Merveilleuse journée qui s’annonçait, vraiment ! C’était un samedi matin, Emilien s’était levé tôt, comme d’habitude, et d’assez mauvaise humeur. En effet, la veille, il avait reçu la réponse de ses parents. Il leur avait écrit – par l’intermédiaire de son once, comme toujours – pour leur annoncer sa décision : il restait à Poudlard pour les vacances, que ça leur plaise ou non. Et ça ne leur plaisait pas du tout, apparemment ! Bien, qu’est-ce que ça changeait ? Son père, Arthur, lui avait écrit une lettre très soignée, il avait encore une écriture d’écolier celui-là, bien appliquée. Malgré cela, on sentait toute la colère qu’il éprouvait, du moins, Emilien la sentait. Depuis qu’il était petit, il avait compris que son père n’était pas quelqu’un de très expansif, mais il savait voir lorsqu’il était en colère, déçu, surpris … Même dans ses lettres. Mr Backhand reprochait à son fils de ne pas avoir « l’esprit de famille ». La première chose qui était venue à l’esprit du Serpentard n’était pas bien compliquée : il savait où il pouvait se le mettre, son « esprit de famille » ? Il était tellement mal placé pour en parler ! Du côté de sa mère, ce n’était pas vraiment mieux. Clara tentait de le prendre par les sentiments, de lui faire regretter son choix. Sans résultat concluant, tout ce qu’elle avait réussi à faire, c’était à énerver son fils en terminant sa lettre par une phrase en italien, et en l’appelant Andrea.

Ce matin-là, Emilien n’était donc pas très joyeux, mais il était surtout très énervé. Et il avait besoin de quelque chose pour faire passer sa colère. Il aurait pu simplement prendre le temps de réfléchir, de se calmer, mais non. Ça, il avait déjà essayé, et il l’avait amèrement regretté tant ses nerfs en avaient souffert. Emilien n’était pas spécialement violent en général, mais il avait tellement envie de frapper dans quelque chose … quelqu’un … Il fallait qu’il trouve quelque chose pour se changer les idées, et vite si possible. Le Serpentard avait essayé de lire – on lui avait offert le Da Vinci Code, autant en profiter … Non, c’était une blague, il était d’ailleurs étonné de pas l’avoir encore brûlé – mais il avait balancé son livre après quelques secondes. Alors, quoi ? Rester immobile ne lui réussissait pas, aussi sortit-il de la salle commune à grands pas. N’importe quoi ! N’importe quoi à faire, pour se calmer, il était prêt à tout. Ce ne fut que lorsqu’il passa devant le bureau de Rusard qu’une idée lui passa par la tête … Il fit aussitôt demi-tour et retourna dans la salle commune pour chercher quelques affaires. Voilà qui le divertirait ! Et puis, ça le ferait un peu courir, de quoi lui faire oublier momentanément cette fichue histoire de lettre.

Il fut bientôt de retour dans le hall, désert encore. Evidemment, à six heures moins dix … Est-ce qu’il avait le droit d’être là ? En tout cas, avec ce qu’il tenait dans ses mains, sûrement pas. Le jeune Backhand prit tout son temps, après tout, il ne risquait pas d’être dérangé. Avec minutie, il accrocha les différents fils qui devaient lui servir, méthode de moldue, et bah quoi ? On ne choisit pas la façon dont on est élevé, ni par qui. Malheureusement, d’ailleurs. Emilien plaça la dernière pièce, une mini bombe dans le genre bombabouse. Avec quelques différences … Le Serpentard vérifia que tout était en place et s’éloigna, ça lui avait pris du temps, mais ses achats à Zonko allaient enfin lui servir, et pour la bonne cause ! Il valait mieux qu’il soit loin, et maintenant, il fallait faire sortir le concierge. Oh, ce n’était pas bien difficile. Emilien sortit une balle de sa poche et la lança de toutes ses forces contre la porte du bureau du concierge. Ce dernier dormait dans ses appartements, situés derrière son bureau. Le bruit résonna dans tout le hall, et Emilien recommença plusieurs fois son petit manège, jusqu’à ce que Rusard se décide enfin à sortir.

