Après le déjeuner, Lucretia était remontée discrètement dans la salle commune de Poufsouffle, un parchemin noué par un fin ruban à la main. Elle l'avait déposé dans le dortoir des garçons, sur le lit qui, d'après les vêtements qui y étaient posés, semblait appartenir à Tony Anderson. Le parchemin, qui dégageait une presque imperceptible odeur de fleurs, contenait une écriture fine et soignée en ces termes:

Citation :

Tony,
Je n'ai pas eu le temps de te voir même entre deux cours depuis notre soirée à la tour d'astronomie. J'ai juste une petite chose à te demander, si tu n'es pas libre laisse moi un mot ou envoie moi un hibou. Sinon, je t'attendrai comme prévu.
Lucretia

Elle expliquait ensuite dans son mot comment se rendre dans une petite salle de classe du quatrième étage, dont elle avait entraperçu l'intérieur un soir en revenant d'un cours, et qui n'avait jamais l'air d'être occupée.

N'ayant pas reçu de nouvelles de Tony depuis, Lucretia quitta donc la Grande Salle assez tôt ce soir là et grimpa les marches qui la menèrent au quatrième étage. Elle poussa silencieusement une porte en bois et se retrouva dans une petite salle dépourvue de chaises et de tables, et dont la lumière se faisait faible à travers les vitraux à cause de la nuit tombante. L'aspect de la salle était plutôt agréable et quelques bougies en réchauffaient l'atmosphère.
Lucretia s'assit au pied d'une des colonnes de pierre qui soutenaient une voûte magnifique, et se mit à attendre, perdue dans ses pensées.

Deux jours seulement s'étaient écoulés depuis son entrevue sous le ciel étoilé avec Tony. Deux jours d'impatience et d'appréhension, de questions qui se bousculaient dans sa tête. Etait-elle allée trop loin? Le connaissait-elle aussi bien qu'elle l'avait ressenti en échangeant avec lui ses quelques mots si intenses? Allait-il venir à son rendez-vous, qu'allait-il penser de son invitation?
Lucretia avait en effet dans l'idée de lui proposer de l'accompagner au bal de Noël qui approchait. Elle regrettait d'avoir oublié de le lui demander le soir même où ils s'étaient rencontrés, le bal se faisant si proche maintenant... La pensée soudaine qu'il puisse déjà avoir une cavalière lui traversa l'esprit et son coeur s'accéléra.

En relevant la tête, elle aperçut alors ce dont elle n'avait pas tout de suite fait attention en entrant dans la pièce: un magnifique miroir se tenait sur toute la hauteur de la pièce, avec un cadre d'or sculpté, posé sur deux pieds pourvus de griffes. Elle se leva doucement et s'en approcha, désireuse de regarder de plus près son reflet mais aussi ce superbe objet qu'elle avait devant elle.

- Risèd elrue ocnot edsi amega siv notsap ert nomen ej... lut-elle lentement, ne parvenant pas à saisir le sens de cette inscription étrange gravée dans le cadre du miroir.

**Quelle est cette langue biza...**

-AAAAAH !!

Lucretia fit un bond de trois mètres lorsqu'elle se plaça dans l'encadrement de l'immense objet. Elle se retourna immédiatement et constata que personne n'était derrière elle, contrairement à ce que le reflet venait de lui montrer. Elle se retourna alors lentement vers le miroir et écarta de son esprit l'hypothèse d'une hallucination: son image la renvoyait bien à elle-même, mais aussi à ses parents qui se tenaient derrière elle, un sourire rayonnant aux lèvres, main dans la main. Deux autres jeunes personnes entouraient également la Jaune et Noir, une petite fille qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau ainsi qu'un garçon, un peu plus âgé qu'elle, dont le visage s'apparentait davantage à celui de son père.

Après quelques autres mouvements de tête pour s'assurer qu'elle était bien seule, Lucretia essaya d'interpréter ce qu'elle avait sous les yeux: rien de bien inhabituel, hormis ce frère et cette soeur (visiblement) que, fille unique, elle n'avait jamais eu...
Elle remarqua cependant après un petit bout de temps que quelque chose chez ses parents lui paraissait étrange, bien que leur apparence soit normale: le lien qui semblait les unir dans ce reflet paraissait très intense, ses parents s'unissaient à merveille et, détail qui lui sauta aux yeux lorsqu'elle l'aperçut, son père portait une robe de sorcier...

Lucretia pouffa d'abord de rire devant cette vision de son père, normalement Moldu jusqu'au bout des orteils, puis son sourire s'effaça peu à peu en observant encore une fois la complicité de ses parents qu'elle n'avait jamais constaté auparavant dans la "réalité"...

La jeune fille contemplait ainsi son image au milieu d'une famille unie lorsqu'un bruit la fit de nouveau sursauter et tourner la tête vers l'entrée de la pièce. Elle eut tout juste le temps d'apercevoir que le reflet dans le miroir se brouillait, puis ses yeux restèrent fixés avec appréhension sur la porte qui était en train de s'ouvrir...

Tony venait d'arriver à la salle du quatrième étage comme indiqué par Lucretia sur son parchemin, qu'il n'avait d'ailleurs pas quitté depuis qu'il l'eut trouvé sur son lit. Le jaune et noir n'avait pas cessé de penser à elle depuis leur rencontre à la tour d'astronomie et il avait été empris d'une immense joie en apprenant que celle-ci voulait le revoir.

Le moment était enfin venu et le coeur de Tony palpitait avec force dans sa poitrine. Discrètement, il poussa la massive porte en bois pour ne pas alerter d'enventuels perturbateurs et rentra d'un pas incertain. Il fit alors face à une salle relativement sombre, vaguement éclairée par quelques bougies, et où régnait une forte odeur de renfermé. En s'avançant pas à pas au coeur de cette pièce, il décela une silhouette qui ne lui était pas inconnue. En effet, l'ange descendu quelques jours plus tôt sur la tour, se trouvait là, immobile devant un gigantesque miroir, la tête tournée vers lui.

"Salut! Co...comment vas-tu?" demanda t'il en lui souriant, sentant comme un sentiment de joie et de réconfort en lui.

Tony avait attendu ce moment avec impatience. Il n'avait pu oublier les émotions qu'ils avaient partagés lors de leur première rencontre et une vague de chaleur l'envahissait à chaque fois qu'il repensait à l'avalanche d'"au revoir" que lui avait donnée Lucretia avant de retourner se coucher.

Celle-ci semblait exactement la même depuis cette magnifique soirée passée à la belle étoile mais une chose toutefois paraissait différent. Tony mit alors une petite seconde à comprendre que le sourire qu'il avait pris l'habitude de voir sur son visage s'était comme effacé.

