Le Deal du moment : -11%
Smartphone 6.36 ” Xiaomi 14 (12 Go / 256 Go
Voir le deal
641 €

Partagez
 
 La peur et son ombre [libre]
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: La peur et son ombre [libre]   La peur et son ombre [libre] EmptyDim 25 Nov - 1:21:37

Octobre.
Une brise déjà froide caressait les joues des passants, s'infiltrait sous leur manteau et faisait voler leurs cheveux.
Mais il n'y avait pas grand-monde à frigorifier, dans les ruelles vides de Pré-au-lard, ce soir-là ; refoulés par les premiers jours frais de la saison, les gens préféraient s'enfermer chez eux ou dans les bars devant un bon feu, avalant de savoureux mensonges via la gazette du sorcier et commentant avec passion les derniers ragots.
Tant pis.
Déçue, la brise remonta vivement la rue principale du seul village entièrement sorcier de Grande-Bretagne, tentant au passage sans grand enthousiasme d'arracher de sa tête le chapeau d'une vieille dame.
Elle s'arrêta un instant devant les hautes grilles en fer forgé du château ; tourbillonnant sur place, indécise, elle s'engouffra finalement à travers les barreaux pour prendre la direction du parc.
Il y avait ici encore une bonne dizaines d'élèves, savourant chaque ultime seconde de la dernière journée plus ou moins ensoleillée de l'année, retardant le moment ou leur week-end s'éteindrait avec la fermeture des portes.
La brise annonciatrice de novembre vint mettre fin à leurs illusions, glissant sur la surface sombre du lac en vaguelettes troubles pour finalement venir refroidir les jeunes visages offerts à l'air du soir.
Les adolescents finirent par presque tous réintégrer l'école avec plus ou moins de bonne volonté.
Quand à la brise, elle s'offrit un petit détour aux abords de la forêt interdite avant de partir jouer plus loin.

Jill resserra autour d'elle les pans sombres de sa cape lorsque le vent fit murmurer les arbres.
Elle n'avait pas peur, oh non.
Simplement..
Un léger demi-tour, histoire de vérifier que plus une silhouette ne traînait sur la pelouse, afin peut-être aussi de se convaincre que oui, le ciel teinté de gris annonçait vraiment la nuit..

La fillette entamait sa deuxième année au collège Poudlard.
Rien n'avait changé, ici. Rien.
A part peut-être deux ou trois profs et quelques broutilles de ce genre.
Et ces quelques changements qui tenaient plus à elle qu'à cet environnement particulier qu'était le château ; les cours avaient pris un intérêt nouveau, les escapades nocturnes une saveur particulière, le parc une grandeur presque indécente, et tous ces gnomes brailleurs qui avaient soudain envahi l'école..
Non, pensait la jeune fille, incrédule, chaque fois qu'une de ces horripilantes choses couinantes croisait sa route, non, je n'étais quand même pas comme ça à leur âge, pas l'année dernière..
Mais surtout, les gens étaient devenus de plus en plus..indésirables ? Bruyants ? Ridicules ?
Malgré ces variations bizarres, elle n'avait jamais été aussi contente de revoir ce que tant d'élèves considéraient presque comme leur maison, surtout après l'été passé.
Pas qu'il fut vraiment désagréable, non. Le nouveau mutisme de son père, l'absence d'Elias et le comportement de plus en plus étrange de sa génitrice ne la dérangeaient pas plus que ça.
Au contraire, cette liberté soudaine lui avait permis d'effectuer plein d'expériences, de virées qui lui auraient été inacessibles autrement.
Mais quelque chose dans tout ça l'avait mise mal à l'aise et l'avait transformée, d'une façon qui expliquait peut-être cette nouvelle et dérangeante perception.

Est-ce que tout cela expliquait pourquoi une gamine de douze ans se promenait au crépuscule à l'orée et bientôt plus de la forêt interdite ?
Sans doute que non, mais peut-être que oui.
En tout cas, la gamine en question avait maintenant tourné résolumment le dos au parc et avançait à présent rapidement sur le sentier obscur, baguette brandie dans l'espoir dérisoire d'éclairer un peu sa route.
Quelle route, d'ailleurs ?
Suivait-elle toujours le sentier, ou était-ce seulement l'ombre de quelque arbre imposant ?
Et y avait-il vraiment une quelconque importance à se trouver ou non sur le chemin ?
Elle cherchait juste un endroit tranquille, loin de toute présence.
Et s'il fallait pour cela s'enfoncer jusqu'au coeur de cette redoutable forêt, tant pis.