Et là, la catastrophe. Pour Rusard, bien évidemment. Emilien, lui, trouva que tout se passait à merveille. Le concierge, en sortant, avait bien sûr ouvert la porte – il n’était pas un fantôme, pas encore mort d’après ce qu’on en savait – ce qui avait tiré sur les fils installés par le petit Serpentard. L’instant d’après, la bombe explosait en projetant sur le pauvre concierge une giclée de liquide verdâtre qui sentait non seulement mauvais, mais qui collait horriblement au visage. Complètement aveuglé par l’épaisse couche qui lui était tombée sur les yeux, Rusard fit quelques pas en avant, en hurlant qu’il trouverait l’abruti qui avait fait ça, qu’il lui arracherait les oreilles, qu’il le ferait fouetter, qu’il le livrerait aux strangulots du lac … et là, deuxième catastrophe. Le concierge marcha sur la corde tendue et se retrouva instantanément saucissonné ! Emilien adorait Zonko, décidément. Voir Rusard, en chemise de nuit, se tordre sur le sol du hall, le visage couvert d’un liquide vert assez louche – qui en plus était censé lui donner des furoncles, on verrait bien – était vraiment … tordant ! Emilien éclata de rire puis, comme il n’avait pas envie d’attendre qu’un adulte vienne au secours du concierge, fila vers les cachots.

Damn ! Rogue avait dû entendre les cris du concierge, Emilien l’entendait grommeler un peu plus loin. Le Serpentard changea brusquement de direction pour éviter le professeur de potions, certainement furieux d’avoir été réveillé à une heure si matinale. Pas question de se faire prendre ! Malgré son envie de voir Serpentard remporter la coupe des quatre maisons, Rogue n’hésiterait pas à le punir très sévèrement. Emilien continua à courir jusqu’à se trouver dans un passage secret assez étroit. Ah, lui et son expérience des passages secrets … La dernière fois, il avait dévalé un toboggan avant de finir dans les cachots, avec une Gryffondor. Ce pourquoi il s’arrêta après quelques mètres, et s’assit sur le sol – qui était étonnamment sec. Il ne savait pas où donnait ce passage, mais il avait besoin de souffler … Finalement, la journée commençait très bien ! Dans quelques heures, on ne parlerait que de ça, dans les couloirs de Poudlard. Pauvre Rusard … Emilien se mit à rire tout seul, quand il entendit du bruit à côté de lui. Presque dans le noir, il n’avait pas réalisé qu’il n’était pas totalement seul. Le Serpentard fit un bond en arrière et lança, d’une voix qui se voulait assurée :

- Qui est là ?

À peine Emilien eut-il posé sa question, toujours assis par terre, qu’il sentit quelque chose lui tomber dessus et lui couper le souffle brusquement. Sans comprendre ce qui se passait, Emilien chercha à reprendre son souffle et à distinguer quelque chose dans l’obscurité des cachots. C’était quoi ? C’était vivant, en tout cas ! Et plutôt froid, et humide. Emilien n’eut même pas le temps d’essayer de reconnaître la « chose » au toucher que celle-ci s’était déjà relevée. Les sourcils froncés, Emilien maudissait ses yeux ne pas être capable de s’habituer plus vite à l’obscurité. Les chats avaient bien de la chance, il leur suffisait de bien peu de lumière pour y voir clair … Lui, il voyait juste une forme devant lui, apparemment c’était un élève. Ou un elfe de maison particulièrement grand, ou un autre monstre dont la silhouette rappelait celle des enfants ! Le Serpentard hésitait à sortir sa baguette magique, et si Rogue était toujours dans le coin ? Il ne fallait pas qu’il voie la lumière de sa baguette, sinon il pouvait espérer être pris en retenue pour le restant de sa scolarité.