Pendant que la jaune et noire lui répondait, le jeune Poufsouffle admira la magnifique structure du miroir. Il s'attarda alors sur les inscriptions qui se trouvaient gravées dans la partie supérieure de l'imposant cadre doré...

Dès que Tony eut passé l'encadrement de la porte, Lucretia sentit son coeur faire une embardée et se laissait peu à peu envahir par la même nervosité qu'elle avait ressenti à leur première rencontre. Elle reconnut ses cheveux sombres et son visage fin, encore plus mystérieux à la lueur de la bougie...

Un large sourire se dessina sur le visage de Lucretia tandisqu'elle le regardait approcher. Elle écouta avec délice le son de sa voix, et se rendit compte à quel point il lui avait manqué...

- Je... ça va. Et toi ? Ca ne te dérangeait pas de venir jusqu'ici ? Je ne t'ai pas vu dans la salle commune alors...

Du coin de l'oeil, elle pouvait apercevoir l'encadrement doré du miroir juste à côté d'elle, et ce qu'elle venait d'y voir lui revint à l'esprit, effaçant légèrement son sourire. A l'air interrogateur de Tony, elle supposa qu'il avait dû remarquer ce changement et fut soulagée quand il détourna les yeux pour contempler l'immense objet qui dominait la pièce.

- Tu comprends quelque chose à ces inscriptions?lui demanda-t-elle en tournant la tête à son tour vers le miroir.

Ce ne fut alors plus une simple vague de chaleur qui l'envahit: elle ressentit comme un véritable choc électrique en voyant l'image que lui montrait maintenant la surface argentée, et détourna la tête aussi vite qu'elle le put, comme si elle avait peur que Tony puisse voir lui aussi ce reflet ensorcelé.
En effet, elle avait pu voir, l'espace de deux secondes, sa propre personne en compagnie du Jaune et Noir qui se trouvait actuellement dans la même pièce qu'elle, mais dans le reflet celui-ci l'entourait de ses bras, lui caressait les cheveux, lui murmurant à l'oreille des mots qu'elle ne pouvait pas entendre... Ce fut lorsqu'elle vit leurs deux visages empreints d'un bonheur intense se rapprocher l'un de l'autre que, de l'autre côté du miroir, Lucretia avait brusquement tourné la tête et regardait maintenant le vrai Tony, celui qui se trouvait encore à quelques mètres d'elle...

Aucun son ne parvint à sortir de sa bouche à ce moment précis. La respiration haletante, elle espérait de toutes ses forces qu'il ne s'était aperçu de rien...

Dès lors que Lucretia prit la parole, Tony se sentit chavirer et son coeur s'accélera anormalement, comme stimulé par un intense plaisir en entendant sa douce et mélodieuse voie:

"Je vais bien oui! Et ne t'inquiète pas, c'est un bonheur d'être ici, surtout en ta compagnie," dit-il calmement avec son plus beau sourire, le regard croisant le sien avant d'aller se reposer sur les inscriptions.

Après que la belle Poufsouffle lui ait demandé ce qu'il pensait de la "phrase" gravée sur le cadre, Tony fit un signe de la main comme pour lui demander de patienter.
Au bout d'un moment, il ferma les yeux. Le jaune et noir paraissait faire preuve d'une grande concentration et, quelques minutes plus tard, il tourna lentement la tête et regarda Lucretia dans les yeux, d'un air satisfait.

"C'est très simple, regarde!" Il s'approcha tout près d'elle et lui montra du doigt la phrase, "Risèd elrue ocnot edsi amega siv notsap ert nomen ej". Avec des signes de la main comme pour repositionner les mots, Tony continua: "En mettant cette phrase à l'envers, on obtient: je nemon tre paston vis agema isde tonco eurle désir. Ensuite, il suffit de réorganiser la troncature des mots. Voici donc la phrase finale: Je ne montre pas ton visage mais de ton coeur le désir.
Quant à savoir pourquoi elle est écrite sur ce miroir, je n'en ai pas la moindre idée."

Depuis le début, le jeune Poufsouffle n'avait quasiment pas quitté des yeux la partie supérieure du miroir et quelle ne fut pas sa surprise à la vue de ce qu'il lui révéla. Tony dut alors s'y reprendre à deux fois avant de croire ce qu'il avait en face de lui.
Soudainement, il tourna la tête vers Lucretia et ses yeux firent un nombre incroyable d'aller-retour entre elle et la révélation du miroir: Ils se tenaient tout les deux face à face, plus proches que jamais et une intime complicité reliait les deux êtres. C'est alors qu'il compris...

Cette fois, il se retourna plus longuement vers la mystérieuse créature qui se tenait juste à côté de lui et décela dans son regard comme une lueur d'inquiétude. La question qui lui vint alors à l'esprit était: "A t'elle également vu cela?" Le jaune et noir mourrait d'envie de lui demander mais si ce n'était pas le cas, pour quoi passerait-il? Que penserait-elle? Sa timidité reprenant le dessus, Tony se tut en sachant de toute manière que des réponses finiraient par arriver...

Lucretia, de plus en plus nerveuse, était persuadée que Tony allait pouvoir entendre les battements de son coeur tellement ceux-ci s'intensifièrent lorsqu'il s'approcha d'elle pour décoder les inscriptions. Elle respirait son doux parfum, n'écoutant d'abord que vaguement ce qu'il lui expliquait...
Mais quelques secondes après qu'il eut fini de parler, les mots qu'il venait de traduire arrivèrent brusquement à l'esprit de Lucretia qui se figea sur place. Elle les relut lentement et fit le lien avec ce qu'elle venait de voir. Il avait raison, ce n'était pas possible autrement...

Paralysée, elle vit alors que Tony regardait maintenant la surface du miroir, avec la même expression de stupéfaction qu'elle quelques instants plus tôt. Elle remarqua qu'il lui jetait des brefs coups d'oeil de temps à autre et la question qui lui brûlait les lèvres lui échappa alors sans qu'elle n'ait pu la retenir:

-Tu vois... quelque chose... euh... tu vois quelque chose de spécial ?

Tony avait maintenant les yeux posés sur elle. Lucretia décida d'anticiper le moment où il lui retournerait la question et lui dit d'une voix incertaine:

- C'est vrai que... ça n'a pas l'air d'être un miroir ordinaire, avant que tu n'arrives je me suis vue avec... mes parents, je crois que c'est parce qu'ils s'apprêtent à divorcer...