Une lueur, loin devant, servait depuis trois minutes de point à la vert-argent ; pas de point de repère, non : juste un point ou poser ses yeux, un point sur lequel elle pourrait se concentrer en ignorant les bruits inquiétants environnants, en ignorant l'obscurité d'encre dans laquelle les yeux humains se noyaient.
Au bout d'un moment, une drôle de pensée se fraya un chemin dans son esprit fatigué : et si cette lumière était celle d'une autre baguette ? Et s'il y avait un miroir figuré par la nuit, quelque part devant, si c'était une autre Jill qui marchait vers moi, une autre Jill qui tiendrait ma baguette et fixerait ma lumière ?
Cette réflexion lui parut d'abord si étrange qu'un rire hystérique faillit lui échapper ; une peur grandissante prit finalement le dessus.
Puis une prise de conscience glacée.

Qu'est-ce que je fiches ici ? En pleine forêt interdite, sans aucun repère, et la nuit ! Je deviens complètement folle..il faut que je sorte d'ici, qu'au moins je retourne dans le parc..ou juste à l'entrée de cette foutue forêt..

Et elle entendit enfin les bruits jusque là mis arbitrairement de côté ; les grincements, les crissements, les grognements, les souffles, les..
Figée.
Incapable de repartir.
Elle y parvint finalement en contemplant la lueur vacillante, au loin.

Je ne veux surtout pas voir ce que c'est, je ne veux pas savoir, je ne veux pas, je ne veux pas, je ne veux pas voir une autre Jill tenant ma baguette, une Jill aux yeux vides qui croiserait mon regard, qui..

Son imagination prit finalement le dessus ; sans un cri, elle partit en courant dans n'importe quelle direction.
Pas un instant elle ne se retourna, de peur peut-être de voir la lumière grossir dans son dos.
Elle ne s'arrêta de courir que lorsque son front heurta violemment une solide branche basse.
La nuit était désormais profonde, impénétrable.
La fillette essoufflée se releva immédiatemment (ou s'était-elle assommée ? Sa baguette était éteinte et la forêt plus silencieuse ), scruta les alentours sans rien apercevoir d'autre que le tronc sec d'un chêne se détachant lugubrement dans le faible halo dispensé par sa baguette ; mais un vertige la prit immédiatemment et elle dut s'adosser au tronc pour ne pas s'effondrer.
Soupir.

Bien. Le bilan est plutôt pas mal, je trouve. Rappelle-moi pourquoi tu es venue là..? C'est ce que je me disais. Bravo, vraiment. Si, mais si, c'est sincère. Oh, est-ce que c'est mon genre d'être hypocrite ou ironique, vraiment ! Non mais je te jure, un coup comme ça, c'est vraiment du génie.

Re-soupir.
Au moins, elle avait sa solitude.
Et quelle solitude.
Encore que..

Pas besoin de réfléchir longtemps pour comprendre que ce souffle, là, ces pas, c'étaient ceux d'un humain. Ou d'une humaine.
Classé inconnu donc ennemi, jusqu'à preuve du contraire si preuve il y avait.


-Nox, murmura la fillette d'un ton si bas qu'elle ne fut tout d'abord pas certaine que le sort marcherait.

L'intrus avait-il eu le temps de voir la lumière ?
Jill était assise dos à un arbre, les jambes allongées dans la petite clairière d'un mètre sur deux.
Elle n'osait pas faire le moindre geste pouvant dévoiler sa présence, par exemple ramener ses genoux contre sa poitrine.
Et c'était bien dommage, car s'il continuait d'avancer, l'intrus risquait fortement de trébucher contre les genoux en question.
Revenir en haut Aller en bas
  • Invité
  • Invité
MessageSujet: Re: La peur et son ombre [libre]   La peur et son ombre [libre] EmptyLun 10 Déc - 13:15:31

Ambre était dans la forêt déjà depuis un certain temps. Elle était seule, évidemment. Elle portait du blanc, comme la coutume l’y obligeait. Ainsi, sur la peau couleur café au lait de la fillette était drapé un superbe sari blanc qui détonait joliment avec sa peau. Il était brodé de fils dorés, seule digression.
Elle avait quitté sa chambre à la va-vite, et cela se voyait, car ses immenses cheveux noirs habituellement tressés minutieusement, avaient cette fois été traités de manière peu conventionnelle, et le ruban blanc qui nouait sa tresse menaçait de lâcher à tous moments. Pourtant, elle avait pris le temps d’y emprisonner une fine guirlande de délicates fleurs de jasmin qui laissaient un parfum délicieux sur son passage.

À ses bracelets et ses chevilles trônaient des bracelets qui tintaient gaiement à chacun de ses pas. Sur son front, juste entre les deux yeux, la fillette arborait toujours un bindhi mais qui avait symboliquement changé de couleur.

