- T’as lu la dernière Gazette ?
- Non ?
- Oh là là, alors t’es pas au courant… Il y a eu une évasion massive, à Azkaban…
- C’est pas vrai ?
- Si. Même que les évadés, c’est tous des anciens Mangemorts.
- Comme ce Sirius Black ?
- Exact… Etrange coïncidence, pas vrai ? La Gazette dit qu’il est leur "point de ralliement".
- Mais au fait, il avait pas essayé de pénétrer à Poudlard juste après sa fuite ?
- Oh là là, maintenant que tu le dis… En plus ils sont au moins dix !
- Attends, ça ira pour nous… Ils veulent ce Potter, non ? Il est à Gryffondor, leur salle commune est sûrement à l’autre bout du château de toute façon.
- Oui oui, tu as raison !

Fabula se leva et entreprit de quitter la Grande Salle avant même d’avoir terminé son repas. Elle n’en pouvait plus de toutes ces discussions. Evasion par-ci, Black par-là… ça durait depuis des jours, depuis la rentrée en fait, date de l’évasion. Sans parler de la Gazette du Sorcier qui en rajoutait des tonnes, publiant quotidiennement de nouvelles recommandations, comme Sorcière Hebdo publiait ses recettes de cuisine. Non, la vraie coïncidence, c’était qu’il pouvait encore y avoir des gens pour ne pas être au courant. En longeant la table des Serdaigle elle aperçut Marcus, occupé à dévorer une cuisse de poulet de taille tout à fait honorable. Elle lui adressa un bref signe de main, et franchit les larges portes de chêne pour se retrouver dans le hall, beaucoup plus calme. Son flegme à l’égard de cet évènement ne traduisait pas de l’indifférence. Simplement elle vivait encore dans un autre monde, et dans ce monde, elle ne pouvait pas être atteinte. C’était les autres qui mourraient, et leurs souffrances nourrissaient l’appétit vorace de ceux qui se faisaient appeler Mangemorts. Mais envisager sa propre mort, c’était absurde. Elle monta les quatre premiers étages du château sans trop d’encombre, les élèves étant encore attablés ; et même les escaliers semblaient, pour une fois, faire preuve de bonne volonté. Mais c’est au cinquième étage que les choses se compliquèrent passablement.

- Certains croient qu'il aboie, le p'tit dingo gamin,
Et d'autres plus gentils croient qu'il a du chagrin,
Mais Peevy qui sait tout vous dit qu'il est zinzin.

Voilà la véritable menace à craindre à Poudlard : Peeves. Fabula jeta un coup d’œil au couloir qu’elle voulait emprunter. L’esprit frappeur y récitait son poème d’un air joyeux, tout en repeignant à l’aide de ses doigts et d’une palette de peinture le tableau d'une grosse madone, désormais remaquillée en clown. Il avait tout le château pour commettre ses méfaits, et il fallait qu’il vienne se planter au milieu de son chemin. Il ne restait plus que deux solutions désormais : ou bien elle tentait une traversée à ses risques et périls, ou bien elle rebroussait chemin, et dans ce cas elle devait retourner jusqu’au premier étage pour emprunter le parcours alternatif le plus proche. La journée avait été longue, elle avait réussi l’exploit de ne pas se perdre depuis la rentrée, et surtout, surtout, elle doutait que les escaliers se montrent aussi compatissants deux fois d’affilée. Elle opta donc pour une troisième option. Tout en prenant soin de rester hors de vue, elle s’assit dans un recoin sombre à l’abri d’une armure, dos au mur et genoux au niveau du menton. Au loin, Peeves continuait de répéter inlassablement les vers de sa composition. C’est vrai qu’il était bizarre, ce Potter. Fabula l’avait vu une ou deux fois, dans les couloirs ou à l’occasion de son match Serdaigle-Poufsouffle. Il avait toujours les cheveux en bataille, et de vieilles lunettes rafistolées qui lui donnait une expression de folie douce. En fait, Fabula avait moins de ressentiment envers lui qu’elle n’éprouvait de la pitié. La majorité de l’école le tournait en ridicule, le traitait de menteur. Peut-être avait-il bien menti, et peut-être était-ce pour se rendre plus intéressant. Mais Fabula savait aussi que les questions ne disparaissaient pas sans réponse, et inversement, les réponses n’apparaissaient pas sans question. Peut-être alors avait-il voulu se débarrasser d’une certaine question en donnant une réponse, n’importe laquelle ? Perdue dans ses élucubrations, elle ne voyait plus le temps passer. Quelques voix avaient résonné aux alentours, mais toutes s’étaient rapidement éloignées, sans doute moins patiente à l’idée d’attendre que Peeves et ses chansons grossières lèvent le camp. Fabula étouffa une bâillement. Ses membres s’engourdissaient, et ses paupières se faisaient plus lourdes. L’instant d’après, sa tête roula sur son épaule.