Elle se sentit soudain ridicule d'exposer ainsi sa vie à quelqu'un qui avait peut-être des problèmes bien plus graves que les siens, mais elle continua, désireuse de faire part à Tony de ses doutes sur cet étrange objet:

- Mais peut-être que c'était... je ne sais pas, une hallucination, car j'ai regardé à nouveau et je crois que l'image a... changé...

Lucretia avait prononcé ces derniers mots à voix basse, leur proximité à cet instant suffisant amplement pour que Tony puisse l'entendre. Puis elle s'était tue, contemplant le visage d'ange qui se trouvait tout près du sien, avec une impatience grandissante de savoir quelle forme avait bien pu prendre son reflet...

La question était posée. Tony fut alors confronté à un choix difficile, devait-il dire ce qu'il avait réellement vu ou alors mentir sur la réalité. Ayant très bien compris en quoi consistait les reflets de ce miroir, il savais maintenant d'où provenaient les sentiments et les liens qui se formaient à chaque fois qu'il était en compagnie de Lucretia. Le jaune et noir, partagé entre une naturelle timidité et un besoin d'honnêteté envers cette fille merveilleuse, décida de lui dire:

"Je... je n'en suis pas sûr,... mais je crois, que... en fait... on était tout les deux là, et... euhh", Tony restait comme bloqué en voulant aborder les détails, "...enfin... ce n'est pas très important!"

Le profond et sombre décor de la salle était loin d'être réconfortant pour les deux être mais le lien qui semblait s'être créé entre eux outrepassait l'austérité de l'environnement et ravivait une flamme de joie et de bien-être dans le coeur de Tony. Etonné que la jeune Poufsouffle partage avec lui sa vie familiale, il était toutefois heureux qu'elle lui confie cela, marque d'une certaine confiance.
Mais Tony resta cloué en apprenant qu'un autre reflet s'était livré à elle. De quoi pouvait-il s'agir cette fois? Sans hésitation, Tony continua:

"Et en quoi l'image s'est-elle transformée la seconde fois?"

N'osant plus se trouner vers le miroir, le jaune et noir aux yeux bleus se replongea dans le doux regard de Lucretia...

Même si elle avait voulu détourner la question à ce moment là, Lucretia n'aurait pas pu résister au regard bleu de Tony posé sur elle et à sa voix à la fois douce et grave. Il avait été sincère avec elle, elle devait l'être tout autant...

- C'est vrai ? euh... Je crois me souvenir... **Sois sincère j'ai dit!** Non en fait je me souviens très bien... j'ai vu la même chose que toi.

Plus gênée que jamais, elle baissa un peu la tête et risqua un coup d'oeil vers le miroir, où les deux Poufsouffles étaient maintenant encore plus proches qu'en réalité. Elle n'arrivait d'ailleurs même pas à voir s'il existait encore une distance entre leurs deux visages...
Les joues écarlates, elle se reconcentra sur le vrai Tony qui se tenait en face d'elle et se souvint alors de la raison première (ou en tout cas de l'excuse) pour laquelle elle l'avait invité à venir ici... Soulagée de pouvoir détendre quelques instants la situation par un autre sujet, elle lui dit précipitamment:

- Ah oui, au fait, tu... tu te demandes sûrement pourquoi je t'ai emmené ici, comme je te l'ai écrit je n'ai pas eu beaucoup de temps pour te parler cette semaine, et discuter tranquillement dans la salle commune devient difficile à cause du monde qu'il y a... En fait je voulais juste te demander si... si tu accepterais de m'accompagner au bal de Noël qui sera organisé dans peu de temps...

Elle le regarda en silence quelques secondes puis poursuivit, son coeur s'accélérant:

- Oh bien sûr, il se peut que tu aies déjà une cavalière, ou que tu n'aies tout simplement pas envie de venir... dans ce cas... je comprendrais...

Elle baissa alors la tête à nouveau, rougissant en apercevant le cou de Tony qu'elle avait si longuement couvert de baisers quelques soirs auparavant, et attendit sa réponse avec appréhension en se demandant ce qui se passerait ensuite, une fois que le miroir et ce qu'il montrait seraient revenus au coeur de leurs pensées...

Une intense décharge vint frapper Tony au moment où la fille dévoila son second reflet. C'est alors que de nombreuses questions vinrent à nouveau se bousculer dans son esprit; Que penser? Cela voulait-il dire que... ? En effet, tout était explicite dans son esprit mais le jaune et noir ne pouvait cesser de se remettre en question par rapport à cet ange, plus par un certain manque de confiance en soi que par timidité.

Toutefois il fut heureux de pouvoir changer de sujet lorsque Lucretia lui annonça la réelle raison de sa venue ici. Ce n'est d'ailleurs plus un simple bien-être mais un véritable bonheur qui envahit Tony lorsqu'il compris qu'elle avait organisée cela pour lui demander de l'accompagner au bal de noël! Mais on aurait dit que chacun avait quelque chose d'autre en tête...

Le jeune Poufsouffle la sentait quelque peu mal à l'aise et commença à lui répondre en interceptant tant bien que mal son regard à chaque fois qu'il n'était pas dirigé vers le miroir ou vers le sol, froid et poussiéreux:

"Ben... moi... Oui j'accepte! Ce serai avec joie de t'accompagner au bal de noël, dit-il en rougissant légèrement. "Mais le truc, c'est que... euh... j'ai entendu des rumeurs dans les couloirs comme quoi... ce serai... euhh... un bal masqué, c'est à dire avec un partenaire aléatoire", continua t-il d'un air attristé.

Espérant ne pas avoir gâché le moment, Tony sortit de l'intérieur de sa veste (Oui il s'est changé avant de venir ici, c'est pas très classe une robe de sorcier^^) un parchemin et lançant un sourire charmeur à Lucretia:

"J'ai beaucoup apprécié ton idée du parchemin! C'est très agréable d'aller se coucher et de découvrir cela sur son lit", puis il le respira longuement et de demander d'un ton interrogateur... "jasmin n'est-ce pas?"

En arrivant dans cette salle quelques instants plus tôt, Lucretia était persuadée qu'elle ressentirait une grande déception si un inconvénient se présentait pour le bal de Noël. Cependant, d'autres pensées occupaient maintenant son esprit, celles du reflet que Tony avait vu dans le miroir, et le léger sourire qui était alors venu éclairer le visage de la jeune fille ne s'effaça qu'à peine lorsqu'il lui exposa le problème.
L'instant qu'elle était en train de vivre lui importait davantage que cette réponse. La présence rassurante de Tony auprès d'elle, leur proximité et les battements de son coeur de plus en plus intenses firent rapidement oublier à la jeune fille ce simple bal de Noël, qui n'était rien à ses yeux comparé à leur intimité à cet instant.