Ah, quelqu’un avait allumé de la lumière dans les cachots, Emilien y voyait beaucoup mieux. C’était bien un élève qui se tenait devant lui, et qui lui était tombé dessus. Il aurait pu s’excuser ! Il, ou elle ? Bonne question. Il lui semblait que c’était un élève de première année … En tout cas, il ne portait qu’un bas de pyjama, et en haut il avait des sortes de bandages étranges. De toute façon, à cet âge là, les filles n’avaient pas vraiment de formes, alors il n’aurait pas su dire … Est-ce qu’il ne l’avait pas déjà vu en classe ? Pas sûr. Admettons que ce soit une fille. Même si elle ne portait pas de haut de pyjama. Elle le fixait de ses yeux bleus, d’une manière qui ne lui plaisait pas vraiment. Elle venait de lui tomber dessus, elle avait même failli le tuer en lui coupant la respiration, et on aurait dit que c’était de sa faute ! Non mais, c’était le monde à l’envers, là ! Est-ce que c’était de sa faute si elle ne regardait pas où elle allait ? Peut-être qu’Emilien n’avait rien à faire là, mais elle non plus ! Non mais oh …

Emilien s’apprêtait à le lui faire remarquer, lorsque Peeves apparut. Ah, le fameux esprit farceur de Poudlard ! Tellement agréable … Il ne semblait vouloir épargner personne, bien qu’Emilien n’ait pas encore droit à ses blagues de si bon goût. Le Serpentard s’en étonnait, d’ailleurs, car Peeves l’avait déjà surpris en train de lancer une bombabouse ou de préparer quelque chose pour ce cher Rusard. Mais le fantôme semblait beaucoup apprécier la vision d’un Rusard hors de lui … Emilien était donc un chanceux, et il n’avait aucune envie d’avoir des ennuis avec l’esprit farceur. Il avait déjà vu ce dernier lancer des craies, des bouteilles d’encre, des seaux d’eau … Il ne tenait pas à devenir l’une de ses victimes. Mais selon les apparences, c’était après la jeune fille qu’il en avait. Il venait de lui faire peur – elle sursautait pour pas grand chose, quand même – et agitait quelque chose devant eux … Tiens, c’était marrant, ça ressemblait vaguement au bas de pyjama que portait l’élève. C’était Peeves qui le lui avait volé, le haut ?

Des voix se firent entendre. Rusard faisait un tel raffut que plusieurs professeurs étaient venus à sa rescousse, et que des élèves qui traînaient dans la salle commune – à sept heures, il fallait le faire – en avaient réveillé d’autres, et qu’ils venaient tous voir ce qui se passait … Ce n’était pas le moment de faire demi-tour, oh non ! Ils passaient si près qu’Emilien arrivait à comprendre ce que disaient certains. Eux non plus ne compatissaient pas pour Rusard, et c’était normal : il n’y avait que les Serpentard pour prendre ce chemin pour aller dans le hall. Même si Emilien aurait bien voulu se mêler à eux, sans pour autant leur dire que c’était lui, il n’était pas fou et savait qu’on pouvait le dénoncer ; malgré ça, il ne bougea pas. Il voulait des excuses, et il les aurait ! Mais la jeune fille, les larmes aux yeux, s’était mise à courir dans l’autre direction. Hé ! Elle s’enfuyait ! Pas question de la laisser partir comme ça, et puis de toute façon il ne voulait pas partir dans l’autre sens, et prendre le risque de tomber sur un professeur. Emilien courut à sa suite.

Une poursuite dans les cachots ? Dans un passage secret sombre ? Ça lui rappelait étrangement quelque chose … Sauf que cette fois, Rusard était dans le hall, sûrement en train de raconter aux professeurs qu’un monstre d’élève lui avait tendu un piège. Et qu’Emilien ne fuyait pas, il courait après quelqu’un ! De plus cette élève n’était pas Mariana Truc de Gryffondor, mais une fille – il doutait toujours, mais moins – qu’il ne connaissait pas. Le Serpentard finit par arriver dans une sorte de mini pièce, sans issue. Le passage finissait donc en cul-de-sac ! Il ferait mieux de le savoir, si jamais il décidait de passer par là pour échapper à quelqu’un, car ça pourrait lui être fatal dans d’autres circonstances … Mais alors, la fille était forcément là ! Il y avait beaucoup moins de lumière, mais il était beaucoup plus loin des gens, maintenant. Ce Pourquoi il se permit de sortir sa baguette magique, et de lancer un Lumos. Un des seuls sorts qu’il sache lancer correctement, par ailleurs. Il ne mit pas longtemps à repérer la fille, recroquevillée contre un mur.