Lorsqu’elle se réveilla, le silence était revenu dans le couloir. Elle se releva lentement, prenant le temps de s’étirer. Quelle heure pouvait-il être ? Il régnait sur le château un silence endormi qui lui fit comprendre qu’elle n’était pas à sa place à cette heure et à cet endroit. Elle jeta un dernier coup d’œil méfiant aux alentours, puis se hâta de reprendre la direction de son dortoir. Quelques minutes plus tard, elle arriva en face du panneau du bois, légèrement essoufflée mais rassérénée de n’avoir croisé ni esprit frappeur, ni chatte, ni crapaud (il commençait à y avoir une certaine ménagerie à Poudlard…). La tête d’aigle s’anima, et une voix mélodieuse, envoûtante s’éleva dans le silence figé :

- Quelle est la seule chose absolue ?

Fabula se concentra. Après avoir échapper à Peeves, pas question de passer la nuit dehors, surtout que plus personne ne viendrait la chercher à cette heure-ci.

- Tout est relatif, et c’est le seul principe absolu.

La porte pivota. Quelques braises brûlaient encore dans le foyer de la cheminée et Fabula traversa le vaste espace circulaire, faiblement éclairé par les étoiles peintes au plafond qui officiaient de veilleuse la nuit tombée. Les dernières marches, la dernière porte, et elle entra dans le dortoir des filles de 1ère année, concentrée sur la seule pensée de s’étaler dans ses draps tièdes, emmitouflée dans de moelleuses couvertures. Mais ses projets furent quelque peu contrariés, et le premier geste qu’elle eût à faire fut de se vautrer, non pas dans son lit, mais sur la moquette bleu roi. Trois jets lumineux venaient en effet de siffler à l’endroit même où se trouvait sa personne quelques secondes auparavant.

- Non mais ça va pas la baguette ou quoi ?? pesta-t-elle en se relevant. Lumos ! C’est moi !

Le rayon lumineux éclaira toute la pièce, révélant les visages ébahis de Brianna, Canelle et Katrina, toutes baguettes à la main. Décidemment, cette histoire d’évasion et la peur qu’elle suscitait au sein de la communauté magique n’avait pas fini de la tourmenter.


[HRP : Enigme tirée d’une citation d’Auguste Comte.]

[HRP]Pour rappel, ou si vous ne l’aviez pas encore vu, Canelle part en cours de route (cf Portoloin), donc on continue sans elle… J’ai quand même réagis à son post parce que j’avais déjà commencé à taper mon rp avant qu’elle annonce son départ (flemme de recommencer )
Je me suis aussi permise d’ouvrir le topic aux autres filles, parce qu’on n’est plus beaucoup (et plus il y a de fous, plus on rit ). Mais si ça devait gêner quelqu’un, qu'elle m'envoie un mp et j’annulerai. [/HRP]


- Oups.

C’était en effet le mot. Tandis qu’elle se relevait péniblement, Fabula dirigea le faisceau lumineux de sa baguette vers les trois visages défaits de ses camarades. Il s’élevait désormais des lits un concert de chuchotements, mais la fillette avait l’impression que les battements de son cœur tambourinant dans sa poitrine dominaient le brouhaha diffus. Alors qu’elles prenaient tour à tour la parole, Fabula ne bougea pas, écoutant à moitié. Pas de sensation de brûlure, ni de coup. Sa tête, ses épaules, ses bras et même ses orteils répondirent présents à l’appel de ses nerfs. Grâce au ciel, elle était indemne. Enfin, cela était sans doute dû plus à ses reflexes exceptionnels et à son long passé de duelliste (à savoir un cours), qu’au ciel, mais elle ne lui en voulut pas d’avoir été de son côté ce soir-là.

-Pardonne-nous, Fabula. Je crois que nous sommes... un tout petit peu nerveuses. Voilà, c'est çà. Un peu nerveuses. Tu ne t'es pas fait mal ?

Nerveuse ? Mais de quoi pouvaient-elles être nerveuse ? La plus grande menace à Poudlard (après Peeves bien sûr, mais il ne pouvait pas entrer dans les dortoirs), c’était cette elfe de maison saoule à longueur de journée, qui préparait des soupes à faire tourner de l’œil un Scroutt à pétard (et pourtant, c’est résistant un Scroutt à pétard), et qui s’endormait n’importe où dans le château, en particulier là où l’on pouvait trébucher sur elle. Et cette elfe était assignée aux cuisines jusqu’à nouvel ordre, pas aux dortoirs. A la question de Canelle, Fabula répondit par un grognement et un haussement d’épaule. En vérité, elle s’était mal réceptionnée, et un bourdonnement désagréable résonnait à présent dans sa tête. Mais sa fierté refusait de laisser paraître quoi que ce soit, et de toute façon, comparé à son entrainement de Quidditch supervisé par Zélie Colien (dont la devise était « Volez ou mourez »), cette chute-là avait été une descente au paradis.