La Jaune et Noir s'apprêta donc à répondre quelque chose de rassurant à Tony lorsque celui ci lui montra le parchemin qu'elle lui avait déposé sur son lit. Surprise, elle sourit en l'entendant demander si l'odeur qui en était imprégnée était celle du jasmin.

- Euh... Peut-être, je ne m'y connais pas trop en nom de fleurs à vrai dire, même si je les aime beaucoup... Ca doit être mon parfum, j'ai gardé ce parchemin sur moi le temps de pouvoir te le déposer...

Elle était heureuse que l'idée de cette invitation ne lui ait pas paru déplacée. Reprenant peu à peu confiance en elle, la jeune fille s'aperçut qu'elle ne savait plus quoi faire de ses mains, qui étaient maintenant sur le point d'effleurer celles de Tony... Elle n'hésita donc pas très longtemps avant de les lui prendre délicatement, envahie soudain par l'agréable douceur de sa peau. Toujours souriante, elle lui parla d'une voix qu'elle arrivait maintenant davantage à garder calme:

- Ce n'est pas grave pour le bal. Et puis, on pourra toujours s'y voir, on ne sera pas obligés de rester tout le temps avec nos cavaliers. Enfin, si tu veux bien... Mais il paraît que le parc est magnifique la nuit, ce sera une rare occasion d'aller s'y promener...

Elle-même étonnée de ce qu'elle venait de dire, Lucretia se sentait maintenant presque aussi proche de Tony que dans le reflet du miroir, qu'elle n'osa pas regarder à cet instant. Un frisson la parcourut, dont elle n'aurait pas su dire s'il était causé par le froid ou par cette ressemblance grandissante entre le rêve et la réalité...

Le coeur de Tony battait à tout rompre alors que Lucretia venait de se saisir de ses mains. Elle faisait preuve d'une grande délicatesse et la douceur de sa peau n'avait d'égale que celle d'un ange. Les deux Poufsouffles semblaient s'intimider l'un l'autre et , depuis quelques minutes, le jaune et noir arborait une charmante teinte rougeâtre sur son visage.

Contrairement à leur première rencontre à la tour d'astronomie, Tony faisait preuve de plus d'assurance et sa timidité se ressentait de moins en moins. C'est alors que presque instinctivement, ses pouces vinrent caresser l'agréable surface des mains de cette si belle créature.

Une silence se fit et les deux êtres respectaient mutuellement la magie de ce doux moment. Finalement, Tony la regarda dans les yeux et lui dit d'une voix plus basse et plus complice que jusqu'à présent:

"Ne t'en fais pas! Nous nous retrouverons sûrement pendant le bal. Aucune fille ne dois mieux danser que toi et ce serai un plaisir de passer une partie de la fête en ta compagnie." Tony rougissa de plus belle mais une évidente sincérité se dégageait de ses paroles. "Et puis avec un peu de chance, nous tomberons ensemble", continua t-il en affichant un large sourire.

Tony fit alors de nouveau place au silence et n'osait plus bouger. L'intense chaleur qui s'était empris de son coeur faisait ce soir de lui le plus heureux et il n'aurait rompu pour rien au monde ce lien les unissant...

Les membres de Lucretia furent comme paralysés à l'écoute de ce que lui murmura Tony à l'oreille. Son sourire s'élargit, tandis que la chaleur du corps de Tony contre le sien la détendait à nouveau peu à peu. Les sentiments qu'il avait envers elle étaient réciproques en tous points, cependant elle réféchissait à toute vitesse à la réponse qu'elle allait lui donner. Ses pensées furent stoppées net en sentant le visage du Jaune et Noir tout près du sien, lorsqu'il lui déposa un baiser sur la joue. Sa main libérée de celle de Tony qui parcourait à présent son dos vint se poser sur sa nuque, puis elle releva la tête en évitant soigneusement la vue du Miroir.

- C'est vrai, moi aussi... enfin... je disais que c'était étrange car... je ne connais presque rien de toi, et pourtant j'ai l'impression de pouvoir partager autant de choses que si nous étions proches depuis toujours, et... je ne pensais pas que c'était possible.

Tandis que les doigts fins de Lucretia se glissaient dans sa chevelure sombre, elle observa le visage de Tony et son attention se porta sur ses lunettes, qu'elle remarquait rarement. Elle s'aperçut alors qu'elle n'avait jamais regardé ses yeux sans, et elle les lui enleva délicatement en souriant.

- Excuse moi, tu ne dois rien y voir... Je voulais juste voir tes yeux... directement. Ils sont vraiment magnifiques...

Rougissant de ce retour soudain de confiance en elle, Lucretia se tut et repensa au baiser que Tony lui avait donné quelques secondes auparavant. Il avait été si furtif... La jeune fille ressentit alors le besoin de retrouver cette sensation, et, sans tenter de réfléchir aux conséquences de son geste, s'approcha très lentement de Tony et unit ses lèvres aux siennes avec toute la douceur des sentiments qu'ils avaient partagé jusque là...

Durant le bref moment où leurs lèvres se sont parcourues, le temps s’était comme arrêté et Tony aurait voulu que cet instant demeure infini. Il n’avait jamais ressenti une telle sensation, et avoir partagé ce moment avec Lucretia le saisissait d’un immense bonheur.

Il savait que, depuis cette soirée à la tour d’astronomie, ce moment arriverait et les deux Poufsouffles avaient sans aucun doute ressentis cet éclair s’immiscer dans leur cœur. Malgré un magnifique ciel sans nuages et parsemé d’étoiles, la foudre les avaient frappées ce soir là.
Jamais Tony ne pourrait oublier ce fabuleux moment où un ange est descendu du ciel ; ce moment où une princesse est sortie de son château ; ce moment où une déesse a quitté l’Olympe pour venir le retrouver.

Dans l’instant, il n’avait pas réalisé que la jaune et noire lui avait enlevé les lunettes. En effet, sa vue semblait s’améliorer au fur et à mesure qu’il grandissait à tel point maintenant qu’il en avait omis l’absence. Tony lui pris alors lentement les lunettes des mains puis les replia avant de les glisser dans sa poche intérieure :

« Je me demande si j’en ai vraiment besoin ! Je…j’ai l’impression de voir de mieux en mieux sans… », lui dit-il en lui souriant instinctivement.