Depuis le drame, la petite vivait seule, et évitait tout contact humain. Cela expliquait sa présence dans la forêt à cette heure du jour, presque tous les soirs. Si avant elle s’y aventurait déjà, faisant fi de toute interdiction, et, croyant au destin, elle se moquait éperdument du danger. Elle savait que si ce n’était pas son heure, elle retournerait vivante à sa chambre.
Depuis donc un certain temps, Ambre évitait tout contact, elle arrivait au tout dernier moment en cours, pour n’avoir à parler à personne, et s’en allait tout juste lorsque le professeur avait terminé son cours. Le fait qu’elle reste, aux heures des repas, principalement dans sa chambre ou dans la bibliothèque mais dans tous les cas dans un endroit désert, faisait qu’elle avait énormément maigri, et que ses joues avaient perdu leurs couleurs fraîches. Le chagrin et l’abattement avaient terni ses grands yeux habituellement pétillants et empreints d’une douceur infinie.

Ainsi, elle était là, dans la forêt. Et ce soir, elle avait aussi senti une présence étrangère. Elle savait que ce n’était pas un élève, oui elle le savait, pour s’être si souvent cachée tout près d’un élève aventureux. Parce que si Ambre n’avait pas le droit… la présence des autres lui manquait, elle qui pourtant était solitaire avant. En effet, ses amis lui manquaient, mais il était normal qu’ils lui aient tourné le dos, elle ne leur en voulait absolument pas, plus, elle le comprenait. Il ne pouvaient pas savoir ce qui se tramait dans sa vie, elle le savait. Will et Nervia, tous deux semblaient l’avoir oubliée. Mais il y avait également Mathias. Celui-ci, Ambre y tenait beaucoup… mais lui semblait également l’avoir reléguée au second plan, mais il paraissait que c’était pour une raison toute différente, que cela n’avait strictement rien à voir avec son comportement pour le moins étrange. Enfin… toujours était-il que la présence de ses amis lui manquait terriblement.

Elle avait donc senti la présence de Jill, la jolie serpentarde, qui semblait également troublée… déjà pour se trouver dans la forêt à une heure pareille… mais cela se lisait dans son regard.
La petite indienne était donc assise sur une branche dans un arbre, pieds nus, comme toujours, et regardait Jill, de son perchoir, sachant pertinemment que celle-ci ne pouvait la voir.
Lorsque la petite vert et argent s’était enfuie en courant, elle n’avait pas été bien loin avant de se cogner, et Ambre avait simplement bondi de son perchoir, et, aussi discrète que le vent, s’était approchée de là où la petite était assise. La fillette, cachée par un buisson, observait toujours.

C’est là qu’elle avait senti que la troisième présence commençait à s’approcher assez prêt pour en devenir potentiellement menaçante. Aussi, Ambre sortit discrètement de sa cachette, et se retrouva alors en face de la fillette. Attendant quelques instants pour permettre à la petite serpentarde de voir qu’elle n’était pas une menace, elle se figea.
Puis elle sursauta lorsqu’une branche craqua non loin d’elles, et d’un bond se trouva près de la fillette, à qui elle tendit une main amicale, mais qui se faisait pressante à cause du danger potentiel, le tout accompagné d’un sourire assez engageant, mais pâle réplique de ceux qu’elle était capable de faire.

Dans la tête d’Ambre, beaucoup de choses se tramaient, à savoir : qu’allait-elle faire si Jill voyait quand même une menace suffisante pour préférer ne pas bouger, et Ambre savait que ce qui s’approchait allait évidemment la repérer, qui que ce soit.
La petite Indienne, pourtant trop altruiste n’envisageait pas de laisser la petite, qui plus est sonnée, seule ici.

Une bourrasque brusque, et éminemment plus puissante que les précédentes manqua de renverser la petite silhouette gracile et frêle de la jeune indienne… qui n’en perdit pourtant pas son sourire. Cependant, elle qui croyait au Destin, et aux signes envoyés par les puissances supérieurs, vit dans cette bourrasque, qui venait précisément dans le sens de l’intrus, un signe, un avertissement divin qu’il fallait s’en aller tout de suite.
Le vent glacé qui s’était engouffré sous le sari de la fillette la fit violemment frissonner, oui elle avait grandement besoin de reprendre des forces.
Un voile traversa son regard, un voile de panique, qui trouva son reflet dans les prunelles de sa compagne d’infortune, mais qui s’effaça presque immédiatement, contrôlé par l’esprit fier et digne de la petite serdaigle. Après tout, n’avait-elle pas l’habitude ? L’habitude du danger, de la fuite, de la méfiance ?
Ambre ne comptait pas se laisser envahir par la peur, et c’était certainement ce qui avait toujours fait sa force.


Revenir en haut Aller en bas
 Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» diner tardif [libre, libre et libre]
» Un crepuscule dans la forêt [libre....très libre] [terminé]
» A l'ombre d'un chêne
» A l'ombre de ses paupières...
» Se ballade à l'ombre des arbres

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le Miroir du Riséd :: Hors-Jeu :: Archives :: Années passées-