Désolée, désolée, désolée !!

Voilà une repentance qui semblait plus apte à recueillir son pardon. Quoique, dans l’état de frayeur où elle se trouvait, trois "désolée" et un air contrit ne suffisaient certainement pas.

- C'est déjà stressant de devoir composer avec le fait de l'évasion, si nos copines du dortoir rentrent au beau milieu de la nuit, ça n'est pas rassurant, hein...

On y était… Un court instant, Fabula avait eu le fol espoir que les filles l’avaient attaquée à titre personnel, ou par somnambulisme, ou parce qu’elles s’ennuyaient, ou parce que… Mais non, ce n’était que cette histoire de Mangemorts, partout, tout-le-temps, toujours. Après ce dur retour à la réalité, Fabula remarqua qu’elle devait avoir l’air parfaitement idiote à rester là, debout, dos à la porte. Elle esquissa un mouvement vers son lit, ses draps tièdes et ses moelleuses couvertures, mais d’un pas mesuré, beaucoup plus méfiant. Pas de mouvements brusques, ses camarades semblaient déjà assez tendues comme cela, et elle ne trouvait pas nécessaire de devoir tester une seconde fois leurs propres reflexes. Alors qu’elle commençait à bouger, éclairant son chemin à l’aide de sa baguette, la voix de Katrina, qui était restée jusqu’à là pensive et muette, s’éleva dans les ténèbres.

Je suis vraiment désolée, Fabula … J’ai pensé que c’était un Mangemort.

Les autres aussi avaient dû penser la même chose, mais devant le regard soupçonneux que lui lançait Katrina, Fabula devina que cette hypothèse était encore d’actualité pour elle. La Serdaigle lunatique passa de la grimace rancunière au sourire curieux.

- Mais oui, c’est vrai ça… Peut-être que je suis un Mangemort déguisé en élève de première année. Ce qui serait gênant je vous l’accorde, surtout pour vous. Mais heureusement, j’ai une idée. Posez-moi une question à laquelle seule la vraie Fabula saura répondre. Par contre, c’est un peu embêtant si je suis bien un Mangemort et que je me fais démasqué… Après tout, je serai obligé d’éliminer tous les témoins, et je ne crois pas que des élèves de 1ère année puissent faire le poids.

Elle avait parlé avec un petit rire enfantin, quelque peu déstabilisant. On ne décelait aucune ironie dans sa phrase, comme si l’évènement rendu grotesque par la façon dont elle l’avait décrit lui semblait tout-à-fait possible. Ce fut Katrina encore qui prit l’initiative de poser la question.

- Euuh je sais que ça me regarde pas mais … comment ça se fait que tu rentres si tard ?

Effectivement, cela ne la regardait pas. Mais c’était elle-même qui avait proposé de poser une question, et maintenant qu’elle était là, le seul moyen de la faire disparaître était d’y répondre. Alors quoi, devait-elle dire qu’elle s’était cachée de Peeves puis lamentablement endormie dans un coin ? Bien sûr que non. Son orgueil, déjà mis à mal cette nuit, ne supporterait pas un coup de plus. Non, Fabula savait quelle réponse attendait Katrina, quelle réponse la rassurerait sur son identité.

- Ah… Je me suis perdue, dit-elle simplement en ayant préalablement reprit son habituel air absent. Je suis sortie de la Grande Salle trop tôt, et je n’ai trouvé personne à suivre.

La réponse était on ne peut plus honnête. Simplement, elle ne correspondait pas tout-à-fait à la question. Ceux qui côtoyaient Fabula un minimum de temps chaque jour connaissaient aussi son sens de l’orientation, ainsi que sa technique pour voyager dans le château lorsqu’elle voulait se rendre à un lieu précis : suivre quelqu’un qui connaissait le chemin. Le reste du temps, on ne pouvait pas dire qu’elle se déplaçait, mais plutôt qu’elle errait. De plus, elle était réellement sortie en avance de la Grande Salle. Le seul détournement d’information était sa soi-disante perte ; en vérité cela faisait quelques semaines maintenant qu’elle connaissait le parcours qui menait de la Grande Salle à la Tour de Serdaigle, mais personne ne l’avait encore remarqué. Puis, elle se crût obligée d’ajouter, comme dans une ultime tentative pour rassurer ses camarades – et surtout rejoindre son lit :

- Vous savez, les Mangemorts ont d’autres elfes à fouetter que de venir à Poudlard… Ils n’ont rien à y trouver, et s’ils veulent des proies, elles se trouvent plus facilement à l’extérieur, loin des protections magiques de l’enceinte, et du Directeur.

A l’extérieur… Il y avait quelqu’un, à l’extérieur, qui était en danger… Mais lui il n’avait rien à se reprocher… A lui il ne pouvait rien arriver…