Le jaune et noir pris alors délicatement ses deux mains dans les siennes et les caressa dans un mouvement des pouces avant de la regarder fixement dans les yeux :

« Tu as aussi des yeux d’une rare beauté… Et tes mains sont d’une incomparable douceur »

Ne désirant plus se retourner vers le miroir de manière à être maître de son destin, Tony la réembrassa tendrement. Ce soir était le plus beau de sa vie, et il profitait de chaque minutes, de chaque seconde passée en sa compagnie, glanant au plus profond de ses yeux chaque sentiment qui l’animait…

Une foule de sentiments mêlés à une certaine peur animaient Lucretia depuis que Tony l’avait rejoint dans cette pièce. Elle ressentait un intense bonheur que venait parfois perturber ses questionnements sur ce qui allait advenir…
Elle ne regrettait en rien d’avoir laissé s’exprimer son désir de l’embrasser, mais s’était sentie tout à coup transformée, comme si un éclair était venu déchirer le ciel de sa vie solitaire et sans vagues, laissant se déverser sur son univers une pluie de sentiments… Si elle y réfléchissait bien, jamais quelqu’un ne l’avait autant mise en valeur ni ne lui avait fait de tels compliments, pas même sa famille, qui l’aimait certes, mais avait toujours réduit son affection au strict minimum. Et voilà qu’en si peu de temps, l’être qui se trouvait en face d’elle à cet instant semblait l’avoir placé au plus haut de son estime, faisait d’elle une déesse…
Malgré cette sensation nouvelle, Lucretia ne pouvait que faire confiance à celui qui avait instantanément pris une place si importante dans son cœur. C’était sur la confiance qu’elle avait en elle-même qu’elle éprouvait des doutes, se demandant si elle valait vraiment autant que ce que Tony semblait lui faire comprendre… Allait-elle demeurer longtemps l’objet d’une telle estime, l’héroïne d’un tel rêve ? Qu’avait-elle de si spécial aux yeux de cette personne alors que, de toute sa vie, nulle autre n’avait jamais semblé éprouver une telle passion pour elle ?
La jeune fille ne se détachait pas du regard de Tony, qui la rassurait et l’enivrait de douceur. Cependant, le Miroir toujours présent à quelques centimètres d’elle semblait la narguer, et elle aurait juré que les reflets éblouissants qu’il projetait de temps à autre n’étaient pas l’effet de la lueur de la bougie sur sa surface argentée mais celui de l’objet lui-même. Subrepticement, ses doutes la poussèrent alors à vouloir regarder son reflet, oubliant un instant les vertus magiques du Miroir… Ce qu’elle y vit alors était l’exacte situation dans laquelle elle se trouvait quelques instants plus tôt. Elle rougit et se retourna vers Tony, lorsqu’un étrange craquement se fit entendre en provenance du couloir, derrière la porte…

- Oh… Tu sais quelle heure il est ? Si on nous trouve ici… murmura-t-elle à Tony en souriant.

Elle se figea un instant, tendant l’oreille. Elle aurait juré entendre à présent des bruits de pas en direction de la pièce dans laquelle ils se trouvaient.
**Rusard, par pitié, pas toi... Si jamais tu viens interrompre le plus merveilleux moment de toute ma vie...**
Tenant toujours les mains de Tony entre les siennes, elle les embrassa furtivement et se remit à murmurer :

- On devrait peut-être essayer de rentrer… à la salle commune ?

Tony savait que ce fabuleux moment finirai par toucher à sa fin et il le sentait venir. A chaque fois qu’ils se séparaient, cela lui paraissait une éternité, comme s’il la quittait définitivement. Toutefois, le bonheur qu’il avait éprouvé en sa compagnie ce soir surpassait largement les autres sentiments marquant les douloureuses difficiles journées où ils ne pouvaient se voir. Depuis leur rencontre à la tour d’astronomie, Tony avait attendu ce moment avec impatience et ce qu’ils ont partagés aujourd’hui dépassa de loin ses espérances tant ce fut intense de sentiments.

C’est alors que la porte grinça bruyamment comme si elle menaçait de s’ouvrir à la volée. Toutefois, elle bougea lentement et un courant d’air frais, presque froid, vint parcourir l’échine des deux Poufsouffles. Sans y réfléchir à deux fois, le jaune et noir tira rapidement Lucretia par la main jusque derrière le miroir et lui fit signe de se taire. Discrètement, il passa la tête hors de leur cachette et jeta un coup d’œil vers la porte. Un affreux chat gris noir venait de se faufiler par l’ouverture et les traits de Tony se creusèrent en affichant une certaine inquiétude à la vue du regard sadique délivré par les yeux ensanglantés de l’animal.

Ce n’est rien comparé à ce qu’il vit maintenant alors que son cœur s’accéléra brutalement. En effet, pour confirmer ses doutes, Tony passa la main dans la poche intérieure de sa veste:

*Et merde !*

Les lunettes du jeune Poufsouffle gisaient par terre, devant le miroir. Une seule solution prudente s’offrait maintenant à lui. C’est ainsi qu’il se saisit de sa baguette magique le plus délicatement possible, se concentra quelques secondes avant de chuchoter la formule de lévitation accompagnée d’un geste parfaitement réalisé :

« Wingardium Leviosa ! », rien ne se passa.

« Wingardium Leviosa ! », à nouveau rien. Tony n’avait encore jamais utilisé la magie en dehors des cours mais il devait réussir pour éviter une inéluctable retenue. C’est alors que sans véritablement le vouloir, il recommença d’une voix franche :

« Wingardium Leviosa ! » A la plus grande joie du jaune et noir, celles-ci s’élevèrent lentement dans les airs et très lentement les rejoignit derrière le miroir. Malgré tout, Tony fut conscient qu’il avait réussi cela mais le bruit qu’il avait fait n’allait pas les arranger. L’horrible morceau de chair et d’os sensé ressembler à un chat s’était arrêté net et regardait en direction du miroir, prêt à bondir au prochain indice de leur présence quand tout à coup, la porte s’ouvrit dans un fracas épouvantable. En voyant la silhouette certaine de Rusard dans l’encadrement de la porte, le Poufsouffle se redissimula entièrement derrière le gigantesque miroir et regarda Lucretia sans la moindre expression.

Citation :

« Qui est là ? »

Le cœur de Tony battait maintenant à lui exploser le cœur tout rompre et il sera plus fortement la main de Lucretia. Il pouvait sentir son pouls qui n’était également pas dans sa période la plus calme et le jaune et noir passa alors le bras autour de son cou en lui caressant sa douce chevelure d’ébène.