- J’peux savoir ce que tu fais là ? demanda le Serpentard, comme s’il avait une quelconque autorité sur la jeune fille. T’as failli m’étouffer et t’as appris mon existence à Peeves, alors la moindre des choses, ce serait de t’excuser …

Peeves avait dû revenir pour rendre le haut de son pyjama à la fille, parce qu’elle était maintenant habillée plus décemment. Par contre, elle ne voulait pas lui répondre et se contenta de hocher la tête. Elle ne pouvait pas s’exprimer clairement, non ? Comment pourrait-il deviner ce qu’elle voulait dire, autrement ? Emilien était franchement énervé à présent, c’était sûrement l’attitude de la jeune fille qui lui tapait sur les nerfs. Bon, elle était tombée sur lui. Ce n’était pas la fin du monde ! Même si à ce moment-là, elle ne portait pas de haut … Quel besoin avait-elle eu de s’enfuir en courant ? Elle aurait pu juste d’excuser, et puis repartir. Après tout, la scène était plus comique que dramatique ! Mais non, elle était partie se cacher, comme s’il était capable de lui faire du mal, comme si elle avait peur de sa réaction. Ce qui était sûr, c’était qu’elle n’était pas à Gryffondor ! D’accord, il n’en connaissait qu’une, de Gryffondor. Mais même Mariana n’aurait pas réagi comme ça – non, il l’imaginait plutôt disant que c’était de sa faute à lui, mais bon … Ça, c’était encore autre chose. Et maintenant, la fille refusait même de lui parler ! Mais quoi, il faisait peur à ce point ?

Soudain, des pas se firent entendre dans le passage, et ils se dirigeaient droit vers eux ! La fille fut la première à réagir, elle prit Emilien par le bras et l’entraîna dans un coin sombre. Une silhouette apparut dans l’entrée de la petite pièce. C’était Rusard ! Toujours couvert de cette pâte verte et élastique – qui sentait super mauvais en plus – mais bien là, et l’air plus furieux que jamais. Emilien se mordit la lèvre pour ne pas rire, pas question de se faire repérer ! D’accord, Rusard ne l’avait pas vu au moment où il était sorti de son bureau, et donc il ne pouvait pas savoir que c’était à cause de lui qu’il se retrouvait repeint en vert. Mais Emilien était un Serpentard et serait donc forcément soupçonné. En plus, il se trouvait seul, dans un coin des cachots assez sombre, en compagnie d’une fille à l’air apeuré. C’était louche, quand même ! Emilien pourrait opposer tous les arguments qu’il voulait, si Rusard le trouvait, il n’avait plus qu’à demander quelqu’un pour rédiger son testament … qui serait assez simple, par ailleurs : tout pour Camille, à part les livres moldus qu’il ne supportait pas, et qu’il offrirait volontiers à son beau-père.

Mais la fille eut la bonne idée de faire croire au concierge, décidément bien stupide, que la lumière venait d’ailleurs … Et Rusard fit demi-tour ! Sans rien demander de plus ! Emilien soupira de soulagement, elle n’était pas si bête que ça, cette fille ! Quelle maison, alors ? Pas Gryffondor, comme on l’avait déjà dit, elle était tout sauf courageuse, pour s’enfuir de la sorte. Pas Serpentard, il l’aurait déjà vue ! Alors, Poufsouffle ou Serdaigle ? Il ne savait pas trop, enfin il verrait bien, au pire il suffirait de le lui demander. La fille s’écarta et pointa sa baguette sur lui. Hé, oh, il n’avait rien fait ! Elle ne voulait pas baisser sa baguette, un peu ? Elle avait peut-être tellement honte qu’elle voulait le faire disparaître ? Non ! Il ne voulait pas mourir comme ça ! Pas de la main d’une sale gamine peureuse incapable de lui faire face sans sa baguette ! Mais elle se contenta d’écrire dans l’air avec sa baguette. Quoi, elle ne voulait toujours pas lui parler ? Elle avait l’air drôlement habituée à faire ça, elle était peut-être muette ? Ou alors, elle avait peur que Rusard soit toujours dans le coin et puisse l’entendre ? Elle écrivit qu’elle était désolée – Ha ! C’était bien une fille ! – mais qu’elle ne s’excuserait pas pour l’avoir « sauvé de Rusard »

