextant que oui elle serait honnête pendant l’année. Mais cela signifirait qu’elle serait malhonnête dès maintenant. C’était un peu rapide. Elle valait quand même mieux que ça !

Au bout d’une minute qui sembla interminable, Précieuse prit enfin une decision. Elle s’écarta alors de l’étreinte du Poufsouffle et fit quelques pas pour s’éloigner. Puis enfin elle se retourna et annonça avec un demi-sourire :

« Je ne te garantis rien mais je vais essayer. »

Puis après lui avoir jeté un regard insistant et malicieux, elle tourna définitivement les talons et se dirigea vers la grande salle.

[Partie^^]