Pendant ce temps l’on pouvait entendre le concierge s’enfoncer dans la salle de son habituel pas claudicant. Quelques instants plus tard, un silence de mort pris place entrecoupé parfois de légers ronronnements. Ce moment paru durer une éternité quand enfin les bruits de pas semblèrent s’éloigner. En effet, la massive porte en bois se fit entendre en faisant hurler ses gonds de métal rouillés. Tony regarda discrètement dans la pièce pour s’assurer de l’absence de Rusard et se retourna vers Lucretia en lui souriant amoureusement :

« Et ben ! On a eu chaud… Tu as raison, il est temps d’y aller »

Le Poufsouffle l’embrassa, puis, main dans la main, ils se dirigèrent sans bruit vers la sortie. Le jaune et noir ouvrit alors si lentement la porte que cela se fit dans un silence absolu, puis il jeta alors un œil de chaque côté :

« C’est bon ! »

Ainsi, les deux Poufsouffles quittèrent cette salle qui demeurerait à jamais pour Tony un lieu imprégné de sentiments plus forts les uns que les autres. Après avoir pris soin de refermer la porte sans bruit, ils s’engoufrèrent dans les sombres couloirs de Poudlard en direction de la salle commune…





... Tony appréciait beaucoup ce moment où ils marchaient là, silencieusement, dans l'immensité de Poudlard. Un silence si intense que chacun des poufsouffles aurait pu entendre les pensées de l'autre, un silence si agréable que parler aurait rompu tout le charme de l'instant, un silence si doux qu'il rechauffait le coeur de la fraîcheur hivernale...





…C’est alors qu’à l’intersection de deux couloirs, une main ferme l’attrapa par l’épaule et le tira violemment contre le mur:

Citation :

« J’en étais sûr que j’avais entendu quelqu’un ! Et un Poufsouffle de 1ère année par-dessus le marché… »

Rusard! Tony n’eut d’autre solution que de lâcher la douce main de Lucretia et le concierge bancal ne semblait pas faire attention à elle, comme si il reprochait en particulier au jaune et noir un grave méfait quand celui-ci lui répondit fermement :

« Quoi un Poufsouffle ? Il y a un problème avec ça ?" lui dit-il en lui jetant un regard de braise, d'un air de défi et surtout furieux que ce moment soit ainsi rompu.

Toutefois, Tony était intérieurement heureux que Lucretia soit ignorée pour le concierge car il ne désirait pas qu’elle aille aussi en retenue. Discrètement, pendant que Rusard lui jetait constamment un regard noir prêt à lui déballer d’innombrables remontrances, le jeune Poufsouffle fit un petit signe de la main à la personne qui comptait le plus pour lui comme pour lui dire de partir rapidement, tant qu’il s’occupait de lui...

Lucretia eut exactement la même idée que Tony lorsque la porte de la salle s’ouvrit : se cacher derrière le Miroir. Mais le temps qu’elle la lui suggère, son prince charmant l’y avait déjà emmené et lui faisait signe de se taire.

**Sauvés…** pensa-t-elle en souriant.

Elle se remit à caresser la main de Tony en attendant la suite des évènements, puis se figea lorsqu’elle l’entendit prononcer une formule pour récupérer ses lunettes. Le regard fixé sur lui, elle le suppliait intérieurement de ne pas faire trop de bruit, et ferma les yeux avec appréhension lorsque la voix de Rusard se fit entendre.

**Dé-gage…**

Puis, le concierge parti, tout se passa très vite dans l’esprit de la jeune fille du moment où ils sortirent de leur cachette jusqu’à l’intersection des deux couloirs, où ce que redoutait Lucretia malgré le charme de ces instant furtifs finit par se passer : elle se sentit comme arrachée d’une moitié d’elle-même lorsque la chose la momie Cousin Machin (bon, je sors...) Rusard surgit d’un coin sombre et attrapa Tony. La Poufsouffle sentit son cœur s’accélérer, ne s’étant jamais retrouvé de sa vie dans une situation aussi risquée. Elle n’entendit même pas les mots que prononça le concierge à l’intention du Jaune et Noir, trop occupée à réfléchir à toute vitesse à un moyen de sortir d’ici. Tony lui en donna la réponse d’un signe de main qui lui indiquait de déguerpir. Lucretia fronça les sourcils et le regarda d’un air protestateur, d’un air de dire « Pas question ! ». Elle lisait dans ses yeux bleus toute l’inquiétude qu’il éprouvait pour elle mais avait la ferme intention de rester auprès de lui, qu’elle aille en retenue ou pas. Sa détermination à cet instant la surprit elle-même, n’ayant pas pensé en temps normal pouvoir être aussi téméraire dans ce genre de situation. Mais ces pensées furent de courte durée, la chatte de Rusard la ramenant soudain à la réalité par un de ses affreux miaulements, tandis que la bête s’approchait d’elle. Lucretia ferma à nouveau les yeux: c’était fini. Lorsqu’elle les rouvrit, elle ne fut pas surprise de voir Rusard face à elle, ayant lâché Tony pour enfin s’intéresser à son cas. Tandis qu'elle reculait lentement, les yeux gris-bleu de la Poufsouffle entreprirent alors de faire des aller et venues entre le concierge et Tony encore contre le mur, une idée risquée mais tentante se faisant peu à peu une place dans son esprit au milieu de la panique.

Sans y réfléchir plus longtemps, car le concierge commençait à s’approcher dangereusement de la jeune fille, celle-ci se précipita dans un élan de courage qu’elle n’aurait jamais soupçonné de sa part vers le brun aux yeux bleus qui la regardait toujours d’un air inquiet, esquivant Rusard en passant sur le côté, et l’entraîna par la main dans la profondeur du premier couloir qui s’offrait à eux.

Elle essaya à partir de ce moment de ne plus penser à rien, ni à Rusard qui les poursuivait de près en les insultant ouvertement, ni à la retenue qu’ils écoperaient tous les deux si l’immonde personnage les rattrapait, elle essayait juste de se concentrer sur l’idée de courir le plus vite possible, sa main fermement resserré autour de celle de Tony…
Les couloirs s’enchaînaient, les volées de marche défilaient sous leurs pas, réveillant de temps à autre les portraits accrochés aux murs dans une série de protestations qu’ils n’avaient même pas le temps d’entendre tellement leur but était fixe : rejoindre leur salle commune le plus vite possible. Peu à peu, les pas précipités de Rusard derrière eux se firent de plus en plus lointains, mais les Poufsouffles poursuivaient leur course effrénée, Lucretia ayant bientôt du mal à suivre Tony qui courait beaucoup plus vite qu’elle, l’entraînant par la main…
Ils parvinrent bientôt dans le hall d’entrée, d’où ils pouvaient entendre les cris de Rusard bien au dessus d’eux, à au moins cinq ou six escaliers de distance… Les Poufsouffles ralentirent alors et prirent le couloir en descente qui les menèrent bientôt jusqu’à l’entrée de leur salle commune. Lucretia, essoufflée, s’arrêta et regarda Tony avec un sourire satisfait.