Avant qu’il n’ait pu dire quoi que ce soit – une fois de plus – la jeune fille repartit vers la sortie. Peeves apparut encore et se fit le plaisir de renverser un seau d’eau sur la pauvre fille avant de disparaître en ricanant. Décidément, il fallait croire qu’il s’acharnait sur elle ! Mais à cette heure-ci, il n’y avait pas beaucoup d’élèves réveillés, alors bon … Hé mais, la fille partait vers la sortie ? Ça voulait dire qu’elle allait croiser Rusard, et tous les professeurs venus à sa rescousse ! Elle voulait peut-être le dénoncer ! Si c’était le cas, pourquoi ne l’avait-elle pas fait lorsque Rusard était apparu ? Malgré ses doutes, Emilien la suivit mais ne réussit pas à la rattraper avant qu’elle n’atteigne un vrai couloir. Son sentiment d’appréhension quant à la punition qu’il pourrait recevoir s’évanouit d’un seul coup, lorsqu’il remarqua que plus personne ne traînait dans ce couloir, ni le concierge, ni les professeurs, ni même les élèves. Personne ! Il était sauvé ! Dans la lumière du couloir, Emilien aperçut la jeune fille et put l’observer plus en détail. Mais il ne se rappela pas l’avoir déjà vue en cours … Elle était peut-être en troisième année ? Il en doutait. Quand elle se mit à frapper contre le mur, Emilien se rapprocha vivement et s’interposa entre elle et le mur – pauvre mur, quel mal elle avait dû lui faire …

- Ça va pas, non ? fit-il en lui attrapant le poing pour éviter qu’elle ne continue à se défouler, mais sur lui, pour changer.

Hé, mais … ! Elle venait de parler ! Elle n’était pas muette, alors. Emilien avait du mal à comprendre pourquoi elle n’avait pas parlé plus tôt, dans ce cas … Lorsqu’elle lui était tombée dessus par exemple, ou plus tard, lorsqu’il lui avait demandé des explications. Jusque là, il avait mis ça sur le compte de la peur, mais il ne fallait pas exagérer … Même si elle devait parler pour elle-même, il répondit :

- Quelle idée de sortir à cette heure-là ! Y’a pas mieux si tu veux attirer Peeves …

Comme Emilien venait de le comprendre, la jeune fille n’était pas muette, et était loin de l’être. A peine lui eut-elle tourné le dos, qu’elle commença une longue tirade pleine de mots inutiles. Ça lui rappelait la première fois qu’il avait vu Lucy, au bord du lac. La jeune Serdaigle lui avait semblé bien hautaine, avec ses phrases compliquées, mais au fur et à mesure que la conversation avançait, soit elle s’était rendue compte de son agacement, soit c’était à cause d’un certain manque de confiance en elle qu’elle parlait comme ça, et elle s’était rendue compte qu’elle pouvait parler normalement avec lui et Bill. En tout cas, maintenant, lorsqu’ils discutaient, il n’était plus question de faire de longues phrases alambiquées. La façon de parler de la fille qui faisait face au mur, lui rappelait son amie de Serdaigle, ce pourquoi Emilien se dit qu’elle faisait sûrement partie de cette maison. Bon, c’était fondé sur ses préjugés, plus ou moins, mais … La fille n’était pas courageuse et n’avait pas un caractère de Serpentard. À partir de là, il ne restait pas grand chose ! Rien qu’à sa première phrase, Emilien avait tiqué, ne supportant pas cette façon de parler, même si c’était parfaitement correct, plus que ses propres phrases.