-Il y a juste à espérer qu’il n’a pas retenu nos têtes… Elle rit avant de poursuivre, la respiration encore haletante : On va avoir des ennuis sinon…

Elle se dressa sur la pointe des pieds pour l’embrasser, loin de se douter que leurs mésaventures n’étaient pas tout à fait terminées…

-Aïe !! Sale chat !

Lucretia sentit des griffes acérées s’enfoncer dans sa cheville et ouvrit de grands yeux en constatant que Miss Teigne avait été plus rapide qu’eux: en effet, devant le portrait gardant l’accès à la salle commune de Poufsouffle brillaient dans l’obscurité deux yeux jaunes en amande, contenant la même expression sadique que ceux du maître de l’animal.
La première idée qui traversa l’esprit de la jeune fille fut de donner un coup de pied à la bête pour l’écarter de son chemin, mais si elle s’était découvert ce soir un côté téméraire insoupçonné, il ne semblait pas être dans son caractère d’être capable de brutaliser un animal, aussi laid et malfaisant qu’il soit. Elle se contenta de jeter un regard de braise à l’animal, hésitant toujours à agir… Finalement, elle reprit la main de Tony, prononça distinctement le mot de passe au portrait sans faire attention aux remontrances de celui-ci et se précipita à l’intérieur en faisant en sorte de bloquer le passage à la bête en la retenant de son autre main jusqu’à ce que l’accès se referme…

La chaleur et le calme de la salle commune envahirent alors soudain la jeune fille, qui pouvait ressentir à présent la fatigue, les battements précipités de son cœur et les griffures de Miss Teigne qui lui lancinaient le bras. Reprenant lentement ses esprits ainsi que son souffle, elle releva la tête vers Tony et lui sourit avec un soulagement mêlé d’appréhension, se demandant après tout si sa réaction avait été la bonne…

Tony et Lucretia déboulèrent dans la salle commune et, bien essouflé, le jaune et noir marqua une pause de quelques secondes avant de dire en rigolant:

"Eh ben! On lui a échappé de justesse... je ne sais pas si ta décision était la meilleure mais en tout cas on s'en est débarassé pour un moment. Ou tout du moins jusqu'à ce qu'il aille voir Chourave et qu'il lui raconte notre petite escapade", acheva t-il en sentant son sourire s'effacer peu à peu.

Tony posa alors ses deux mains sur chacune des épaules de Lucretia et lui caressa les bras tout en continuant avec un ton plus que jamais débordant d'amour:

"J'ai passé avec toi une soirée merveil..." C'est alors que sa princesse gémit et grimaça légèrement, comme si une douleur passagère s'était emparé d'elle. Instinctivement, Tony demanda avec inquiétude: "Qu'est-ce que tu as?" C'est alors qu'en la regardant, il vit quatre taillades sur sa manche gauche, ce qui laissait entrapercevoir une peau tachetée de sang. Après lui avoir retroussé délicatement, il regarda la plaie quand elle partaga avec lui la raison de sa blessure...

...

"...Quand tu vois la tête de ce chat, je me dis qu'il y a peu de chance pour qu'il soit parfaitement sain. C'est hors de question que je te laisse comme ça!"

C'est alors que le jeune Poufsouffle lui indiqua un des sièges de la salle commune:

"Assis toi là et ne bouge pas! Je te promet que je serai revenu dans moins d'un quart d'heure."

Tony lui déposa un baiser au creux du cou et quitta la salle commune, plus vide et plus fraîche que jamais, les flammes de la cheminée ayant laissé place à un brasier orangé peu réconfortant.
Courant comme un dératé vers l'infirmerie, il gravit les marches trois par trois sans même faire attention à l'éventualité que Rusard pouvait se trouver à n'importe quel virage. Au bout de cinq minutes, il arriva face à l'infirmerie et marqua difficilement son arrêt après un long dérapage sur le carellage en damier du couloir.

Tony poussa alors la porte de l'infirmerie, mais, comme il s'en doutait, celle-ci était vérouillée ce qui obligea le jaune et noir à sortir une seconde fois sa baguette:

"Alohomora!"

La porte s'ouvrit à la volée et, s'avançant dans la lourde obscurité de la pièce, il se souvint d'un sort qu'il venait tout juste d'apprendre:

"Lumos!" Rien ne se passa et le visage de Tony se creusa à l'idée de devoir cherche à l'aveuglette ce dont il avait besoin. Il n'avait pas de temps à perdre et c'est ainsi qu'il ferma les yeux et se concentra quelques instants avant de prononcer très disctinctement:

"LUMOS!" Cette fois, une lueur aveuglante se dégagea de sa baguette avant de s'atténuer peu à peu jusqu'à laisser une petite émanation lumineuse à son extrêmité. Bien évidemment, le sort n'avait pas été réalisé à la perfection mais il ferait amplement l'affaire.

Quelques minutes plus tard, Tony sortit de l'infirmerie, glissa l'onguent et les cotons dans sa poche puis acheva le sort de lumière sans aucune difficulté:

"Nox!"

C'est alors qu'il se remit à courir après avoir taper un burn sous les protestations justifiées d'un certain nombre de tableaux réveillés par la lumière qui s'émana intensément de l'infirmerie pendant un bref instant...

...Manquant à plusieurs reprises de dévaller les escaliers sur le dos, le jaune et noir fut enfin de retour auprès de sa belle Lucretia. Heureux de ne pas avoir fait de mauvaises rencontres, il s'approcha lentement du siège qui accueillait sa princesse, lorsqu'il la vit dormir paisiblement.

Il décida alors de lui offrir un réveil digne de la "Belle au bois dormant" avec un long baiser avant de s'accroupir devant elle et lui dire tout bas:

"J'ai ce qu'il faut!" Tony lui pris doucement le bras et continua: "Ca ne devrait pas piquer, c'est juste une sorte de baume."

Le jaune et noir commenca donc à lui masser tendrement le bras tout en recouvrant délicatement sa plaie de l'onguent salvateur...

Ainsi s’achevait donc la soirée la plus mouvementée et la plus chargée en émotions que Lucretia avait connu de toute sa vie. Elle voulut en faire part à Tony, mais elle ne trouvait pas ses mots lorsque leurs yeux clairs se rencontraient, et elle essayait, à défaut de paroles, de lui transmettre toute la force de ses sentiments par le regard profond qu'ils échangeaient… Tony lui parla alors de sa voix grave et envoûtante, commençant à lui faire part de quelque chose qu’elle ressentait également… La présence des entailles profondes sur son bras gauche la surprit alors, s'élançant jusqu'à son épaule dans un sursaut de douleur qui s'estompa cependant quelques secondes plus tard. Son prince charmant dut s’en apercevoir car il s’interrompit pour lui demander ce qu’il lui arrivait.

- Oh rien, c’est ce chat… Quand je l’ai retenu dehors pour entrer ici… articula-t-elle d’une voix fatiguée, avec un sourire qui se voulait rassurant.

Mais Tony paraissait alerté, et lui indiqua d’aller s’asseoir dans un fauteuil le temps qu’il revienne… qu’il revienne d’où ? Lucretia voulut protester, cette blessure n’était pas si grave que ça, mais le Jaune et Noir avait déjà fait volte face vers la sortie de la salle commune…

- Tony arrête c’est de la folie ! chuchota-t-elle le plus fort qu’elle put, par souci de ne pas réveiller les occupants du dortoir. Rusard t’attend sûrement au-delà de cette porte, re…

Mais la pièce se referma brutalement derrière lui, laissant la jeune fille en pleine anxiété. Les jambes engourdies et la respiration toujours saccadée, elle alla cependant se laisser tomber dans le fauteuil le plus proche, et resta ainsi les yeux fixés sur les timides flammes qui survivaient tant bien que mal dans le foyer de la cheminée en pierre. Ses pensées divaguèrent un instant, mais elle se forçait à ne pas fermer les yeux, sa fatigue se mêlant à son inquiétude au sujet de Tony qui parcourait en ce moment les couloirs, seul…

**Je vais quand même pas m’endormir… Il ne faut pas… Il est peut-être en danger…**

Malgré ces idées qui lui donnaient froid dans le dos, Lucretia était à présent incapable de bouger un petit doigt, c’était à peine si elle relevait la tête lorsqu’un craquement se faisait entendre au plafond de temps à autre, elle qui était habituellement toujours sur ses gardes lorsqu’elle était seule…
Finalement, ses yeux se fermèrent instinctivement, comme pour mieux revoir dans son esprit les moments magnifiques qu’elle avait vécu devant cet étrange Miroir, qui avait fini par refléter la stricte réalité… Un léger sourire se dessina sur son visage lorsqu’elle pensa aussi à leur course à travers les couloirs froids du château, main dans la main, comme si rien autour d’eux ne comptait à part rester ensemble coûte que coûte… Vu son état de fatigue, elle ne s’attarda pas sur les conséquences de leur acte, ou plutôt de son acte, mais elle savait que le moment viendrait de s’en préoccuper, bien plus tôt qu’elle ne le désirerait. Sa respiration se fit de plus en plus lente, ses songes se troublèrent rapidement, et elle ne savait pas si dix minutes, deux heures ou une nuit entière s’était déroulée quand le plus merveilleux baiser qui lui ait été offert la réveilla doucement, ouvrant les yeux sur un visage d'ange…

- Où… où es tu allé ? J’ai eu peur… Tu as pris des risques énormes… Tu as croisé quelqu’un ? Ca fait longtemps que tu es parti ? Je… euh… tu ne m’en veux pas de m’être endormie au moins ?

Lucretia était partagée entre la panique post-réveil-où-on-ne-sait-pas-où-on-est-ni-combien-de-temps-on-a-dormi-ni-avec-qui et l’apaisement de voir revenir Tony auprès d’elle. Elle l’observa alors étaler un étrange baume sur ses griffures, qui, en les voyant à la lumière, étaient plus profondes qu’elle ne les avait imaginé. Un large sourire se dessina sur son visage fatigué, devant tant d’attention de la part de celui qu’elle connaissait peu mais qu’elle aimait déjà…

- Je te remercie… Je ne sais pas si c’est grave mais en tout cas ça soulage la douleur j’ai l’impression…

Elle l’observa encore quelques instants, impressionnée par la minutie de ses gestes, son application à prendre soin d’elle.

-Je te remercie pour ça et pour… la soirée qu’on a passé ensemble. La plus belle soirée de ma vie en fait...

Malgré l'épuisement qui oppressait de plus en plus chaque partie de son corps, les battements de son cœur ainsi que la couleur écarlate que prenait ses joues lorsqu’elle lui avouait ainsi des sentiments quels qu’ils soient répondaient toujours aussi fidèlement.
Elle ferma de nouveau les yeux mais cette fois dans l’intention de demeurer éveillée, bercée par le crépitement du feu mourrant et par les mains de Tony qui semblaient effacer d’elles-mêmes toute la douleur d’une blessure, avec une douceur offrant des vertus bien plus magiques que celles de la médecine…

Tony massa durant une dizaine de minutes le bras de sa belle Lucretia, alors qu'un long silence s'était installé entre eux. Une forte odeur d'eucalyptus avait maintenant envahi la pièce et le jeune Poufsouffle sentait l'agréable regard de Lucretia posé sur lui. De temps à autres, il plongeait brièvement ses yeux dans les siens comme à la recherche d'un petit "je ne sais quoi"!

Visiblement extenuée par cette longue et éprouvante soirée, la tête de son "ange jaune" semblait parfois basculer de fatigue et Tony sentait que le moment était venu de mettre fin à cette magnifique journée.

"J'ai fini mon coeur! Demain tu ne sentiras plus rien..."

Il était évident que si cette plaie n'avait pas été soignée, Lucretia aurait eu beaucoup plus mal les jours d'après et on ne sait ce que lui aurait refilé l'affreux squelette gris à quatre pattes. Tony sentait alors que son devoir avait été rempli et un infime sentiment de fierté rodait à l'intérieur de lui. Sentant toutefois la fatigue monter de plus en plus en lui, le moment été malheureusement venu de quitter sa dulcinée.

"Je voulais te dire que j'ai passé une merveilleuse soirée! Sûrement la plus belle de ma vie...", dit'il en lui caressant toujours le bras "...mais je crois qu'il est tant de monter se coucher, tout ceci m'a un peu épuisé... et toi aussi visiblement!", acheva t'il en souriant.

Prenant sa douce et tendre par la main, il traversèrent la salle commune en direction des dortoirs. Au moment de se séparer, Tony lui déposa un baiser au creux de cou avant de déposer ses lèvres sur les siennes. Ils se lachèrent fianlement les mains lorsque leurs bras furent à la limite de l'écartelement et, en rejoignant son dortoir, Tony regarda une ultime fois derrière lui, comme pour dire au revoir à ce fabuleux moment...