La jeune fille lui demandait donc pourquoi il était revenu. Euh, parce que c’était le seul chemin par lequel il pouvait sortir ? Non mais vraiment, quelle question ! Bon d’accord, c’était aussi parce qu’il avait eu peur qu’elle le dénonce. Mais dans ce cas, ce serait se dénoncer elle-même, non ? Il n’avait donc rien à craindre de ce côté là … Malgré tout, il n’avait pas confiance. Lui faire la leçon ? Il n’en avait jamais eu l’intention ! Les poings enfoncés dans ses poches, le Serpentard fixait l’élève devant lui, en attendant qu’elle ait fini de parler. Bien sûr que non il n’avait pas eu envie de lui faire la leçon, il avait seulement cherché un moyen d’entamer la conversation, quelques secondes plus tôt … Eh bien pour avoir cherché à commencer la conversation, il en avait commencé une ! Ou plutôt, il avait incité la fille à se lancer dans une longue tirade qui semblait sans fin ! Elle venait dire qu’elle n’avait pas envie de se disputer avec un Serpentard. Ah, et avec un Gryffondor, elle voulait bien ? Emilien se demanda pourquoi il était encore là ! Parce que sinon le topic se termine ? Si elle n’avait rien de plus intelligent à dire, ce n’était pas la peine qu’elle aille au bout de son petit discours !

Il voulut intervenir, mais elle continua. Emilien se retint de soupirer, après tout, il n’avait aucun intérêt à sortir des cachots, il devait y avoir plein de professeurs dans le hall. Au pire, il retournerait dans sa salle commune. La fille racontait que Peeves passait son temps à la « faire tourner en bourrique » depuis le début de l’année. Ah, la pauvre victime … En même temps, si elle réagissait comme ça à chaque fois, c’est-à-dire si elle sursautait, prenait peur et s’enfuyait, c’était normal que ça amuse l’esprit frappeur. Emilien ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel lorsqu’elle dit qu’il trouvait toujours un moyen pour la faire sortir de sa salle commune. Alors là, c’était vraiment de sa faute à elle ! Elle était stupide, ou quoi ? Et ça durait depuis une semaine ?! Mais elle n’était pas capable de comprendre qu’il ne fallait pas sortir ? Franchement, il ne fallait pas se plaindre, après. Quand on était assez stupide pour se faire avoir tous les soirs depuis une semaine … Non, elle n’était sûrement pas à Serdaigle. Il ne restait que Poufsouffle, après tout, pourquoi pas. Emilien attendit patiemment la fin de son speech, n’écoutant plus que d’une oreille distraite. « Je te pense assez intelligent … » Bla bla bla … « Et par conséquent … » Bla bla bla …

- C’est bon, t’as fini ? lâcha le Serpentard lorsque enfin, elle se tut, après s’être assise par terre, contre le mur.

Il fallait croire qu’elle faisait vraiment exprès. Il lui posait une simple question, juste destinée à commencer une conversation banale, mais elle, qu’est-ce qu’elle faisait ? Elle partait dans son discours … Elle n’aurait pas juste pu faire une remarque sur la méchanceté de l’esprit frappeur, puis par exemple, lui demander ce que lui faisait dans les cachots à cette heure là, ou bien se présenter et demander son nom ? Eh bien non ! Tout ce qu’elle avait dit, ça n’avait strictement aucun intérêt. Emilien s’en fichait bien, de ce qu’elle estimait lui devoir ou pas, de ses excuses maintes fois répétées – avec un air tellement sincère. Tout ce qu’il avait appris, c’était qu’elle était assez bête pour tomber dans les pièges de Peeves plusieurs fois de suite, et qu’elle n’aimait pas les Serpentard.

- Si c’était pour dire quelque chose d’aussi intéressant, c’était pas la peine de parler …

Quoi, il n’était pas sympa ? Bon, de toute façon, pour sa part, il était coincé dans les cachots pour quelque temps. Il ne voulait pas risquer de croiser à nouveau Rusard !

- Bon, j’veux bien faire un effort. Tu t’appelles comment ?